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15/11/2021 | FRANCE | N°21/001711

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 02, 15 novembre 2021, 21/001711


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

2ème CHAMBRE CIVILE

ARRÊT No 718 DU 15 NOVEMBRE 2021

No RG 21/00171
No Portalis DBV7-V-B7F-DJDQ

Décision déférée à la cour : Jugement du tribunal mixte de commerce de Pointe-A-Pitre, décision attaquée en date du 01 février 2021, enregistrée sous le no 2020F744.

APPELANTE :

S.A.R.L. Chez Manu
[Adresse 3]
[Localité 5]

Représentée par Me Gérald Coralie, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMES :

Monsieur [E] [F]
[Adresse 1]
[Localité 2]

Représenté

par Me Laurent Philibien de la Selarl Filao Avocats, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Maître [R] [Z] en qualité de mandata...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

2ème CHAMBRE CIVILE

ARRÊT No 718 DU 15 NOVEMBRE 2021

No RG 21/00171
No Portalis DBV7-V-B7F-DJDQ

Décision déférée à la cour : Jugement du tribunal mixte de commerce de Pointe-A-Pitre, décision attaquée en date du 01 février 2021, enregistrée sous le no 2020F744.

APPELANTE :

S.A.R.L. Chez Manu
[Adresse 3]
[Localité 5]

Représentée par Me Gérald Coralie, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMES :

Monsieur [E] [F]
[Adresse 1]
[Localité 2]

Représenté par Me Laurent Philibien de la Selarl Filao Avocats, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Maître [R] [Z] en qualité de mandataire judiciaire de la S.A.R.L Chez Manu ( Intervenante forcée)
[Adresse 4]
[Adresse 7]
[Localité 6]

Représentée par Me Frédéric Decap de la Selas Caplaw Sbh, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 septembre 2021, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Corinne Desjardins, Présidente de chambre,
Mme Annabelle Cledat,conseillère,
Mme Christine Defoy, conseillère
qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 15 novembre 2021.

GREFFIER,

Lors des débats : Mme Sonia Vicino
Lors du prononcé : Mme Armélida Rayapin

ARRÊT :

Contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
Signé par Mme Corinne Desjardins, Présidente de chambre et par Mme Armélida Rayapin, Greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Par acte du 18 novembre 2020, M. [E] [F] a assigné la SARL Chez Manu devant le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre afin de solliciter l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, se prévalant de l'absence de règlement de diverses sommes dues en exécution de décisions du conseil de Prud'Hommes et du juge de l'exécution.

Par jugement contradictoire du 1er février 2021, le tribunal mixte de commerce a principalement :
- ouvert la procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL Chez Manu ainsi qu'une période d'observation de six mois,
- fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 1er février 2021,
- désigné Maître [Z] en qualité de mandataire judiciaire.

La SARL Chez Manu a interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique le 11 février 2021, en intimant uniquement M. [F].

La procédure a fait l'objet d'une orientation à bref délai avec fixation de l'affaire à l'audience du 13 septembre 2021.

Le 16 mars 2021, en réponse à l'avis du 8 mars 2021 donné par le greffe, l'appelante a fait signifier la déclaration d'appel et ses conclusions à M. [F] qui a régularisé sa constitution d'intimé le 13 avril 2021.

Par acte d'huissier du 16 mars 2021, la SARL Chez Manu a également assigné en intervention forcée Maître [Z] ès qualités de mandataire judiciaire et lui a signifié la déclaration d'appel.

Maître [Z] ès qualités a régularisé sa constitution d'avocat le 22 mars 2021.

Par réquisitions en date du 31 août 2021 adressées aux parties, le parquet général, auquel le dossier a été communiqué, a sollicité la confirmation du jugement déféré.

A l'audience du 13 septembre 2021, la décision a été mise en délibéré au 15 novembre 2021.

A cette occasion, l'avocat de l'appelante, qui n'était pas présent à l'audience, a été invité à déposer son dossier au greffe avant le 18 septembre 2021.

Le 17 septembre 2021, il a remis un dossier ne contenant aucune pièce mais seulement des conclusions intitulées "conclusions no2", datées du 30 août 2021, qui n'ont été remises au greffe et notifiées aux intimées par RPVA que le 17 septembre 2021, soit postérieurement à l'audience.
En conséquence, ces conclusions seront écartées des débats et seules les conclusions remises au greffe le 17 mars 2021 seront retenues.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

1/ La Sarl Chez Manu, appelante :

Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 17 mars 2021 et notifiées à M. [F] le 16 mars 2021 par lesquelles l'appelante demande à la cour:
- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- de constater qu'elle est en mesure de faire face à l'ensemble de ses charges,
- de rejeter purement et simplement la demande d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire,
- de débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes,
- de condamner M. [F] à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

2/ M. [F], intimé :

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 14 avril 2021 par lesquelles l'intimé demande à la cour :
- de déclarer l'appel formé par la SARL Chez Manu irrecevable,
- sur le fond, de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- de fixer au passif de la SARL Chez Manu la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens de l'instance d'appel qui seront pris en frais privilégiés de la procédure collective.

3/ Maître [Z] ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL Chez Manu, intervenante forcée :

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 04 mai 2021 par lesquelles l'intervenante forcée demande à la cour :
- de constater que les conclusions d'appel ne lui ont pas été remises dans le délai d'un mois suivant l'avis de fixation à bref délai du 8 mars 2021,
- de prononcer en conséquence la caducité de la déclaration d'appel et l'extinction de l'instance et de dire que les frais de première instance et d'appel resteront à la charge de la procédure de redressement judiciaire,
- subsidiairement, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a valablement constaté l'état de cessation des paiements de la société Chez Manu,
- de dire que les frais de première instance et d'appel resteront à la charge de la procédure de redressement judiciaire.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la recevabilité de l'appel :

En vertu des dispositions de l'article R.661-6 du code de commerce, dans le cadre de l'appel des jugements d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, les mandataires judiciaires qui ne sont pas appelants doivent être intimés.

A défaut il est constant, ainsi que le relève M. [F], que l'appel est irrecevable.

Néanmoins, la procédure peut être régularisée et le mandataire judiciaire qui n'a pas été intimé peut être assigné en intervention forcée sur le fondement de l'article 555 du code de procédure civile.

En l'espèce, il est parfaitement établi que dans sa déclaration d'appel la SARL Chez Manu n'a pas intimé Maître [Z], désignée en qualité de mandataire judiciaire au terme du jugement contesté.

Néanmoins, par acte du 16 mars 2021, la SARL Chez Manu l'a faite assigner en intervention forcée, régularisant ainsi la procédure à son encontre.

Dès lors, M. [F] sera débouté de sa demande tendant à voir déclarer l'appel irrecevable.

Sur la caducité de la déclaration d'appel :

Bien que ne remettant pas en cause la recevabilité de l'appel, Maître [Z] soutient au visa de l'article 905-2 du code de procédure civile qu'elle n'a pas été destinataire de la notification des conclusions de l'appelante et que la déclaration d'appel est donc caduque.

L'article 905-2 dispose qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe.

Par ailleurs, l'article 911 indique que sous les sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées au plus tard dans le mois suivant l'expiration des délais prévus à ces articles aux parties qui n'ont pas constitué avocat ; cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat.

En l'espèce, la SARL Chez Manu a remis au greffe ses conclusions le 17 mars 2021, après avoir reçu l'avis adressé par le greffe daté du 8 mars 2021.

Par acte du 16 mars 2021, l'appelante a fait assigner en intervention forcée Maître [Z] ès qualités de mandataire judiciaire et lui a remis à cette occasion une copie de la déclaration d'appel.

Il est établi, ainsi que l'indique Maître [Z], que la SARL Chez Manu n'a jamais justifié qu'elle aurait notifié ses conclusions à l'avocat du mandataire judiciaire qui s'est constitué le 22 mars 2021, ni qu'elle les aurait faites signifier directement au mandataire judiciaire avant cette date, puisque l'acte d'assignation en intervention forcée ne mentionnait pas la signification simultanée des conclusions.

Néanmoins, à l'exception du rajout de quelques mentions relatives à l'intervention forcée, le contenu de l'assignation reprenait textuellement celui des conclusions remises au greffe par l'appelante le 17 mars 2021. Dès lors, Maître [Z] ès qualités était en mesure de connaître les moyens développés par l'appelant au soutien de son appel et, ayant constitué avocat le 22 mars 2021, d'y répondre.

Par ailleurs, l'article 56 du code de procédure civile dispose que l'assignation vaut conclusions.
En conséquence, il convient de débouter Maître [Z] ès qualités de sa demande tendant à voir déclarer caduque la déclaration d'appel.

Sur l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire :

L'article L.631-1 du code de commerce dispose qu'il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.

Il appartient au créancier qui engage l'action de prouver, outre le caractère déterminé et exigible de sa créance, que l'état financier de son débiteur ne permet pas de faire face au passif exigible.

En l'espèce, au regard des pièces produites par M. [F], les premiers juges ont estimé que la société Chez Manu était dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible après avoir relevé que les mesures d'exécution forcées mises en oeuvre par M. [F] pour obtenir le paiement de la somme de 54.470,35 euros correspondant aux condamnations prononcées à son profit par le Conseil de Prud'Hommes et à la liquidation d'une astreinte prononcée par le juge de l'exécution, qui constituait une créance certaine, liquide et exigible, s'étaient avérées infructueuses.

Au soutien de sa demande d'infirmation, la SARL Chez Manu ne remet pas en cause les constatations du tribunal. Elle se contente d'indiquer qu'elle est "en train de régler à M. [F] les sommes ordonnées par le Conseil de Prud'Hommes de Pointe-à-Pitre", tout en reconnaissant que sa situation actuelle liée à la crise sanitaire l'a mise en difficulté sur le plan financier.

Néanmoins, si elle affirme être en mesure de faire face à l'ensemble de ses charges, elle n'en justifie pas puisqu'elle ne produit aucune pièce comptable ou financière en cause d'appel.

De son côté, le mandataire judiciaire verse aux débats en pièce 7 de son dossier l'état provisoire des créances déclarées qui fait état d'un passif déclaré de 82.553,56 euros, dont 9.180 euros seulement à titre non définitif.

Alors que son passif exigible a augmenté depuis le jugement déféré, la SARL Chez Manu échoue à démontrer qu'elle disposerait de l'actif disponible pour y faire face alors que toutes les saisies-attribution mises en oeuvre par M. [F] en 2019, soit avant la crise qui a encore fragilisé sa situation, avaient permis d'établir qu'elle ne disposait d'aucune trésorerie.

En conséquence, l'état de cessation des paiements étant parfaitement caractérisé, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL Chez Manu.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Même si la SARL Chez Manu succombe à l'instance, l'équité commande de débouter M. [F] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de dire que les dépens de l'instance d'appel resteront à la charge de la procédure de redressement judiciaire.

L'appelante sera également déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a ordonné l'emploi des dépens de première instance en frais privilégiés de redressement judiciaire.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt rendu par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la Sarl Chez Manu et M. [F] de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens de l'instance d'appel resteront à la charge de la procédure de redressement judiciaire.

Et ont signé,

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 02
Numéro d'arrêt : 21/001711
Date de la décision : 15/11/2021
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2021-11-15;21.001711 ?
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