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10/01/2022 | FRANCE | N°21/005131

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 02, 10 janvier 2022, 21/005131


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

2ème CHAMBRE CIVILE

ARRÊT No 20 DU 10 JANVIER 2022

No RG 21/00513
No Portalis DBV7-V-B7F-DKDK

Décision déférée à la cour : Jugement du juge de l'exécution du tribunal
judiciaire de Pointe-à-Pitre, décision attaquée en date du 12 Avril 2021, enregistrée sous le no 20/01498

APPELANTE :

S.C.I du Lot 19,anciennement dénommé Société Civile Immobilière du [Adresse 5]
en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 6]
[Localité 3]


Représentée par Me Frédéric Candelon-Berrueta de la SELARL Candelon-Berrueta, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BAR...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

2ème CHAMBRE CIVILE

ARRÊT No 20 DU 10 JANVIER 2022

No RG 21/00513
No Portalis DBV7-V-B7F-DKDK

Décision déférée à la cour : Jugement du juge de l'exécution du tribunal
judiciaire de Pointe-à-Pitre, décision attaquée en date du 12 Avril 2021, enregistrée sous le no 20/01498

APPELANTE :

S.C.I du Lot 19,anciennement dénommé Société Civile Immobilière du [Adresse 5]
en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 6]
[Localité 3]

Représentée par Me Frédéric Candelon-Berrueta de la SELARL Candelon-Berrueta, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIME :

Monsieur [K] [V]
[Adresse 1]
[Adresse 6]
[Localité 3]

Représenté par Me Nicolas Desiree, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Novembre 2021, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Corinne Desjardins, Présidente de chambre,
Mme Christine Defoy, conseillère,
Mme Annabelle Cledat,conseillère,

qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 10 Janvier 2022.

GREFFIER,

Lors des débats et lors du prononcé :Mme Armélida Rayapin, Greffière.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. Signé par Mme Corinne Desjardins, Présidente de chambre et par Mme Armélida Rayapin, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE
Suivant acte sous sein privé en date du 26 octobre 2004, la SCI du lotissement no19 de la zone industrielle de la pointe de Jarry a consenti un bail à M. [K] [V] portant sur des locaux situés [Adresse 1], à usage de traiteur, bar, restaurant, glacier, snack, pizzeria, moyennant un loyer mensuel de 1372, 04 euros HT, soit 1488, 66 euros TTC, réévalué annuellement selon clause d'échelle mobile.
Suite à un litige concernant le prix du loyer renouvelé, M. [K] [V] a saisi le juge des loyers commerciaux de Pointe-à-Pitre, qui, par décision du 26 juin 2014, a ordonné une expertise confiée à M. [O] et a fixé à 3300 euros HT le loyer provisionnel du bail renouvelé jusqu'à fixation du loyer renouvelé.
Suite au dépôt du rapport de l'expert, le juge des loyers commerciaux, par jugement du 23 juillet 2015, a :
-homologué le rapport de M. [O] en fixant le prix du loyer à compter du mois d'octobre 2013 à la somme de 44100 euros HT, soit à la somme mensuelle de 3675 euros HT, soit 3987, 38 euros TTC,
-condamné M. [K] [V] au paiement des intérêts de retard au taux légal sur les compléments de loyers à compter de chaque date d'exigibilité, en application de l'article 1155 du code civil, postérieurement à la demande en justice,
-ordonné leur capitalisation, dans les conditions de l'article 1154 du code civil, pour ceux correspondant à des loyers dus depuis plus d'un an,
-partagé les dépens dont le coût d'expertise entre les parties,
-ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Par ordonnance du 21 octobre 2015, le premier président de la cour d'appel de Basse-Terre a débouté M. [K] [V] de sa demande aux fins de suspension de l'exécution provisoire de la décision précitée.

Le jugement du 23 juillet 2015 a été ensuite confirmé en toutes ses dispositions par un arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre du 30 janvier 2017, qui a été signifié à M. [K] [V] le 17 février 2017, lequel a formé un pourvoi en cassation. Le 17 mai 2018, la cour de cassation a rejeté le pourvoi et a condamné M. [V] à régler à son adversaire la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

C'est dans ces conditions que la SCI du lot 19 a délivré à M. [K] [V] un commandement de payer visant la clause résolutoire en date du 4 mai 2017, en vue du règlement de la somme de 35 530, 39 euros, un commandement aux fins de saisie-vente en date du 17 mai 2017 pour le règlement des condamnations prononcées au titre de l'article 700 du code de procédure civile prononcées par ordonnance du premier président et par l'arrêt de la cour, à hauteur de 4500 euros, une saisie-attribution en date du 8 août 2017.
Suivant exploit d'huissier du 30 mai 2017, M. [K] [V] va saisir le tribunal de grande instance de Pointe à Pitre aux fins de solliciter, à titre principal, l'irrégularité du commandement de payer et sa nullité, faute d'acquisition de la clause résolutoire, et à titre subsidiaire, la suspension des effets de la clause résolutoire, ainsi que l'octroi d'un délai de 24 mois pour régler la somme de 240998, 39 euros lui incombant.
Par jugement du 20 septembre 2018, le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre a :
-condamné M. [K] [V] à verser à la SCI du lot no19 de la zone industrielle de Jarry, dite SCI lot 19 la somme de 35 330, 39 euros, selon décompte arrêté au 8 mars 2017 (loyer du mois de mars 2017 inclus),
-condamné M. [K] [V] à verser à la SCI [Adresse 4], dite SCI lot 19, la somme de 1000 euros au titre de la clause pénale,
-dit que M. [K] [V] pourra se libérer de sa dette par versements de 1513, 77 euros chacun pendant 24 mois, le dernier versement comprenant le solde de la dette et les intérêts, le 10 de chaque mois, au plus tard et pour la première fois le 10 du mois suivant la signification de la présente décision de justice, en plus du loyer courant,
-suspendu durant ces délais de paiement, les effets de la résiliation du bail,
-dit que si M. [K] [V] se libère dans le délai et selon les modalités fixées ci-dessus, la résiliation judiciaire sera considérée comme n'ayant jamais été prononcée,
-dit qu'à défaut du paiement d'une seule mensualité à son échéance ou d'un loyer courant et après mise en demeure restée sans effet pendant quinze jours :
1/ la totalité de la somme restant due redeviendra immédiatement exigible de plein droit,
2/ la résiliation judiciaire reprendra son plein effet,
3/ à défaut, l'expulsion de M. [K] [V] et de tous occupants de son chef, avec l'assistance de la force publique, sera ordonnée, dans les conditions prévues par l'article R153-1 du code des procédures civiles d'exécution
4/ M. [K] [V] sera tenu au paiement d'une indemnité d'occupation égale au loyer en cours, les charges en sus, pour chaque mois passé dans les lieux jusqu'à éviction totale,
-condamné M. [K] [V] à payer à la SCI [Adresse 4], dit SCI lot 19 la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,
-condamné M. [K] [V] aux dépens comprenant le coût du commandement de payer du 4 mai 2017 visant la clause résolutoire.

Le 14 novembre 2018, ce jugement a été signifié à M. [K] [V].

Par ailleurs, suivant assignation du 15 juin 2017, M. [V] a contesté le commandement aux fins de saisie-vente devant le juge de l'exécution du
tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre aux fins de demander le sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la cour de cassation et plus subsidiairement des délais de paiement.
Par exploit d'huissier du 8 septembre 2017, il a également saisi le juge de l'exécution aux mêmes fins, sans véritablement contester la saisie-attribution précitée.

Par jugement du 19 juin 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre a ordonné la jonction des deux instances et a débouté M. [V] de l'ensemble de ses prétentions, le condamnant à régler à la SCI du lot 19 la somme de 800 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile. Ce jugement a été signifié le 31 juillet 2018.
Le 7 septembre 2020, un commandement d'avoir à libérer les lieux pour le 30 septembre 2020 et un commandement aux fins de saisie-vente pour la somme de 53 788 euros ont été délivrés à M. [K] [V].

Par exploit d'huissier du 28 septembre 2020, M. [K] [V] a fait assigner la SCI lot 19 devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Pointe à Pitre aux fins de voir :
-à titre principal, ordonner la nullité du commandement aux fins de saisie-vente qui lui a été signifié le 7 septembre 2020,
-lui accorder des délais de paiement à l'effet de s'acquitter des sommes restant dues à la SCI du lotissement no19 de la zone industrielle de la pointe de Jarry et de suspendre les effets de la clause résolutoire sollicitée ainsi que l'expulsion sollicitée,
-à titre subsidiaire, lui accorder un délai de trois ans à compter de la signification de la décision à intervenir pour libérer les lieux,
-condamner la SCI lot no19 à lui payer la somme de 1500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
-en toutes hypothèses, condamner la SCI lot no19 à lui payer la somme de 2000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI du lot 19 a conclu pour sa part au débouté de M. [K] [V] et à sa condamnation à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens comprenant le coût des actes d'exécution.

Par jugement du 12 avril 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Pointe-à- Pitre a :
-rejeté la demande d'annulation du commandement aux fins de saisie-vente du 7 septembre 2020 formé par M. [K] [V],
-autorisé M. [K] [V] à s'acquitter de la dette qui s'élève en deniers ou quittances valables à la somme de 50 892, 38 euros au 2 décembre 2020, due à la SCI du lotissement no19 de la zone industrielle de la pointe de Jarry en 24 mensualités de 2120, 52 euros, la dernière mensualité comprenant en sus le solde, les frais et les intérêts et la première fois, le 10 du mois suivant la signification de la présente décision de justice en plus du loyer courant,
-dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à son échéance ou d'un loyer courant, l'intégralité de la somme sera due,

-rappelé que de tels délais suspendent les procédures d'exécution déjà engagées,
-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
-débouté les parties du surplus de leurs demandes,
-condamné M. [K] [V] aux dépens.

La SCI du lot no19 a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle autorisé M. [K] [V] à s'acquitter de la dette, qui s'élève en deniers ou quittances valables à la somme de 50 892, 38 euros au 2 décembre 2020, due à la SCI du lotissement no19 de la zone industrielle de la pointe de Jarry en 24 mensualités de 2120, 52 euros, la dernière mensualité comprenant en sus le solde, les frais et les intérêts et la première fois, le 10 du mois suivant la signification de la présente décision de justice, en plus du loyer courant, en ce qu'elle a rappelé que de tels délais suspendent les procédures d'exécution déjà engagées et en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Suite à la fixation de l'affaire à bref délai et à l'avis du greffe en date du 8 juin 2021, la SCI du lot no19 a fait signifier sa déclaration d'appel à l'intimé non constitué le 14 juin 2021.

Le 30 juin 2021, M. [K] [V] a régularisé sa constitution d'intimé par la voie électronique.

Les parties ayant conclu, l'affaire a été fixée et clôturée à l'audience du 15 novembre 2021 et mise en délibéré au 22 janvier 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

1/ La SCI du lot 19, appelante :

Vu les conclusions notifiées par la SCI du lot 19 de la zone industrielle de la pointe de Jarry le 2 juillet 2021, par lesquelles celle-ci demande à la cour de :
-infirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution de Pointe-à-Pitre le 21 avril 2021, en ce qu'il a autorisé M. [K] [V] à s'acquitter de la dette qui s'élève en deniers ou quittances valables à la somme de 50 892, 38 euros au 2 décembre 2020, due à la SCI du lotissement no19 de la zone industrielle de la pointe de Jarry en 24 mensualités de 2120, 52 euros, la dernière mensualité comprenant en sus le solde, les frais et les intérêts et la première fois, le 10 du mois suivant la signification de la présente décision de justice en plus du loyer courant,
-dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à son échéance ou d'un loyer courant, l'intégralité de la somme sera due, en ce qu'il a rappelé que de tels délais suspendent les procédures d'exécution déjà engagées et en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
-débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
-condamner M. [K] [V] à lui payer la somme de 5000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens.

2/ M. [K] [V], intimé :

Vu les conclusions notifiées le 27 juillet 2021, par lesquelles M. [K] [V] demande à la cour de :
-à titre principal, confirmer la décision du juge de l'exécution en ce qu'elle l'a autorisé à s'acquitter de la dette qui s'élève en deniers ou quittances valables à la somme de 50 892, 38 euros au 2 décembre 2020, due à la SCI du lotissement no19 de la zone industrielle de la pointe de Jarry en 24 mensualités de 2120, 52 euros, la dernière mensualité comprenant en sus le solde, les frais et les intérêts et la première fois, le 10 du mois suivant la signification de la présente décision de justice en plus du loyer courant, en ce qu'elle a dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à son échéance ou d'un loyer courant, l'intégralité de la somme sera due, en ce qu'elle a rappelé que de tels délais suspendent les procédures d'exécution déjà engagées, en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'elle a débouté les parties du surplus de leurs demandes et en ce qu'elle a condamné M. [K] [V] aux dépens,
-à titre subsidiaire, lui accorder un délai de trois ans à compter de la signification de la décision à intervenir pour quitter les lieux,
- en toutes hypothèses, débouter la SCI du lot 19 de toutes ses demandes,
-condamner la SCI du lot 19 à lui payer la somme de 2500 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner la SCI du lot 19 aux entiers dépens de l'instance.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens.

MOTIFS :

Sur l'octroi de délais de paiement,

L'article L145-41 du code de commerce dispose que « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet, qu'un mois après un commandement de payer demeuré infructueux. Le commandement doit à peine de nullité mentionner ce délai.
Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge ».

L'article 1343-5 du code civil dispose quant à lui que le juge peut, compte-tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années le paiement des sommes dues.

La SCI du lot 19 critique le jugement déféré qui a accordé à M. [K] [V] des délais de paiement de sa dette locative, au visa des articles susvisés, considérant que le juge de l'exécution a manifestement violé l'article L145-41 du code de commerce, applicable au cas d'espèce.

En effet, elle expose que le jugement du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre du 20 septembre 2018 a déjà accordé des délais de paiement à l'intimé, en indiquant « qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à son échéance, ou du loyer courant, et après mise en demeure restée sans effet, la totalité de la somme deviendra exigible de plein droit et la résiliation judiciaire reprendra ses pleins effets ».

Elle estime que dès lors que M. [K] [V] a méconnu les obligations découlant de la décision précitée, le jugement du 20 septembre 2018, constitutif d'une décision de justice ayant autorité de la chose jugée et constatant la résiliation du bail, fait obstacle à l'octroi de nouveaux délais de paiement au débiteur. Elle ajoute ensuite que les délais de paiement ne peuvent être accordés qu'une fois en application de l'article L145-41 du code de commerce.

Enfin, elle argue de ce que M. [V] ne réglant plus son loyer courant, il sera dans l'impossibilité, compte-tenu de surcroît des difficultés matérielles qu'il allègue, de respecter un nouvel échéancier, ce d'autant plus que le montant de sa dette en décembre 2020 représentait la somme de 50 892, 38 euros et supposait le règlement de mensualités de 2120, 51 euros, en plus du loyer courant de 3987, 38 euros.

M. [K] [V] répond qu'il est en droit d'obtenir des délais de paiement au regard des règlements qu'il a effectués, nonobstant les difficultés matérielles liées à la crise Covid. Il explique qu'il est de bonne foi et qu'il a procédé au règlement de la somme de 19 936, 90 euros à la SCI du lot 19, le 20 janvier 2021. Enfin, il indique qu'il a initié une procédure en indemnisation auprès de sa compagnie d'assurances Petrelluzi et Allianz, compte-tenu des pertes d'exploitation subies dans le cadre de la crise Covid, laquelle est pendante devant le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre.

Force est de constater que l'article L145-41 du code de commerce applicable au contrat de bail liant les parties subordonne l'octroi de délais de paiement au débiteur à l'absence de décision antérieure ayant acquis l'autorité de la chose jugée constatant la résiliation du bail.

En l'espèce, suivant jugement en date du 20 septembre 2018, le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre a :
-autorisé M. [K] [V] à se libérer de sa dette par versements de 1513, 77 euros chacun pendant 24 mois, le dernier versement comprenant le solde de la dette et les intérêts, le 10 de chaque mois au plus tard et pour la première fois le 10 du mois suivant la signification de la présente décision de justice, en plus du loyer courant,
-a suspendu durant ces délais de paiement, les effets de la résiliation du bail,
-dit que si M. [K] [V] se libère dans le délai et selon les modalités fixées ci-dessus, la résiliation judiciaire sera considérée comme n'ayant jamais été prononcée,

-dit qu'à défaut du paiement d'une seule mensualité à son échéance ou d'un loyer courant et après mise en demeure restée sans effet pendant quinze jours, la totalité de la somme restant due redeviendra immédiatement exigible de plein droit et la résiliation judiciaire reprendra son plein effet.

Or, il est acquis que ce jugement a été signifié à la personne de M. [K] [V] le 14 novembre 2018 et que par conséquent il a acquis l'autorité de la chose jugée.

En outre, il appert que M. [V] n'a pas respecté les termes de la décision précitée, puisque les échéances de 1513, 77 euros n'ont pas été versées en octobre, novembre 2019, puis en avril, mai et décembre 2020, comme en témoignent les extraits de compte versés aux débats par la société appelante. En outre, il convient de constater que depuis le mois d'avril 2020, le loyer courant n'est plus réglé.

Dès lors que la SCI du lot 19 a fait délivrer le 7 septembre 2020, un commandement aux fins de saisie-vente pour la somme de 53 788 euros à M. [K] [V], valant mise en demeure, lequel est resté infructueux pendant quinze jours, la résiliation judiciaire a produit son plein effet en vertu du jugement du 20 septembre 2018.

Il s'ensuit que les conditions posées par l'article L145-41 du code de commerce pour l'obtention de délais de paiement n'étant pas réunies, du fait de la résiliation du bail, consécutive au défaut de respect du jugement du 20 septembre 2018 du tribunal de grande instance de Pointe-à- Pitre, M. [V] sera débouté de sa demande de délais de paiement, sans qu'il soit nécessaire d'examiner sa situation matérielle, au vu de l'article 1343-5 du code civil.

Par conséquent, dans les limites de l'appel, le jugement entrepris, qui a accordé des délais de paiement à l'appelant, sera intégralement infirmé.

Sur la demande de délais aux fins de quitter les lieux,

L'article L142-3 alinéa 1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d'un titre à l'origine de l'occupation.

L'article L142-4 du même code indique, s'agissant de la fixation de ces délais, qu'ils ne peuvent être inférieurs à trois mois ni supérieurs à trois ans, il est tenu compte de la bonne ou de la mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant et des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement.

M. [V] qui sollicite en vertu des dispositions précitées un délai de trois ans à compter de la signification de la décision à intervenir pour quitter les lieux expose que son expulsion entrainerait la perte de son fonds de commerce et qu'il rencontre des difficultés de financement pour trouver un
autre local. Il ajoute que les règlements qu'il a effectués jusqu'à présent témoignent de sa bonne foi.

Toutefois, force est de constater que M. [V] ne produit aucun élément de nature à établir que son relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales et a fortiori qu'il a engagé des démarches afin de rechercher un autre local pour exercer son activité.

Dans ces conditions, parce que défaillant dans la charge de la preuve, il ne pourra qu'être débouté de sa demande tendant à obtenir des délais supplémentaires pour quitter les lieux.

Sur les autres demandes,

Il ne paraît pas inéquitable de condamner M. [V], qui succombe en ses prétentions, à payer à la SCI du lot 19 la somme de 3000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel.

M. [K] [V] sera pour sa part débouté de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire, mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Dans les limites de l'appel,

Infirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déboute M. [K] [V] de sa demande en délais de paiement,

Y ajoutant,

Déboute M. [K] [V] de sa demande de délais pour quitter les lieux,

Déboute M. [K] [V] de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [K] [V] à payer à la SCI [Adresse 4] la somme de 3000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [K] [V] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Et ont signé,

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 02
Numéro d'arrêt : 21/005131
Date de la décision : 10/01/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2022-01-10;21.005131 ?
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