COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
2ème CHAMBRE CIVILE
ARRÊT No 25 DU 10 JANVIER 2022
No RG 21/00539
No Portalis DBV7-V-B7F-DKGC
Décision déférée à la cour : Jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Basse-Terre, décision attaquée en date du 26 Avril 2021, enregistrée sous le no 11-20-000323
APPELANT :
Monsieur [P] [L] [D] [S]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Frederic Fanfant de la SELARL Excelegis, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
INTIME :
Monsieur [E] [K] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Estelle Szwarcbart-Hubert de la SCP Morton et Associés, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 Novembre 2021, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Corinne Desjardins, Présidente de chambre,
Mme Christine Defoy, conseillère,
Mme Annabelle Cledat,conseillère,
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 10 Janvier 2022.
GREFFIER,
Lors des débats et lors du prononcé :Mme Armélida Rayapin, Greffière.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. Signé par Mme Corinne Desjardins, Présidente de chambre et par Mme Armélida Rayapin, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Par ordonnance de référé du 13 avril 2016, signifiée le 5 juillet 2016, M.[P] [S] a été condamné à payer à [E] [Y] la somme de 10.074 euros à titre de provision sur des loyers impayés, 1 euro au titre de la clause pénale et 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
A la demande de M. [Y], le tribunal d'instance de Basse-Terre a rendu le 17 décembre 2017 un acte de saisie des rémunérations du travail à l'encontre de M. [S] à concurrence de la somme de 14.201,91 euros.
Par acte du 2 juillet 2020, M. [S] a assigné M. [Y] devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Basse-Terre afin de voir constater que l'acte de saisie n'était fondé sur aucun titre exécutoire et qu'il n'avait pas été convoqué à l'audience de conciliation.
Par jugement du 26 avril 2021, le juge de l'exécution a :
- rejeté la contestation de M. [P] [S],
- autorisé au profit de M. [E] [Y] la saisie des rémunérations du travail de M. [P] [S] à concurrence de 14.201,91 euros se décomposant comme suit :
- principal : 10.475 euros,
- frais : 676,61 euros,
- intérêts échus : 3.050,30 euros.
- rejeté les autres demandes de M. [S],
- condamné M. [S] à payer à M. [Y] la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
M. [S] a interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique le 14 mai 2021, en indiquant expressément que son appel portait sur l'ensemble des chefs de jugement, à l'exception du rejet de ses autres demandes.
La procédure a fait l'objet d'une orientation à bref délai avec fixation de l'affaire à l'audience du 15 novembre 2021.
En réponse à l'avis du 08 juin 2021 donné par le greffe, M. [S] a fait signifier la déclaration d'appel le 10 juin 2021 à M. [Y] qui a remis au greffe sa constitution d'intimé par voie électronique le 17 juin 2021.
La clôture est intervenue à l'audience du 15 novembre 2021, à laquelle l'affaire a été immédiatement évoquée. La décision a été mise en délibéré au 10 janvier 2022.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
1/ M. [P] [S], appelant :
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 08 juillet 2021 par lesquelles l'appelant demande à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré dans sa totalité,
- en conséquence, de prononcer l'annulation de la saisie de ses rémunérations,
- de condamner M. [Y] à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
2/ M. [Y], intimé :
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 30 juillet 2021 par lesquelles l'intimé demande à la cour :
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
- de condamner M. [S] à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur l'absence de titre exécutoire :
L'article R.3252-1 du code du travail dispose que le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut faire procéder à la saisie des sommes dues à titre de rémunération par un employeur à son débiteur.
M. [S] soutient, comme en première instance, que M. [Y] ne dispose d'aucun titre exécutoire puisque la signification de l'ordonnance de référé du 13 avril 2016 doit être annulée, l'huissier n'ayant pas procédé à l'ensemble des recherches prévues par l'article 659 du code de procédure civile.
Il est constant que les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire. Ce principe est posé par l'article 503 du code de procédure civile.
Par ailleurs, l'article 659 du même code dispose que lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte.
Il appartient aux juges du fond de vérifier si les diligences mentionnées au procès-verbal sont suffisantes.
En l'espèce, suivant procès-verbal du 5 juillet 2016, Maître [W] a signifié l'ordonnance de référé du 13 avril 2016 à M. [S] suivant les dispositions de l'article 659 du code de procédure civile, à l'adresse mentionnée dans cette ordonnance.
Son procès-verbal est ainsi libellé : "Certifie m'être transporté ce jour à l'adresse ci-dessus, déclarée par le requérant comme étant l'adresse de la dernière demeure connue du destinataire de l'acte, et avoir constaté qu'à ce jour, aucune personne répondant à cette identification (elle que portée dans l'acte) n'y a son domicile ou sa résidence.
Poursuivant mes recherches, je me suis adressé aux proches voisins et aux commerçants du quartier qui m'ont déclaré que l'intéressé leur était totalement inconnu. Le nom du requis ne figure ni sur les boîtes aux lettres ni sur les interphones de la résidence sécurisée où il m'est impossible de pénétrer.
Les services de la mairie, du commissariat ou de la gendarmerie n'ont pu me fournir aucune indication quant à l'adresse actuelle du destinataire de l'acte. Et les services postaux m'ont opposé le secret.
Les recherches effectuées pour retrouver le lieu de travail et la fonction exercée sont restées vaines et aucune information n'a pu être recueillie sur ce point.
Les recherches sur internet (annuaires, réseaux sociaux, moteur de recherche Google : 1ère page de résultats) n'ont donné aucun résultat non plus.
Les diligences effectuées n'ayant pas permis de retrouver le destinataire de l'acte, j'ai dressé le présent procès-verbal conformément aux dispositions de l'article 659 du C.P.C. pour servir et valoir ce que de droit".
M. [S] reproche à l'huissier de ne pas avoir apporté de précisions quant aux voisins interrogés ou à la date, l'heure et le lieu de l'interrogation des services administratifs.
Cependant, il est parfaitement constant que les mentions, dans un acte de signification, des diligences accomplies par un huissier de justice valent jusqu'à inscription de faux et que l'huissier n'était donc tenu de préciser ni l'identité des voisins interrogés, ni l'heure et le lieu de ses diligences auprès des services administratifs.
Par ailleurs, M. [S] indique qu'il "était parfaitement envisageable pour l'huissier de justice de retrouver la domiciliation de l'appelant au moment de la signification de l'ordonnance de référé".
Cependant, les diligences précises et complètes menées par l'huissier de justice n'ont permis de retrouver ni son domicile, ni son lieu de travail, l'huissier ayant également fait des recherches en ce sens.
M. [S] prétend pourtant que M. [Y] pouvait parfaitement avoir connaissance tant de l'adresse de son lieu de travail que de son adresse personnelle.
Cette affirmation sera écartée, d'une part car elle n'est étayée par aucun élément permettant de démontrer qu'il aurait signalé son changement d'adresse auprès du créancier ou d'un organisme pouvant être consulté par ce dernier, et d'autre part car les pièces produites par M. [Y] permettent au contraire de constater qu'il n'avait connaissance que de l'adresse de M. [S] mentionnée sur l'ordonnance de référé. En effet, l'huissier a demandé au conseil de M. [Y] le 5 août 2016 s'il avait connaissance d'une autre adresse car toutes les banques interrogées en juillet 2016 afin de procéder à des saisies-attribution lui avaient indiqué que M. [S] n'avait pas de comptes chez elles. Puis, en septembre 2017, le même avocat a contacté l'huissier afin de lui demander de retrouver l'adresse de M. [S].
En conséquence, l'huissier de justice ayant relaté avec précision les diligences complètes entreprises afin de signifier l'acte à M. [S], il n'y a pas lieu d'annuler cet acte de signification. Il sera au contraire constaté que M. [Y] était muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible lui permettant de mettre en oeuvre la procédure de saisie des rémunérations de M. [S].
Sur l'absence de convocation à l'audience de conciliation :
L'article R.3252-15 du code du travail dispose que le greffier convoque le débiteur à l'audience au cours de laquelle le juge doit tenter de concilier les parties.
L'article R.3252-6 précise que cette convocation doit être adressée par lettre recommandée avec avis de réception.
En l'espèce, M. [S] se contente d'affirmer qu'il n'a été destinataire d'aucune convocation à l'audience de conciliation.
Pourtant, la décision de saisie versée aux débats indique qu'il avait été régulièrement convoqué.
Par ailleurs, l'adresse mentionnée sur l'acte de saisie est identique à celle à laquelle lui a été envoyé l'avis de décision contenant une copie de l'acte de saisie, qu'il a reçu puisqu'il le produit en pièce 1 de son dossier.
Cette adresse est d'ailleurs identique à celle qu'il a déclarée pour introduire son recours devant le juge de l'exécution.
En conséquence, M. [S] échouant à remettre en cause la mention figurant sur l'acte de saisie des rémunérations, il n'y a pas lieu d'annuler cet acte ainsi qu'il le demande dans la motivation de ses conclusions.
Au contraire, à défaut de tout autre moyen de nature à remettre en cause le jugement déféré, il sera confirmé dans toutes ses dispositions contestées.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
M. [S], qui succombe à l'instance, sera condamné aux entiers dépens.
Il sera également condamné à payer à M. [Y] la somme de 2.500euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel et débouté de sa propre demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt rendu par mise à disposition au greffe,
Dans les limites de l'appel principal formé par M. [P] [S],
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions contestées,
Y ajoutant,
Condamne M. [P] [S] à payer à M. [E] [Y] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Le déboute de sa propre demande à ce titre,
Condamne M. [P] [S] aux entiers dépens de l'instance d'appel.
Et ont signé,
La Greffière La Présidente