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06/12/2021 | FRANCE | N°19/013901

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 06 décembre 2021, 19/013901


VS/GB

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 351 DU SIX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN

AFFAIRE No : No RG 19/01390 - No Portalis DBV7-V-B7D-DFAO

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 19 septembre 2019 - Section Industrie -

APPELANTE

S.A.S.U. MARTIN'S PRODUCTION
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Maître Têtê ezolété KOUASSIGAN de la SELARL SELARL KOUASSIGAN (Toque 102), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉ

Monsieur [J] [O]

[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Mme [H] [Z] (Défenseur syndical )

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispo...

VS/GB

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 351 DU SIX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN

AFFAIRE No : No RG 19/01390 - No Portalis DBV7-V-B7D-DFAO

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 19 septembre 2019 - Section Industrie -

APPELANTE

S.A.S.U. MARTIN'S PRODUCTION
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Maître Têtê ezolété KOUASSIGAN de la SELARL SELARL KOUASSIGAN (Toque 102), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉ

Monsieur [J] [O]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Mme [H] [Z] (Défenseur syndical )

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 octobre 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Gaëlle Buseine, conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,
Madame Gaëlle Buseine, conseillère,
Madame Annabelle Clédat, conseillère, .

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 6 décembre 2021

GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier principal.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [O] a été embauché par la SASU Martin's Production par contrat à durée indéterminée dans le cadre d'un CUI-CAE à compter du 13 mars 2017 en qualité de cuisinier à temps complet.

Par lettre du 4 janvier 2018, l'employeur convoquait M. [O] à un entretien préalable à son éventuel licenciement, fixé le 12 janvier 2018.

Par lettre du 17 janvier 2018, l'employeur lui notifiait son licenciement pour faute grave.

Estimant son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. [O] saisissait le 16 mai 2018 le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins d'obtenir le versement de diverses sommes liées à l'exécution et la rupture de son contrat de travail.

Par jugement rendu contradictoirement le 19 septembre 2019, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :
- déclaré recevables les demandes formulées par M. [O] [J],
- condamné la SAS Martin's Production en la personne de son représentant légal à payer à M. [O] [J] les sommes suivantes :
* 1519,73 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1266,44 euros au titre des dommages et intérêts pour rupture abusive,
* 1519,73 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 151,97 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
* 156,66 euros au titre de complément d'indemnité de congés payés,
* 162,02 euros au titre de complément de salaire de mars 2017 à janvier 2018,
* 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté le défendeur de sa demande reconventionnelle,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit dans la limite des 9 mois de salaires calculée sur la moyenne des trois derniers mois conformément à l'article R. 1454-28 du code du travail,
- fixé la moyenne des trois derniers mois à 1519,73 euros,
- condamné la SAS Martin's Production en la personne de son représentant légal aux éventuels dépens de l'instance.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 8 octobre 2019, la SAS Martin's Production formait appel dudit jugement, qui lui était notifié le 24 septembre 2019.

Par ordonnance du 24 juin 2021, le magistrat de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction et renvoyé la cause à l'audience du lundi 20 septembre à 14h30.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon ses dernières conclusions notifiées à M. [O] le 29 février 2020, la SASU Martin's Production demande à la cour de :
- constater que les faits commis par M. [O] [J] sont bien constitutifs d'une faute grave au sens de la jurisprudence,
- constater que le licenciement pour faute grave de [O] [J] est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
- débouter M. [O] de ses demandes indemnitaires
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
- le condamner à payer à la SASU Martin's Production la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

La SASU Martin's Production soutient que :
- il est établi par les pièces du dossier que le salarié n'a pas respecté les consignes de sécurité,
- il a déjà fait l'objet de précédentes sanctions à ce sujet,
- le salarié a également manqué à ses obligations contractuelles en donnant gratuitement des plats sans en informer la direction,
- les faites réitérés justifient son licenciement pour faute grave.

Selon ses dernières conclusions du 24 juillet 2020 M. [O] demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré,
- condamner la SASU Martin's Production au paiement de la somme de 1500 eurs au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Il soutient que :
- il ne saurait lui être opposé le règlement intérieur, dont il n'a pas eu connaissance et qui semble en cours de rédaction,
- le grief relatif aux veilleuses demeurées allumées ne peut lui être imputé compte tenu du fait que le laboratoire est utilisé par plusieurs personnes,
- il ne peut d'ailleurs être sanctionné deux fois pour les mêmes faits,
- les faits relatifs à la distribution de repas ne peuvent relever d'une faute grave, dès lors qu'ils étaient une pratique courante et compte tenu de leur modicité,
- les témoignages apportés par l'employeur sont de complaisance, l'une des attestations étant imprécise et concernant des faits antérieurs au 30 août 2018, l'autre émanant d'un proche de l'employeur,
- en réalité, son licenciement procède de la volonté de l'employeur de ne pas payer les charges sociales à l'issue de l'expiration de son CUI-CAE.

Lors de l'audience des débats, la SAS Martins' Production a confirmé la réception régulière des conclusions et pièces de la partie adverse.

MOTIFS :

Sur le bien fondé du licenciement :

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et il appartient à l'employeur d'en démontrer l'existence.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 17 janvier 2018 précise : "Je fais suite à notre entretien préalable du 12 janvier 2018 au cours duquel vous étiez assisté par Monsieur [I] représentant de la CGTG.
Vos explications recueillies lors de cet entretien de sont pas de nature à modifier ma décision.
Et je suis malheureusement contraint de vous notifier votre licenciement pour faute grave, compte tenu des éléments suivants :
Le samedi 30 décembre 2017 à 9h00 du matin, j'ai trouvé les veilleuses du fourneau à gaz allumées. Elles sont donc restées allumées depuis votre départ de la cuisine, la veille à 14h20. Cela entraîne des risques importants de sécurité et d'incendie au sein du laboratoire de cuisine.
Monsieur, c'est la troisième fois que vous oubliez de vérifier les points de sécurité du laboratoire de cuisine, je vous ai déjà adressé deux avertissements importants à ce sujet.
D'autre part, le jeudi 28 décembre 2017, je vous ai vu livrer 3 repas dans des assiettes en porcelaine au personnel du Garage automobile situé en face du laboratoire de cuisine et ceci sans m'en informer. C'est donc du vol.
Le lendemain, je vous ai demandé où se trouvaient les assiettes en porcelaine manquantes. Vous m'avez désigné une pile d'assiettes emballées sous film alimentaire posées sur une étagère dans la réserve en guise de réponse.
Moi-même, sachant que les assiettes n'avaient pas été restituées, je vous ai "tendu la perche" et vous m'avez menti ouvertement.
Tout au long de notre collaboration, j'ai maintenu une attitude favorable à votre égard, bien que j'ai dû vous adresser deux courriers au cours de l'année 2017.
Aujourd'hui, force est de constater que vous avez délibérément rompu cette collaboration à travers des négligences, des vols et des mensonges à mon égard.
La cause réelle et sérieuse ainsi que la faute grave sont avérées.
Votre licenciement intervient donc à la première présentation de cette lettre, sans préavis ni indemnité de licenciement".

En premier lieu, et s'agissant des faits relatifs aux veilleuses du fourneau à gaz demeurées allumées, l'employeur verse aux débats l'attestation d'un sous-traitant mettant en évidence le fait que le salarié était coutumier de ce type d'incident consistant à omettre de les éteindre. Toutefois, et ainsi que le souligne M. [O], cette attestation ne saurait démontrer la réalité du grief reproché à la date du 30 décembre 2017 dès lors qu'elle demeure imprécise quant aux dates ou périodes des constatations ainsi retranscrites. De surcroît, le salarié précise à juste titre que d'autres personnes utilisent le laboratoire du restaurant, ce qui est corroboré par ladite attestation, le sous-traitant précisant qu'il lui arrive régulièrement de procéder à des fabrications au sein de celui-ci. Il s'en déduit qu'il ne peut être de manière certaine reproché au salarié d'avoir oublié d'éteindre les veilleuses, compte tenu de la présence dans les locaux d'autres intervenants et alors même qu'il n'est pas contesté que M. [O] avait quitté ceux-ci la veille à 14h20. La seconde attestation, qui n'évoque pas ces faits, ne permet pas davantage de les établir. En revanche, le salarié ne saurait invoquer l'existence d'une double sanction, dès lors que l'avertissement pour des faits similaires ne concerne pas la même période. Il résulte de l'analyse précitée que l'employeur ne saurait imputer au salarié d'avoir omis d'éteindre les veilleuses du fourneau à gaz, ni par voie de conséquence lui reprocher dans ses écritures le non respect du règlement intérieur.

En second lieu, et concernant la livraison de trois repas à des personnes extérieures à l'entreprise, si le salarié ne contredit pas l'employeur sur ce point, il précise sans être utilement critiqué sur ce point que les invendus étaient habituellement distribués et que la valeur totale des déjeuners en litige n'excédait pas 18 euros. Les pièces versées aux débats, en particulier les attestations, ne permettent pas de démontrer la réalité du défaut de restitution des assiettes en porcelaine reproché au salarié, alors que celui-ci conteste ce grief.
Cependant, la cour observe que, nonobstant la faible valeur totale des repas remis à des tiers, le salarié ne conteste pas le défaut de demande d'autorisation à l'employeur ou d'information de celui-ci. Il appert que des faits similaires ont été reprochés au salarié par lettre du 30 août 2017, l'employeur lui ayant infligé un avertissement pour divers manquements dont celui d'emporter régulièrement des repas sans son autorisation, observation étant faite qu'il lui était également reproché dans un précédent avertissement du 11 mai 2017, le non respect de ses obligations contractuelles afférentes aux mesures de sécurité et à la ponctualité dans la livraison des repas.

En dernier lieu, si le salarié allègue que son licenciement reposerait en réalité sur la volonté de l'employeur de se soustraire au paiement de charges sociales liées à la fin de son contrat CUI-CAE, cette circonstance ne ressort pas des pièces du dossier dès lors que la rupture du contrat de travail est antérieure de plusieurs mois à la date de cessation des avantages liés à ce contrat.

Cette méconnaissance du souhait de l'employeur d'être informé des repas dont le salarié comptait disposer en faveur de tiers constitue un manquement à ses obligations contractuelles impliquant un respect des consignes et instructions données par celui-ci et justifiant, compte tenu des précédentes mesures disciplinaires, le licenciement de M. [O], non pas pour faute grave, mais pour cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières du licenciement :

En ce qui concerne l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents :

En application des articles L.1234-1 et L.1234-5 du code du travail, il convient de confirmer la somme allouée à M. [O], qui comptait une ancienneté de un an et dix mois, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, correspondant à un mois de salaire, soit la somme de 1519,73 euros et celle de 151,97 euros au titre des congés payés y afférents.

En ce qui concerne l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Le licenciement étant fondé par une cause réelle et sérieuse, M. [O] devra être débouté de sa demande formulée à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En ce qui concerne des dommages et intérêts pour rupture abusive :

La demande de M. [O] ne pourra qu'être rejetée dès lors qu'il n'allègue ni n'établit aucune circonstance abusive ou vexatoire ayant entouré son licenciement.

Sur les demandes salariales de mars 2017 à janvier 2018 :

En ce qui concerne le rappel de salaire :

Il ressort des termes du contrat de travail du salarié que la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997 était applicable.

Ainsi que l'ont souligné les premiers juges, l'article 2 de l'avenant no 23 du 8 février 2016 relatif aux salaires minima conventionnels prévoit, pour l'échelon 2 niveau II détenu par M. [O], une rémunération horaire de 10,08 euros.

L'examen des fiches de paie du salarié met toutefois en évidence le paiement d'un salaire horaire de 10,02 euros.

Il appert que M. [O] a perçu la somme totale, pour la période précitée, de 14542,69 euros au lieu de 14704,71 euros.

Dès lors, il convient de confirmer la somme allouée à titre de salaire d'un montant de 162,02 euros.

En ce qui concerne le complément d'indemnité de congés payés :

En application de l'article 24 de la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants, l'indemnité de congé est fixée à 1/10 de la rémunération brute perçue au cours de la période de référence, ou au salaire qu'aurait perçu le salarié s'il avait continué à travailler. Le salarié bénéficiera de la formule la plus avantageuse, en application de l'article L. 223-11 du code du travail.

Compte tenu du rappel de salaire d'un montant de 162 euros, M. [O] est seulement fondé à solliciter le versement d'un complément d'indemnité de congés payés d'un montant de 16,20 euros et en l'absence de justification de la somme qu'il sollicite, au demeurant contestée par l'employeur.

Sur les autres demandes :

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile et de débouter les parties de leurs demandes formulées à ce titre. Le jugement est réformé sur ce point.

Chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 19 septembre 2019 entre M. [O] [J] et la SASU Martin's Production en ce qu'il a condamné la SASU Martin's Production à verser à M. [O] [J] les sommes suivantes :
* 1519,73 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 151,97 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
* 162,02 euros à titre de complément de salaire de mars 2017 à janvier 2018,

Réforme pour le surplus et statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de M. [O] [J] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Condamne la SASU Martin's Production à verser à M. [O] [J] la somme de 16,20 euros à titre de complément d'indemnité de congés payés,

Déboute M. [O] [J] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de celle au titre des dommages et intérêts pour rupture abusive,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 19/013901
Date de la décision : 06/12/2021
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2021-12-06;19.013901 ?
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