COUR d'APPEL
de
BASSE-TERRE
ORDONNANCE DU 06 Septembre 2019
Rétention Administrative
RG : 19/01266
Dans l'affaire entre,
d'une part,
M. Le Préfet de la Région Guadeloupe,
non représenté, bien que régulièrement convoqué, ayant fait valoir des observations écrites
Appelant le 04 septembre 2019 à 13 :54 d'une ordonnance du même jour de rejet de prolongation d'une mesure de rétention administrative rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Pointe A Pitre
D'autre part,
Monsieur H... Y...
né le [...] à ANSE A GALETS (Haïti)
de nationalité haïtienne
demeurant chez V... Y... - [...]
[...]
[...]
assisté de Maître Clodine LACAVE, avocat au barreau de la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy en présence de Mme W... B... interprète en langue créole qui a prêté serment
Le Ministère Public, M. Albert CANTINOL, Avocat général, présent à l'audience
Les débats ont eu lieu en audience publique au Palais de justice de Basse-Terre, le vendredi 6 septembre 2019 à 10h30.
Devant nous, Madame Catherine BRUN, Présidente de chambre à la Cour d'Appel de Basse-Terre, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président, assistée de Madame PRADEL Nicole, greffière.
Avons rendu l'ordonnance suivante ,
Le 01 septembre 2019, le préfet de la Guadeloupe a pris à l'encontre de H... Y..., ressortissant haïtien, un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, assorti d'une décision de placement en rétention administrative.
Par ordonnance du 04 septembre 2019 à 9h30, le juge des libertés et de la détention de Pointe à Pitre, régulièrement saisi par l'autorité préfectorale, a rejeté les moyens d'irrecevabilité, déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative, déclaré régulière la procédure diligentée à l'encontre de H... Y... et ordonné l'assignation à résidence de H... Y....
Le préfet a régulièrement interjeté appel de cette décision au regard des dispositions de l'article R552-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, calculé et prorogé conformément aux dispositions des articles 640 et 642 du code de procédure civile.
A l'appui de son recours, il a fait valoir que H... Y... ne présentait pas de garanties de représentation effectives et suffisantes propres à prévenir le risque de fuite ; que sa mère et tous les membres de sa famille résidant à Haïti, la mesure ne portait pas une atteinte disproportionnée à ses droits ; qu'il n'avait jamais déposé de demande d'asile avant d'être placé au CRA ; qu'il ne justifiait pas d'une vie privée et familiale ancienne et stable en Guadeloupe. Il a sollicité en conséquence l'infirmation de la décision déférée et la prolongation de la détention.
Le ministère public a été entendu en ses réquisitions qui a conclu à l'infirmation de la décision dont appel.
H... Y... a pour sa part indiqué qu'il ne souhaitait pas retourner en Haïti car il souhaitait continuer ses études en sciences informatiques. Il voudrait rester en France et n'a entrepris aucun démarche pour retourner dans son pays. Si le préfet ne lui accorde pas la possibilité de rester, son oncle s'occupera des démarches pour retourner en Haïti et financera le voyage. Il a confirmé qu'il vivait soit chez son oncle soit chez sa tante car ces deux membres de sa famille voulaient l'aider.
Maître LACAVE a fait valoir que H... Y... présentait toute garanties de représentation pour bénéficier de l'entourage familial constitué par son oncle et sa tante, cette dernière disposant d'un titre de séjour de 10 ans de validité et qu'il s'est présenté à la gendarmerie chaque fois qu'il en a été requis ; que l'absence de démarche administrative effectuée par le jeune homme est liée aux difficultés rencontrées avec la préfecture pour obtenir des rendez-vous. Elle a demandé en conséquence la confirmation de la décision attaquée.
SUR CE,
sur la recevabilité
Au terme de l'article R552-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), le délai d'appel est de 24 heures à compter du prononcé de l'ordonnance. Ce délai, calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile est décompté d'heure à heure.
L'appel interjeté par le Préfet l'a été dans les conditions de temps et de forme prévues par la loi, il est recevable.
Sur le fond
H... Y... a été contrôlé le 31 août 2019 alors que, conducteur d'un cyclomoteur, il a omis de marquer l'arrêt imposé par un panneau stop sur la commune de Sainte Anne à l'intersection entre la RD102 et la RD 114. Bien que titulaire d'un passeport authentique en cours de validité, il n'a pu justifier de son entrée et de son séjour sur le territoire français.
H... Y... a déclaré être arrivé sur le territoire français le 25 mars 2019 dans le but de poursuivre ses études, et, a été, depuis cette date, hébergé chez son oncle V... Y... à [...]. Il n'a aucun revenu. En Haïti, il vivait avec sa mère qui assumait financièrement ses besoins, son père étant décédé. Il est célibataire et sans enfant à charge.
Le juge des libertés et de la détention de Pointe à Pitre a, le 04 septembre 2019, statuant sur la première demande de prolongation de la mesure de rétention administrative, a ordonné l'assignation à résidence de H... Y... en relevant qu'il bénéficiait d'une attestation d'hébergement chez son oncle à [...], et que le jeune homme était hébergé alternativement chez ce dernier et chez sa tante demeurant [...] .
En droit, l'article L552-4 du CESEDA dispose que "A titre exceptionnel, le juge peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives, après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la mesure d'éloignement en instance d'exécution."
L'article L552-5 précise pour sa part "L'étranger est astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par le juge. A la demande du juge, l'étranger justifie que le lieu proposé pour l'assignation
satisfait aux exigences de garanties de représentation effectives. L'étranger se présente quotidiennement aux services de police ou aux unités de gendarmerie territorialement compétents au regard du lieu d'assignation, en vue de l'exécution de la mesure d'éloignement."
En l'espèce, H... Y... dispose d'un passeport authentique en cours de validité. Il a fourni devant le juge des libertés et de la détention une attestation d'hébergement établie par son oncle V... Y... assortie d'un facture EDF et d'un contrat de bail.
Il a remis son passeport en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est porté la mention de la mesure d'éloignement en instance d'exécution.
Cependant, il convient de noter que devant le juge des libertés et de la détention H... Y... a fait état de deux adresses alternatives, chez son oncle V... Y... et chez une autre personne de sa famille, alors qu'il n'a pas fait état de cette dernière devant les forces de l'ordre.
Si devant la cour, H... Y... produit un courrier de J... Y... sa tante accompagné de la photocopie de son titre de séjour, il convient de noter qu'il ne s'agit pas d'un engagement à héberger son neveu, le courrier étant libellé de la manière suivante "j'ai hébergé Y... H... mon neveux gratuitement et de façon partielle". Ce courrier ne peut donc être considéré comme une attestation d'hébergement.
L'ensemble des déclarations de H... Y... sont d'ailleurs à considérer avec circonspection puisque depuis son arrivée sur le territoire français il y a cinq mois, théoriquement pour poursuivre ses études, il n'a rien fait ni entamé aucune démarche administrative, ou à tout le moins ne justifie d'aucune tentative en ce sens.
Cette situation créé une incertitude quant son hébergement et quant à la réalité de ses projets d'avenir.
Par ailleurs, V... Y..., qui s'engage à héberger son neveu, est lui-même en situation irrégulière. Il a en outre fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement qu'il n'a jamais exécuté - décisions des 22 janvier 2014, 16 mars 2015 et 22 mai 2019 - et persiste à se maintenir sur le territoire français tout en accueillant son neveu, lui-même en situation irrégulière. Le fait qu'il ait déposé une nouvelle demande de régularisation de sa situation ne signifie en rien que celle-ci lui soit accordée.
Enfin, H... Y... n'a en aucune manière exprimé qu'il entendait se soumettre à la mesure d'éloignement décidée par l'autorité préfectorale, n'a aucun moyen financier pour y faire face et a seulement déclaré à l'audience que son oncle y pourvoirait, oncle qui n'a jamais respecté ses propres obligations en la matière.
Il ressort de ces éléments que H... Y... ne dispose pas de garanties de représentation effectives suffisantes pour bénéficier d'une assignation à résidence et qu'il convient d'infirmer la décision déférée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort ,
Déclarons l'appel recevable en la forme,
Disons que M. Y... ne remplit pas les conditions d'une assignation à résidence,
Infirmons l'ordonnance en date du 04 septembre 2019 du juge des libertés et de la détention de Pointe à Pitre ,
Ordonnons la prolongation de la rétention administrative de H... Y... pour une durée de 28 jours à compter du 4 septembre 2019
Le Greffier, Le Magistrat délégué,