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07/02/2022 | FRANCE | N°20/001991

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 07 février 2022, 20/001991


VS/RLG

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 20 DU SEPT FEVRIER DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No : No RG 20/00199 - No Portalis DBV7-V-B7E-DGRC

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 12 décembre 2019 - Section Commerce -

APPELANT

Monsieur [E] [X]
Le Tuff
Cousinière
[Localité 2]
Représenté par Maître Laurent HATCHI (Toque 44), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

SAS NICOLLIN ANTILLES en la personne de son représentant légal
[Ad

resse 5]
[Localité 1]
Représentée par Maître Sandra DIVIALLE-GELAS (Toque 56), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART...

VS/RLG

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 20 DU SEPT FEVRIER DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No : No RG 20/00199 - No Portalis DBV7-V-B7E-DGRC

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 12 décembre 2019 - Section Commerce -

APPELANT

Monsieur [E] [X]
Le Tuff
Cousinière
[Localité 2]
Représenté par Maître Laurent HATCHI (Toque 44), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

SAS NICOLLIN ANTILLES en la personne de son représentant légal
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Maître Sandra DIVIALLE-GELAS (Toque 56), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 6 décembre 2021, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,
Mme Gaëlle Buseine, conseillère,
Mme Annabelle Clédat, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 7 février 2022

GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier principal.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du code de procédure civile. Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [E] [X] a été embauché par la Société Nicollin Antilles suivant contrat à durée indéterminée le 1er janvier 1992 en qualité de chauffeur de poids lourds.

Il exerçait en dernier lieu les fonctions de surveillant 2ème degré, qualification d'agent de maîtrise.

M. [E] [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Basse-Terre le 23 octobre 2018 afin de voir constater qu'il était victime de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique et de son employeur, enjoindre à la société Nicollin Antilles de prendre toutes mesures nécessaires pour mettre un terme à ce harcèlement, condamner la société Nicollin Antilles à lui payer la somme de 25 000 € à titre de dommages-intérêts et la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 12 décembre 2019, le conseil de prud'hommes de Basse-Terre a :
DIT que M. [E] [X] n'a pas fait l'objet de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique ni de son employeur
CONSTATÉ que les demandes de M. [E] [X] sont dépourvues de tout fondement
DÉBOUTÉ M. [E] [X] de l'ensemble de ses demandes
DÉBOUTÉ la Société Nicollin Antilles de sa demande de condamnation au paiement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 18 février 2020 M. [E] [X] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 21 janvier 2020.

Les parties ont conclu et l'ordonnance de clôture est intervenue le 14 octobre 2021.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 mai 2021, M. [E] [X] demande à la cour de :
- Réformer le jugement dont appel et, statuant à nouveau de :
- JUGER que les faits dénoncés relèvent du harcèlement moral, et qu'il a été victime de faits de harcèlement moral
- CONDAMNER la SAS Nicollin à lui payer une indemnité de 25000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de ce harcèlement moral
- JUGER que sa décision de partir en pré-retraite s'analyse en un licenciement nul en raison du harcèlement moral qu'il a subi
- CONDAMNER la SAS Nicollin à lui payer les sommes suivantes :
o Au titre de l'indemnité de préavis, 7 060 euros plus 706 euros au titre des congés payés sur préavis
o Au titre des dommages-intérêts pour licenciement nul : 150 000 euros
- CONDAMNER la SAS Nicollin Antilles à lui payer le reliquat de participation dû après calcul par la société Nicollin Antilles.
- CONDAMNER la SAS Nicollin à lui payer une indemnité de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [E] [X] expose, en substance, que :
- M. [B], entré dans la société en 2003 et qui exerçait jusqu'alors les mêmes fonctions que lui, a pris les fonctions de Responsable d'exploitation en septembre 2013, devenant ainsi son supérieur hiérarchique direct ; à partir de ce moment, ses conditions de travail se sont considérablement détériorées
- à plusieurs reprises, il a averti son employeur d'une situation de harcèlement moral, évoquant des reproches injustifiés et des propos humiliants en présence des autres salariés ;
- le 7 avril 2017, le CHST a annoncé une enquête interne sur les risques psycho sociaux et une enquête sur les faits de harcèlement qu'il avait dénoncés mais aucun rapport d'enquête n'est communiquée aux débats par l'employeur : soit elles n'ont pas été diligentées, soit leurs conclusions vont à l'encontre des intérêts de la société ;
- ses conditions de travail ont entraîné des arrêts de travail et nécessité un suivi médical et psychologique ;
- épuisé par 5 années de harcèlement, il a été contraint de partir en pré-retraite en août 2020 ;
- compte-tenu de l'évolution du litige depuis le jugement de première instance, la cour sera amenée également à statuer sur une demande nouvelle et recevable : juger que sa retraite anticipée provoquée par les actes de harcèlement équivaut à un licenciement nul, ouvrant droit à indemnisation ;
- par ailleurs, il vient d'avoir connaissance d'un accord d'établissement conclu le 28 octobre 2020 entre la société et le délégué syndical, aux termes duquel la participation due aux salariés après régularisation de la dette de la CASGC devra intervenir avant le 31 mai 2021 ;
- cette régularisation concerne des exercices pendant lesquels il était salarié.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 juillet 2021, la société Nicollin Antilles demande à la cour de :
CONFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 12 décembre 2019 en ce qu'il a débouté M. [X] de l'intégralité de ses demandes
Statuant sur les demandes nouvelles formulées en cause d'appel,
à titre principal :
DÉCLARER le départ en retraite de M. [X] comme étant non-équivoque,
Par conséquent,
DÉBOUTER M. [X] de sa demande de paiement de 150.000 euros de dommages et intérêts au titre d'un licenciement nul,
A titre subsidiaire, si la cour était amenée à considérer que le départ en retraite de M. [X] s'analyse en une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement nul,
DÉBOUTER M. [X] de sa demande de paiement de 150.000 euros de dommages et intérêts au titre d'un licenciement nul,
FIXER les dommages et intérêts au titre d'un licenciement nul à 21.180 euros.
En tout état de cause,
DÉBOUTER M. [X] de sa demande de paiement de 7.060 euros bruts d'indemnité compensatrice de préavis, outre 706,00 euros bruts relatifs aux congés payés afférents,
DÉBOUTER M. [X] de sa demande de paiement d'un reliquat de participation,
DÉBOUTER M. [X] de sa demande de paiement de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTER M. [X] de sa demande de condamnation aux entiers dépens,
A titre incident,
CONDAMNER M. [E] [X] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Nicollin Antilles expose, en substance, que :
- M. [E] [X] est défaillant à établir l'existence de faits laissant supposer l'existence d'une situation de harcèlement moral ;
- l'ensemble des certificats médicaux produits par M. [E] [X] ne peuvent permettre de démontrer l'existence d'un lien entre ses conditions de travail et son état de santé ;
- le médecin du travail n'a pas estimé que les conditions de travail de M. [X] lui étaient préjudiciables puisqu'il l'a systématiquement déclaré apte sans aucune réserve ;
- lorsque M. [X] a informé son employeur de faits susceptibles selon lui de caractériser une situation de harcèlement, ce dernier a immédiatement pris les mesures nécessaires afin d'éclaircir la situation et, le cas échéant, faire cesser toute situation de harcèlement ;
- le 1er février 2020 M. [X] a sollicité son départ volontaire à la retraite, après le respect d'un préavis de 6 mois ; cette demande ne fait nullement référence à l'existence d'une situation de harcèlement, ou à un état de santé prétendument dégradé et n'a été accompagnée d'aucun reproche à l'égard de son employeur ;
- le départ à la retraite de M. [X] est donc non-équivoque ; c'est simplement dans le cadre de ses dernières écritures d'appelant, en date du 9 février 2021, que M. [X] a sollicité que sa demande de départ en retraite s'analyse en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur produisant les effets d'un licenciement nul ;
- un départ en retraite ne peut s'analyser en une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou nul en l'espèce en raison du harcèlement moral allégué par M. [X], que si le salarié démontre que son départ en retraite était motivé par des faits d'une telle gravité qu'ils empêchaient la poursuite du contrat de travail ;
- or M. [E] [X] a notifié son départ en retraite le 1er février 2020 en indiquant une prise d'effet au 31 juillet 2020, soit un préavis de 6 mois, d'une durée bien supérieure à la durée de préavis obligatoire ;
- elle avait proposé à M. [X] une mutation au mois de juin 2018, afin que celui-ci ne soit plus en relation avec M. [B], qu'il prétend être l'auteur des faits de harcèlement allégués, mutation refusée par M. [X] ;
- M. [E] [X] est donc défaillant à démontrer l'existence de faits concomitants à son départ en retraite et suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, à l'origine de sa volonté de partir en retraite.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I / Sur le harcèlement moral

L'article L. 1152-1 du code du travail rappelle qu'« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ».

En vertu de l'article L.1154-1 du même code, il appartient au salarié d'établir la matérialité d'éléments de fait précis et concordants permettant de présumer ou, selon la version modifiée par la loi 2016-1088 du 8 août 2016, laissant supposer un harcèlement moral et à l'employeur de prouver que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

Il convient donc d'examiner l'ensemble des faits présentés par M. [E] [X] comme constitutifs de harcèlement moral.

* S'agissant du comportement de M. [N] [B], supérieur hiérarchique

M. [E] [X] affirme que M. [N] [B], son supérieur hiérarchique, s'est livré à des manoeuvres incessantes de déstabilisation à son encontre, manoeuvres passant notamment par le mépris, des actes d'intimidation physique, le dénigrement de son travail, une mise au placard, des menaces de sanctions.

M. [E] [X] produit, au soutien de ce grief, plusieurs attestations émanant de collègues de travail :

- M. [K] [S] atteste qu'il a constaté personnellement « un certain nombre de pression sur la personne de Mr [X] [E] par son responsable d'exploitation, Mr [B]. Il était très soucieux, angoissé et très affecté par les propos humiliants et insultant ».
- M. [M] [U], autre collègue atteste avoir été témoin d'« humiliations sur les compétences de travail et intellectuels (Con, Tu ne sais pas travailler) (...) « Mr [X] avait les yeux larmoyant en sortant d'un entretien avec Mr [B] (...) Mme [T] et quelques autres salariés sont au courant de celle situation qui perdure, moi-même lui ayant indiqué cet état de fait qui dure depuis pas mal de temps. »
- M. [A] atteste : « Avoir vu Mr [X] à son poste de travail (Responsable sur cite d'exploitation à [Adresse 4]) dans un état psychologique atteint, et en larme. Ceci en fin d'année 2017. Après avoir demandé ce qu'il avait. Mr [X] m'a dénoncé la mauvaise altitude de Mr [B] et ses brimades et insultes (Couillon) à son égard ».
- M. [L] [R] atteste d'un évènement particulier : « Après le contrôle de prestation le 20 09 2018 dans le bureau de M. [B], mes équipiers et moi étaient en entretien. Des propos très dur venant de cet individu soi-disant respectueux ne pouvant pas se retenir devant nous de le traiter de menteur, fainéant et surtout qu'il ne savait pas travailler. Qu'il pouvait même porter plainte s'il le voulait de manière très hautaine. »

Ces attestations sont concordantes et émanent de personnes ayant personnellement assisté aux faits relatés ; les insultes et humiliations sont clairement rapportées (« menteur », « fainéant », « couillon », « con », « ne sait pas travailler »).

Le fait que certains de leurs auteurs aient fait l'objet de procédures disciplinaires est sans incidence sur la véracité de ces attestations.

En outre, il ressort des pièces au dossier que l'employeur a laissé afficher un procès-verbal de réunion du comité d'établissement en date du 10 mars 2017 mettant en cause M. [X] dans les termes suivants : « l'ensemble des membres présents sont unanimes, M. [X] présente un comportement anormal » et Mme [T], représentant la Direction, s'engage à faire en sorte que « ces dysfonctionnements ne se reproduisent pas ».

La cour considère que cet affichage porte atteinte à la dignité de M. [E] [X], peu important qu'il soit d'usage qu'à l'issue d'une réunion le compte rendu affiché.

Il s'ensuit que le grief est fondé.

* Sur la réponse tardive à ses demandes de congés

M. [E] [X] expose que sa demande de congés déposée le 11/07/2018 pour un congé sollicité du 1/08/2018 au 30/08/2018 n'a finalement été acceptée que le 29/07/2018 pour un congé autorisé à compter du 31/07/2019 ; que le 29/07/2018 étant un dimanche, il n'a appris que le lundi 30/07 que son congé débutait le lendemain 31/07/2018.

La société Nicollin répond que M. [E] [X] a déposé sa demande tardivement et qu'elle aurait pu être légitimement refusée alors au surplus que le salarié ne disposait pas de suffisamment de jours de congés payés.

Force est cependant de constater que l'employeur ne produit pas le moindre élément susceptible d'établir que la demande aurait été tardive au regard notamment du règlement intérieur de l'entreprise.

Il s'ensuit que le grief est bien fondé.

* Sur les sanctions disproportionnées et injustifiées

M. [X] expose qu'il a été convoqué à un entretien en vue d'un licenciement parce qu'il ne se s'était pas déplacé sur le lieu d'un accrochage avec un véhicule du parc pour aider un autre salarié de l'entreprise à remplir un constat ; qu'il a finalement été sanctionné par un avertissement le 29 juin 2018.

Il ressort cependant des pièces au dossier que, par jugement du 26 septembre 2019 aujourd'hui définitif, le conseil de prud'hommes de Basse-Terre a jugé que la sanction était " justifiée dans ses circonstances et dans ses faits" et qu'elle était proportionnée.

Il s'ensuit que le grief n'est pas fondé.

Conclusion

Il découle des développements qui précèdent que le salarié établit la matérialité d'éléments de fait précis et concordants permettant de présumer ou, selon la version modifiée par la loi 2016-1088 du 8 août 2016, laissant supposer un harcèlement moral et que l'employeur ne prouve pas que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

M. [E] [X] établit par la production d'un certain nombre de documents médicaux, que les humiliations dont il a été victime ont affecté son état de santé :
- le 21 février 2017, le Dr [I] adresse M. [X] vers un confrère psychiatre en relevant que M. [X] subit un harcèlement sur son lieu de travail avec un syndrome dépressif réactionnel ++.
- le psychiatre consulté, le Dr [P], adresse elle-même le courrier suivant à un service spécialisé de souffrance au travail :« Je vois ce jour M. [X] [E], Responsable chez Nicollin. Il me décrit une situation très conflictuelle avec son supérieur. Il travaille depuis 92 dans cette entreprise. Son travail a toujours été apprécié jusqu'à un changement de service. Humilié, déprécié, insulté devant les autres selon ses dires. Je vois un monsieur désespéré, allant travailler comme il dit, avec la boule au ventre. Que peut on faire pour protéger ce salarié en grande souffrance... »- Le 10 avril 2019, le Dr [H] atteste que M. [X] suit des consultations au CMP de [Localité 3] depuis le 31/10/2018 pour un syndrome d'épuisement professionnel.
- Le 12 février 2019, le psychologue [Y] [C] certifie recevoir en consultation M. [X], suivi pour une problématique double sur son lieu de vie professionnel :
o Un harcèlement moral ayant débuté en 2015
o Un burn out contracté en 2018.
« Monsieur [X] est encore pour l'heure en plein état de fragilité psychologique...les dimensions visées concernent l'estime de soi, le stress, l'anxiété, voire la dépression. Son suivi psychologique doit se poursuivre ».
- Le Dr [I] [G] dans son courrier du 20/09/2019, présentait Mr [X] « comme étant dépressif et en BURN OUT nécessitant une prise en charge psychothérapique urgente ».

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a dit que M. [E] [X] n'a pas fait l'objet de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique.

II / Sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral

Au vu de l'ensemble des éléments du dossier, la cour fixe à 10 000 euros la somme due à M. [E] [X] à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi du fait du harcèlement moral dont il a été victime de 2015 à septembre 2018.

III / Sur la demande de requalification du départ en retraite de M. [X] en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul

Il est de jurisprudence constante que lorsque, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de son départ à la retraite, le salarié remet en cause celui-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de son départ, qu'à la date à laquelle il a été décidé, celui-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (voire nul si les manquements de l'employeur concernent un harcèlement moral) si les faits invoqués présentaient une gravité telle qu'il empêchaient la poursuite du contrat de travail.

En l'espèce, M. [E] [X] soutient que malgré plusieurs alertes, et même une saisine du conseil de prud'hommes ayant pour objet la cessation des actes de harcèlement moral, la société Nicollin n'a rien fait pour empêcher de tels actes, et qu'il n'a eu d'autre choix que de faire valoir ses droits à la retraite par courrier du 1er février 2020.

La cour relève toutefois que :
- M. [E] [X] a lui-même indiqué par courrier du 20 avril 2017 à la société Nicollin que la situation s'était améliorée grâce aux mesures qu'elle avait mises en place : « Depuis cet entretien, une distance a été mise et les conséquences sont que les rapports sont moins tendus, ce qui semble aller vers une normalisation que j'ai toujours souhaitée, ne comprenant pas ce qui m'est reproché » ;
- M. [E] [X] ne conteste pas que l'employeur lui a proposé une mutation en juin 2018, mutation qu'il a refusée ;
- le courrier de départ à la retraite de M. [E] [X] ne fait état d'aucun grief à l'encontre de la société Nicollin et qui aurait pu être à l'origine de son départ en retraite ;
- M. [E] [X] n'a jamais prétendu avant ses écritures du 9 février 2021 que son départ à la retraite serait lié au harcèlement moral qu'il avait subi de la part de M. [B] ;
- Mme [T] atteste que M. [E] [X] lui avait fait part de son souhait de partir en retraite pour voyager ;
- enfin et surtout, M. [E] [X] a notifié son départ en retraite le 1er février 2020 en indiquant une prise d'effet au 31 juillet 2020, soit un préavis de 6 mois et donc d'une durée bien supérieure à la durée de préavis obligatoire.

Il en ressort que les manquements reprochés à l'employeur n'étaient pas d'une gravité telle qu'ils empêchaient la poursuite de la relation de travail.

Il n'y a donc pas lieu de requalifier le départ en retraite en prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.

IV / Sur la demande de paiement d'un reliquat de participation

Ni la recevabilité de cette demande nouvelle compte tenu de l'évolution du litige, ni son bien fondé ne sont critiqué par l'intimée.

Il convient, en conséquence, d'y faire droit.

V / Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de condamner la société Nicollin Antilles à payer à M. [E] [X] la somme de 1500 euros pour les frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Basse-Terre le 12 décembre 2019

Statuant à nouveau,

Dit que M. [E] [X] a été victime de harcèlement moral ;

Condamne la société Nicollin Antilles à payer à M. [E] [X] la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

Y ajoutant,

Dit que la société Nicollin Antilles devra verser à M. [E] [X] le reliquat de participation stipulé par l'accord d'établissement conclu le 28 octobre 2020 entre la société et le délégué syndical, aux termes duquel la participation due aux salariés après régularisation de la dette de la CASGC devra intervenir avant le 31 mai 2021 ;

Condamne la société Nicollin Antilles à payer à M. [E] [X] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Nicollin Antilles aux dépens de première instance et d'appel ;

Rejette le surplus des demandes plus amples ou contraires.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 20/001991
Date de la décision : 07/02/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2022-02-07;20.001991 ?
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