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05/10/2020 | FRANCE | N°16/016361

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 05 octobre 2020, 16/016361


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 179 DU CINQ OCTOBRE DEUX MILLE VINGT

AFFAIRE No : No RG 16/01636 - No Portalis DBV7-V-B7A-CXZL

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Guadeloupe du 27 Septembre 2016.

APPELANTE

CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE LA GUADELOUPE
[...]
[...]
[...]
Représentée par Me Betty NAEJUS (SCP NAEJUS-HILDEBERT) Toque 108, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

INTIMÉE

S.A.S.U. HOTEL GUANAHANI et SPA
[...]
[...]


[...]
Représentée par Me Marc GRISOLI (SELARL GRISOLI) Toque 22, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

COM...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 179 DU CINQ OCTOBRE DEUX MILLE VINGT

AFFAIRE No : No RG 16/01636 - No Portalis DBV7-V-B7A-CXZL

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Guadeloupe du 27 Septembre 2016.

APPELANTE

CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE LA GUADELOUPE
[...]
[...]
[...]
Représentée par Me Betty NAEJUS (SCP NAEJUS-HILDEBERT) Toque 108, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

INTIMÉE

S.A.S.U. HOTEL GUANAHANI et SPA
[...]
[...]
[...]
Représentée par Me Marc GRISOLI (SELARL GRISOLI) Toque 22, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Juin 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Rozenn Le Goff, conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Rozenn Le GOFF, conseillère, présidente,
Mme Gaëlle BUSEINE, conseillère,
Mme Annabelle CLEDAT, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 5 octobre 2020

GREFFIER Lors des débats Valérie Souriant, greffier.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Par lettre recommandée avec accusé de réception distribuée le 22 août 2013, la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe (CGSS) a notifié à la SASU Hôtel Guanahani et Spa, une mise en demeure du 19 août 2013 d'avoir à régler la somme de 295 621 euros au titre de cotisations (assurance chômage, cotisations AGS) et majorations de retard.

Le 6 septembre 2013, la société Hôtel Guanahani et Spa a saisi la commission de recours amiable à l'encontre de la mise en demeure du 19 août 2013.

Contestant la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable, la société Hôtel Guanahani et Spa a saisi, par courrier recommandé avec accusé de réception du 11 juillet 2014, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Guadeloupe et a sollicité à titre principal, l'annulation de la mise en demeure du 19 août 2013 et à titre subsidiaire, le caractère infondé du redressement.

Par jugement rendu contradictoirement et en premier ressort le 27 septembre 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Guadeloupe a :

- reçu comme régulier en la forme le recours formulé par la société Hôtel Guanahani et Spa,
- constaté que la procédure de redressement initiée à l'encontre de la société Hôtel Guanahani et Spa est affectée d'irrégularités,
- annulé en conséquence, le redressement notifié le 31 décembre 2012,
- infirmé la décision implicite de la Commission de recours amiable en ce qu'elle a mis à la charge de la société Hôtel Guanahani et Spa un solde de cotisations d'un montant de 295 621 euros au titre des cotisations des années 2010 et 2011,
- condamné la CGSS de la Guadeloupe à verser à la société Hôtel Guanahani et Spa la somme de 600 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 8 novembre 2016, la CGSS de la Guadeloupe formait appel dudit jugement, qui lui a été notifié le 20 octobre 2016.

Par ordonnance du 19 février 2018, le magistrat chargé d'instruire l'affaire a renvoyé la cause à l'audience du 25 février 2019. Après renvois, l'affaire a été retenue à l'audience des débats du 22 juin 2020 à 14h30.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions d'appelante récapitulatives et en réplique no6 notifiées le 12 mai 2020 par voie électronique à la société Hôtel Guanahani et Spa, auxquelles il a été fait référence à l'audience des débats, la CGSS de la Guadeloupe demande à la cour de :

- dire et juger les demandes de la CGSS recevables et fondées,
- infirmer le jugement en ce qu'il a annulé le redressement opéré par la CGSS de la Guadeloupe,
Statuant à nouveau,
- dire et juger le redressement valable dans son intégralité, tel que le montant figure dans la lettre de mise en demeure du 19 août 2013,
- condamner la société Hôtel Guanahani et Spa à payer à l'URSSAF de la Guadeloupe la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Hôtel Guanahani et Spa aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Naejus-Hildebert.

La CGSS de la Guadeloupe soutient que :

- le redressement opéré est régulier,
- il appartient au contrôlé de rapporter la preuve de mentions erronées, et inexactes,
- la société Hôtel Guanahani et Spa ne rapporte pas la preuve que le contrôle aurait été réalisé selon la méthode de l'échantillonnage,
- le redressement a été opéré à partir de la comptabilité de la société ce qui permettait une vérification détaillée de l'ensemble des éléments,
- la lettre d'observations du 22 décembre 2012 respecte les dispositions de l'article R243-59 alinéa 5 du code de la sécurité sociale,
- toutes les mentions requises, dont le mode de calcul, ont été bien portées sur la lettre d'observations du 22 décembre 2012,
- elle a respecté les formalités destinées à assurer le caractère contradictoire du contrôle et la sauvegarde des droits de la défense,
- l'inspecteur a répondu par courrier du 18 mars 2013 au courrier du cotisant du 18 janvier 2013,
- la mise en demeure est régulière en ce qu'elle précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent,
- les avantages en nature nourriture et logement ont bien été calculés sur les fiches de paie mais n'ont pas été déduits avant le calcul du net à payer.

Par conclusions d'intimée récapitulatives et responsives no3 notifiées par voie électronique le 27 janvier 2020 à la CGSS de la Guadeloupe, et auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la société Hôtel Guanahani et Spa demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 27 septembre 2016 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Guadeloupe,
En conséquence,
- annuler le redressement opéré par mise en demeure en date du 19 août 2013,
A titre subsidiaire,
- annuler le redressement notifié par mise en demeure en date du 19 août 2013 puisque totalement infondé,
En tout état de cause,
- condamner la CGSS de la Guadeloupe au paiement d'une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et laisser les éventuels dépens à sa charge.

La société Hôtel Guanahani et Spa soutient que :

- il appartient à la CGSS de démontrer qu'elle n'a pas eu recours à la méthode de l'échantillonnage,
- le contrôle a duré seulement deux heures,
- la lettre d'observations ne mentionne pas le mode de calcul utilisé et est donc irrégulière,
- la mise en demeure mentionne des montants différents de ceux indiqués dans la lettre d'observations,
- le redressement opéré sur les avantages en nature repas et logement est totalement infondé car, d'une part, la CGSS avait déjà contrôlé l'entreprise sans faire d'observation particulière sur la pratique litigieuse, et d'autre part, il conduit à réclamer des cotisations indues puisque déjà versées,
- faute pour l'employeur de pouvoir nourrir ou loger gratuitement son personnel, il devra leur verser une indemnité compensatrice, laquelle au contraire de l'avantage en nature repas ou logement, est soumise à cotisations de sécurité sociale mais n'est pas déduite du salaire net,
- le redressement opéré a conduit à réclamer une seconde fois des cotisations de sécurité sociale sur les avantages en nature.

MOTIFS

Sur la régularité du redressement

En ce qui concerne la méthode de contrôle

L'article R243-59-2 du code de la sécurité sociale encadre les méthodes de vérification par échantillonnage. Le recours aux méthodes statistiques constitue une alternative à l'examen exhaustif des chefs de redressement potentiels sur la totalité des salariés de l'entreprise contrôlée.
Il résulte des dispositions de l'article R243-59 du même code que le contrôle sur pièces, distinct de la vérification des déclarations, est encadré : il implique notamment l'envoi d'un avis de contrôle. Ainsi, l'organisme doit envoyer à l'employeur un avis de contrôle, au moins quinze jours avant la date de la première visite de l'agent chargé du contrôle. Le contrôle s'effectue sur la base des documents transmis à l'organisme de recouvrement puisque le contrôle s'effectue dans ses locaux.

En l'espèce, par courrier recommandé avec accusé de réception du 31 octobre 2012, l'inspecteur du service contrôle employeurs de la CGSS, notifiait à la société Hôtel Guanahani et Spa un avis de contrôle. Il était demandé à la société la mise à disposition de plusieurs documents tels que, les documents administratifs et juridiques, les documents sociaux, les documents comptables et financiers, les documents spécifiques aux contrôles pour le compte de l'UNEDIC.

La lettre d'observations du 22 décembre 2012 ainsi que le procès-verbal de contrôle, faisaient expressément référence aux documents consultés, et notamment, les fiches de paie et le registre unique du personnel. La cour relève que la lettre d'observations notifiée à l'issue du contrôle ne précisait, outre les mentions prévues dans le cas d'une procédure de droit commun, aucun critère retenu pour procéder à un éventuel tirage des échantillons.

Le procès-verbal de contrôle indique que le contrôle comptable s'est déroulé en présence de la directrice du personnel, Madame T... W..., et d'une collaboratrice du service comptable. La société Hôtel Guanahani et Spa ne peut donc se prévaloir du témoignage de Madame M... H..., directeur financier, qui n'a pas assisté au contrôle pour affirmer que ce dernier n'a duré que deux heures.

Il résulte de la lecture du procès-verbal de contrôle, que plusieurs visites ont eu lieu et notamment, les 27 novembre et 22 décembre 2012.

Enfin, force est de constater que la société Hôtel Guanahani et Spa qui fait valoir que la CGSS a procédé à un contrôle par échantillonnage, n'est pas en mesure de démontrer que l'organisme lui aurait préalablement notifié un document formalisant cette démarche ainsi que la copie de l'arrêté les définissant.

En conséquence, la demande de nullité du redressement fondée sur l'irrégularité de la méthode de contrôle sera rejetée.

Le jugement est confirmé sur ce point.

En ce qui concerne les mentions de la lettre d'observations

Il résulte notamment de l'article R243-59 du code de sécurité sociale, dans sa version applicable, qu'à l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés. La lettre d'observations doit indiquer le mode de calcul comprenant les bases retenues pour chaque redressement, les taux des cotisations et le montant des cotisations et des contributions chiffrées, enfin, les périodes concernées. Le mode de calcul du montant du redressement doit être précisé, par exemple en fournissant les assiettes et montants par année ainsi que les taux de cotisations appliqués. Il est constant que le non-respect de ces mentions emporte nullité de la procédure.

En l'espèce, la lettre d'observations du 22 décembre 2012 contient pour chaque redressement, des tableaux qui font apparaître les « base totalité » et « base plafonnée » avec le taux applicable, ainsi que le montant des cotisations correspondants, par année et par catégorie de personnel.

En outre, la cour rappelle qu'il est constant que ne méconnaît pas le caractère contradictoire de la procédure l'organisme de recouvrement qui n'a pas précisé dans sa lettre d'observations le nombre de salariés concernés, sauf si les chefs de redressement impliquent une distinction au cas par cas, afin de permettre à l'employeur de connaître exactement les causes du redressement.

En conséquence, la lettre d'observations du 22 décembre 2012 a permis à la société Hôtel Guanahani et Spa de connaître les causes, les périodes, les bases ainsi que le montant du redressement opéré. Ainsi, la demande de nullité du redressement fondée sur l'irrégularité de la lettre d'observations sera rejetée.

Le jugement est infirmé sur ce point.

En ce qui concerne la mise en demeure du 19 août 2013

Il résulte de l'article R244-1 du code de la sécurité sociale que la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.

La société Hôtel Guanahani et Spa fait valoir que le motif de mise en recouvrement mentionné dans la mise en demeure du 19 août 2013 précise « Contrôle. Chefs de redressement notifiés le 30 novembre 2012 », alors que la lettre d'observations du 22 décembre 2012 lui a été notifiée le 31 décembre 2012, et non le 30 novembre 2012.

La société relève également que pour l'année 2010, la mise en demeure fait référence à un redressement de 129 663 euros alors que la lettre d'observations évoquait un redressement de 129 664 euros. Pour l'année 2011, le redressement mentionné dans la mise en demeure est de 151 880 euros alors que la lettre d'observations évoquait un redressement de 151 883 euros.

La CGSS ne conteste pas ces erreurs de date et de montant figurant sur la mise en demeure mais estime qu'elles ne peuvent suffire à caractériser une incohérence avec la lettre d'observations.

La cour relève que le renvoi à la lettre d'observations figurant sur la mise en demeure était erroné en ce qu'il visait une notification du 30 novembre 2012, et que les différences entre les sommes indiquées sur ces documents, sommes qui devraient concorder, étaient supérieures à un ou deux euros, et que la CGSS n'était pas en mesure de justifier valablement l'accumulation de ces erreurs. Ainsi, la société Hôtel Guanahani et Spa ne pouvait pas avoir une connaissance exacte, même par recoupement avec la lettre d'observation, de l'étendue de ses obligations.

En conséquence, la mise en demeure du 19 août 2013 est annulée et le redressement ne saurait dès lors posséder un caractère définitif, et cela sans qu'il apparaisse nécessaire d'étudier les autres moyens soulevés.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, il convient de débouter la CGSS de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable que la société Hôtel Guanahani et Spa supporte l'intégralité de ses frais irrépétibles. En conséquence, la CGSS sera condamnée à lui verser la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens sont mis à la charge de la CGSS.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Guadeloupe le 27 septembre 2016, sauf en ce qu'il a constaté que le mode de calcul n'était pas indiqué dans la lettre d'observations,

Y ajoutant,

Condamne la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe à verser à la SASU Hôtel Guanahani et Spa la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens de l'instance d'appel sont mis à la charge de la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 16/016361
Date de la décision : 05/10/2020
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2020-10-05;16.016361 ?
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