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15/11/2021 | FRANCE | N°19/008581

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 02, 15 novembre 2021, 19/008581


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

2ème CHAMBRE CIVILE

ARRÊT No 711 DU 15 NOVEMBRE 2021

No RG 19/00858
No Portalis DBV7-V-B7D-DDSR

Décision déférée à la cour : Jugement du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre, décision attaquée en date du 31 mai 2019, enregistrée sous le no 17/003068

APPELANTE :

S.A.R.L. Société D'extension De Développement Et D'action Commerciale
[Adresse 1]
[Adresse 5]
[Localité 3]

Représentée par Me Laure-Anne Cornelie, avocate au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMEES :
r>S.C.I. Benjamin
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 4]

Représentée par Me Anis Malouche, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MART...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

2ème CHAMBRE CIVILE

ARRÊT No 711 DU 15 NOVEMBRE 2021

No RG 19/00858
No Portalis DBV7-V-B7D-DDSR

Décision déférée à la cour : Jugement du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre, décision attaquée en date du 31 mai 2019, enregistrée sous le no 17/003068

APPELANTE :

S.A.R.L. Société D'extension De Développement Et D'action Commerciale
[Adresse 1]
[Adresse 5]
[Localité 3]

Représentée par Me Laure-Anne Cornelie, avocate au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMEES :

S.C.I. Benjamin
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 4]

Représentée par Me Anis Malouche, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

S.A.S. L'Agence By Gmb anciennement dénommée Hestia Immobilier prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 4]

Représentée par Me Frédéric Candélon-Berrueta de la Selarl Candélon-Berrueta, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Septembre 2021, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Corinne Desjardins, Présidente de chambre,
Mme Annabelle Cledat, conseillère,
Mme Christine Defoy, conseillère,
qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 15 novembre 2021.

GREFFIER,

Lors des débats : Mme Sonia Vicino
Lors du prononcé : Mme Armélida Rayapin

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
Signé par Mme Corinne Desjardins, Présidente de chambre et par Mme Armélida Rayapin, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

La SCI Benjamin, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Pointe à Pitre, sous le numéro 340 614 437, a pour objet l'achat et la vente de biens immobiliers, ainsi que l'exploitation de ces biens par l'intermédiaire de locations.

La SARL Hestia, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Pointe à Pitre, sous le numéro 493 400 956, devenue l'agence By GMB, exerce une activité d'agent immobilier.

La société d'expansion de développement et d'action commerciale, dite Sedac, située à [Adresse 5], commercialise depuis 19 ans sous l'enseigne « Quai des Iles » des articles de décoration, des souvenirs et des vêtements de plage.

La SCI Benjamin est propriétaire d'un local commercial situé à [Adresse 5] qui était précédemment exploité par la SARLGMB Sun. La société Sedac s'est alors rapprochée de la SARL Hestia Immobilier, en charge de la gestion locative de ce bien, pour conclure un contrat de bail.

Un litige est survenu entre les parties concernant ce local commercial, la société Sedac arguant de la conclusion d'un bail commercial en bonne et due forme, tandis que la SCI Benjamin et la SARL Hestia Immobilier en contestait la matérialité.

Suivant exploit d'huissier en date du 5 janvier 2017, la SARL Sedac a assigné la SARL Hestia Immobilier devant le juge des référés du tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre aux fins de voir désigner un notaire pour dresser acte authentique d'un bail commercial qu'elle estimait avoir conclu avec la SCI Benjamin, mandant de l'agent immobilier.

De plus, suivant assignation du 13 février 2017, la SARL Sedac a attrait la SCI Benjamin à la procédure aux fins de la voir relever et garantir la SARL Hestia Immobilier de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre.

Suivant ordonnance du 30 juin 2017, le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir.

Selon exploit d'huissier délivré le 15 novembre 2017, la SCI Benjamin a fait assigner la SARL Sedac et la SARL Hestia Immobilier devant le tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre aux fins d'obtenir, au visa de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970, de l'article 72 du décret du 20 juillet 1972, ainsi que des dispositions des articles 1984 et 1998 du code civil, :
-la condamnation de la SARL Sedac à lui verser une indemnité d'occupation de 1300 euros par mois du 14 octobre 2016 au 23 février 2017,
-la condamnation de la société Sedac à retirer ses effets, au besoin sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de la signification de la décision à intervenir,
-la condamnation de la société Sedac à lui verser une indemnité d'entreposage de 2525 euros, du 23 février 2017 au 30 septembre 2017, somme à parfaire au jour du retrait effectif,
-la condamnation de la Sedac à lui payer la somme de 651 euros à titre d'indemnité pour frais de déplacement de ses effets,
-la condamnation de la société Sedac à lui payer la somme de 3500 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement avant dire-droit du 1er juin 2018, le tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre a débouté la SARL Sedac de son exception d'incompétence au profit du tribunal de grande instance de Pointe à Pitre, a reconnu sa compétence pour statuer sur le litige et a renvoyé les débats sur le fond pour conclusions impératives de la Sedac.

Par jugement du 31 mai 2019, le tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre a :
-constaté que le tribunal n'est pas saisi d'une fin de non-recevoir tirée d'une absence de mention dans l'assignation des tentatives de règlement amiable,
-constaté que le tribunal n'est pas saisi d'une exception de nullité de l'assignation,
-condamné la société Sedac à verser à la SCI Benjamin une indemnité d'occupation de 982, 20 euros par mois, TVA, provisions et charges incluses, du 14 octobre 2016 au 23 février 2017,
-condamné la SARL Sedac à verser à la SCI Benjamin la somme de 651 euros correspondant au coût de déplacement des effets personnels de la SARL Sedac,
-condamné la SARL Sedac à verser à la SCI Benjamin une indemnité d'entreposage de 350 euros TTC par mois, à compter du 23 février 2017 et jusqu'à complet retrait de ses effets personnels, au lieu où la SCI Benjamin les a fait entreposer,
-condamné la SARL Sedac à venir retirer ses équipements du local de la SCI Benjamin, situé [Adresse 6], et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision,
-débouté la SARL Sedac de ses demandes d'indemnisation à l'encontre de la SARL Hestia Immobilier, devenue l'agence la SAS By GMB, pour manquement à son devoir d'information et de conseil,
-débouté la SARL Sedac de ses demandes d'indemnisation in solidum à l'encontre de la SARL Hestia Immobilier devenue la SAS l'agence GMB et la SCI Benjamin pour rupture abusive des pourparlers,
-débouté la SARL Hestia Immobilier, devenue l'agence By GMB, de sa demande d'indemnisation à l'encontre de la Sedac pour procédure abusive,
-condamné la SARL Sedac à payer à la SCI Benjamin la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-débouté la SARL Sedac et la SARL Hestia Immoiblier, devenue la SAS l'agence By GMB, de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné la SARL Sedac aux entiers dépens de l'instance.

Suivant déclaration au greffe en date du 26 juin 2019, la SARL Sedac a interjeté appel de la présente décision en ce qu'elle a :
-condamné la société Sedac à verser à la SCI Benjamin une indemnité d'occupation de 982, 20 euros par mois, TVA, provisions et charges incluses, du 14 octobre 2016 au 23 février 2017,
-condamné la SARL Sedac à verser à la SCI Benjamin la somme de 651 euros, correspondant au coût de déplacement des effets personnels de la SARL Sedac,
-condamné la SARL Sedac à verser à la SCI Benjamin une indemnité d'entreposage de 350 euros TTC par mois à compter du 23 février 2017 et jusqu'à complet retrait de ses effets personnels, au lieu où la SCI Benjamin les a fait entreposer,
-débouté la SARL Sedac de ses demandes d'indemnisation à l'encontre de la SARL Hestia Immobilier, devenue l'agence la SAS By GMB, pour manquement à son devoir d'information et de conseil,
-débouté la SARL Sedac de ses demandes d'indemnisation in solidum à l'encontre de la SARL Hestia Immobilier devenue la SAS l'agence GMB et la SCI Benjamin,
-condamné la SARL Sedac à payer à la SCI Benjamin la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné la SARL Sedac aux entiers dépens de l'instance,
-ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Le 11 juillet 2019, la SCI Benjamin a régularisé sa constitution d'intimée par la voie électronique, puis la SAS l'agence By GMB, le 3 septembre 2019.

Par conclusions d'incident remises au greffe le 11 octobre 2019, la SCI Benjamin a demandé au conseiller de la mise en état de constater le défaut d'exécution du jugement dont appel et d'ordonner la radiation de l'affaire sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 18 janvier 2021, le conseiller de la mise en état a dit n'y avoir lieu à la radiation de l'affaire, a dit n'y avoir lieu à nullité de la déclaration d'appel et a dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres frais et dépens engagés dans le cadre de l'incident.

Les parties ayant conclu, l'ordonnance de clôture est intervenue le 15 mars 2021.

L'affaire a ensuite été fixée à l'audience du 13 septembre 2021 et mise en délibéré au 15 novembre 2021.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

1/ La SARL Sedac, société d'extension et de développement et d'action commerciale, appelante :

Vu les conclusions notifiées par la SARL Sedac, appelante, le 26 septembre 2019, par lesquelles celle-ci demande à la cour de :
-accuellir ses demandes et les déclarer bien-fondées,
-infirmer le jugement rendu le 29 mai 2019 par le tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre,
-condamner la société l'agence By GMB pour méconnaissance de son obligation de conseil et d'information à lui payer la somme de 17 731 euros, correspondant au montant des articles de prêt à porter achetés en vue de leur revente,
-condamner la société l'agence By GMB pour méconnaissance de son obligation de conseil et d'information à lui payer la somme de 4200 euros, correspondant à la dépréciation des équipements et meubles acquis en vue de l'aménagement du local commercial,
-condamner la société l'agence By GMB et la SCI Benjamin in solidum au paiement de la somme de 3000 euros, en réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive des pourparlers,
-condamner in solidum la société l'agence GMB et la SCI Benjamin à lui payer la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral subi,
-condamner la société l'agence By GMB à garantir le paiement et le remboursement de toutes les condamnations portées à son encontre au profit de la SCI Benjamin,
-condamner in solidum l'agence By GMB et la SCI Benjamin au paiement de la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de prcoédure civile,
-condamner la société l'agence By GMB et la SCI Benjamin au paiement des entiers dépens de l'instance.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens.

2/ La SCI Benjamin, intimée :

Vu les dernières conclusions notifiées par la SCI Benjamin le 17 septembre 2020, par lesquelles celle-ci demande à la cour de :
-confirmer en tous points le jugement dont appel,
-condamner la SARL Sedac à lui payer la somme de 4500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens.

3/ La SAS l'agence By GMB, intimée :

Vu les conclusions notifiées le 20 décembre 2019, par lesquelles la SAS l'agence By GMB demande à la cour de :
-débouter la SARL Sedac de l'ensemble de ses prétentions,
-condamner la SARL Sedac à lui verser une somme de 2500 euros, eu égard au caractère abusif des demandes,
-condamner la SARL Sedac à lui verser la somme de 3500 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens.

MOTIFS :

Sur la demande indemnitaire de la société d'extension de développement et d'action commerciale (Sedac) formée à l'encontre de la SARL Hestia Immobilier, devenue l'agence By GMB, pour méconnaissance de son devoir de conseil et d'information,

Sur l'existence d'une faute imputable à l'agent immobilier,

L'agent immobilier, qui joue un rôle d'intermédiaire en vue de la réalisation d'une transaction immobilière, qu'il s'agisse d'une vente ou d'une location, s'est vu imposer par la jurisprudence un devoir de conseil et d'assistance dont l'étendue n'a cessé de croître. En effet, ce devoir s'impose non seulement dans les relations existantes entre l'agent immobilier et son mandant, mais également à l'égard des tiers, pourtant étrangers au contrat de mandat.

La responsabilité délictuelle de l'agent immobilier à l'égard des tiers peut ainsi être mise en oeuvre en cas de dépassement de pouvoirs du mandataire, en cas de délits ou de quasi-délits dans l'exécution de son mandat, sans qu'il soit besoin alors de rechercher s'il a agi conformément ou pas aux instructions de son mandant ou en cas de manquement à son devoir de conseil.

Cette responsabilité peut être engagée dans les conditions de la responsabilité civile de droit commun à savoir si une faute peut être reprochée à l'agent immobilier et si cette faute a, par l'intermédiaire d'un lien de causalité, causé directement un préjudice au tiers.

En l'espèce, il ressort des échanges de mails intervenus entre les parties que dès le 22 septembre 2016, la société Sedac a sollicité la SARL Hestia Immobilier, devenue société l'agence GMB, pour obtenir des informations concernant un local commercial jouxtant le sien à [Adresse 5]. Le 22 septembre la SARL Hestia Immobilier lui a répondu que le locataire devait quitter les lieux le 14 octobre 2016 et qu'elle revenait vers elle la semaine prochaine pour plus de précisions.

Il s'ensuit que par courrier électronique du 6 octobre 2016, la SARL Hestia Immobilier a informé la société Sedac de ce " qu'elle avait le plaisir de lui faire parvenir la proposition suivante pour le local d'une surface de 44 m2 se trouvant à [Adresse 5], avec un loyer mensuel HT de 891, 28 euros, une provision sur charges de 15, 16 euros, une TVA de 75, 76 euros, soit un loyer mensuel TTC de 982, 80 euros mensuels, avec un dépôt de garantie de 1782, 56 euros, des frais de rédaction d'acte notarié de 750 euros et des frais d'agence à hauteur de 15 % du loyer annuel TTC".

Le 7 octobre 2016, la société Sedac a fait savoir à l'agent immobilier qu'elle retenait cette proposition, même si les frais de notaire lui semblaient excessifs dès lors qu'ils devraient avoisiner les 150 euros et que les frais d'agence" devraient lui revenir au moins à 50%". Le 13 octobre 2016, elle a fait savoir à l'agence immobilière qu'elle avait racheté les aménagements qui se trouvaient à l'intérieur du local et qu'il convenait de lui faire signe après récupération des clés.

Par nouveau mail du 14 octobre 2016, la SARL Hestia Immobilier a contacté la société Sedac pour rappeler que les frais de rédaction d'acte notarié étaient incompressibles et qu'elle se rapprochait de sa direction pour savoir s'il était possible de faire quelque chose s'agissant des frais d'agence.

Par message du 25 octobre 2016, la SARL Hestia Immobilier a ensuite demandé à la société Sedac de lui faire parvenir les pièces requises pour la rédaction du nouveau bail. Le 1er novembre 2016, la société appelante a fait savoir que les documents sollicités avaient été déposés dans la boîte aux lettres à l'entrée des bureaux de la société Hestia. Le même jour, la SARL Hestia Immobilier a répondu à son interlocuteur qu'elle revenait vers elle pour la signature du bail de réservation en attendant l'acte authentique afin qu'elle puisse exploiter le local au plus vite.

Toutefois, par lettre du 4 novembre 2016, la SCI Benjamin, propriétaire du local litigieux, a fait savoir à la SARL Hestia Immobilier que le loyer qu'elle avait proposé à la société Sedac était nettement inférieur au prix du marché et qu'elle refusait la proposition ainsi faite.

Au vu de ces échanges, tels que précédemment retranscrits, la société Sedac considère que la SARL Hestia Immobilier a failli à son égard à son devoir de conseil et d'information, en lui fournissant des informations erronées quant à l'étendue de son mandat et en se présentant comme titulaire d'un mandat de gestion exclusive, alors que tel n'était pas le cas. Elle reproche également à l'agence immobilière d'avoir outrepassé ses pouvoirs et d'avoir commis une faute, en lui faisant une proposition de bail commercial, sans avoir au préalable consulté le propriétaire des locaux.

Le premier grief articulé à l'encontre de la SARL Hestia Immobilier, devenue l'agence By GMB, sera écarté dès lors que les parties étaient en relations d'affaire de longue date et que la société Sedac ne pouvait se méprendre sur l'étendue des pouvoirs conférés à la SARL Hestia Immobilier, qui, à aucun moment n'a argué ou laissé croire qu'elle disposait d'un mandat exclusif concernant la location du local commercial litigieux.

Le second par contre s'avère pertinent, dès lors qu'il ressort des termes du mandat conféré à la SARL Hestia Immobilier en date du 5 mars 2008 que "sans préjudice des pouvoirs conférés au mandataire, si le présent mandat porte sur des biens dont la location est soumise au statut des baux commerciaux ou ruraux ou à tout autre statut en vertu duquel la conclusion ou le renouvellement du contrat est qualifié d'acte de disposition, le mandataire ne pourra relouer ou donner congé aux fins d'offre de renouvellement sans avoir préalablement avisé le mandant et obtenu son accord exprès en ce qui concerne les conditions essentielles du contrat, notamment le montant du nouveau loyer proposé".

Il ressort de la disposition précitée que dès lors que la location du local litigieux était susceptible de relever du statut des baux commerciaux, il incombait à la SARL Hestia Immobilier de consulter le propriétaire du local avant d'émettre toute proposition de location.

Si ce manquement s'analyse en une inexécution contractuelle du mandat conféré par la SCI Benjamin à la SARL Hestia Immobilier, elle est également constitutive d'une faute à l'égard de la société Sedac, qui a été destinataire d'informations erronées de la part de l'agence immobilière, lesquelles ont pu lui laisser croire que la signature d'un bail auxdites conditions matérielles était envisageable, alors qu'en réalité tel n'était pas le cas.

Ainsi, il est acquis que la SARL Hestia Immobilier, aux droits de laquelle vient la société l'agence GMB, a commis une faute à l'égard de la société Sedac, en lui faisant part de conditions erronées quant au bail qu'elle souhaitait conclure concernant un local de 44 m2, jouxtant le sien sur [Adresse 5].

Sur l'absence de lien causal entre la faute de l'agent immobilier et les préjudices allégués,

Cette faute aussi caractérisée soit-elle n'est susceptible d'engager la responsabilité civile délictuelle de la SARL Hestia Immobilier, dans les conditions de l'article 1240 du code civil, que si elle se trouve liée par un lien de causalité direct avec le préjudice subi par la victime.

A ce titre, la société Sedac argue de ce que, certaine d'ouvrir un nouveau magasin, elle a fait l'acquisition d'articles de prêt à porter pour un montant total de 17 731 euros dont elle justifie, factures à l'appui. Elle expose que faute d'avoir pu conclure le bail commercial litigieux et d'avoir pu annuler lesdites commandes, elle a dû prendre livraison de ces marchandises qui sont restées invendues.

Toutefois, si la matérialité de ces commandes est acquise, il n'est nullement démontré par la société appelante que celles-ci étaient véritablement destinées au local commercial, objet du litige et qu'au final elles n'ont pas été vendues.

En réalité, les factures en cause concernent des commandes passées, alors que les parties étaient en pourparlers, et ce, alors même qu'aucun contrat de bail n'avait été effectivement signé et pas davantage un simple contrat de réservation.

Il s'ensuit que le préjudice ainsi invoqué n'est pas consécutif à la faute commise par la SARL Hestia Immobilier, mais s'avère en lien direct avec la propre imprudence de la société Sedac, qui a procédé à des commandes, alors que le bail n'était nullement conclu.

En effet, l'acceptation par la société appelante du prix du bail dans son mail du 6 octobre 2016 n'était nullement suffisante pour considérer le bail comme valablement formé, dès lors que les conditions du contrat et notamment sa durée et son régime juridique n'étaient nullement fixés et qu'il existait un désaccord de la société Sedac quant au montant des frais relatifs à la rédaction de l'acte notarié.

Il en résulte que la responsabilité de la SARL Hestia ne pourra être retenue de ce chef.

La société Sedac ajoute dans le même sens qu'elle a fait l'acquisition de matériel en vue de l'aménagement du local litigieux pour la somme de 7000 euros. Elle expose que ces équipements spécifiques, qui ne pouvaient s'intégrer que dans le local en cause, lui ont été confisqués par la SCI Benjamin et qu'elle ne les a récupérés que le 4 juillet 2019, date à laquelle elle les a faits évaluer par un expert comptable, qui a fixé leur valeur à 2800 euros, soit une perte de 4200 euros. La société Sedac réclame donc la condamnation de la société l'agence By GMB, venant aux droits de la SARL Hestia Immobilier, à lui payer la somme de 4200 euros.

Toutefois, la même argumentation pourra être opposée à la société Sedac s'agissant de cette demande. Il est incontestable que l'achat de ces aménagements était prématuré, alors qu'aucun bail n'avait été signé entre les parties et que la société appelante est donc seule responsable du préjudice allégué, consécutif à sa propre imprudence et non au manquement de l'agent immobilier à son devoir de conseil.

Enfin, la société Sedac réclame la condamnation de la société l'agence By GMB à lui régler la somme de 63 509 euros au titre de la perte de chance causée par le non respect de son obligation de conseil et d'information. Pour ce faire, elle se fonde sur un document constituant une projection comptable au titre duquel il appert qu'elle aurait réalisé un bénéfice de 63 509 euros si elle avait pu exploiter le local en cause.

Or, la perte de chance suppose la privation d'une potentialité présentant un caractère de probabilité raisonnable et non un caractère certain. Toutefois, force est de constater que cette perte de chance n'est ici nullement caractérisée, dès lors qu'à aucun moment la SCI Benjamin, propriétaire du local, n'a entendu conclure le bail aux conditions proposées par la SARL Hestia Immobilier. La société appelante ne pourra donc qu'être déboutée des demandes formées de ce chef.

Il résulte de ce qui précède que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a écarté la demande de la société Sedac tendant à voir engager la responsabilité civile délictuelle de la SARL Hestia Immobilier, aux droits de laquelle vient la société l'agence GMB.

Sur le paiement par la société Sedac d'une indemnité d'occupation, de frais de déplacement de ses effets personnels et d'une indemnité d'entreposage,

La société Sedac critique le jugement déféré qui l'a condamnée à payer une indemnité d'occupation de 982, 20 euros par mois, TVA, provisions et charges incluses du 14 octobre 2016 au 23 février 2017.

Elle considère que cette indemnité n'est pas due, dès lors qu'à aucun moment la SCI Benjamin s'est trouvée dans l'impossibilité d'user du local commercial, objet du litige. Elle explique qu'au cours de la période considérée, elle n'a jamais eu la jouissance des lieux et que les agents immobiliers mandatés par la SCI Benjamin n'ont eu aucun mal à faire visiter les lieux et à trouver un nouveau locataire en la personne de la société Coco Mango, dès le mois de février 2017.

La SCI Benjamin sollicite pour sa part la confirmation du jugement entrepris, considérant que la SARL Sedac a occupé sans droit ni titre son local en y entreposant des meubles qu'elle avait acquis au précédent locataire.

Toutefois, l'indemnité d'occupation se définit comme des dommages et intérêts qui se substituent de plein droit au loyer, en cas de maintien dans les lieux d'un ancien locataire, alors que le bail a été résilié.

Tel n'est pas le cas de la SARL Sedac, qui n'a jamais eu le statut de locataire de la SCI Benjamin, qui n'a jamais pu jouir des lieux dont elle n'a jamais obtenu les clés, mais qui n'a fait que racheter à l'ancien locataire les aménagements qui se trouvaient dans le local, pensant de manière hasardeuse et injustifiée qu'elle pourrait elle-même en devenir locataire.

En réalité, la SCI Benjamin a toujours conservé les clés et la jouissance des lieux qurelle a pu faire visiter à d'autres locataires potentiels en vue de sa future location.

Dans ces conditions, aucune indemnité d'occupation ne pourra être mise à la charge de la société Sedac, de sorte que le jugement déféré qui avait condamné la société appelante à régler à la SCI Benjamin une indemnité d'occupation, sera infirmé de ce chef.

La société Sedac conteste également sa condamnation consistant à régler à la SCI Benjamin la somme de 651 euros au titre des frais de déplacement de ses effets personnels, ainsi qu'une indemnité d'entreposage de 350 euros par mois à compter du 23 février 2017 et jusqu'à complet enlèvement de ces biens.

A ce titre, il ressort des pièces versées aux débats que le 14 février 2017, la SCI Benjamin a fait délivrer à la SARL Sedac une sommation interpellative aux fins de retirer les aménagements litigieux, dans un délai de 8 jours à compter de la présente.

Nonobstant les divers aléas qui ont affecté la récupération de ces biens, force est de constater que, passé le délai de huit jours visé à la sommation susvisée, la société Sedac n'avait pas retiré les effets personnels lui appartenant du local concerné. C'est donc à juste titre que le 23 février 2017, la SCI Benjamin a fait procéder à l'enlèvement du matériel en cause pour un coût de 651 euros, conformément à la facture Socotra en date du 1er mars 2017.

Le jugement attaqué sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Sedac à payer à la SCI Benjamin la somme de 651 euros au titre du coût de déplacement de ses effets personnels.

Il ressort de plus des pièces versées aux débats et notamment du procès-verbal de constat du 2 mars 2017 que le matériel en cause a été déplacé par la SCI Benjamin dans un local situé [Adresse 2], en attendant que son propriétaire le récupère.

La SCI Benjamin sollicite donc la condamnation de la société Sedac à lui régler la somme mensuelle de 350 euros au titre des frais d'entreposage du matériel, au vu de factures de la société Hestia, constituant sa pièce no13.

La société appelante demande de voir écarter ces pièces, sur le fondement de l'article 1363 du code civil qui dispose nul ne peut se constituer de titre à soi-même.

Toutefois, les factures litigieuses émanent, non point de la SCI Benjamin, mais de la société Hestia Immobilier, de sorte que l'article 1363 précité n'est pas applicable au cas d'espèce.

Il s'ensuit que le jugement entrepris ne pourra qu'être confirmé en ce qu'il a condamné la société Sedac à payer à la SCI Benjamin la somme mensuelle de 350 euros au titre des frais d'entreposage à compter du 23 février 2017 jusqu'à l'entière libération des lieux.

Sur la demande indemnitaire formée par la société Sedac à l'encontre de la SCI Benjamin pour rupture abusive des pourparlers,

L'article 1112 du code civil dispose que l'initiative, le déroulement et la rupture des négociations pré-contractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi. En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d'obtenir ces avantages.

Sur le fondement de la disposition précitée, la société Sedac demande de voir infirmer le jugement déféré qui l'a déboutée de sa demande d'indemnisation pour rupture abusive des pourparlers par la SCI Benjamin.

Elle soutient pour ce faire qu'au moment où la rupture des pourparlers est intervenue les négociations entre les parties étaient déjà très avancées et que la SCI Benjamin y a procédé de mauvaise foi, en consentant le bail à une société tierce, la société Coco Mango, sans pour autant mentionner le montant du loyer sur le bail.

Elle ajoute qu'elle a été prévenue par téléphone de la volonté de la SCI Benjamin d'augmenter le prix du loyer, sans que le bailleur ou son intermédiaire ne cherche à la prévenir de la rupture des négociations.

Toutefois, force est de constater que cette argumentation ne pourra qu'être écartée par la cour. Aucune faute dans la rupture des pourparlers ne peut être mise à la charge de la SCI Benjamin qui pour l'essentiel en a été évincée.

En effet, c'est de sa propre et unique initiative que la SARL Hestia Immobilier a fait une proposition de location à la société Sedac le 6 octobre 2016 et lui a demandé subséquemment de fournir les pièces nécessaires à la conclusion du bail, et ce, alors même qu'elle n'en avait pas avisé la SCI Benjamin, en violation des termes du contrat de mandat les liant réciproquement.

Dans ces conditions, il ne peut être fait grief à la SCI Benjamin d'avoir manifesté son désaccord quant aux conditions financières de la location proposée unilatéralement par la SARL Hestia Immobilier. Il ne s'agit nullement d'une rupture abusive des pourparlers, auxquels en réalité il a été mis un terme par la société Sedac elle-même, lorsqu'elle a eu connaissance du montant majoré du loyer sollicité par le bailleur.

Partant, en l'absence de toute mauvaise foi ou de comportement fautif de la SCI Benjamin, la société Sedac ne pourra qu'être déboutée de son action indemnitaire dirigée contre cette dernière.

Pour les mêmes motifs, aucune indemnité ne pourra être allouée à la société Sedac au titre du préjudice moral. Le préjudice ainsi allégué consistant en une atteinte à sa réputation, du fait de l'annulation de commandes passées auprès de nouveaux fournisseurs, n'est nullement la conséquence d'une faute commise par la société l'agence By GMB ou son mandataire, mais le résultat d'une certaine précipitation de la société appelante, qui a procédé à des commandes, avant même la signature d'un contrat de bail ou de réservation.

Sur l'appel en garantie de la société Sedac dirigé contre la société l'agence By GMB s'agissant des condamnations prononcées à son encontre au profit de la SCI Benjamin,

La société l'agence By GMB conclut à l'irrecevabilité d'une telle demande sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civil, considérant qu'il s'agit d'une demande nouvelle interjetée en appel.

Toutefois l'article 566 du code de procédure civile apporte un tempérament à l'article 564 précité, en indiquant que "les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire".

Or, force est de constater en l'espèce que la demande d'appel en garantie dirigée contre la société l'agence By GMB est l'accessoire des demandes de condamnations dirigées contre la société Sedac. Celle-ci s'avère donc parfaitement recevable.

Au fond, dès lors que les condamnations prononcées à l'encontre de la société Sedac au profit de la SCI Benjamin trouvent leur cause dans une imprudence de la société appelante et non dans une faute commise par la société l'agence By GMB, la demande en garantie et en relevé indemne de la société Sedac dirigée contre l'agent immobilier ne pourra prospérer.

Sur la demande indemnitaire de la société l'agence By GMB, anciennement dénommée Hestia Immobilier, pour procédure abusive,

La société l'agence By GMB, anciennement dénommée Hestia Immobilier, critique le jugement déféré qui l'a déboutée de sa demande tendant à voir condamner la société Sedac à lui régler la somme de 2500 euros pour procédure abusive. Elle considère que les demandes indemnitaires formées par la société Sedac à son encontre sont parfaitement infondées et qu'elle a été de facto contrainte de subir les affres d'une procédure mal dirigée.

Toutefois, comme l'ont justement souligné les premiers juges, la société l'agence By GMB, anciennement dénommée Hestia Immobilier, ne rapporte pas la preuve d'un comportement malicieux de la société Sedac, de sa mauvaise foi ou de la commission de sa part d'une erreur équipollente au dol, nonobstant le caractère non fondé pour l'essentiel de son action.

Partant, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société l'agence By GMB de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les autres demandes,

Il ne paraît pas inéquitable de condamner la socité Sedac, qui succombe pour l'essentiel en son appel, à payer à la SARL l'agence By GMB, anciennement dénommée Hestia Immobilier, la somme de 3000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile et celle de 4000 euros à la SCI Benjamin.

La société Sedac sera pour sa déboutée de sa demande formée à ce titre et condamnée aux entiers dépens de la procédure.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire, mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la société Sedac à payer à la SCI Benjamin une indemnité d'occupation de 982, 20 euros par mois, TVA et provision sur charges incluses, du 14 octobre 2016 au 23 février 2017,

Statuant à nouveau de ce chef,

Déboute la SCI Benjamin de sa demande au titre de l'indemnité d'occupation,

Y ajoutant,

Déclare recevable et mal fondée la demande d'appel en garantie de la société Sedac dirigée contre la société l'agence By GMB, s'agissant des condamnations prononcées à son encontre au profit de la SCI Benjamin et l'en déboute,

Condamne la société Sedac à payer à la SARL l'agence By GMB, anciennement dénommée Hestia Immobilier, la somme de 3000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile et celle de 4000 euros à la SCI Benjamin.

Déboute la société Sedac de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure,

Condamne la société Sedac aux entiers dépens de la procédure.

Et ont signé,

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 02
Numéro d'arrêt : 19/008581
Date de la décision : 15/11/2021
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2021-11-15;19.008581 ?
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