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07/02/2022 | FRANCE | N°20/003071

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 07 février 2022, 20/003071


VS/GB

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 21 DU SEPT FEVRIER DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No : No RG 20/00307 - No Portalis DBV7-V-B7E-DG2E

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 30 janvier 2020 - Section Commerce -

APPELANTE

Madame [G], [T] [R]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Maître Myriam MASSENGO LACAVE (Toque 73), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

S.A.S. LE VANCLIFF
[Adresse 4]
[Localité 3]/ FRANCE
Représe

ntée par Maître Claudel DELUMEAU de la SELARL JUDEXIS (Toque 44), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION ...

VS/GB

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 21 DU SEPT FEVRIER DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No : No RG 20/00307 - No Portalis DBV7-V-B7E-DG2E

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 30 janvier 2020 - Section Commerce -

APPELANTE

Madame [G], [T] [R]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Maître Myriam MASSENGO LACAVE (Toque 73), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

S.A.S. LE VANCLIFF
[Adresse 4]
[Localité 3]/ FRANCE
Représentée par Maître Claudel DELUMEAU de la SELARL JUDEXIS (Toque 44), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 6 décembre 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,
Mme Gaëlle Buseine, conseillère,
Mme Annabelle Clédat, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 7 février 2022

GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier principal.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier , à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

******

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme [R] a été embauchée par la SAS Le Vancliff par contrat à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2017 en qualité de chef de cuisine.

Par lettre du 12 novembre 2018, l'employeur convoquait Mme [R] à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé le 20 novembre 2018.

Par lettre du 28 novembre 2018, l'employeur notifiait à Mme [R] son licenciement pour trouble objectif caractérisé.

Mme [R] saisissait le 7 février 2019 le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins d'obtenir le versement de diverses sommes liées à l'exécution et la rupture de son contrat de travail.

Par jugement rendu contradictoirement le 30 janvier 2020, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :
- reçu Mme [R] [G] [T] en ses demandes et les a déclarées bien fondées,
- condamné la SAS Le Vancliff, en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [R] [G] [T] les sommes suivantes :
* 642,90 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
* 5156,32 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 515,63 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
* 2578,16 euros au titre de l'indemnité pour licenciement abusif,
- dit que les rémunérations et indemnités mentionnées à l'article R. 1454-14 du code du travail, dans la limite de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des 3 derniers mois de salaire sont de droit exécutoires en application de l'article R. 1454-28 du code du travail, la moyenne des 3 derniers mois de salaire s'élevant à 2578,16 euros,
- condamné la SAS Le Vancliff, en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [R] [G] [T] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné à la SAS Le Vancliff, en la personne de son représentant légal, de remettre à Mme [R] [G] [T] sa dernière fiche de salaire, son attestation Pôle Emploi et son solde de tout compte rectifiés, le tout sous astreinte de 30,00 euros par jour de retard allant sur une période de 40 jours à compter de la notification de la décision,
- débouté la SAS Le Vancliff de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SAS Le Vancliff aux entiers dépens.

Selon déclaration d'appel reçue au greffe de la cour le 19 mars 2020, Mme [R] formait appel dudit jugement, qui lui était notifié le 21 février 2020.

Par ordonnance du 14 octobre 2021, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction et renvoyé la cause à l'audience du lundi 6 décembre à 14 heures 30.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 octobre 2021 à la SAS Le Vancliff, Mme [R] demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
* condamné la SAS Le Vancliff, en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [R] [G] [T] les sommes suivantes :
. 642,90 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
. 5156,32 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* ordonné à la SAS Le Vancliff, en la personne de son représentant légal, de remettre à Mme [R] [G] [T] sa dernière fiche de salaire, son attestation Pôle Emploi et son solde de tout compte rectifiés, le tout sous astreinte de 30,00 euros par jour de retard allant sur une période de 40 jours à compter de la notification de la décision,
* condamné la SAS Le Vancliff, en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [R] [G] [T] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* débouté la SAS Le Vancliff de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné la SAS Le Vancliff aux entiers dépens.
Et jugeant à nouveau :
- condamner la SAS Le Vancliff à lui verser les sommes suivantes :
* 24962 euros bruts à titre de rappel de salaire conventionnel, ainsi que 2496,20 euros de congés payés afférents,
* 817,35 euros bruts à titre de rappel d'avantage nourriture, ainsi que 81,73 euros de congés payés afférents,
* 5155,17 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, ainsi que 515,51 euros de congés payés afférents,
- juger le licenciement nul pour discrimination en raison de sa maternité,
Et à ce titre,
- condamner la SAS Le Vancliff à lui verser une indemnité spéciale de 50076,48 euros,
- donner acte du refus de la SAS Le Vancliff de la réintégrer et ainsi condamner la société à lui verser les salaires dus depuis le 1er mars 2018 au prononcé de l'arrêt selon salaire conventionnel HCR, statut cadre, niveau V échelon 3 s'élevant à 4173,04 euros bruts par mois pour 169 heures par mois,
Subsidiairement,
- juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la SAS Le Vancliff à lui régler la somme de 8346,08 euros bruts à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause,
- condamner la SAS Le Vancliff à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour violation de l'obligation de protection de la santé morale et physique des travailleurs de 50076,48 euros,
- condamner la SAS Le Vancliff à la remise des documents de fin de contrat rectifiés,
- condamner la SAS Le Vancliff à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SAS Le Vancliff aux dépens,
- débouter la SAS Le Vancliff de ses demandes, fins et conclusions pour le surplus.

Mme [R] soutient que :
- l'employeur n'a pas respecté les dispositions contractuelles et conventionnelles relatives au salaire qui doit être versé pour son statut de cadre,
- elle n'a pas bénéficié du versement des avantages en nature dus,
- son licenciement est nul en raison de la discrimination liée à sa maternité,
- à titre subsidiaire, son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, dès lors que les griefs ne sont pas matériellement vérifiables et qu'aucune visite de reprise n'a été organisée,
- elle est fondée à solliciter des dommages et intérêts pour le préjudice résultant de la violation de l'obligation de sécurité et de résultat en matière de protection de sa santé,
- ses demandes indemnitaires sont justifiées.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique à Mme [R] le 25 septembre 2020, la SAS Le Vancliff demande à la cour de :
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de Mme [R] [G],
- rejeter comme infondée la demande de rappel de salaire de Mme [R] [G],
- dire infondée la condamnation à verser une indemnité légale de licenciement à Mme [R] [G] par le jugement déféré, au titre de l'appel incident de l'intimée,
A titre principal :
- rejeter les demandes d'indemnité compensatrice de congés payés formée par Mme [R] [G] en ce qu'elles sont infondées car d'ores et déjà satisfaites au regard du reçu pour solde de tout compte qu'elle a elle-même signé,
A titre subsidiaire :
- fixer le montant de l'indemnité compensatrice de congés payés que Le Vancliff versera à Mme [R] [G] à la somme de 1412,86 euros,
En tout état de cause :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il condamne la SAS Le Vancliff à verser à Mme [R] [G] la somme de 5156,32 euros au titre d'un prétendu droit à indemnité de préavis en ce que cette condamnation est infondée,
- infirmer en conséquence la condamnation à verser la somme de 515,63 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
A titre principal :
- dire le licenciement de Mme [R] [G] fondé sur une cause réelle et sérieuse,
- rejeter la demande d'indemnité pour licenciement abusif formulée par Mme [R] [G] au visa de l'article L. 1265-1 du code du travail,
- dire irrecevable la prétention tirée du remboursement des avantages nourriture retenus comme étant une prétention nouvelle levée en cause d'appel,
En conséquence,
- infirmer la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'elle condamne la société à verser à Mme [R] [G] la somme de 2578,16 euros au titre de l'indemnité pour licenciement abusif,
A titre subsidiaire :
- fixer le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, s'il devait être reconnu, à la somme de 1103,80 euros bruts,
- rejeter la demande de remboursement des avantages nourriture retenus en ce que le droit revendiqué n'est ni prouvé en fait ni fondé en droit,
En toutes hypothèses :
- rejeter la demande de dommages et intérêts formulée par Mme [R] [G] motifs tirés d'une prétendue discrimination,
- rejeter les demandes de dommages et intérêts formulées par Mme [R] [G] pour non-respect de l'obligation de sécurité,
- rejeter la demande formulée par Mme [R] [G] au titre de la délivrance sous astreinte de documents qu'elle a déjà en sa possession,
- condamner Mme [R] [G] à payer à la société la somme de 6000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure re civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La SAS Le Vancliff expose que :
- Mme [R] ne peut prétendre à une rémunération d'un cadre de niveau V 3ème échelon de la classification prévue par la convention collective applicable,
- la demande de rappel d'avantage nourriture est nouvelle et non étayée dans les écritures de Mme [R],
- elle a d'ores et déjà perçu une indemnité compensatrice de congés payés,
- la demande de versement de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de l'employeur est également infondée,
- la salariée ne justifie pas les faits de discrimination dont elle se prévaut,
- le licenciement de la salariée est justifié par un état de démotivation qui se traduisait par des troubles objectifs dans le fonctionnement global du restaurant.

MOTIFS :

Sur le rappel de salaire et les congés payés y afférents :

La qualification professionnelle d'un salarié et sa classification dépendent des fonctions qu'il exerce réellement.

En l'espèce, l'article 1er du contrat de travail de Mme [R] mentionne son embauche en qualité de Chef de cuisine à compter du 1er septembre 2017.
Ses fonctions, prévues par l'article 3 sont les suivantes :
- Diriger l'équipe de cuisine en place et coordonner le travail de l'ensemble du personnel en poste.
- Suivre et contrôler la mise en place du service et le bon déroulement de celui-ci dans le respect des règles d'hygiène et de qualité établies par l'établissement.
- Création et renouvellement des cartes et menus.
- Gestion des achats, des stocks et des inventaires.
- Analyse et gestion des coûts (maîtrise des ratios, fiches techniques....).

L'article 5 de ce même contrat de travail de la salariée prévoit une rémunération fixée à "1700 euros nette, pour 186h00 de travail par mois et classifié cadre".

Il résulte des éléments repris ci-dessus que Mme [R] a été recrutée sur un poste de cadre. L'employeur ne peut valablement arguer d'un niveau inférieur dès lors que les termes du contrat de travail sont clairs. Il ne peut davantage se prévaloir du défaut de niveau bac +3 de l'intéressée, alors que la convention collective applicable prévoit son acquisition soit par voie scolaire, soit par une expérience confirmée.

Toutefois, s'il appert que Mme [R] devait bénéficier d'une classification au niveau cadre, il n'est pas établi qu'elle relevait du troisième échelon, soit le plus élevé, en l'absence de justification des fonctions réellement exercées.

Sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de la méconnaissance du salaire contractuel, il convient de faire droit à la demande de Mme [R] en appliquant le taux horaire correspondant au 1er échelon du statut de cadre, soit 13,16 euros bruts et de recalculer l'inclusion des heures supplémentaires.
Le calcul s'établit comme suit : (2514,43 euros x 16 mois) - (2207,60 euros x 16 mois) = 4909,28 euros bruts.

Il convient d'infirmer le jugement sur ce point et d'accorder à Mme [R] une somme de 4909,23 euros bruts à titre de rappel de salaire conventionnel du 1er septembre 2017 au 31 décembre 2018 et celle de 490,92 euros à titre de congés payés y afférents dès lors qu'il n'est pas établi que ceux-ci aient été versés à la salariée.

Sur le rappel d'avantage nourriture :

Aux termes de l'article 566 du code de procédure civile, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Dès lors que l'avantage nourriture constitue un accessoire du salaire, l'employeur devra être débouté de sa fin de non recevoir, la demande de la salariée ne pouvant s'analyser comme étant une demande nouvelle.

Il ressort de l'examen des fiches de paie de la salariée que les avantages repas MG (minimum garanti) ont été déduits chaque mois de sa fiche de paie, sans que l'employeur s'explique sur ce point. Celui-ci ne peut davantage se prévaloir du défaut de dénonciation par la salariée du reçu pour solde de tout compte, alors que les pièces de la procédure mettent en évidence une convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes le 26 mars 2019, à laquelle il était représenté et qui vaut dénonciation dudit reçu dans le délai de six mois.

Il convient d'accorder à Mme [R] la somme de 817,35 euros à ce titre et celle de 81,73 euros au titre des congés payés y afférents dès lors qu'il n'est pas établi que ceux-ci aient été versés à la salariée.

Sur le licenciement :

En ce qui concerne la nullité du licenciement :

Aux termes de l'article L. 1225-1 du code du travail, l'employeur ne doit pas prendre en considération l'état de grossesse d'une femme pour refuser de l'embaucher, pour rompre son contrat de travail au cours d'une période d'essai ou, sous réserve d'une affectation temporaire réalisée dans le cadre des dispositions des articles L. 1225-7, L. 1225-9 et L. 1225-12, pour prononcer une mutation d'emploi.
Il lui est en conséquence interdit de rechercher ou de faire rechercher toutes informations concernant l'état de grossesse de l'intéressée.

Selon l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi no 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Aux termes de l'article L. 1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en méconnaissance des dispositions du chapitre II, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l'espèce, Mme [R], qui a été placée en congé maternité du 17 avril 2018 au 6 août 2018, précise que son licenciement, intervenu peu de temps à l'issue de la période de protection arrivée à terme le 15 octobre 2018, présente un lien avec sa grossesse.

La cour relève, d'une part, que le licenciement de la salariée est intervenu plus d'un mois après la fin de la période de protection et, d'autre part, que les éléments invoqués dans ses écritures relatifs à la planification de la rupture de son contrat, durant ladite période, ne sont pas corroborés par des pièces versées aux débats.

A défaut de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il convient de débouter Mme [R] de sa demande de nullité du licenciement, de celle relative au versement de l'indemnité spéciale, de sa demande tendant à donner acte au refus de réintégration de l'employeur et à celle relative au versement des salaires.

En ce qui concerne le bien-fondé du licenciement :

L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige. Les motifs avancés doivent être précis et matériellement vérifiables, des motifs imprécis équivalant à une absence de motif. Le licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c'est-à-dire être fondé sur des faits exacts, précis, objectifs et revêtant une certaine gravité.

En cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 28 novembre 2018, qui fixe les limites du litige, précise : "Permettez-nous de revenir vers vous suite à l'entretien préalable du 20 Novembre 2018 tenu au restaurant LE VANCLIFF.
Nous avons bien entendu vos explications, cependant nous avons décidé de procéder à votre licenciement.
Cette décision a été prise au regard du trouble objectif caractérisé au bon fonctionnement de l'entreprise causé par votre démotivation à occuper la fonction de chef au sein du restaurant LE VANCLIFF.
Lors de l'entretien préalable outre le fait de vous avoir écouté nous vous avons rappelé vos propos tenus lors d'une réunion de l'ensemble de l'équipe du Vancliff à savoir vous en qualité de chef, votre second, l'apprenti et le personnel de salle, vous avez exposé avoir perdu toute motivation depuis votre retour de grossesse.
Cette démotivation s'est traduite et nous vous l'avons indiqué à la fois par une baisse de qualité évidente des plats servis aux clients (nous avons eu des retours clients négatifs sur ce point), mais aussi par l'installation d'un relationnel impossible à la fois entre la salle et la cuisine et également avec moi en qualité de Président du Vancliff.
Vous avez à cet égard pour bien manifester votre désengagement du VANCLIFF procédé à votre retrait du groupe professionnel WHATSAPP de l'entreprise qui constitue un levier fondamental permettant la fluidité et la rapidité de l'information au sein de l'équipe.
Votre retrait n'a d'ailleurs pas été compris par le reste du personnel surtout au regard de votre rang de chef de cuisine. Il est dès lors devenu compliqué de communiquer avec vous sur les prestations que nous devons proposer aux différents groupes qui réservent le VANCLIFF sachant qu'il s'agit là de notre activité majeure permettant la survie de la structure.
Aussi cette perte de confiance, cette démotivation que vous nous avez exposée, cette diminution de qualité par intermittence en fonction de votre volonté, votre désengagement sont autant de troubles objectifs caractérisés qui affectent le bon fonctionnement de l'entreprise.
La date de présentation de cette lettre marque également le point de départ de votre préavis d'1 mois en application de votre contrat et de la convention collective HCR Hôtel Café."

Pour justifier le licenciement de la salariée, l'employeur invoque dans ses écritures le défaut de renouvellement régulier de la carte, les défaillance dans l'approvisionnement, l'apparition de dissensions entre les collaborateurs, les délais inadaptés de préparation des repas, pour lesquels la cour constate toutefois l'absence de pièces versées aux débats alors que la salariée en conteste la réalité. Si l'employeur produit plusieurs courriels de clients manifestant leur satisfaction à la suite du changement de chef , ceux-ci ne permettent pas de pallier l'absence de pièces relatives aux griefs reprochés à la salariée.
La cour observe que le défaut de motivation invoqué dans la lettre de licenciement ne ressort pas davantage des pièces du dossier et que le retrait de la salariée du groupe Whatsapp, à le supposer professionnel, n'est pas de nature à justifier à lui seul son licenciement.

Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré du licenciement en période de suspension du contrat de travail à défaut de visite médicale de reprise, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [R] était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En ce qui concerne les conséquences financières du licenciement :

Quant à l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents :

En application des articles L.1234-1 et L.1234-5 du code du travail, ainsi que de l'article 30.2 de la convention collective des hôtels, cafés, restaurant applicable, Mme [R] qui comptait une ancienneté de 1 an et trois mois, avait droit à une indemnité compensatrice équivalente à trois mois de salaire.

Dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que l'employeur lui a versé une somme équivalente à un mois de salaire, Mme [R] est fondée à solliciter le versement de deux mois restant dus, soit celle de 5028,86 euros et celle de 502,88 euros au titre des congés payés y afférents dès lors qu'il n'est pas établi que ceux-ci aient été versés à la salariée.

Le jugement est réformé sur ces points.

Quant à l'indemnité de licenciement :

Compte tenu des articles L.1234-9, R.1234-2 et R.1234-4 du code du travail, Mme [R], qui comptait une ancienneté de une année et six mois, incluant le préavis, est fondée à solliciter le versement d'une indemnité de licenciement d'un montant de 642,90 euros, les dispositions de l'article 32 de la convention collective applicable étant moins favorables.

Quant à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, et compte tenu du fait que l'entreprise employait moins de 11 salariés, de l'ancienneté de la salariée d'une année et six mois, de son salaire mensuel, de son âge à la date de la rupture du contrat de travail (40 ans), de la justification de sa situation de recherche d'emploi jusqu'au 29 février 2020, il convient d'accorder à Mme [R] une somme de 4000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est réformé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts pour préjudice subi :

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Selon l'article R. 4624-31 du même code, le travailleur bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail :1o Après un congé de maternité.

L'existence d'un préjudice et l'évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond.

S'il n'est pas établi que l'employeur ait organisé la visite de reprise de la salariée conformément aux dispositions précitées, celle-ci ne justifie toutefois pas du préjudice subi par la seule production d'un certificat médical en date du 3 décembre 2018 attestant de son état dépressif à la suite de l'annonce de son licenciement.

Par suite, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande présentée à ce titre.

Sur les autres demandes :

Mme [R] ne sollicitant plus le versement de dommages et intérêts pour discrimination, il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande en cause d'appel.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné à la SAS Le Vancliff de remettre à Mme [R] sa dernière fiche de salaire, son attestation Pôle Emploi et son solde de tout compte rectifiés, sans qu'il soit besoin de prononcer une astreinte.

Comme il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [R] les frais irrépétibles qu'elle a exposés, il convient de lui allouer la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de celle allouée par les premiers juges.

Par voie de conséquence, la SAS Le Vancliff devra être déboutée de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens seront à la charge de la SAS Le Vancliff.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Déboute la SAS Le Vancliff de sa fin de non recevoir afférente à la demande de versement d'un avantage nourriture,

Confirme le jugement rendu le 30 janvier 2020 par le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre entre Mme [R] [G] [T] et la SAS Le Vancliff, sauf en ce qu'il a :
- condamné la SAS Le Vancliff à verser à Mme [R] [G] [T] les sommes suivantes :
* 5156,32 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 515,63 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
* 2578,16 euros au titre de l'indemnité pour licenciement abusif,
- prononcé une astreinte relative à la remise des documents de fin de contrat,
- débouté Mme [R] [G] [T] de ses demandes de rappels de salaire et de congés payés y afférents,

Statuant à nouveau,

Condamne la SAS Le Vancliff à verser à Mme [R] [G] [T] les sommes suivantes :
- 4909,23 euros bruts à titre de rappel de salaire conventionnel du 1er septembre 2017 au 31 décembre 2018,
- 490,92 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire,
- 5028,86 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 502,88 euros au titre des congés payés afférents au préavis,
- 4000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Y ajoutant,
Déboute Mme [R] [G] [T] de sa demande de nullité du licenciement et de celles subséquentes,

Condamne la SAS Le Vancliff à verser à Mme [R] [G] [T] les sommes suivantes :
- 817,35 euros à titre de rappel d'avantage nourriture,
- 81,73 euros au titre des congés payés afférents au rappel de l'avantage nourriture,

Condamne la SAS Le Vancliff à verser à Mme [R] [G] [T] une somme de 1000 euros au titre de l'article 700 en cause d'appel,

Déboute la SAS Le Vancliff de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la SAS Le Vancliff aux entiers dépens.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 20/003071
Date de la décision : 07/02/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2022-02-07;20.003071 ?
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