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17/12/2018 | FRANCE | N°17/012231

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 17 décembre 2018, 17/012231


GB-LP

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT X... 459 DU DIX SEPT DECEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT

F... X... RG 17/01223 - X... Portalis DBV7-V-B7B-C3UD

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 13 mars 2014-Section Industrie.

APPELANT

Monsieur Didier Y...

[...]
Représenté par Maître Jérôme Z... de la SCP MORTON etamp; ASSOCIES (Toque 104), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

SARL GTM GUADELOUPE
10 Lotissement Vince, A...
[...]
Repré

sentée par Maître Michaël B... (Toque 1), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

En applica...

GB-LP

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT X... 459 DU DIX SEPT DECEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT

F... X... RG 17/01223 - X... Portalis DBV7-V-B7B-C3UD

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 13 mars 2014-Section Industrie.

APPELANT

Monsieur Didier Y...

[...]
Représenté par Maître Jérôme Z... de la SCP MORTON etamp; ASSOCIES (Toque 104), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

SARL GTM GUADELOUPE
10 Lotissement Vince, A...
[...]
Représentée par Maître Michaël B... (Toque 1), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 novembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Gaëlle Buseine, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Rozenn G..., conseiller, présidente,
Mme Gaëlle Buseine, conseiller,
M. André Roger, conseiller,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 17 décembre 2018.

GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Mme Rozenn G... et par Mme Lucile Pommier, greffier principal, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. C... a été embauché par la SARL GTM GUADELOUPE par contrat à durée indéterminée à compter du 1er juin 2004 en qualité de coffreur.

Par lettre du 29 octobre 2012, l'employeur convoquait le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 9 novembre 2012.

Par lettre du 15 novembre 2012, l'employeur notifiait à M. C... son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Estimant son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. C... saisissait le 4 janvier 2013 le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins de versement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour le préjudice subi du fait du caractère vexatoire dudit licenciement.
Par jugement rendu contradictoirement le 13 mars 2014, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :
- débouté M. C... Didier de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la société GTM GUADELOUPE de ses demandes,
- condamné M. C... Didier aux entiers dépens y compris les frais d'exécution.

M. C... a formé appel dudit jugement le 10 avril 2014.

Par arrêt rendu contradictoirement le 19 octobre 2015, la chambre sociale de la cour d'appel de Basse-Terre a :
- confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- débouté les parties de leurs demandes réciproques en paiement de sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toute autre demande,
- condamné M. C... Didier aux dépens d'appel.

Saisie d'un pourvoi formé par M. C..., la cour de cassation a par, arrêt du 29 mars 2017 :
- cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 19 octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre,
- remis en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée,
- condamné la société GTM GUADELOUPE aux dépens,
- condamné la société GTM GUADELOUPE à payer à M. C... la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 28 août 2017, M. C... a saisi notre cour.

Par conclusions notifiées à l'intimée le 2 mars 2018, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. C... demande à la cour de :
- déclarer abusif, brutal et vexatoire le licenciement dont il a fait l'objet,
En conséquence,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Statuant de nouveau,
- condamner la SARL GTM GUADELOUPE à lui payer les sommes suivantes :
* 22209,93 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
* 22209,93 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement particulièrement vexatoire,

- ordonner le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé,
- condamner la SARL GTM GUADELOUPE au paiement de la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SCP MORTON etamp; ASSOCIES, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il soutient que :
- il existe un doute sur sa présence à la date des faits reprochés, le seul témoignage d'un agent de sécurité versé aux débats étant discutable,
- l'incident reproché par l'employeur n'a fait l'objet d'aucune suites judiciaires,
- les faits de vols et de dégradations reprochés par l'employeur ne sont pas davantage établis par les pièces versées aux débats,
- les circonstances dans lesquelles s'est déroulée la procédure de licenciement, en particulier son placement en garde à vue, justifient le versement de dommages et intérêts en réparation du préjudice en résultant.

Par conclusions notifiées à l'appelant le 31 janvier 2018, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la SARL GTM GUADELOUPE demande à la cour de :
- confirmer le jugement du 13 mars 2014 rendu par le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre en toutes ses dispositions,
- juger que le licenciement de M. C... est fondé sur une cause réelle et sérieuse et qu'il n'était en rien brutal et vexatoire,
En conséquence,
- débouter M. C... de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner M. C... à lui payer la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle expose que :
- il résulte des pièces du dossier que le salarié a pénétré sur le chantier de l'entreprise alors qu'il est fermé, par effraction, de nuit, en dehors de ses heures de travail et qu'il a tenté de se soustraire aux appels légitimes de l'agent de sécurité,
- ces faits justifient son licenciement pour cause réelle et sérieuse, observation étant faite que le salarié a fait l'objet de mesures disciplinaires antérieures,
- le témoignage de l'agent de sécurité ne saurait être valablement remis en cause, dès lors qu'il a reconnu le salarié à plusieurs reprises et qu'il exécutait une prestation de sécurité,
- les résultats de l'enquête sont sans incidence sur le bien fondé du licenciement du salarié, dès lors qu'il n'est pas licencié pour vol,
- le salarié ne justifie pas du préjudice dont il se prévaut.

MOTIFS :

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Il incombe à l'employeur d'alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement du 15 novembre 2012, qui fixe les limites du litige, précise : " La Société ayant subi ces dernières semaines de nombreux vols de câbles de grue sur les chantiers et principalement sur celui de la Résidence de la MANGOUSTE notre Maître D... a décidé d'y implanter un vigile pour garder les lieux la nuit.
Dans une déposition écrite qu'il a mis à notre disposition, cet agent de surveillance déclare notamment avoir vu deux individus s'introduire sur le site d'activité précité le mercredi 24 octobre 2012 aux alentours de 22 heures.
Il déclare avoir vu les individus se diriger vers les grues, quand le plus rond d'entre eux qui était monté sur l'une d'elles l'a repéré et est redescendu rapidement de l'engin de levage alors que son complice a pris la fuite. Après une course poursuite il indique être parvenu à rattraper celui qui était monté dans la grue après que ce dernier ait glissé au sol. Il indique lui avoir alors demandé de ne pas bouger et a contacté son Responsable Hiérarchique. Le vigile et lui se sont alors regardés en face avant que l'individu ne reprenne la fuite en traversant la rocade.
Après une demi-heure de recherches infructueuses avec son Responsable et un Cadre de GTM Guadeloupe contacté pour se rendre sur place, l'agent de sécurité leur a fait un descriptif des individus repérés sur le chantier au cours duquel il souligne que le plus petit qu'il avait rattrapé avait une calvitie, un visage rond et un ventre imposant. Il est ensuite retourné à son poste jusqu'au matin.
Au cours d'une présentation de photos effectuée sur site le lendemain matin, jeudi 25 octobre 2012, le vigile indique reconnaître formellement l'individu qu'il était parvenu à rattraper. Le Responsable de Chantier a alors indiqué qu'il s'agissait de vous sur la photo identifiée par le vigile. Sur la base de ces éléments, je me suis alors rendu le vendredi 26 octobre 2012 à la Gendarmerie du LAMENTIN afin de porter plainte contre vous pour tentative de vol et pour tous les vols dont nous avons été victimes concernant les câbles électriques. J'ai également déposé plainte contre vous pour les dégradations faites aux machines ce qui a entraîné une perte de temps considérable sur le chantier.
La Gendarmerie du LAMENTIN a alors pris contact le jour même avec les deux grutiers du site d'exploitation de la MANGOUSTE pour les convoquer pour une audition le lundi 29 octobre 2012.
L'agent de surveillance s'est rendu le samedi 27 octobre 2012 à la Gendarmerie du LAMENTIN pour y faire une déposition relatant les faits relatifs aux événements qui se sont déroulés sur le chantier dans la nuit du 24 au 25 octobre 2012.
A la suite de cette audition les Gendarmes vous ont gardé à vue pendant pratiquement une journée pour vous relâcher dans l'après-midi. Durant cette garde à vue, le vigile à nouveau convoqué pour une identification souligne vous reconnaître formellement comme étant l'individu qu'il avait rattrapé sur le chantier dans la nuit du 24 au 25 novembre 2012.
Nous considérons que les faits relevés constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement."

La cour observe que la lettre de notification du 15 novembre 2012 énumère deux types de faits à l'appui du licenciement du salarié. D'une part, il est reproché au salarié son intrusion le 24 octobre 2012, sur un chantier de la société, de nuit et son interpellation par la personne chargée de la surveillance du site. D'autre part, la lettre de licenciement fait référence à la procédure qui s'est déroulée dans les locaux de la gendarmerie du LAMENTIN, à la suite du dépôt de plainte de l'employeur à l'encontre du salarié pour tentative de vol, pour vol et pour dégradation faites aux machines.

S'agissant des faits d'intrusion, il résulte des pièces du dossier, en particulier de l'attestation de l'agent chargé de la surveillance du site le 24 octobre 2012, qu'aux environs de 22 heures, M. E... a été aperçu alors qu'il était positionné sur la grue du chantier, a pris la fuite, a été rattrapé par cet agent de surveillance et a de nouveau échappé à l'interpellation du vigile. Il est établi par cette même attestation que M. C... a été reconnu à trois reprises par cet agent, sur présentation de photographies, respectivement par un supérieur hiérarchique et par les gendarmes.
M. C... ne saurait valablement remettre en cause la fiabilité de cette attestation, aux motifs notamment de l'absence de compétences de l'intéressé ou du défaut d'habilitation de la société l'employant, dès lors qu'elle émane d'un témoin direct des faits et qu'il n'est nullement argué d'un faux.
M. C... ne saurait davantage contester sa présence sur les lieux en raison des incohérences du témoin précité qui le décrit avec une calvitie, tout en relevant le port d'une capuche, alors qu'il résulte des termes de l'attestation que, seul, le second individu, comparse de M. C..., était décrit par l'agent comme étant doté d'une capuche.
La cour relève, ainsi que le souligne l'employeur, que l'attestation de l'épouse de M. C..., établie plus de deux années après les faits, n'est pas de nature à remettre en cause la description du témoin des faits reprochés au salarié.

Par suite, il est établi que M. C... s'est introduit sur le chantier de la société, de nuit, le 24 octobre 2012, sans aucune autorisation et en violation des termes de l'article 2 de son contrat de travail, qui prévoit un horaire hebdomadaire de 7h00 à 9h00 et de 9h30 à 14h30.

Si la lettre de licenciement mentionne la procédure qui s'est déroulée dans les locaux de la Gendarmerie du Lamentin, à la suite des dépôts de plainte précités, ceux-ci ne peuvent toutefois être retenus à l'appui du licenciement du salarié, en l'absence d'éléments versés aux débats sur ce point et l'employeur précisant dans ses écritures que le motif du licenciement n'est pas fondé sur celle-ci.

La cour constate que l'employeur ne peut faire état dans ses écritures d'antécédents disciplinaires du salarié, dès lors que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, ne rappelle pas l'existence desdites sanctions.

Toutefois, l'intrusion du salarié sur un chantier de la société, en dehors de son temps de travail, de nuit et sa soustraction aux interpellations du vigile constituent des fautes et un manquement à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail, justifiant son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement abusif :

Le licenciement de M. C... étant fondé sur une cause réelle et sérieuse, il convient de débouter le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire :

M. C..., qui se borne à invoquer la plainte de son employeur et sa garde à vue, ne démontre pas l'existence de circonstances brutales et vexatoires afférentes à son licenciement.

Par suite, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a été débouté de sa demande présentée à ce titre.

Sur les autres demandes :

Le licenciement de M. C... étant fondé sur une cause réelle et sérieuse, il convient de débouter le salarié de sa demande de remboursement aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées.

Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de la SARL GTM GUADELOUPE les frais irrépétibles qu'elle a exposés, il lui sera alloué une somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens sont à la charge de M. C....

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la cour et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 13 mars 2014 par le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre entre M. C... Didier et la SARL GTM GUADELOUPE en ce qu'il a débouté M. C... Didier de l'ensemble de ses demandes,

Statuant à nouveau pour le surplus et y ajoutant,

Déboute M. C... Didier de sa demande présentée au titre du remboursement des organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage,

Condamne M. C... Didier à verser à la SARL GTM GUADELOUPE la somme 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne M. C... Didier aux dépens,

Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 17/012231
Date de la décision : 17/12/2018
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2018-12-17;17.012231 ?
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