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07/02/2022 | FRANCE | N°20/008831

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 07 février 2022, 20/008831


VS/RLG

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 23 DU SEPT FEVRIER DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No : No RG 20/00883 - No Portalis DBV7-V-B7E-DIJA

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 17 novembre 2020 - Section Activités Diverses -

APPELANT

Monsieur [C] [W]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représenté par Maître Marie-Michelle HILDEBERT de la SCP NAEJUS-HILDEBERT (Toque 108), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numÃ

©ro 2021/000166 du 21/01/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE)

INTIMÉS

Maître [H...

VS/RLG

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 23 DU SEPT FEVRIER DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No : No RG 20/00883 - No Portalis DBV7-V-B7E-DIJA

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 17 novembre 2020 - Section Activités Diverses -

APPELANT

Monsieur [C] [W]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représenté par Maître Marie-Michelle HILDEBERT de la SCP NAEJUS-HILDEBERT (Toque 108), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/000166 du 21/01/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE)

INTIMÉS

Maître [H] [X] ès qualité de « Mandataire liquidateur » de la « SOCIETE MB SECURITE INCENDIE »
[Adresse 1]
[Localité 3]/ GUADELOUPE
Non Représentée

AGS CGEA DE [Localité 4]
[Adresse 6]
[Localité 4]/MARTINIQUE
Représentée par Maître Frédéric FANFANT de la SELARL EXCELEGIS (Toque 67), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 6 décembre 2021, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,
Mme Gaëlle Buseine, conseillère,
Mme Annabelle Clédat, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 7 février 2022

GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier principal.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [C] [W] a été embauché en qualité d'agent de sécurité par la SARL MB Sécurité Incendie (MBSI) lorsqu'elle était titulaire du marché du contrôle des accès routiers, de la protection et de la sécurité des Urgences au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de [Localité 7].

Ce marché a été attribué à compter du 1er janvier 2016 à la société Kobra sécurité pour une durée de deux ans, mais cette dernière n'a pas intégré M. [W] dans ses effectifs malgré la décision de l'inspectrice du travail autorisant son transfert, M. [W] étant un salarié protégé.

Le 1er février 2016, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Pointe à Pitre dans sa formation en référé afin que soit ordonné le transfert de son contrat de travail et par conséquent sa réintégration au sein de la société Kobra sécurité. Par ordonnance du 21 mars 2016, ledit conseil a dit n'y avoir lieu à référé. M. [W] a interjeté appel de cette décision le 30 mars 2016.

En parallèle, M. [C] [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre au fond le 28 avril 2016, afin d'obtenir la condamnation de la société Kobra sécurité à lui payer des dommages et intérêts pour refus de transfert de son contrat de travail et un rappel de salaire depuis janvier 2016.

Par jugement du 18 janvier 2017, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a rejeté les demandes au motif que le contrat de travail de M. [W] n'avait pas été transféré à la société Kobra sécurité. Cette décision n'a fait l'objet d'aucun recours.

Sur requête du 14 décembre 2016, la formation de référé du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a condamné la SARL MBSI, par ordonnance du 13 février 2017, à verser à M. [W] la somme de 15 394,65 euros au titre d'une reconnaissance de dette mais a débouté ce dernier du surplus de ses demandes.

Par arrêt du 20 mars 2017, la cour d'appel de Basse-Terre a infirmé l'ordonnance de référé du 21 mars 2016, ordonné la réintégration sous astreinte de 150 par jour de retard de M. [W] au sein de la société Kobra sécurité, condamné la société Kobra sécurité à payer à M. [C] [W] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, déclaré irrecevable la demande de dommages-intérêtset mis les dépens à la charge de la société Kobra sécurité .

Par arrêt du 6 mars 2019, la Cour de cassation a cassé et annulé cette décision, sauf en ce qu'elle déclarait irrecevable la demande de dommages-intérêts de M. [C] [W] en raison de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre du 13 février 2017, et a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de réintégration.

Le 13 juillet 2018, le Tribunal Mixte de Commerce de Pointe-à-Pitre a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL MBSI et désigné Me [H] [X] ès-qualités de mandataire judiciaire.

Suivant requête du 4 avril 2019, M. [C] [W] a attrait Me [X], ès-qualités mandataire liquidateur de la société MBSI, et l'UNEDIC, Délégation AGS CGEA de [Localité 4] devant le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre afin d'obtenir le paiement de diverses sommes en lien avec l'exécution et la rupture de son contrat travail.

Par jugement du 17 novembre 2020, la formation de départage du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a débouté M. [C] [W] de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Par déclaration du 25 novembre 2020 M. [C] [W] a interjeté appel de ce jugement.

Me [H] [X], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société MBSI, n'a pas constitué avocat.

Les autres parties ont conclu et l'ordonnance de clôture est intervenue le 14 octobre 2021.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 octobre 2021 et signifiées à Me [H] [X], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société MBSI, le 4 mars 2021, M. [C] [W] demande à la cour d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 15 septembre 2020 en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau, de :
A titre principal,
- Prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail
- Dire et juger que la résiliation judiciaire ainsi prononcée produit les effets d'un licenciement nul
En conséquence,
A titre principal,
- Fixer la date de la résiliation judiciaire à la date du prononcé de l'arrêt à intervenir.
- Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société MB Sécurité Incendie les sommes suivantes :
* 259.816,69 euros à titre de rappel de salaire, outre 25.981,66 euros de congés payés afférents de février 2016 à février 2021, et à parfaire jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir.
* 21.296,45 euros au titre des primes de fin d'année de 2016 à 2020, à parfaire jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir.
* 127.781,70 euros à titre d'indemnité pour violation de statut protecteur.
* 12.777,87 euros d'indemnité compensatrice de préavis outre 1.277,78 euros de congés payés afférents.
* 60.473,46 euros d'indemnité de licenciement
* 85.185,80 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul.
- Ordonner à Me [X] d'établir et de lui remettre les bulletins de salaire afférents dans le sens de l'arrêt à intervenir.
A titre subsidiaire,
- Fixer la date de la résiliation judiciaire à la date du 29 janvier 2016.
- Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société MB Sécurité Incendie les sommes suivantes :
* 127.781,70 euros à titre d'indemnité pour violation de statut protecteur.
* 12.777,87 euros d'indemnité compensatrice de préavis outre 1.277,78 euros de congés payés afférents.
* 49.501,85 euros d'indemnité de licenciement
* 76.669,02 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul.
En tout état de cause,
- Ordonner à Me [X] d'établir et de remettre à M. [W] ses documents de fin de contrat à savoir attestation Pôle emploi, certificat de travail et solde de tout compte sans le sens de l'arrêt à intervenir.
A titre subsidiaire,
- Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société MB Sécurité Incendie les sommes suivantes :
* 127.778,70 euros à titre de rappel de salaire entre le 30 janvier 2016 et le 1er août 2018, outre 12.777,87 euros de congés payés afférents.
* 127.781,70 euros à titre d'indemnité spécifique pour violation du statut protecteur
* 12.777,87 euros d'indemnité compensatrice de préavis outre 1.277,78 euros de congés payés afférents.
* 55.074,05 euros d'indemnité de licenciement
* 83.058,10 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul
- Ordonner à Me [X] d'établir et de lui remettre les bulletins de salaire afférents dans le sens de l'arrêt à intervenir.
- Ordonner à Me [X] d'établir et de lui remettre ses documents de fin de contrat à savoir attestation Pôle emploi, certificat de travail et solde de tout compte dans le sens de l'arrêt à intervenir.
En tout état de cause,
- Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société MB Sécurité Incendie la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
- Déclarer le jugement à intervenir commun et opposable à l'AGS CGEA de [Localité 4].

M. [C] [W] expose, en substance, que :
- la cessation d'activité ou l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire n'entraîne pas la rupture du contrat de travail ;
- partant, son contrat de travail qui n'a pas été transféré à la société Kobra sécurité d'une part, et qui n'a pas été rompu par la société MS Sécurité Incendie d'autre part, est toujours en cours ;
- il est donc en droit de demander le paiement de ses salaires ainsi que la résiliation de son contrat de travail du fait des agissements gravement fautifs de la SARL MB Sécurité Incendie, concernant le non-paiement des salaires, l'absence de transmission fautive à l'entreprise entrante des éléments nécessaires à la reprise de son contrat de travail et le non-paiement des primes de fin d'année ;
- la rupture ne pourra qu'être fixée à la date du prononcé de la décision à intervenir ; l'AGS CGEA ne peut pas prétendre que le contrat a été rompu le 29 janvier 2016 alors même qu'elle indique dans ses écritures avoir remis les documents de fin de contrat le 1er août 2018 ;
- la résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement nul dès lors qu'il était un salarié protégé ;
- il s'est retrouvé du jour au lendemain sans emploi du seul fait des manquements fautifs de la SARL MB Sécurité Incendie ; si elle avait rempli ses obligations d'entreprise sortante, il aurait pu poursuivre normalement son contrat de travail ;
- l'indemnité pour violation du statut protecteur est également due au salarié protégé qui obtient la résiliation judiciaire de son contrat de travail ;
- cette indemnité correspond au montant des salaires et avantages directs et indirects que le salarié aurait perçus, avant précompte des cotisations sociales et contributions de toute nature à la charge du salarié ; elle présente un caractère forfaitaire, peu important le préjudice subi par le salarié (s'il est désormais à la retraite, s'il perçoit des allocations de chômage, s'il a retrouvé un autre emploi, etc.), il a droit au montant des salaires qu'il aurait dû percevoir jusqu'à l'expiration de la période de protection ;
- l'article 8 de l'annexe V de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité rappelle qu'en cas de rupture du contrat de travail après deux ans d'ancienneté, le préavis est d'une durée de 3 mois ;
- contrairement à ce que soutient l'intimée, le montant de son dernier salaire n'était pas de 2.982,17 euros mais de 4.259,29 euros et celui de son salaire mensuel moyen brut sur l'année 2015 n'était pas de 2 982,17 euros brut mais de 6479,30 euros ;
- subsidiairement, si par impossible, la juridiction de céans estimait comme le prétend Me [X] que son contrat de travail a été rompu de fait, il conviendra de retenir comme date de rupture, celle de l'envoi des documents de fin de contrat ;
- cette rupture s'analyse en un licenciement intervenu en dehors de toute procédure (convocation entretien préalable, entretien préalable et notification d'une lettre de licenciement) mais surtout en violation du statut protecteur ;
- or un licenciement prononcé sans autorisation de l'inspection du travail est nul en vertu de l'article L 2422-1 du code du travail.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 mai 2021, l'UNEDIC, Délégation AGS CGEA de [Localité 4] demande à la cour de :
- PRENDRE ACTE qu'elle a d'ores et déjà versé à M. [W] la somme totale de 15 394, 65 euros suite à l'ordonnance de référé du 13 février 2017 du conseil de prud'hommes de Pointe à Pitre
- CONSTATER que la relation de travail entre M. [W] et la société MB Sécurité Incendie a été rompue au 29 janvier 2016
En conséquence,
- FIXER la date de résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [W] au 29 janvier 2016
- FIXER le salaire moyen de M. [W] à la somme de 5 251,11 euros bruts
- DEBOUTER M. [W] de l'ensemble de ses demandes de rappel de salaire et de prime suivant la date du 1er février 2016, date à laquelle ont été rompues les relations de travail
- DIRE et JUGER que l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ne peuvent excéder la somme de 5 964,34 euros (soit 2 mois de salaire) et la somme de 596,43 euros
- DIRE ET JUGER que l'indemnité légale de licenciement ne saurait être supérieure à la somme de 37 487,49 euros
- DIRE ET JUGER que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne saurait excéder la somme de 15 753, 33 euros, soit 3 mois de salaire.
- DEBOUTER M. [W] de sa demande de dommages et intérêts comme n'étant justifiée ni dans son principe, ni dans son quantum
- DEBOUTER en conséquence M. [W] du surplus de ses demandes.
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
- DIRE ET JUGER que sont notamment exclus de sa garantie :
o Les charges sociales patronales et les charges sociales qui ne seraient pas d'origine légale ou conventionnelle imposée par la loi,
oLes frais divers de gestion et d'équipement des entreprises avancés par les salariés (achat de petit matériel, de fournitures divers etc...),
oLes créances des dirigeants et mandataires sociaux,
oLes créances résultant de l'exécution des décisions de Justice et non du contrat de travail (article 700, les frais de justice, astreinte, dommages et intérêts pour résistance abusive, etc...),
oLes créances résultant d'une action dirigée contre l'employeur et non de l'exécution du contrat de travail (cotisations retraite, mutuelle, diverses prestations sociales reversées par l'employeur),
oEn l'absence de liquidation judiciaire les salaires et accessoires de salaires nés après la date de jugement prononçant le redressement judiciaire (art, L3253-8-1er alinéa du code du travail),
oLes indemnités de rupture des salariés licenciés hors des différentes périodes légales de garantie (art. L3253-8-2ème du code du travail),
oEn cas de liquidation judiciaire, les salaires et accessoires de salaires de poursuite d'exploitation dépassant la limite de garantie fixée en durée et en montant à 1,5 mois des salaires habituels bruts et à 3 fois le plafond mensuel de la Sécurité Sociale (art. L3253-8-5ème et D3253-2 du Code du Travail),
oLes créances dépassant, par salarié, toutes créances confondues le montant général des avances fixé aux articles L3253-17 et D3253-5 du code du travail,
- DIRE ET JUGER que sa garantie est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D 3253-5 du code du travail, le plafond de garantie applicable en l'espèce étant le plafond 6,
- DIRE ET JUGER qu"elle ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L3253-6 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et suivants et L 3253-17 du code du travail,
- DIRE ET JUGER que son obligation de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.
- STATUER ce que de droit quant aux frais d'instance et l'article 700 du Code de procédure civile sans qu'ils puissent être mis à sa charge.

L'UNEDIC, Délégation AGS CGEA de [Localité 4] expose, en substance, que :
- elle a déjà payé à M. [C] [W], suite à l'ordonnance de référé du conseil de prud'hommes de Pointe à Pitre du 13 février 2017, la somme totale de 15 394, 65 euros se détaillant comme suit :
* Primes de panier, transport et habillage du 01/12/2016 au 29/01/2016
* Prime de fin d'année du 31/12/2015
* Salaire du 01/01/2016 au 29/01/2016
* Congés payés du 01/06/2014 au 29/01/2016
- par ailleurs, M. [C] [W] est inscrit dès le 17 septembre 2016 à Pôle Emploi et a bénéficié d'une indemnisation jusqu'au 16 septembre 2019 ;
- dans le cas où le salarié n'est plus à la disposition de l'employeur lors de la demande de résiliation judiciaire, la Cour de cassation précise que « la date de la rupture du contrat ne peut pas être celle du jour du jugement, mais celle du jour où la relation de travail a cessé » ;
- par courrier du 8 avril 2019 Me [X] atteste que la société MB Sécurité Incendie a cessé toute activité depuis le 31 décembre 2015, suite à la perte de son unique marché ;
- la cessation d'activité de la société MB Sécurité Incendie et l'arrêt effectif du contrat de travail de M. [W] auprès de cette dernière, ont plusieurs fois été constatés et rappelés par l'ensemble des décisions judiciaires prises dans cette affaire ;
- ainsi il est patent que la relation salariale entre la société MB Sécurité Incendie et M. [W] a été interrompue le 29 janvier 2016 ;
- en conséquence, M. [W] ne peut qu'être débouté de ses demandes de rappel de salaire, de congés payés, et de prime de fin d'année ;
- l'ancienneté de M. [C] [W] était de 25 ans et 5 mois à la fin de son contrat ;
- en tout état de cause, les indemnités dues à M. [C] [W] ne sauraient excéder les sommes suivantes :
*indemnité compensatrice de préavis : 5 964,34 euros bruts, outre 596,43 euros bruts à titre de congés payés afférents.
*indemnité de licenciement : 37 487,49 euros
* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 15 753,33 euros
- la demande de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur n'est justifiée ni dans son principe ni dans son quantum.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I / Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

A / S'agissant du bien fondé de la demande de résiliation judiciaire

Le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en démontrant que l'employeur est à l'origine de manquements d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Si la résiliation est prononcée, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse voire ceux d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur lorsqu'elle concerne un salarié protégé.

En l'espèce, M. [C] [W] reproche à la société MBSI, l'absence fautive de transmission à l'entreprise entrante des éléments nécessaires à la reprise de son contrat de travail,
l'absence de procédure de licenciement le concernant, le non-paiement de ses salaires et primes de fin d'année à compter du 1er février 2016.

Par jugement du 18 janvier 2017, aujourd'hui définitif, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a relevé que la société Kobra sécurité s'était vainement acharnée à écrire à la société MBSI pour lui rappeler les termes des articles 2.3.1 et 2.3.3 de la convention collective concernant les entreprises de prévention et de sécurité et réclamer les documents et informations obligatoires pour l'effectivité du transfert des contrats de ses salariés, dont M. [C] [W] ; qu'en raison des manquements de la société MBSI, le contrat de travail de M. [C] [W] a n'a pas été transféré.

Par ailleurs, il est constant que ni la société MBSI, ni son mandataire liquidateur à compter de l'ouverture de la procédure collective, n'ont engagé de procédure en vue du licenciement économique de M. [C] [W] alors même que par lettre du 8 avril 2019 Me [H] [X], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société MBSI, reconnaissait que la société n'avait plus d'activité depuis décembre 2015.

Il s'ensuit que les deux premiers griefs invoqués par M. [C] [W] à l'appui de sa demande de résiliation sont bien fondés.

Ces griefs présentent une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifier, en conséquence, le prononcé de la résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.

B / S'agissant de la date de prise d'effet de la résiliation judiciaire

Il est de jurisprudence constante que la résiliation judiciaire produit effet au jour où le juge la prononce, à la double condition que le contrat de travail n'ait pas été interrompu entre-temps et que le salarié soit toujours au service de son employeur. Peu importe que la rupture n'ait pas été formalisée : si les parties ont cessé leur collaboration au moment où la résiliation judiciaire est prononcée, il y a lieu de faire remonter les effets de la résiliation judiciaire à la date où la collaboration a cessé.

En l'espèce, la date de cessation de la relation de travail sera fixée au 29 janvier 2016 au vu des éléments suivants :
- M. [C] [W] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 14 janvier 2016 afin de voir ordonner le transfert de son contrat de travail à la société Kobra et sa réintégration au sein de cette dernière ; il exposait alors être privé d'emploi, reconnaissant ainsi qu'il ne travaillait plus pour la société MBSI ;
- M. [C] [W] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 23 janvier 2017, limitant sa demande de rappel de salaire à la société MBSI, au salaire du mois de janvier 2016 ;
- lors de sa déclaration de créance au passif de la société MBSI le 18 mai 2018, M. [C] [W] a également limité sa demande de rappel de salaire à la société MBSI, au salaire du mois de janvier 2016 ;
- les documents de fin de contrat que Me [H] [X], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société MBSI, a remis à M. [C] [W] par courrier du 1er août 2018 fixent la fin du contrat de travail au 29 janvier 2016 ;
- il n'est pas contesté que la société MBSI a cessé toute activité en décembre 2015, suite à la perte du seul marché dont elle était titulaire ;
- l'UNEDIC, Délégation AGS CGEA de [Localité 4] affirme, sans être contredite sur ce point, que M. [C] [W] s'est affilié à Pôle emploi dès 2016.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de faire remonter les effets de la résiliation judiciaire au 29 janvier 2016.

C / S'agissant des effets de la résiliation du contrat

Il convient ici de vérifier si M. [C] [W] bénéficiait de la qualité de salarié protégé à la date de la rupture du contrat de travail, soit au 29 janvier 2016.

Il est établi au dossier que le 31 décembre 2015 le gérant de la société MBSI a sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de transférer le contrat de travail de M. [C] [W] "bénéficiaire d'une protection légale du fait de sa qualité de délégué du personnel et de délégué syndical".

M. [C] [W] produit, en outre, un document du 20 février 2021 émanant du secrétaire général de Force Ouvière Sécurité Guadeloupe, dont il ressort qu'il a été élu en qualité de délégué du personnel au sein de la société MBSI le 7 octobre 2014.

En vertu des anciens articles L 2314-26, L 2411-1 et L 2411-2 du code du travail, M. [C] [W] bénéficiait donc de la qualité de salarié protégé durant 5 ans, soit jusqu'au 7 octobre 2019.

Il s'en déduit que la résiliation du contrat de travail de M. [C] [W] aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement nul.

D / S'agissant des conséquences financières de la résiliation judiciaire

Le salarié est en droit de bénéficier d'une indemnité compensatrice de préavis si celle-ci ne lui a pas déjà été versée, d'une indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, si celle-ci n'a pas déjà été versée, de dommages intérêts pour licenciement nul et d'une indemnité pour violation du statut protecteur.

* Sur l'indemnité compensatrice de préavis

L'article L. 1234-1 du code du travail dispose que « Lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :
1o s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de service continu inférieure à six mois, à un préavis dont la durée fixée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;
2o s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de service continu compris entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;
3o s'il justifie chez le même employeur d'une ancienne de service continu d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.
Toutefois les dispositions des 2o et 3o ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis, une condition d'ancienneté de service plus favorable pour le salarié. ».

L'article 8 de l'annexe V de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité stipule qu'en cas de rupture du contrat de travail après deux ans d'ancienneté, le préavis est d'une durée de 3 mois.

Il convient d'allouer à M. [C] [W], qui comptait à la date de la rupture de son contrat une ancienneté de 25 ans et 5 mois, la somme de 12.777,87 euros (4259,29 x 3) à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1.277,78 euros au titre des congés payés afférents.

* Sur l'indemnité légale de licenciement

En application de l'article L. 1234-9 du code du travail, dans sa version applicable, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement calculée en fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail.

L'article R. 1234-2 du même code, dans sa version applicable, précise que l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à 10 ans, auquel s'ajoute un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de 10 ans.

Selon l'article R1234-4 du même code : « Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
1o Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ;
2o Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion. ».

En l'espèce, au vu des bulletins de salaire versés aux débats par M. [W], il y a lieu de retenir un salaire moyen sur 12 mois de 6.479,30 euros

Il convient d'allouer à M. [C] [W], qui comptait à la date de la rupture de son contrat une ancienneté de 25 ans et 8 mois incluant le préavis, une somme de 50 034,59 euros au titre de l'indemnité de licenciement [(6479,30 x 10 x 1/4) + (6479,30 x 15 x 1/3) + (6479,30 /12 x 8 x 1/3)]

* Sur les dommages intérêts pour licenciement nul

L'article L 1235-3-2 du code du travail dispose que « Lorsque la rupture du contrat de travail est prononcée par le juge aux torts de l'employeur ou fait suite à une demande du salarié dans le cadre de la procédure mentionnée à l'article L 1451-1, le montant de l'indemnité octroyée est déterminé selon les règles fixées à l'article L 1235-3, sauf lorsque cette rupture produit les effets d'un licenciement nul afférent aux cas mentionnés au 1o à 6o de l'article L 1235-3-1, pour lesquels il est fait application du premier alinéa du même article L 1235-3-1 ».

Contrairement à ce qu'il soutient, M. [C] [W] ne peut bénéficier des dispositions de l'article L 1235-3-1, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la rupture de son contrat de travail serait liée à l'exercice de son mandat de délégué du personnel.

En application de l'article L 1235-3 du code du travail, compte tenu de l'ancienneté du salarié de 25 ans et 8 mois, incluant la durée du préavis, de son âge au moment de la rupture de son contrat de travail (51 ans), de son salaire brut mensuel et de l'absence de justification de sa situation après le 16 septembre 2019 (fin d'indemnisation Pôle emploi selon l'UNEDIC, Délégation AGS CGEA de [Localité 4]), il y a lieu de faire droit à la demande à hauteur de 64 793 euros (soit 10 mois de salaire).

* Sur l'indemnité pour violation du statut protecteur

La résiliation judiciaire ouvre le droit, au profit du salarié protégé, au paiement d'une indemnité pour violation du statut protecteur, égale à la rémunération qu'il aurait dû percevoir jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours au jour de la rupture du contrat de travail, laquelle inclut la période de protection instituée par le législateur à l'issue du mandat, dans la limite de 30 mois.

Il sera ainsi alloué à M. [C] [W] la somme de 127 781,70 euros (4259,39 euros x 30 mois) à titre d'indemnité pour violation de son statut de salarié protégé.

II / Sur la demande de rappel de salaires concernant la période postérieure au 1er février 2016

La relation de travail ayant pris fin au 29 janvier 2016 ainsi qu'il a été démontré plus haut, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [C] [W] de ses demandes de rappel de salaire, de congés payés, et de prime de fin d'année.

III / Sur la remise des documents de fin de contrat et de bulletins de salaire

M. [C] [W] a déjà reçu ses documents de fin de contrat.

Il convient toutefois de rectifier l'attestation destinée à Pôle emploi.

Me [H] [X], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société MBSI, devra, en outre, remettre à l'appelant un bulletin récapitulatif des sommes versées en exécution du présent arrêt.

IV / Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

M. [C] [W] ne justifiant pas de frais que ne couvrirait pas l'aide juridictionnelle totale qui lui a été accordée, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre en date du 17 novembre 2020 en ce qu'il a débouté M. [C] [W] de ses demandes de rappel de salaire, de congés payés, et de prime de fin d'année ;

Infirme ce jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail conclu entre M. [C] [W] et la société MBSI, à effet du 29 janvier 2016 ;

Dit que la résiliation judiciaire ainsi prononcée produit les effets d'un licenciement nul ;

Fixe la créance de M. [C] [W] au passif de la liquidation de la société MBSI comme suit :
- indemnité compensatrice de préavis : 12.777,87 euros outre 1.277,78 euros au titre des congés payés afférents.
- indemnité de licenciement : 50 034,59 euros
- indemnité pour licenciement nul : 64 793 euros
- indemnité pour violation du statut de salarié protégé : 127 781,70 euros

Dit que Me [H] [X], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société MBSI,
devra remettre à M. [C] [W] une attestation rectifiée destinée à Pôle emploi ainsi qu'un bulletin récapitulatif des sommes versées en exécution du présent arrêt ;

Rappelle que la garantie de l'UNEDIC, Délégation AGS CGEA de [Localité 4] est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D 3253-5 du code du travail, le plafond de garantie applicable en l'espèce étant le plafond 6 et que l'obligation de l'UNEDIC, Délégation AGS CGEA de Fort-de-France de faire l'avance de la somme à laquelle sera évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement ;

Dit que les dépens entreront en frais privilégiés de la liquidation de la société MBSI ;

Rejette le surplus des demandes plus amples ou contraires.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 20/008831
Date de la décision : 07/02/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2022-02-07;20.008831 ?
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