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17/12/2018 | FRANCE | N°17/012161

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 17 décembre 2018, 17/012161


AR-LP

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT X... 458 DU DIX SEPT DECEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT

E... X... : RG 17/01216 - X... Portalis DBV7-V-B7B-C3TP

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 2 août 2017-Section Activités Diverses.

APPELANTE

Madame Catherine Y...
[...]
Représentée par Maître Maryan Z... (Toque 8), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

SARL GENERATION INTERIM
35 Rue de la Clinique
[...]
Représentée par Maître Socrate

-Pierre A... (Toque 92), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue l...

AR-LP

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT X... 458 DU DIX SEPT DECEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT

E... X... : RG 17/01216 - X... Portalis DBV7-V-B7B-C3TP

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 2 août 2017-Section Activités Diverses.

APPELANTE

Madame Catherine Y...
[...]
Représentée par Maître Maryan Z... (Toque 8), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

SARL GENERATION INTERIM
35 Rue de la Clinique
[...]
Représentée par Maître Socrate-Pierre A... (Toque 92), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 5 novembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Rozenn Le-Goff, conseiller, présidente,
Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller,
Mme Gaëlle Buseine, conseiller,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 17 décembre 2018.

GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier principal.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Mme Rozenn Le-Goff conseiller, présidente, et par Mme Lucile Pommier, greffier principal, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Estimant son licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse, Madame Y... a saisi le 9 novembre 2015 le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins de versement de diverses indemnités liées à la rupture de son contrat de travail et de rappels de salaire.

Par un jugement rendu contradictoirement le 2 août 2017, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre, a :
Reçu la demande de la partie demanderesse ;
Jugé que le licenciement de Mme Y... Catherine était sans cause réelle et sérieuse
Condamné la société Génération Intérim en la personne de son représentant légal à payer à Mme Y... Catherine la somme de 43 678.59 € au titre de la prime pour intéressement de l'année 2013, sous déduction des sommes déjà versées.
Condamné la société Génération Intérim à payer à Mme Y... Catherine la somme de 1772.70€ au titre du salaire du mois d'août 2015.
Condamné la société Génération Intérim à payer à Mme Y... Catherine la somme de 177.27 € au titre des congés payés sur le salaire du mois d'août 2015.
Condamné la société Génération Intérim à payer à Mme Y... Catherine la somme de 3925.26€ au titre de1'indemnité de préavis due.
Condamné la société Génération Intérim à payer à Mme Y... Catherine la somme de 392.53 € au titre des congés payés sur préavis.
Condamné la société Génération Intérim à payer à Mme Y... Catherine la somme de 1 804 € an titre de l'indemnité de licenciement.
Condamné la société Génération Intérim à payer à Mme Y... Catherine la somme de 13 738.41 €au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.
Condamné la société Génération Intérim à payer à Mme Y... Catherine la somme de 200 € au titre du préjudice lié à l'absence de mention du droit individuel à la formation dans la lettre de licenciement.
Ordonné la remise par la société Génération Intérim à Mme Y... Catherine d'un certificat de travail et une attestation pôle emploi rectifiée conformément au jugement, sous astreinte, pour la totalité, de 20 € par jour de retard, limité à 30 jours et à compter de la notification du jugement
Condamné la société Génération Intérim à payer à Mme Y... Catherine la somme de 800 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamné la société Génération Intérim aux entiers dépens.
Débouté la demanderesse du surplus de ses demandes.
Débouté la partie défenderesse de sa demande reconventionnelle.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 23 août 2017, Madame Y... Catherine a formé appel dudit jugement qui lui a été notifié le 8 août 2017.

La clôture a été ordonnée le 19 février 2018.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions notifiées à la partie intimée le 2 novembre 2017, Madame Y... demande à la Cour de :
Constater que la procédure de licenciement de Mme Y... est irrégulière et non fondée ;
Constater que la société Génération Intérim ne justi e d'aucune cause réelle et sérieuse de licenciement
Con rmer le jugement du conseil des prud'hommes en ce qu'il a :
Reçu la demande de la partie demanderesse ;
Jugé que le licenciement de Mme Y... Catherine est sans cause réelle et sérieuse ;
Condamné la société Génération Intérim en la personne de son représentant légal à payer à Madame Y... Catherine la somme de 43 678.59 € au titre de la prime pour intéressement de l'année 2013, sous déduction des sommes déjà versées.
Condamné la société Génération Intérim à payer à Mme Y... Catherine la somme de 1 804 € an titre de l'indemnité de licenciement.
Condamné la société Génération Intérim à payer à Madame Y... Catherine la somme de 800 € an titre de l‘Article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamné la société Génération Intérim aux entiers dépens.
Débouté la partie défenderesse de sa demande reconventionnelle.
L'infirmer pour le surplus
Et statuant a nouveau
Condamner la société Génération Intérim à verser à Mme Y... les sommes suivantes :
1) rappel de salaire
- salaire de Mme Y... due pendant la période de congé maternité sous déduction des indemnités journalières versées par la sécurité sociale : 4415.64 euros
- congé payé pendant le congé maternité : 897.91 euros
- Prime d'intéressement pour l'année 2011 (après déduction des sommes déjà versées) ; 13802.78 euros
- Prime d'intéressement pour l'année 2012 (après déduction des sommes déjà versées) : 23 049.84 euros
- Prime d'intéressement pour l'année 2013 ( après déduction des sommes déjà versées) : 47 337.37 euros
- Prime d'intéressement pour l'année 2014 ( après déduction des sommes déjà versées) : 29 411.45 euros
- Prime d'intéressement pour l'année 2015 (après déduction des sommes déjà versées) : 12 590.97 euros
- Mois d'août 2015 : 2155 euros
- Congé sur mois d'août : 215 euros
2)- indemnité de préavis 4310 euros
Congé payé sur préavis : 431 euros
3)- indemnité pour absence de procédure régulière de licenciement : 2155 euros
4)- indemnité légale de licenciement L1234 9 CT : 1804 euros
5)- dommages et intérêts pour licenciement abusif : 51 720 euros
6)- préjudice lie à l'absence de mention de ses droit individuel à la formation dans la lettre de licenciement : 2155 euros
7 )- clause de non-concurrence : 7758 euros
- Enjoindre à la société Génération Intérim de lui remettre les documents suivants, sous astreinte de 100 euros par jours de retard et par documents à compter de la signi cation de la décision à intervenir :
- l'attestation ASSEDIC recti ée incluant les primes telles que fixées par le conseil
- les ches de paies rectifiées incluant les primes telles que xé par le conseil pour la période du 7/02/2011 au 28/08/2015 ainsi que les compléments de salaire qu'elle a perçu et qui ne sont pas mentionné sur ses ches de paye (Pièce 6 et 7)
- Condamner la société Génération Intérim à verser à Mme Y... la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du CPC outre les dépens.
A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la Cour devait suivre l'hypothèse 1, soit la moins favorable au salarié, la société Génération Intérim devra être condamnée à lui verser les sommes suivantes au titre des primes d'intéressement
Pour l'année 2011 : 11 548.80 euros
Pour l'année 2012 : 19 391.07 euros
Pour l'année 2013 : 29 043.49 euros
Pour l'année 2014 : 11 248.83 euros
Pour l'année 2015 : 3804.71 euros.

A l'appui de ses demandes, Mme Y... expose les faits suivants :
En juillet 2014, elle a fait connaître son état de grossesse à son employeur, la société Génération Intérim dirigée par M. B.... Le 27 janvier 2015, elle a été placée en arrêt maladie pathologique prénatal jusqu'au début de son congé maternité,1e 3 février 2015. Le 22 mai 2015, elle a été placée en congé pathologique post natal jusqu'au 22 juin 2015.
Le lundi 22 juin 2015, jour de la reprise de son poste Mme Y... a été reçue par M. B... qui l'a informée que le véhicule de fonction qu'elle utilisait avant son départ en congé maternité était en panne et qu'il attendait de savoir si le coût des réparations n'était pas trop élevé pour le réparer ou le remplacer. Elle a n'a pu obtenir la remise des clefs de l'agence et de son téléphone portable et certains clients de son portefeuille ont été attribués à d'autres commerciaux récemment embauchés, entraînant une baisse de sa rémunération . Mise dans un état d‘angoisse et de stress intense, elle a été déclarée inapte à reprendre son poste le 7 juillet.
Le 30 juillet, elle a été notifiée d'une mise à pied conservatoire avec convocation à un entretien en vue d'une sanction le 7 août 2015. Le 1er août, elle a reçu une lettre recommandée datée du 17 juillet dans la quelle M. B... entend lui retirer ses principaux clients et lui adresse un avertissement.
Lors de l'entretien du 7 août, il lui a été confirmé sa mise à pied.
Par lettre datée du 12 août 2015 reçue le 14 août 2015, Mme Y... a de nouveau été convoquée à un second entretien en date du 20/08/2015 cette fois ci en vue d'un licenciement.
Lors de ce second entretien, son employeur, M B... n'a, là encore, pas abordé les fautes qui lui étaient reprochées et il s'est contenté de lui indiquer, sans discussion possible, qu'il avait décidé de la licencier sans viser aucun fait précis ni même daté. A la suite de cet entretien, M B... lui a notifié par lettre en date du 27 août 2015 reçue le 28 août 2015 son licenciement pour faute grave en visant les faits suivants :
« Insubordination - Refus d'exécuter des taches inhérentes à votre fonction Réitération d'actes d'indiscipline Mise en cause de l'autorité de 1'employeur Attitude d'opposition systématique - impossibilité de dialoguer - mésentente (difficultés relationnelles) se traduisant par des propos agressifs avec l‘ensemb1e du personnel perturbant le bon fonctionnement de l'entreprise et rendant impossible la poursuite de nos relations contractuelles. ».

Mme Y... fait valoir qu'il n'y a pas de grief matériellement vérifiable dans la lettre de licenciement et que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

***
Par conclusions déposées au greffe le 29/12/2017, la Sarl Génération Intérim demande à la cour de :
Déclarer Génération Intérim SARL recevable et bien fondée en son appel reconventionnel
Mettre à néant le jugement du 7 août 2017 dont est appel ;
Dire que la procédure de licenciement a été régulière ;
Dire et juger que le licenciement de Mme Y... a une cause réelle et sérieuse privative de toute indemnité liée à la rupture du contrat de travail ;
Condamner Mme Y... Catherine à verser à la SARL Génération Intérim la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du C.P.C ;
Concernant les primes d'intéressement : Ordonner une expertise confiée à tel expert comptable agréé par la Cour avec pour mission :
D'entendre les parties ;
De se faire remettre tous documents utiles à sa mission ;
De faire le calcul précis de la somme qui était due à Mme Y... ;
Réserver les dépens

L'intimé conteste les déclarations de Madame Y... qui en réalité souhaitait apporter des changements à son avantage au contrat de travail qu'elle avait librement accepté en Janvier 2013. Il fait valoir que pendant la longue absence de cinq mois de la salariée, il a été du devoir du gérant de prendre les décisions indispensables permettant à l ‘entreprise de faire face à ses obligations et qu'à son retour au travail fin juin 2015 Mme Y... a refusé toute collaboration avec plusieurs de ses collègues et adopta une attitude agressive envers les intérimaires, créant ainsi une très mauvaise ambiance contraignant certains à quitter l'entreprise pour finir par verser en dénigrement du gérant . Mme Y... n'ayant tenu aucun compte de l'avertissement donné par une lettre recommandée du 17 juillet 2015, l'employeur s'est trouvé contraint le 30 juillet 2015 de prendre une sanction de mise à pied. A l'issue de l'entretien du 7 août Mme Y... s'est permise d'insulter gravement à haute et intelligible voix ses collègues de travail mais aussi le gérant avec ces mots « vous êtes tous pareils, et de toute façon vous avez acheté votre personnel » .

MOTIFS DE L'ARRÊT

En la forme

L'appel interjeté dans les conditions et délais prévus par la loi est recevable.

Au fond

Sur le rappel de salaire et de congé payé dus pendant la période de congé maternité. (du 27 janvier 2015 au 22 juin 2015)
Le Conseil de prud'hommes a rejeté la demande au motif qu'il n'était pas en mesure de contrôler l'exactitude des demandes faute de fourniture des bulletins de salaire de février à mai 2015 et des décomptes de la sécurité sociale. Cependant, sur la base de l'attestation de la Caisse Générale de Sécurité Sociale et dès lors que la société Génération Intérim ne démontre pas avoir versé un complément de salaire, la cour est en mesure de fixer le rappel de salaire au cours de cette période à la somme de 4415,42 € outre 897,91 € à titre de congé payé.

Sur la régularité de la procédure de licenciement.
La convocation à 1'entretien préalable a été présentée 1e vendredi 14 août 2015 pour un entretien qui s'est tenu le 20 août. Mme Y..., considérant que le jour de la remise de la lettre de compte pas, ni le dimanche et les jours fériés, soutient que le délai de 5 jours entre la présentation de la convocation à l'entretien préalable et l'entretien préalable n'a pas été respecté et que la procédure de licenciement est donc irrégulière.
Cependant, les motifs de l'employeur étaient connus dès l'entretien disciplinaire du 7 août et Mme Y... s'est présentée à l'entretien assistée d'un conseiller. Ses droits ont suffisamment été respectés. En conséquence, Madame Y... sera déboutée de la demande de versement d'une indemnité pour procédure irrégulière.

Sur les primes d'intéressement 2011 et 2012
C'est à tort que le conseil des prud'hommes a rejeté ce chef de demande en considérant que la société Génération intérim n'a débuté son exploitation qu'à compter du 1er janvier 2013 et qu'elle ne saurait être concernée par des demandes concernant la société EUROLABOR, non appelée en l'instance. En effet, la société Génération intérim a succédé à la société EUROLABOR à la suite d'une cession d'activité et de clientèle et, en application de l'article L1224 2 du code du travail, le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date du transfert. Dès lors, les dettes de salaires échues antérieurement au transfert, qui incombaient à titre principal au premier employeur, incombent désormais aussi au nouvel employeur, la société Génération Intérim, codébiteur solidaire de la société EUROLABOR.
Le jugement sera par conséquent in rmé sur ce point.

S'agissant des primes d'intéressement 2014 et 2015
Le conseil des prud'hommes a rejeté ces demandes au motif qu'il est patent de constater qu'aucun bulletin de salaire n'a été communiqué ne lui permettant pas de vérifier le montant des commissions déjà versées.
Il ressort cependant du bordereau de communication de pièces de Mme Y... portant le visa du greffe du conseil des prud'homme que celle-ci a bien versé aux débats l'intégralité des bulletins de salaire en sa possession pour les périodes 2014 et 2015. ( che de paye du 10/01/2014 au 31/12/2014, 01/01/2015, l/06/2015, 1/07/2015, 1/08/2015 )
Mme Y... affirme sans être démentie qu'elle n'a pas versé les che de paie de février à mai 2015 dans la mesure où ces ches de paye intervenues pendant son congé maternité ne lui ont pas été remises par son employeur et où elle n'a reçu aucune rémunération de son employeur pendant cette période, ce que ce dernier ne conteste pas.
De plus, le montant des primes versées à Mme Y... gure également sur 1'expertise versée aux débats par la société Génération Intérim elle-même et le montant des primes reçues mentionné par l'expert comptable choisi par la société Génération Intérim dans son audit correspond exactement au montant des primes reçues mentionné par Mme Y... dans ses écritures.
Le conseil des prud'hommes ne pouvait pas dans ces conditions débouter Mme Y... au seul motif qu'il ne disposait pas des éléments pour statuer. Sa décision sera infirmée sur ce point

Sur les sommes dues au titre des primes d'intéressement.
Le contrat de travail de Mme Y... indique que celle-ci percevra chaque mois un salaire brut « auquel viendra s'ajouter une prime d'intéressement basée sur la marge brute dégagée sur sa clientèle propre » .
Génération Intérim soutient qu'il y a matière à faire de profondes vérifications car selon les calculs mis en avant par Mme Y..., elle serait en droit de réclamer plus de 60.000 euros alors que les deux calculs distincts effectués pour Génération Intérim indiquent que la salariée a été bel et bien perçu ce à quoi elle avait droit à 4195,00 euros près.
L'importante différence entre les montant des prétentions est en soi insuffisante à justifier une expertise, d'autant plus que la difficulté est plus juridique que comptable.
Le calcul présenté par le Cabinet Clairac missionné par Madame Y... est en apparence le plus conforme au contrat alors que les calculs présentés par le Cabinet Fiducial missionné par Génération Intérim reposent sur un « salaire de base » qui n'est pas évoqué dans le contrat de travail, lequel stipule que le calcul de la marge brute s'effectue à partir du chiffre d'affaires hors taxes.
Mais le courrier de Fiducial du 13 février 2017 explicite ce mode de calcul, seul apte à dégager une marge brute ayant une réalité économique. Il s'agit d'appliquer le taux contractuel de 1,72 % au coût des salaires bruts versés par la société d'Intérim pour obtenir le coût de revient. Déduire ensuite de ce coût de revient le chiffre d'affaires effectivement facturé aux entreprises utilisatrices permet effectivement d'obtenir la marge brute. Seul ce mode de calcul correspond à la spécificité d'une entreprise d'intérim dont les coûts de revient incluent les salaires versés aux salariés détachés. Or le juge qui doit avant tout rechercher la commune intention des parties, sans s'arrêter au sens littéral des termes du contrat, doit interpréter le contrat selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation (art. 1188, al. 2).Il sera donc fait application de la méthode de calcul du cabinet Fiducial.
En conséquence, la société Génération Intérim sera condamnée à payer à Mme Y... la somme de 4195€ au titre des primes d'intéressement de 2011 à 2015.

Sur le salaire du mois d'août 2015
Mme Y... n'a pas reçu son salaire du mois d'août 2015. Le Conseil de prud'hommes a exactement calculé la somme lui revenant de ce chef, soit la somme de 1 772,70 euros, outre les congés payes afférents à cette période, soit 177,27 euros.

Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Le premier juge a considéré que le licenciement de Mme Y... est dépourvu de cause réelle et sérieuse et que le préjudice subi par Mme Y... Catherine correspond à 7 mois de salaire de référence, soit 13 738.41 € alors que Mme Y... réclame 24 mois de salaire, soit en l'espèce 51 720 euros.
Il a retenu que depuis le début de la relation au sein de la société Eurolabor, elle n'a eu de cesse de demander les bases chiffrées de sa rémunération variable alors que la société aurait eu pour habitude de faire passer cette rémunération en note de frais et non sur du salaire brut mensuel.
En outre, aucun objectif annuel ne lui était assigné malgré les clauses contraires et normales indiquées au sein de ses différents contrats de travail. Le conseil de prud'hommes a également considéré les conditions anormales du retour de maternité de Mme Y... Catherine, puisque, dès son retour, celle-ci était privée de son véhicule C2 et que Mme Vanessa C... qui avait renforcé l'équipe prenait en charge des dossiers TOTAL et SIG, antérieurement attribués à Mme Y... Catherine, entraînant une baisse de sa rémunération. Il apparaissait également que les difficultés liées à l'absence de communication préalable des objectifs et d'information sur les bases variables de sa rémunération avaient créé un climat tendu lequel, additionné a un état de stress lié à la grossesse, était la cause d'un état de santé dégradé, Mme Y... Catherine étant arrêtée, des le 8 juillet 2015, pour 15 jours par son médecin traitant, après visite du médecin du travail qui la déclarait inapte à reprendre le travail.

Les circonstances de fait du difficile retour de la salariée après son congé maternité ne sont pas sérieusement contestées par l'employeur. Le gérant de Génération Intérim soutient que le prêt de véhicule était provisoire et ne constituait pas un avantage salarial. Il accuse la salariée de refus d'accomplir les tâches de son contrat de travail, de dénigrement du gérant, mais ces accusations imprécises sont combattues par des attestations, notamment celle de Madame D.... M. B... accuse surtout Madame Y... de l'avoir insulté lui et le personnel présent au moment de sa mise à pied mais ce grief daté du 7 août ne figure pas dans la lettre de licenciement et n'a pas été évoqué lors de l'entretien de licenciement. De plus, il s'insère dans une procédure disciplinaire visiblement destinée à obtenir le départ de la salariée dont les demandes faites par lettre recommandée du 9 juillet 2015 n'avaient pas reçu de réponse, si ce n'est un courrier d'avertissement par courrier date du 17 Juil1et 2015 reçu le 1er août 2015 pour " comportement et manque de loyauté vis-à-vis de 1‘entreprise", courrier par lequel d'autres clients lui sont retirés et son absentéisme reproché.
Les réclamations de la salariée pour obtenir des informations sur la part variable de la rémunération sont explicables puisqu'il est clair que la société attribuait des compléments de salaire ne figurant pas sur les fiches de paye. Par ailleurs, il est constant que deux clients de Madame Y... ont été confiés à une autre salariée au retour de maternité et, à supposer même qu'il ait été « prêté », le retrait du véhicule de fonction au retour de maternité constitue une privation d'un avantage salarial puisqu'elle en avait disposé pendant plusieurs mois.

La preuve d'une faute grave n'est donc pas rapportée. Au contraire, le licencieusement apparaît sans cause réelle et sérieuse. L'estimation du préjudice en résultant est motivée par le conseil de prud'hommes conformément aux éléments de préjudice produits aux débats. Le jugement du Conseil de prud'hommes sera confirmé sur ce point et la société Génération Intérim sera condamnée à payer à Madame Y... la somme de 13 738.41 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnité de préavis
Le Conseil de prud'hommes a exactement jugé que Madame Y... ayant plus de 4 ans d'ancienneté elle avait droit à deux mois de préavis soit une indemnité compensatrice de 3925,26 euros outre une somme de 392,53euros a titre de congé payé sur préavis.

Sur l'indemnité légale de licenciement
Le code du travail prévoit que le salarié lié par un contrat de travail à durée indéterminée et qui est licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté a droit, sauf faute grave, à une indemnité minimum de licenciement.( L 1234 9 Code du travail) ne peut être inférieure a 20% (1/5eme) du salaire mensuel par année d'ancienneté. ( R 1234.2 du code du travail)
Le Conseil de prud'hommes a exactement calculé la somme lui revenant de ce chef, soit 1 849,23 euros et lui a octroyé la somme demandée 1804 € .
Le jugement sera con rmé sur ce point

Sur l'absence de mention des droits au droit individuel à la formation dans la lettre de licenciement
Selon les dispositions du code du travail (art. L. 6323 17 a L. 6323 20), la lettre de licenciement doit indiquer, sauf en cas de faute lourde, les droits du salarié en matière de droit individuel à la formation et le manquement de l'employeur à son obligation d'informer le salarié qu'il licencie de ses droits en matière de droit individuel à la formation lui cause nécessairement un préjudice.
Le jugement du Conseil de prud'hommes sera confirmé sur ce point.

Sur la clause de non-concurrence.
Le contrat de travail conclu avec Mme Y... contient une clause de non concurrence en contrepartie de laquelle la salariée percevra à compter de la notification de la rupture du contrat de travail une indemnité mensuelle brute d'un montant égal à 20 % de la moyenne mensuelle de sa rémunération. Madame Y... soutient que l'employeur n'ayant pas dénoncé cette clause dans le délai prévu dans le contrat (par écrit dans les quinze jours qui suivent la notification du préavis où, en cas de non observation du préavis, dans 1e mois qui suit la rupture effective du contrat de travail), elle est en droit de solliciter une indemnité contractuelle de :
2155 * 20 % * 12 = 5172 euros pour la première année
2155 * 10% * 12 = 2586 euros pour la deuxième année.
Elle soutient que la lettre du 8 septembre 2015 par laquelle la société Génération Intérim prétend avoir dénoncé cette clause est un faux et que cette lettre ne lui a jamais été adressée et, qu'en tout état de cause, la renonciation à une clause de non-concurrence ne peut plus intervenir après la date de la rupture du contrat de travail puisque, selon la cour de cassation, est réputée non écrite la clause par laquelle l'employeur se réserve la faculté, après la rupture, de renoncer à la clause de non-concurrence au cours de l'exécution de celle-ci .

Contrairement à ce que prétend Madame Y..., la clause litigieuse n'est pas nulle puisque, en l'espèce, elle ne donne pas à l'employeur le droit de renoncer à la clause à tout moment mais seulement dans un délai bref d'un mois après la rupture du contrat de travail.
La question est donc de savoir si l'employeur a régulièrement dénoncé la clause dans les délais contractuels . La cour relève que la lettre de renonciation qui aurait été envoyée en lettre simple n'est pas signée par la salariée et que rien ne prouve qu'elle lui a été adressée dans le mois de la rupture. La preuve de la régularité de la dénonciation n'est donc pas rapportée. Le jugement sera infirmé sur ce point et la société Génération Intérim sera condamnée à payer les sommes suivantes :
1962*20 %*12 = 4708 € pour la première année
1962*10 %*12= 2354 € pour la deuxième année.

Sur la demande de documents de fin de contrat.
C'est à bon droit et par des motifs pertinents que la Cour approuve que le premier juge a ordonné la rectification du certificat de travail et de l'attestation pôle emploi.

L'équité commande l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile à l'appelante contrainte d'exposer des frais devant la cour.

PAR CES MOTIFS,
La Cour,

statuant publiquement par mise à disposition du présent arrêt au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement en ce qu'il a :
Condamné la société Génération Intérim à payer à Mme Y... Catherine la somme de 1 772.70 € au titre du salaire du mois d'août 2015.
Condamné la société Génération Intérim à payer à Mme Y... Catherine la somme de 177.27 € au titre des congés payés sur le salaire du mois d'août 2015.
Condamné la société Génération Intérim à payer à Mme Y... Catherine la somme de 3 925.26 € au titre de1'indemnité de préavis .
Condamné la société Génération Intérim à payer à Mme Y... Catherine la somme de 392.53 € au titre des congés payés sur préavis.
Condamné la société Génération Intérim à payer à Mme Y... Catherine la somme de 1 804 € an titre de l'indemnité de licenciement.
Condamné la société Génération Intérim à payer à Mme Y... Catherine la somme de 13 738.41 €au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.
Condamné la société Génération Intérim à payer à Mme Y... Catherine la somme de 200 € au titre du préjudice lié à l'absence de mention du droit individuel à la formation dans la lettre de licenciement.
Ordonné la remise par la société Génération Intérim à Mme Y... Catherine d'un certificat de travail et une attestation pôle emploi rectifiée conformément au jugement, sous astreinte, pour la totalité, de 20 € par jour de retard, limité à 30 jours et ce, à compter de la notification de l'arrêt.
Condamné la société Génération Intérim à payer à Mme Y... Catherine la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le réformant pour le surplus,
Condamne la société Génération Intérim à payer à Madame Y... les sommes suivantes :
- 4415,42 € au titre du rappel de salaire outre 897,91 € à titre de congé payé dus pendant la période de congé maternité ;
- 4195€ au titre des primes d'intéressement de 2011 à 2015 ;
- 4708 € et 2354 € au titre de la clause de non-concurrence ;

y ajoutant
Condamne la société Génération Intérim à payer à Madame Y... la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile .
Condamne la société Génération Intérim aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 17/012161
Date de la décision : 17/12/2018
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2018-12-17;17.012161 ?
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