COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
2ème CHAMBRE CIVILE
ARRÊT No 17 DU 10 JANVIER 2022
No RG 21/00491
No Portalis DBV7-V-B7F-DKAG
Décision déférée à la cour : Ordonnance du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, décision attaquée en date du 22 Avril 2021, enregistrée sous le no 21/00002.
APPELANTE :
S.A. Buildinvest
agissant par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Aurelie Tolassy-Saulo, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
INTIMES :
Maître [Y] [Z] agissant en qualité de mandataire liquidateur de Madame [T] [C]
[Adresse 3]
La Marina
[Localité 5]
Représenté par Me Louis-Raphaël Morton de la SCP Morton et Associés, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
Société Action Conseil
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 Novembre 2021, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Corinne Desjardins, Présidente de chambre,
Mme Christine Defoy, conseillère,
Mme Annabelle Cledat,conseillère,
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 10 Janvier 2022.
GREFFIER,
Lors des débats et lors du prononcé :Mme Armélida Rayapin, Greffière.
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. Signé par Mme Corinne Desjardins, Présidente de chambre et par Mme Armélida Rayapin, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Par jugement du 22 septembre 2016, le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a prononcé la liquidation judiciaire de Mme [T] [C], exerçant une activité de conseil en gestion d'entreprise.
En vertu d'une ordonnance du juge commissaire du 15 avril 2019, Me [Z], ès qualités de liquidateur judiciaire de Mme [C] a engagé des poursuites tendant à la vente d'un bien immobilier situé [Adresse 6].
Par jugement d'adjudication en date du 25 mars 2011, la société Action conseil a été déclarée adjudicataire de ce bien pour le prix de 79 000 euros.
Par acte du 31 mars 2021, déposé au greffe du juge de l'exécution et dénoncé le 1er avril 2021 à l'adjudicataire et à la partie poursuivante, la société Outremer Immobilier a porté une surenchère du dixième du prix d'adjudication, portant son offre à la somme de 86.900 euros.
Par acte du 6 avril 2021, dénoncé à l'adjudicataire et à la partie poursuivante, la société Buildinvest a porté une surenchère du dixième du prix de l'adjudication portant son offre à la somme de 86 900 euros.
Par ordonnance du 22 avril 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre a :
- déclaré irrecevable la déclaration de surenchère reçue de la SCI Outremer immobilier le 1er avril 2021,
- déclaré irrecevable la déclaration de surenchère reçue de la SA Buildinvest le 20 avril 2021.
La société Buildinvest a interjeté un appel nullité de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique le 30 avril 2021.
La procédure a fait l'objet d'une orientation à bref délai avec fixation de l'affaire à l'audience du 15 novembre 2021.
Me [Z] ès qualités de liquidateur de Mme [T] [C] a remis au greffe sa constitution d'intimée par voie électronique le 8 juin 2021.
Le 16 juin 2021, la société Buildinvest a fait signifier, par acte remis à personne morale, sa déclaration d'appel et ses conclusions à la société Action Conseil qui ne s'est pas constituée.
A l'audience du 15 novembre 2021, la décision a été mise en délibéré au 10 janvier 2022.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
1/ La société Buildinvest, appelante :
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 17 mai 2021 par lesquelles l'appelante demande à la cour de:
- déclarer la société Buildinvest recevable et bien fondée en son appel,
A titre principal,
- dire que le juge de l'exécution a violé le principe du contradictoire énoncé à l'article 16 du code de procédure civile,
- annuler l'ordonnance déférée,
- juger recevable la déclaration de surenchère formée par la société Buildinvest en date du 6 avril 2021,
A titre subsidiaire,
- dire que Mme [C] est dessaisie de plein droit de l'administration de ses biens au profit du liquidateur,
- dire que la dénonciation de surenchère a valablement été faite à Mme [C],
- réformer l'ordonnance déférée,
Statuant à nouveau,
- juger recevable et de plein effet la déclaration de surenchère formée par la société Buildinvest le 6 avril 2021,
- laisser les dépens à la charge de chacune des parties.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions pour un exposé détaillé des prétentions et moyens.
2/ Me [Z] ès qualité de liquidateur judiciaire de Mme [C], intimée :
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 13 juillet 2021 par lesquelles l'intimée demande à la cour de :
- dire et juger Me [Z] bien fondée et recevable en ses demandes,
- ordonner la jonction des deux appels interjetés par la société Outremer Immobilier et la société Buildinvest et enregistrés sous les numéros de RG 21/00503 et RG 21/00491,
A titre principal,
- dire et juger que Mme [C] est dessaisie de plein droit de l'administration et de la disposition de ses biens au profit de Me [Z] liquidateur judiciaire,
- dire et juger recevable la déclaration de surenchère de la société Buildinvest,
- dire et juger recevable la déclaration de surenchère de la société Outremer,
- infirmer l'ordonnance du 22 avril 2021,
A titre subsidiaire,
- constater l'absence de contestation par les parties ayant qualité, de l'ordonnance rendue le 22 avril 2021,
- dire et juger que l'ordonnance déférée a été rendue en violation du principe du contradictoire édicté à l'article 16 du code de procédure civile,
- infirmer l'ordonnance du 22 avril 2021,
En toutes hypothèse,
- renvoyer l'affaire devant le premier juge afin qu'il désigne celui des deux surenchérisseurs qui devra effectuer les formalités réglementaires relatives à la remise en vente du bien.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions pour un exposé détaillé des prétentions et moyens.
La signification de la déclaration d'appel a été signifiée à la personne morale de la société Action Conseil, intimée non constituée. L'arrêt sera réputé contradictoire en application de l'article 474 du code de procédure civile.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur la demande de jonction
Aux termes de l'article 367 du code de procédure civile, le juge peut, à la demande des parties ou d'office ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.
En l'espèce, seule Me [Z] constituée dans les deux dossiers sollicite la jonction. S'agissant de deux procédures ayant fait l'objet de fixation à bref délai à la même audience, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande de jonction, non soutenue par les autres parties.
Sur la nullité de l'ordonnance
L'article R 322-52 du code des procédures civiles d'exécution, énonce qu' au plus tard le troisième jour suivant la déclaration de surenchère, le surenchérisseur la dénonce par acte d'huissier de justice ou par notification entre avocats au créancier poursuivant, à l'adjudicataire et au débiteur saisi, à peine d'irrecevabilité. L'acte de dénonciation rappelle les dispositions de l'article R 311-6 et du deuxième alinéa du présent article, copie de l'attestation prévue au deuxième alinéa de l'article R 322-51 y est jointe. La validité de la surenchère peut être contestée dans les quinze jours de sa dénonciation.
La société Buildinvest reproche au juge de l'exécution, en l'absence de toute contestation de surenchère, de s'être saisi d'office de l'irrecevabilité de sa surenchère tirée de l'absence de dénonciation à Mme [C], débitrice saisie et d'avoir rendu l'ordonnance déférée en violation du principe de la contradiction.
Me [Z] ès qualité confirme qu'elle n'a déposé aucune contestation relative aux surenchères, et qu'elle n'est aucunement demanderesse à la décision querellée.
Il est constant que l'ordonnance déférée mentionne Me [Z], créancier poursuivant comme demanderesse, Mme [C], débitrice saisie comme défenderesse non comparante, non représentée et la société Action Conseil comme adjudicataire, vise les pièces jointes à la requête, les deux surenchères reçues au greffe les 1er et 6 avril 2021, l'absence de contestation dans le délai légal et au visa de l'article R 322-51 du code sus visé et déclare les deux surenchères irrecevables.
Or, en l'absence de contestation relative à la validité de la surenchère, dès lors que la déclaration de surenchère vaut demande de fixation d'une audience de surenchère, il appartient au juge de l'exécution de fixer cette audience de surenchère dans un délai habituel de 2 à 4 mois suivant la déclaration et d'en aviser les parties, c'est à dire : le débiteur saisi, le créancier poursuivant, les créanciers inscrits, l'adjudicataire et le surenchérisseur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, et en cas de pluralité de surenchères déposées dans le délai imparti.
En l'espèce, bien qu'ayant constaté l'absence de contestation des surenchères, impliquant l'absence de convocation des parties à une audience éventuelle, le juge de l'exécution s'est saisi d'office, alors même que cette faculté ne lui était pas offerte par l'article R322-52 susvisé, et a prononcé l'irrecevabilité des surenchères.
Cette saisine d'office, en violation des règles de procédure de la saisie immobilière, qui fixent les différentes étapes permettant au juge de trancher en audience éventuelle les contestations soulevées par les parties, et au mépris du principe de la contradiction - les surenchérisseurs n'ayant pas été mis en mesure de présenter leurs moyens de défense - caractérise un excès de pouvoir du juge de l'exécution qui doit être sanctionné par la nullité de l'ordonnance déférée sans qu'il ait lieu d'examiner le bien fondé de cette irrecevabilité.
Il convient en conséquence de prononcer la nullité de l'ordonnance déférée et de renvoyer les parties devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre afin qu'il fixe la date de l'audience de surenchère.
Chaque partie conservera la charge de ses dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,
Dit n'y avoir lieu à jonction,
Annule l'ordonnance déférée,
Renvoie les parties devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre aux fins de fixation de l'audience de surenchère,
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.
Et ont signé,
La Greffière La Présidente