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06/12/2021 | FRANCE | N°20/007211

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 06 décembre 2021, 20/007211


VS/GB

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 359 DU SIX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN

AFFAIRE No : No RG 20/00721 - No Portalis DBV7-V-B7E-DH23

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 10 septembre 2020 - Section Commerce -

APPELANTE

Madame [X] [J]
[Adresse 1]
Convenance
[Localité 2]
Représentée par Maître Julie FIGUERES (Toque 38), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

S.A.S. OUTREMER TELECOM
[Adresse 5]
[Localité 3]
Repré

sentée par Maître Frédérique LAHAUT de la SELARL FILAO AVOCATS (Toque 127), avocat postulant inscrit au barreau de GUADELOUPE/ST MAR...

VS/GB

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 359 DU SIX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN

AFFAIRE No : No RG 20/00721 - No Portalis DBV7-V-B7E-DH23

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 10 septembre 2020 - Section Commerce -

APPELANTE

Madame [X] [J]
[Adresse 1]
Convenance
[Localité 2]
Représentée par Maître Julie FIGUERES (Toque 38), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

S.A.S. OUTREMER TELECOM
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Maître Frédérique LAHAUT de la SELARL FILAO AVOCATS (Toque 127), avocat postulant inscrit au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART et Maître Pascale BERTE de la SELARL BERTE et ASSOCIES, avocat plaidant inscrit au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 octobre 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Gaëlle Buseine, conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,
Madame Gaëlle Buseine, conseillère,
Madame Annabelle Clédat, conseillère, .

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 6 décembre 2021

GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier principal.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme [J] a été embauchée par la SAS Outremer Telecom par contrat à durée indéterminée à compter du 18 août 2010 en qualité de commerciale TPE senior.

Par avenant du 28 février 2011, Mme [J] a occupé le poste de commerciale grands comptes junior à compter du 1er mars 2011.

A la suite de plusieurs autres lettres de convocation, l'employeur convoquait Mme [J] par courrier du 2 août 2018, à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé le 14 août 2018.

Par lettre du 10 septembre 2018, l'employeur licenciait Mme [J] pour cause réelle et sérieuse.

Mme [J] a saisi le 19 mars 2019 le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins d'obtenir le versement de diverses sommes liées à l'exécution et la rupture de son contrat de travail.

Par jugement rendu contradictoirement le 10 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :
- débouté Mme [J] [X] de la totalité de ses demandes,
- condamné Mme [J] [X] à payer à la SAS Outremer Telecom la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [J] [X] aux entiers dépens.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 7 octobre 2020, Mme [J] formait appel dudit jugement, qui lui était notifié le 18 septembre 2020.

Par ordonnance du 16 septembre 2021, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction et renvoyé la cause à l'audience du lundi 18 octobre 2021 à 14h30.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 janvier 2021 à la SAS Outremer Telecom, Mme [J] demande à la cour de :
- annuler le jugement déféré,
Jugeant à nouveau,
- juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- juger qu'elle a été victime de faits constitutifs de harcèlement moral,
En conséquence,
- condamner la société Outremer Telecom à lui verser les sommes suivantes :
* 2994,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 20000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
* 20000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat,
* 20000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de prévention du harcèlement moral,
- ordonner la rectification de l'attestation Pôle Emploi et du dernier bulletin de paie, sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard, à compter de la signification de la décision à intervenir,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Mme [J] soutient que :
- le jugement est dépourvu de motivation,
- les griefs ne sont pas établis par les pièces du dossier et, en tout état de cause, elle n'a pas bénéficié de la formation adéquate alors que ses tâches étaient nombreuses,
- les modalités de calcul des objectifs ont été changées, les rendant plus difficiles à atteindre,
- elle a été victime de faits de harcèlement moral.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er avril 2021, La SAS Outremer Telecom demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
- condamner Mme [J] [X] au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS Outremer Telecom expose que :
- le jugement déféré est motivé,
- les insuffisances de résultats et les carences de Mme [J] dans l'accomplissement de ses tâches sont établies par les pièces du dossier,
- aucun fait de harcèlement moral n'est démontré.

MOTIFS :

Sur la nullité du jugement :

En application des dispositions des articles 455 et 458 du code de procédure civile, le jugement doit être motivé à peine de nullité.

En l'espèce et contrairement à ce que soutient Mme [J], le conseil de prud'hommes ne s'est pas borné à reprendre les conclusions de l'employeur en procédant à quelques aménagements, mais a mentionné les éléments retenus à l'appui de son analyse, tout en précisant en quoi les moyens développés par la partie adverse n'étaient pas de nature à prospérer.

Dans ces conditions, Mme [J] devra être déboutée de sa demande d'annulation du jugement.

Sur le licenciement :

L'insuffisance professionnelle du salarié, dès lors qu'elle est établie, peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement alors même qu'aucune faute personnelle n'est établie à son encontre.

L'insuffisance professionnelle se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification. Elle se caractérise par une mauvaise qualité du travail due soit à une incompétence professionnelle, soit à une inadaptation à l'emploi.

Quant à l'insuffisance de résultats, elle ne peut constituer en soi une cause de licenciement. Il appartient au juge de rechercher si les mauvais résultats d'un salarié procèdent soit d'une insuffisance professionnelle, soit d'une faute imputable au salarié.

Le motif inhérent à la personne du salarié, dont celui de l'insuffisance professionnelle, doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables.

L'article L.1235-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 10 septembre 2018 précise : "Cette lettre fait suite à l'entretien préalable auquel vous ne vous êtes pas présentée et qui était prévu le 14 août 2018. Bien que nous ayons reçu le 14 août 2018 un courrier en date du 9 août 2018 accompagné d'un certificat médical attestant de votre incapacité à honorer le rendez-vous, nous sommes contraints de vous notifier par la présente, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.
En effet, dans le cadre de vos fonctions de commerciale grands comptes, vous aviez notamment pour mission de gérer, développer et fidéliser une clientèle de grands comptes privés et publics en leur apportant notamment une offre produits et une qualité de service optimum. Pourtant, les carences observées ces derniers mois, illustrées par de très mauvais résultats, mettent en exergue vos difficultés à assurer l'essentiel de cette mission.
Ainsi, en dépit des différents rappels à l'ordre (28/09/17, 06/12/17, 14/03/18 et 04/06/18) qui vous ont été notifiés ces derniers mois pour défaut de résultats, force est de constater que ces derniers demeurent toujours aussi largement insuffisants. Le tableau ci-après l'atteste :

R/O
OBJECTIFS (%)RÉALISÉ (€)
JANVIER 20182296,02 €1394,85 €
FÉVRIER 20184067,50 €114,98 €
MARS 20185938,00 €399,92 €
AVRIL 20184144,50 €2749,39 €
MAI 20183278,67 €2304,45 €
JUIN 20186078,00 €-
JUILLET 20182849,52 €232,01 €

Vos résultats commerciaux sont affligeants, sur les 28652 euros d'objectifs fixés au cours des 7 mois, vous n'avez réalisé que 7116,62 euros de chiffre d'affaires. Ces résultats sont édifiants et le préjudice financier pour l'entreprise est significatif.
Cette situation est d'autant plus inexplicable que vous êtes l'unique commerciale grands comptes sur ce segment d'activité sur le département de la Guadeloupe, vous auriez donc dû naturellement être en capacité de développer votre portefeuille clients et accroître vos résultats commerciaux. Malheureusement, votre chiffre d'affaires n'a cessé de décroître tandis que vos collègues performaient.
Il est important de souligner que votre direction a pourtant déployé les moyens nécessaires pour vous accompagner et vous permettre d'atteindre vos objectifs. Des plans d'actions ont d'ailleurs été mis en place :
* Mise en oeuvre d'un planning de phoning hebdomadaires (2h tous les mardis) en présence de votre responsable hiérarchique.
* Point fixe hebdomadaire les lundis matin afin de faire le point sur vos dossiers clients en cours.
* Création d'un fichier de prospection par votre N+1 pour vous permettre d'avoir une meilleurs visibilité sur le suivi de vos prospects.

Votre défaut de résultats récurrent est la conséquence directe de votre insuffisance professionnelle. Ainsi, votre prospection commerciale est à notre sens quasi inexistante, en effet, vous vous positionnez bien loin de 36 rdv clients mensuel attendus par la société. Pour preuve les données ci-après, issues du logiciel de gestion Sage CRM :
* Janvier 2018 : 0
* Février 2018 : 6
* Mars 2018 : 22
* Avril 2018 : 13
* Mai 2018 : 7
* Juin 2018 : 19
* Juillet 2018 : 13

Ce constat alarmant est une résultante directe de l'inertie dont vous faites preuve depuis de nombreux mois. Ainsi, selon le CRM, vous ne réalisez pas le phoning nécessaire pour vous permettre d'obtenir des rendez-vous et conclure des contrats. Preuve en est en juillet dernier, vous n'avez passé que 15 appels de prospection. De même, vous oubliez régulièrement de transmettre le rapport de vos séances de phoning à votre responsable ; contraignant alors ce dernier à vous relancer perpétuellement.
De plus, alors que nous vous invitions déjà en mai 2013, à optimiser l'utilisation du logiciel de gestion SAGE CRM et vous sensibilisions à l'investissement consenti par la société pour vous en équiper, force est de constater, 5 ans plus tard que cet outil de pilotage et de suivi de votre activité reste inexploité, or celui-ci pourrait justement vous permettre d'atteindre vos objectifs. Ainsi, à titre d'exemple, les fiches prospects ne sont pas mises à jour et l'agenda CRM n'est pas régulièrement renseigné nonobstant les différentes relances de votre hiérarchie. Ainsi, cette dernière est privée de toute visibilité sur votre activité tandis que la Direction se retrouve elle dans l'impossibilité d'expliquer la baisse de l'activité grands comptes en Guadeloupe.

Par ailleurs, nous sommes au regret de noter que vous n'assurez pas correctement le suivi de vos dossiers. Les remontées clients qui se multiplient révèlent l'imprécision de votre discours de vente ainsi dans un mail en date du 24 mai dernier, la mairie de [Localité 4] semblait surprise de la facturation appliquée dans le cadre de la portabilité opérée. De même, plus récemment, l'agence GTEI se plaignait de l'absence de réponse à ses divers mails : (...)
A cela s'ajoute le fait que vous faites régulièrement preuve de négligence et manquez de professionnalisme dans l'exercice de vos fonctions. Alors que vous avez à votre disposition des outils permettant d'avoir de la visibilité sur le parc B to B, force est de constater que vous ne les exploitez pas et dérangez régulièrement les services afin d'obtenir des informations qui sont pourtant déjà à votre disposition (Mail en date du 23/05/18 pour la société SGDM et mail du 22/05/18 HAD contrat M45134).
Nous vous rappelons qu'en votre qualité de commerciale grands comptes, nous attendions de vous une gestion plus qualitative de votre portefeuille clients, or, l'absence de réponse, le manque de suivi dans vos dossiers et la négligences dont vous faites régulièrement preuve hypothèquent l'image de la société et contribuent à la montée de l'insatisfaction clients que nous ne pouvons permettre.
Comme vous le savez, la concurrence est rude dans le secteur des télécommunications et la fonction commerciale est le fer de lance de notre entreprise. Aussi, la société ne peut accepter plus longtemps de telles carences qui affectent lourdement ses résultats. Votre insuffisance professionnelle est indéniable ; nonobstant les moyens déployés par la société (produits, outils, procédures et accompagnement), ainsi que les mails de sensibilisation relatifs à vos performances commerciales, vos résultats demeurent largement insuffisants.
Par conséquent, vous comprendrez que pour la sauvegarde des intérêts de l société et la pérennité de celle-ci, nous nous voyons dans l'obligation de rompre, par la présente, votre contrat de travail et de procéder à votre licenciement pour cause réelle et sérieuse, la poursuite de nos relations contractuelles s'avérant impossible".

Il ressort des pièces du dossier que Mme [J] a occupé dans un premier temps les fonctions de commerciale TPE senior, puis à partir du 1er mars 2011 celles de commerciale grands comptes junior. Son contrat de travail initial prévoyait à l'article 5, demeuré inchangé dans le cadre de ses nouvelles fonctions qu'elle devait de conformer aux recommandations des représentants de la société et aux exigences du travail en groupe, respecter notamment les consignes et les méthodes de travail qui lui seraient confiées par son supérieur hiérarchique.

En premier lieu, il ressort des pièces versées aux débats et des chiffres mentionnés dans la lettre de licenciement, que les objectifs de chiffre d'affaires qui ont été fixés à Mme [J] n'ont pas été atteints durant l'année 2018, point non contesté par l'intéressée. Il appert également que, au regard des différents courriels adressés à la salariée par sa hiérarchie au cours de l'année 2018, celle-ci n'utilisait pas le logiciel SAGE mis à sa disposition pour l'organisation de son activité et ne réalisait pas le nombre de rendez-vous mensuels fixés.

En deuxième lieu, si Mme [J] précise que ses nouvelles tâches en tant que commerciale grands comptes sont devenues nombreuses et qu'elles n'a pas reçu de formations adéquates, il ressort que, nonobstant des libellés distincts, elles présentaient une similarité tenant notamment à son activité de commercialisation de produits, de développement d'une clientèle, de mise en place de la politique commerciale et de suivi administratif. S'agissant des formations, la cour observe que Mme [J] ne saurait valablement invoquer leur insuffisance pour mener à bien ses missions dans le cadre d'un portefeuille grands comptes, alors qu'elle ne précise pas celles qui auraient été nécessaires, que ses attributions demeuraient sensiblement les mêmes avec des outils identiques et qu'elle a notamment bénéficié en 2012 d'une formation sur le "management par et avec les valeurs" ainsi qu'une formation en 2017 sur l'utilisation de l'outil excel niveau intermédiaire. La circonstance qu'elle ait disposé d'un portefeuille de clients qualifiés grands comptes ou qu'elle ait été amenée à commercialiser des produits et services distribués sous la marque SFR à la place d'Only n'est pas de nature à expliquer d'éventuelles difficultés, que la salariée ne détaille au demeurant pas, alors, ainsi qu'il vient d'être précisé, que ses tâches restaient identiques et que l'employeur justifie des moyens mis à la disposition des commerciaux dans ce cadre, notamment en termes de campagne publicitaire, d'équipements du réseau, d'attractivité des prix et d'accords-cadres pour les clients.

En troisième lieu, il résulte des pièces du dossier que Mme [J], qui a notamment fait l'objet d'un avertissement en date du 30 juin 2017 relatif au non respect de ses objectifs et des instructions d'utilisation des outils mis à sa disposition, ainsi qu'en raison de son comportement au travail, a également bénéficié d'un accompagnement particulier afin de l'aider à atteindre les objectifs assignés. L'employeur a ainsi mis en place en 2017 et 2018 des entretiens individuels hebdomadaires pour faire le point sur les dossier, la création d'un fichier de prospection en vue de faciliter le suivi de son activité et un planning régulier de phoning en présence de son supérieur hiérarchique. Toutefois, les différents courriels versés aux débats mettent en évidence la pluralité des rappels de sa hiérarchie compte tenu de son défaut d'utilisation desdits outils ou des manquements dans le suivi des clients qui lui étaient demandés. Dès lors, si Mme [J] verse aux débats des attestations de clients se disant satisfaits de son travail, il appert que celles-ci demeurent globales et ne permettent ni de remettre en cause la persistance des insuffisances constatées par sa hiérarchie, ni de déduire, contrairement à ce que Mme [J] soutient, que celles-ci seraient fausses.

En dernier lieu, si Mme [J] précise dans ses écritures que l'objectif, initialement déterminé sur un critère global a été scindé en trois (fixe, mobile, VPN), rendant ainsi plus difficile pour les commerciaux l'atteinte desdits objectifs, elle n'assortit pas ses allégations de pièces permettant de les justifier, alors, ainsi que le souligne l'employeur, qu'elle n'a jamais indiqué au cours de la relation de travail que les résultats n'étaient pas atteignables.

Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont dit que le licenciement de Mme [J] reposait sur une cause réelle et sérieuse.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur le harcèlement :

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En outre, aux termes de l'article susvisé et de l'article L 1154-1 du code du travail lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il convient d'examiner les éléments allégués par Mme [J] à l'appui du harcèlement moral dont elle s'estime victime.

D'une part, Mme [J] expose que lors d'une réunion du 17 mai 2018 elle aurait été comparée par l'employeur à une autre salariée et qualifiée de personne qui "plombait" l'activité grands comptes. Il résulte toutefois de la lettre du 31 juillet 2018 adressé par l'employeur à la salariée, en réponse à la sienne du 17 juillet 2018, que si les résultats commerciaux d'une autre salariée ont été mis en exergue lors de la réunion de travail, l'évocation de ces derniers avait pour unique objectif de challenger et motiver le reste de l'équipe. Il est également précisé que la réunion a été suivie d'entretiens individuels, dont Mme [J] a également bénéficié. Dès lors, les modalités de conduite de la réunion ayant amené à l'employeur à évoquer les résultats d'une autre salariée s'inscrivent dans le cadre de l'animation d'une réunion visant à augmenter la performance des équipes, observation étant faite que la salariée dont les résultats ont été mis en valeur n'y participait pas. Toutefois et s'agissant du terme évoqué par la salariée à son endroit consistant à avoir précisé qu'elle "plombait" l'activité grands comptes et rappelé dans son courrier du 17 juillet 2018, la cour observe que l'employeur ne s'explique pas sur ce point. Ce fait devra être considéré comme étant matériellement établi.

D'autre part, et suite à plusieurs convocations dont l'employeur s'explique dans ses écritrures sur les raisons des différents raisons des reports de l'entretien préalable, Mme [J] a été licenciée par lettre du 10 septembre 2018, dont elle évoque les termes suivants à l'appui de ses allégations de faits de harcèlement moral : "vos résultats sont affligeants", "Vous êtes l'unique commerciale grands comptes sur ce segment d'activité en Guadeloupe ....Malheureusement votre chiffre d'affaires n'a cessé de décroître tandis que vos collègues performaient". La cour observe que la comparaison globale de l'évolution de ses résultats par rapport à d'autres collaborateurs constitue une observation générale dont les termes ne sont pas de nature à exprimer, contrairement à ce que soutient la salariée, le mépris de son employeur à son égard. En revanche, il appert que le qualificatif d'"affligeants", point sur lequel l'employeur ne s'explique pas, est matériellement établi.

Enfin, si la salariée se prévaut des attestations médicales de médecins pour justifier les faits de harcèlement moral dont elle s'estime victime, il convient de souligner qu'ils reposent sur ses propres déclarations et que l'attestation de suivi de du médecin du travail du 19 juillet 2018 ne porte pas de mention en lien avec celles-ci.

En définitive, il appert que deux qualificatifs employés par l'employeur pour évoquer le travail de la salariée sont matériellement établis, mais qu'eu égard à leur espacement de quatre mois, le contexte d'insuffisance de résultats décrit ci-dessus et les termes employés, ils ne peuvent être assimilés à des faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et, par voie de conséquence, de celle relative à l'obligation de l'employeur de prévention du harcèlement moral, ainsi que de celle relative au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, les mêmes faits de harcèlement moral étant allégués par la salariée à l'appui de celles-ci.

Sur les autres demandes :

Compte tenu de l'issue du présent litige, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de rectification de l'attestation Pôle Emploi et du dernier bulletin de paie sollicitée par Mme [J].

Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de SAS Outremer Telecom les frais irrépétibles qu'elle a exposés, il convient de confirmer la somme de 1000 euros allouée par les premiers juges au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de lui accorder un complément de 500 euros en cause d'appel.

Les dépens sont mis à la charge de Mme [J].

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Déboute Mme [J] [X] de sa demande d'annulation du jugement déféré,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 septembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre entre Mme [J] [X] et la SAS Outremer Telecom,

Y ajoutant,

Condamne Mme [J] [X] à verser à la SAS Outremer Telecom une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne Mme [J] [X] aux dépens.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 20/007211
Date de la décision : 06/12/2021
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2021-12-06;20.007211 ?
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