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06/12/2021 | FRANCE | N°20/003731

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 06 décembre 2021, 20/003731


VS/RLG

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 357 DU SIX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN

AFFAIRE No : No RG 20/00373 - No Portalis DBV7-V-B7E-DG6V

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 4 septembre 2014 - Section Industrie.

APPELANT

Monsieur [B] [L]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Maître Karine LINON (Toque 70), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2019/000179 du 15/02/2019 accordée par le

bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE)

INTIMÉE

Maître [E] [W] ès qualité de mandataire liquidateur de...

VS/RLG

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 357 DU SIX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN

AFFAIRE No : No RG 20/00373 - No Portalis DBV7-V-B7E-DG6V

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 4 septembre 2014 - Section Industrie.

APPELANT

Monsieur [B] [L]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Maître Karine LINON (Toque 70), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2019/000179 du 15/02/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE)

INTIMÉE

Maître [E] [W] ès qualité de mandataire liquidateur de la SAS NFI- NOFRAG
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Maître Charles NATHEY de la SELARL JURINAT (Toque 42), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART -et par Maître Ferdinand EDIMO NANA, avocat au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 5 Juillet 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mesdames Rozenn Le Goff et Gaëlle Buseine, conseillères, chargées d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,
Madame Gaëlle Buseine, conseillère,
Madame Annabelle Clédat, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 4 octobre 2021, date à laquelle le prononcé de l'arrêt a été successivement prorogé au
6 décembre 2021.

GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.

Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

******

FAITS ET PROCÉDURE

M. [B] [L] a été embauché en qualité de maçon-coffreur par la société SAS Nofrag par contrat de chantiers à durée indéterminée moyennant un salaire mensuel brut de 1 478, 08 euros pour une durée de travail hebdomadaire de 35 heures.

Le 19 mai 2003, lors d'une manutention d'une banche métallique élinguée à la grue, cette banche s'est décrochée et est venue sectionner l'avant pied gauche M. [L].

A compter de cet accident du travail, M. [L] a bénéficié d'arrêts de travail de manière ininterrompue jusqu'au 12 février 2007.

Le 12 février 2007, M. [L] s'est présenté à son poste de travail pour une reprise et son employeur lui a demandé de se rapprocher du médecin du travail pour autoriser la reprise.

Le 16 février 2007, ce dernier a délivré une fiche d'inaptitude au poste mais maintenait l'aptitude sur une autre poste avec la mention suivante : « apte à un poste pas sur les chantiers. Sans effort physique important ; Pas de port de chaussures de sécurité. Seul un poste de livraison de matériel sur les chantiers pourrait convenir ».

Par lettre du 28 février suivant, l'employeur a exigé du médecin du travail un certain nombre de précisions et invité celui-ci à participer à une réunion prévue en présence des institutions représentatives du personnel. Cette réunion s'est tenue le 15 mars 2007.

Le 30 mars 2007, la SAS NFI Nofrag a proposé à M. [L] un poste d'agent d'entretien à mi-temps, soit 15 heures par semaine.

Par lettre du 24 avril 2007, M. [L] a accepté la proposition du poste d'agent d'entretien sous la réserve que ce nouveau métier soit exercé à temps plein avec le salaire perçu avant l'accident du travail.

L'employeur l'a alors convoqué à un entretien préalable à licenciement par courrier en date du 21 Mai 2007.

Par lettre du 31 mai 2007, M. [L] s'est vu notifier son licenciement pour inaptitude au poste de travail et refus de son offre de reclassement.

Contestant cette mesure, le 18 mai 2012, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre de diverses demandes.

Par jugement du 04 septembre 2014, la juridiction a jugé le licenciement à la fois sans cause réelle et sérieuse et nul, et condamné la société NFI Nofrag à verser à M. [L] les sommes suivantes
* 1 634 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
8872,68 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive, correspondant à 6 mois de salaire,
* 8 872,68 euros au titre d'une indemnité pour nullité de licenciement correspondant à 6 mois de salaire,
* 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle a également précisé que les rémunérations et indemnités mentionnées à l'article R.1454-14 du code de travail, dans la limite de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des 3 derniers mois de salaire sont de droit exécutoires en application de l'article R.1454-28 du code du travail, la moyenne des 3 derniers mois de salaires s'élevant à 1 478,78 euros, débouté la société NFI Nofrag de l'intégralité de ses demandes et condamné cette dernière aux éventuels dépens.

Par déclaration enregistrée le 24 septembre 2014, la société NFI Nofrag a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt du 11 avril 2016, la cour a :
- Réformé le jugement du 08 septembre 2014 ;
Statuant à nouveau,
- Dit que le licenciement de M. [B] [L] était fondé sur une cause réelle et sérieuse au regard des dispositions des articles L.1226-10 et 1226-12 du code du travail ;
- Condamné la société NFI Nofrag, en la personne de son représentant légal, à verser à M. [B] [L] l'indemnité complémentaire de 3268 euros sur le fondement de l'article L.1226-14 du code du travail ;
- Débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;
- Condamné M. [B] [L] aux dépens.

Sur pourvoi de M. [B] [L], la cour de cassation a, par arrêt du 28 novembre 2018 rectifié par arrêt du 8 janvier 2019, cassé et annulé l'arrêt du 11 avril 2016, mais seulement en ce qu'il déboute M. [B] [L] de sa demande au titre de l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, remis, en conséquence, sur ce point la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour faire droit, les a renvoyées devant la cour de Basse-Terre autrement composée.

La société NFI Nofrag a été placée en liquidation judiciaire le 21 novembre 2019.

M. [B] [L] a saisi la cour de céans sur renvoi après cassation par déclaration reçue le 19 mai 2020.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 avril 2021, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. [L] demande à la cour de :
- Dire et juger que la société NFI-Nofrag, représentée par Me [E] [W] ès qualités de liquidateur judiciaire, a manqué à son obligation de lui faire connaître par écrit les motifs s'opposant à son reclassement ;
- Condamner la société NFI-Nofrag, représentée par Me [E] [W] ès qualités de liquidateur judiciaire, à lui payer la somme de 17 745.36 euros au titre de l'indemnité pour non respect de son obligation de lui faire connaître par écrit les motifs s'opposant à son reclassement
-Condamner la société NFI-Nofrag, représentée par Me [E] [W] ès qualités de liquidateur, à lui payer la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

M. [B] [L] expose, en substance, que :
- L'employeur ne lui a pas écrit avant d'initier la procédure de licenciement pour lui faire connaître les motifs s'opposant à son reclassement, conformément à l'article L 1226-12 du code du travail ;
- Il s'agit d'un manquement de l'employeur qui au moment des faits était sanctionné par l'allocation d'une indemnité (qui ne pouvait être inférieure à 12 mois de salaires) prévue par l'article L 122-32-7 du Code du travail devenu l'article L 1226-15 du code du travail.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 mars 2021, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Me [W] ès qualités de mandataire judiciaire de la société NFI Nofrag, demande à la cour de :
- Dire et juger que la demande de M. [L] au titre de l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement manque en fait et en droit ;
- Dire et juger qu'elle n'est pas énoncée dans le dispositif de ses conclusions, de sorte que la cour n'en est pas saisie ;
Ce faisant,
- Le débouter de toutes ses demandes ;
- Le condamner au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Me [W] ès qualités de mandataire judiciaire de la société NFI Nofrag, expose, en substance, que :
- le litige dont est saisie la cour de céans, statuant en tant que juridiction de renvoi, est relatif au non-respect de la procédure de licenciement et non à la violation prétendue par l'employeur de son obligation d'information ;
- la demande pour violation prétendue par l'employeur de son obligation d'information n'ayant jamais été présentée par M. [L], ni en première instance, ni en appel, est irrecevable en vertu de l'article 564 du code de procédure civile ;
- elle est également irrecevable dès lors qu'elle ne figure pas dans le dispositif des conclusions de l'appelant, comme exigé par l'article 954 du code de procédure civile ;
- en tout état de cause, l'article L.122-32-5 du code du travail (ancien) ne mettait à la charge de l'employeur l'obligation de faire connaître par écrit les motifs s'opposant au reclassement du salarié que s'il ne pouvait proposer un autre emploi ;
- la société NFI Nofrag n'avait nullement l'obligation de faire connaître à M. [L] les motifs s'opposant à son reclassement, puisque son reclassement était possible, et c'est le refus de M. [L] de la proposition qui lui a été faite à titre de reclassement, qui a entraîné son licenciement
- en tout état de cause, la réparation d'une irrégularité de procédure ne peut excéder un mois de salaire.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les motifs de l'arrêt rendu le 28 novembre 2018 par la cour de cassation sont les suivants : "Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure, l'arrêt retient que la lettre de licenciement qui indique le motif précis de licenciement et le rappel des étapes successives ayant conduit au licenciement répond aux exigences de l'article L. 1226-12 du code du travail ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du salarié, qui soutenait que l'employeur ne lui avait pas fait connaître par écrit les motifs s'opposant au reclassement avant que ne soit engagée la procédure de licenciement, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;".

I / Sur la recevabilité de la demande

La cour de cassation a analysé le manquement reproché à l'employeur au regard de l'obligation d'information prévue à l'article L. 1226-12 du code du travail comme une irrégularité de la procédure de licenciement.

La demande de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement a été présentée en première instance ainsi que dans le dispositif des conclusions de M. [B] [L] devant la cour d'appel.

En tout état de cause, s'agissant d'une instance engagée en 2012, elle reste soumise à la réglementation des procédure sans représentation obligatoire, excluant l'application des articles 564 et 954 du code de procédure civile .

Le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande sera donc écarté.

II / Sur le bien-fondé de la demande

Selon l'article L. 122-32-5 du code du travail, dans sa version en vigueur du 1er janvier 1993 au 1er mai 2008, repris par l'article L1226-12 du code du travail, l'employeur est tenu de faire connaître au salarié par écrit non seulement l'impossibilité de reclassement mais également les motifs qui s'opposent à ce reclassement ce, avant que ne soit engagée la procédure de licenciement.

L'information écrite du salarié doit ainsi être accomplie avant que ne soit engagée la procédure de licenciement.

En l'espèce, il appartenait donc à la société NFI Nofrag d'écrire à M. [L], avant de le convoquer à l'entretien préalable, une lettre lui expliquant les motifs s'opposant à son reclassement, à savoir son refus d'une offre de reclassement compatible avec son état de santé.

L'énonciation de ces motifs dans la lettre de licenciement ne saurait pallier le non-respect de cette formalité.

En s'abstenant de respecter son obligation d'information avant d'engager la procédure de licenciement, l'employeur a causé à M. [L] un préjudice lié à la perte de chance de revoir sa réponse à l'offre qui lui était faite par lettre du 30 mars 2007.

Il sera donc fait droit à la demande de dommages-intérêts à hauteur de 1478,78 euros conformément aux dispositions de l'article L. 1235-2 du code du travail (reprenant celles de l'ancien article L122-14-4) applicable en cas d'irrégularité de la procédure de licenciement).

III / Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Il convient d'allouer à M. [B] [L] la somme de 1500 euros pour ses frais irrépétibles en cause d'appel sur renvoi après cassation.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre en date du 11 avril 2016,
Vu l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 28 novembre 2018 rectifié par arrêt du 8 janvier 2019,

Rejette le moyen tendant à voir déclarer la demande irrecevable,

Fixe la créance de M. [B] [L] sur la liquidation de la société NFI Nofrag aux sommes suivantes :
- 1478,78 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement
- 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Dit que les dépens entreront en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la société NFI Nofrag ;

Rejette le surplus des demandes, plus amples ou contraires.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 20/003731
Date de la décision : 06/12/2021
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2021-12-06;20.003731 ?
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