La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/12/2018 | FRANCE | N°15/013801

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 17 décembre 2018, 15/013801


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 448 DU DIX SEPT DECEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : RG 15/01380 - No Portalis DBV7-V-B67-CSGP

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 10 juillet 2015-Section Activités Diverses.

APPELANTE

Madame Y... Z...
[...] [...]
Comparante en personne
Assistée de Maître Chantal B... (Toque 3) , avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

SOCIÉTÉ D'ECONOMIE MIXTE SOCIETE COMMUNALE DE SAINT-MARTIN (SEMSAMAR)
[...]>[...]
Représentée par Maître Philippe C... substituant Maître Jean-Marc D... de la E... (Toque 23), avocat au barreau ...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 448 DU DIX SEPT DECEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : RG 15/01380 - No Portalis DBV7-V-B67-CSGP

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 10 juillet 2015-Section Activités Diverses.

APPELANTE

Madame Y... Z...
[...] [...]
Comparante en personne
Assistée de Maître Chantal B... (Toque 3) , avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

SOCIÉTÉ D'ECONOMIE MIXTE SOCIETE COMMUNALE DE SAINT-MARTIN (SEMSAMAR)
[...]
[...]
Représentée par Maître Philippe C... substituant Maître Jean-Marc D... de la E... (Toque 23), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 novembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Gaëlle Buseine, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Rozenn Le-Goff, conseiller, présidente,
Mme Gaëlle Buseine, conseiller,
M. André Roger, conseiller,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 17 décembre 2018.

GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Mme Rozenn Le-Goff, conseiller, présidente et par Mme Mme Lucile Pommier, greffier principal, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

Il résulte des explications et pièces fournies par les parties, les éléments suivants.

Mme Y... Z... a été embauchée en qualité d'assistante de chargé d'opérations par la SEMSAMAR, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée prenant effet le 1er avril 2005.

Mme Z... saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 12 décembre 2013 afin qu'il soit constaté qu'elle était victime de discrimination salariale, et que la SEMSAMAR soit condamnée au paiement des sommes suivantes :
340 000€ au titre des rappels de salaires des mois de décembre 2010 à décembre 2014,
25 000€ à titre de rappels du 13ème mois,
60 000€ à titre de rappels de primes d'intéressement et de primes exceptionnelles,
500 000€ à titre de dommages et intérêts,
6 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par jugement du 10 juillet 2015, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a accueilli la fin de non recevoir tirée de l'unicité de l'instance, déclaré irrecevable l'instance engagée par Mme Z..., et mis les dépens à sa charge.

Mme Z... interjetait régulièrement appel du jugement le 17 août 2015.

*************************

Par conclusions notifiées le 6 avril 2018, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé exhaustif des moyens de Mme Z..., celle-ci sollicite l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau :
qu'il soit dit qu'elle a été victime d'une inégalité salariale et d'une discrimination syndicale,
que la sanction disciplinaire notifiée le 19 juillet 2016 soit annulée,
qu'il soit ordonné à la SEMSAMAR de verser à Mme Z... une rémunération équivalente à celle de ses collègues pour l'année 2018,
que la SEMSAMAR soit condamnée à lui payer les sommes suivantes :
160 000€ à titre de rappels de salaires,
14 000€ à titre de rappels de primes sur objectifs,
90 000€ à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,
30 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral,
30 000€ à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
3 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 23 octobre 2018, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé exhaustif des moyens de la SEMSAMAR, celle-ci sollicite :
à titre principal qu'il soit constaté que les demandes de Mme Z... sont irrecevables car se heurtant au principe d'unicité de l'instance, et que le jugement entrepris soit confirmé en toutes ses dispositions,
à titre subsidiaire que Mme Z... soit déboutée de l'ensemble de ses demandes et condamnée au paiement de la somme de 3 500€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

*******************

Motifs de la décision

Sur l'unicité de l'instance

L'article R1452-6 du code du travail, dans sa version en vigueur à la date de la saisine du conseil de prud'hommes dans le cadre de la présente instance, disposait :
« Toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance.
Cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes ».

Ainsi, en application du principe d'unicité de l'instance qui préside pour les instances introduites avant le 1er août 2016, toutes les demandes dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties doivent, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, faire l'objet d'une seule instance, à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne soit révélé que postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes.

La SEMSAMAR expose que Mme Z... a saisi le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 26 septembre 2012, en contestation d'une sanction disciplinaire, et que cette procédure a donné lieu à un procès-verbal de conciliation totale, en date du 25 octobre 2012, produit aux débats. L'intimée soutient que puisque la discrimination dont Mme Z... se dit victime aurait débuté en 2009 selon ses dires, ses prétentions dans le cadre de la présente instance se heurtent au principe d'unicité de l'instance.

Mme Z... soutient n'avoir eu connaissance de l'inégalité salariale et de la discrimination syndicale dont elle se dit victime que lorsqu'elle a reçu la proposition de reclassement émise par la SEMSAMAR le 25 juillet 2013, produite aux débats.
Cette proposition est intitulée « transaction » et l'exposé préalable est ainsi rédigé :
« Au mois de juillet 2012, la société SEMSAMAR a fait l'objet d'un contrôle inopiné de l'inspection du travail, à l'occasion duquel Mme Y... Z..., assistante de chargé d'opérations, s'est plainte auprès de l'inspecteur du travail d'être victime de harcèlement moral, en l'espèce d'une « mise au placard » ».

La SEMSAMAR expose que les discussions visant à la réaffectation de Mme Z... ont été finalisées par courrier remis en mains propres à la salariée le 14 septembre 2012, dans lequel lui étaient proposées trois options :
intégrer le service contrôle de gestion, aux fonctions d'assistante contrôle de gestion d'opérations,
occuper les fonctions d'assistante Marchés, en charge d'organiser les commissions d'appels d'offres,
convenir d'une rupture conventionnelle, avec fixation d'une indemnité correspondant à 49 mois de salaire.
L'intimée fait valoir que si tant est que Mme Z... ait découvert l'existence d'une inégalité salariale dans le cadre de sa réaffectation, ce que l'employeur réfute, la salariée ne saurait soutenir valablement avoir découvert ceci après la première saisine du conseil de prud'hommes, le 26 septembre 2012, puisque la proposition de reclassement avait déjà été formulée dès le 18 septembre 2012, et pas seulement le 25 juillet 2013 comme elle le soutient.

L'inspecteur du travail, dans un courrier adressé le 24 février 2014 à la SEMSAMAR, produit aux débats, indiquait :
« J'ai l'honneur de vous informer que je mets fin au contrôle engagé le 12 octobre 2012 sur la situation de Mme Z... Y..., assistante de chargé d'opérations exerçant dans votre établissement de la Jaille, en Guadeloupe. Lors de mes investigations, j'ai constaté que cette salariée, conformément à ses dires, se trouvait déchargée de toutes fonctions dans l'établissement du fait d‘une organisation du travail décidée et mise en place par l'employeur ».

Aussi, dans ses écritures de première instance, produites aux débats, Mme Z... indiquait : « en effet, à compter de juillet 2009, M. F... Jean-Paul est remplacé à la direction de la société « SEMSAMAR » par Mme S... Marie-Paule. A compter de ce changement au sein de la direction, Mme Z... a été l'objet de plusieurs préjudices.
En effet, à l'issue d'une mission d'enquête menée relativement à la gestion de la SEMSAMAR, société d'économie mixte, la concluante a, lors de la publication dudit rapport, découvert qu'à fonctions égales au sein de l'entreprise défenderesse, les salaires pratiqués étaient différents, notamment le sien. Elle était donc victime de discrimination ».

Le rapport définitif de la MIILOS, dont il est question dans les écritures de première instance de Mme Z..., est daté du mois de décembre 2012, soit après la signature du procès verbal de conciliation, en date du 25 octobre 2012.

Il convient de constater que Mme Z... expose en cause d'appel avoir eu connaissance d'inégalités salariales la concernant à compter du mois de juillet 2013, tandis qu'en première instance elle soutenait en avoir eu connaissance à compter de la publication du rapport MIILOS, soit au mois de décembre 2012.
Il ressort en outre du courrier de l'inspecteur du travail, que la salariée l'avait alerté sur sa situation avant le 12 octobre 2012, date du début de l'enquête menée par l'inspecteur et la concernant.

Bien que les explications de la salariée concernant la date à laquelle elle aurait eu connaissance d'inégalités salariales varient dans le temps, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ait disposé d'éléments de nature à fonder ses prétentions actuelles au moment de la signature du procès-verbal de conciliation, de telle sorte que la règle de l'unicité de l'instance n'a pas vocation à s'appliquer au cas d'espèce, ses demandes étant dès lors recevables.

Sur la discrimination

Dans le cadre d'un litige en matière de discrimination, les dispositions de l'article L1134-1 du code du travail aménagent la charge de la preuve. Ainsi, si le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il revient à l'employeur de prouver que la décision en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Mme Z... expose avoir été victime de discrimination après avoir été élue au comité d'entreprise, soit entre le mois de mars 2010 le mois de juin 2014.
Elle produit un extrait du document intitulé « réponses du cabinet CGE aux commentaires de la direction SEMSAMAR », portant sur le rapport sur l'analyse des comptes et de la situation de la SEMSAMAR au 31 décembre 2012, dans lequel le cabinet d'expertise comptable écrit notamment :
« à la lecture des livres de paie, nous avons constaté des différences de traitement entre salariés ayant le même emploi »,
« sans grille de classification, il est normal de s'interroger sur les écarts de rémunération constatés sur le salaire de base, et d'en demander des explications ».

L'appelante soutient être le parfait exemple de ces inégalités de traitement, qui selon elles, ne sont pas justifiées par des éléments objectifs.

Des primes sur objectifs et primes de vacances

Mme Z... expose qu'elle ne perçoit pas de prime sur objectifs, ni de prime de vacances, contrairement à ses collègues. Au soutien de ses prétentions, elle produit ses propres fiches de paye pour les mois de mai à août 2011, ainsi que celles de sa collègue, Mme Josiane G..., également assistante de chargé d'opérations, et justifiant de 6 mois d'ancienneté de moins qu'elle.
L'appelante soutient dans ses écritures qu'à la lecture de ces fiches de paye, il apparaît qu'elle n'a pas perçu de prime sur objectifs ni de prime de vacances, alors qu'elles ont été perçues par sa collègue au mois de juin 2011.

Il convient de relever que si les quatre bulletins de salaire de Mme G... entre mai et août 2011 ont bien été agrafés ensemble et produits aux débats par l'appelante, la liasse de bulletins de salaire concernant Mme Z... pour la même période ne comporte pas le bulletin de salaire du mois de juin 2011.
L'employeur produit le bulletin de salaire de Mme Z... concernant le mois de juin 2011, sur lequel il apparaît qu'elle a bien perçu la prime de vacances.

Concernant les primes sur objectifs, l'employeur expose celle-ci ont été instaurées en 2010, et formalisées par la proposition faite à chaque salarié de signer un avenant à son contrat de travail, ce qui a été fait par courrier remis en main propre à Mme Z... le 7 décembre 2010. La SEMSAMAR produit également les courriels de relance adressés aux salariés, dont Mme Z..., par le service des ressources humaines, les 21, 27 et 31 décembre 2010.
L'employeur fait valoir que Mme Z... a été la seule salariée à n'accepter de signer un avenant instaurant les primes sur objectifs qu'en 2012, raison pour laquelle elle n'a perçu de primes sur objectifs qu'à compter de l'année 2013, tel que cela est établi par les bulletins de salaire produits aux débats.

Mme Z... ne réfute pas avoir signé l'avenant relatif à la prime sur objectifs seulement en 2012.

La rémunération constituant un élément essentiel du contrat de travail, elle ne peut être modifiée sans l'accord expresse du salarié, aussi, il convient de constater que Mme Z... n'a pas fait l'objet de discrimination en matière de primes sur objectifs, pas plus qu'en matière de primes de vacances.

Des acomptes sur l'intéressement pour 2012 et du salaire de Mme H...

Mme Z... expose que Mme Chantal H... a perçu un acompte de l'intéressement sur l'année 2012 bien plus élevée qu'elle.

Il apparaît à la lecture des bulletins de salaire des deux salariées, produits aux débats par l'employeur, qu'elles ont perçu les sommes suivantes en 2013, au titre de l'intéressement :
2053,44€ au mois d'avril, et 3 882,80€ au mois de juillet, soit 5 936,24€ au total,
3 632,90€ au mois d'avril, et 6 869,35€, soit 10 502,25€ au total.

Il convient de relever l'absence de production de l'accord sur l'intéressement prévoyant notamment les modalités de répartition, cependant, il est admis que celle-ci se fasse en proportion du salaire perçu, or Mme H... bénéficie sur la période d'un salaire brut plus élevé que Mme Z..., dans des proportions correspondant au différentiel de montant de la prime d'intéressement.

De la prime REG

Mme Z... expose que les autres assistantes des chargés d'opérations ont perçu des primes REG en 2013, sans qu'elle-même n'en perçoive.

L'employeur expose que la mention « prime sur objectifs REG » apparaissant sur les bulletins de salaire du mois de janvier 2013 de Mesdames G... et H..., correspond à la régularisation des primes d'objectifs dues au titre de l'année 2011, primes auxquelles Mme Z... ne pouvait prétendre puisqu'elle n'a signé l'avenant sur les primes d'objectifs qu'en 2012, tel que cela a été exposé ci-avant.

Des différences de salaire

Mme Z... reproduit dans ses écritures un tableau indiquant les salaires annuels bruts de trois assistantes de chargé d'opérations pour les années 2010 à 2013 :

Salaire brut 2010 Salaire brut 2011 Salaire brut 2012 Salaire brut 2013

Mme H... 40 018,59€ 57 655,37€ 69 272,33€ 68 965,50€

Mme G... 31 498,86€ 58 912,69€ 48 861,68€ 25 000, 05€

Mme Z... 28 515,73€ 38 401,63€ 39 155,41€ 50 723,68€

L'employeur produisant les bulletins de salaire de ces trois salariées pour les années 2010 à 2013, des vérifications ont été opérées, et les chiffres avancées par la salariée dans ses conclusions correspondent, sauf pour l'année 2011, les données à prendre en compte étant les suivantes :

Mme H... 64 525,17€

Mme G... 50 791,49€

Mme Z... 38 401,63€

Il est utile de préciser qu'entre le mois de mai et le mois de décembre 2013, Mme G... était en arrêt maladie sans maintien de salaire, ce qui explique la baisse importante de sa rémunération.
Il relève de l'analyse des bulletins, que la rémunération de Mme Z... est inférieure à celle de ses collègues occupant le même poste.

Il convient de préciser que le principe « à travail égal, salaire égal » ne remet pas en cause le pouvoir de l'employeur d'individualiser les salaires. Ainsi, il peut accorder des augmentations individuelles, dès lors qu'elles sont justifiées par des critères objectifs et vérifiables.

Mme Z... expose que c'est le montant des primes exceptionnelles qui crée les disparités.
Après vérification, les sommes perçues à ce titre par les trois salariées sont les suivantes :

2010 2011 2012
Mme H... 0€ 14 427,13€ 12 850€ 8 804,90€

Mme G... 0€ 9 059,69€ 7 159,69€ 5 404,90€

Mme Z... 0€ 5 186,23€ 4 965,43€ 5 004,90€

La SEMSAMAR soutient que les primes exceptionnelles sont en correspondance avec les sujétions de chacune de ces salariées.

Concernant Mme H..., l'intimée expose qu'elle assumait des fonctions plus larges que Mme Z..., et notamment qu'elle remplaçait le chargé d'opérations lors des réunions de chantiers si nécessaire. La SEMSAMAR produit de nombreux comptes-rendus de réunions de chantiers sur lesquels il apparait que Mme H... était effectivement présente, cependant il convient de relever que M. I..., chargé d'opérations, était également présent à ces réunions, de telle sorte qu'elle ne le remplaçait pas.

La SEMSAMAR expose que Mme H... avait la charge de la formation et de l'accompagnement des nouvelles assistantes de chargés d'opérations, y compris lorsque cela nécessitait des déplacements réguliers en Martinique, tel que cela ressort de courriels et billets d'avion produits aux débats.

Concernant Mme G..., la SEMSAMAR expose qu'elle a assumé avec M. Jean-Luc J... le suivi des opérations jusqu'au 31 mai 2011, date du départ de ce dernier, pour un montant total de 5 868 614, 51€, soit un volume opérationnel très important, raison pour laquelle les primes perçues étaient plus importantes. L'employeur expose que ces primes ont diminué après cette date, Mme G... ayant vu son volume opérationnel diminuer, jusqu'à l'alignement avec celui de Mme Z....
L'intimée précise que le montant des primes est ajusté en fonction du volume opérationnel, et qu'à ce titre Mme Z... a notamment perçu au mois de janvier 2014 une prime exceptionnelle à hauteur de 2 200€, tandis que pour le même mois, la prime exceptionnelle perçue par Mme G... ne s'élevait qu'à la somme de 1 000€.
La SEMSAMAR fait valoir que le chargé d'opérations que Mme Z... assistait, M. Fabrice K..., était également assisté par Mme X... L..., et que les dossiers étaient donc répartis entre elles deux, contrairement à la situation de Mme G..., seule assistante de M. J..., ce qui n'est pas contesté par l'appelante.

Il ressort de l'analyse des bulletins de paye d'importantes disparités concernant le salaire brut de base (hors primes) entre Mme H... d'une part, et Mesdames G... et Z... d'autre part, ce malgré une ancienneté relativement semblable pour les trois assistantes de chargé d'opérations.

L'analyse des bulletins de salaire a permis d'extraire les données suivantes :

Salaire de base brut janvier 2010
Mme H... Ancienneté de 5 ans : 2 811,40€ Ancienneté de 7 ans et 11 mois 4 175,80€

Mme G... Ancienneté de 5 ans et 3 mois : 2 420,82€ Ancienneté de 8 ans et 2 mois : 3 037,87€

Mme Z... Ancienneté de 5 ans et 9 mois : 2 347,84€ Ancienneté de 8 ans et 9 mois : 2 842,32€

Il apparait que l'écart maximal entre les salaires mensuels bruts de base de ces trois salariées était en 2010 de 463,56€. En 2013, si l'écart entre le montant du salaire mensuel brut de base de Mme Z... et celui de Mme G... reste peu important et constant, celui entre la salariée la moins rémunérée, Mme Z..., et la salariée la plus rémunérée, Mme H..., a augmenté significativement, se portant à la somme de 1 333,48€.

Entre le mois de janvier 2010 et le mois de décembre 2013, les salaires mensuels bruts de base des trois salariés ont augmenté comme suit :
Mme H... : + 48,53%
Mme G... : + 25,48%
Mme Z... : +21,06%.

La SEMSAMAR soutient que cet écart entre Mme H... et ses collègues est dû au fait que celle-ci dépasse largement les fonctions d'assistante de chargés d'opérations, tel qu'exposé précédemment.

De la « placardisation » et du lien avec l'engagement syndical de Mme Z...

Mme Z... soutient que la différence de rémunération est due à une « placardisation », discrimination relative à son engagement syndical. Au soutien de cette affirmation, la salariée produit cinq courriers co-signés par elle-même, sous l'égide du syndicat dont elle est membre, l'UGTG, et en sa qualité d'élue au comité d'entreprise. Ces courriers sont adressés à l'inspection du travail et à la direction de la SEMSAMAR, et un certain nombre de dysfonctionnements sont mis en exergue, notamment relatifs aux relations sociales et à un manque de transmission des informations comptables aux représentants du personnel.

Mme Z... soutient avoir été « placardisée » par la direction de la SEMSAMAR, et écrit dans ses conclusions : « Mme Z..., comme sa collègue Mme T..., a vu ses conditions de travail se détériorer à partir de sa syndicalisation ».
Il convient de constater que si Mme Z... expose dans ses écritures avoir été victime de discrimination dès l'année 2010, les éléments qu'elle produit en vue de démontrer l'existence d'une discrimination syndicale sont des courriers, dont le plus ancien est en date du 13 décembre 2013.

La SEMSAMAR s'étonne de ce que Mme Z... n'avait aucunement évoqué de discrimination pour motif syndical dans ses écritures de première instance, produites aux débats, alors même qu'elle dit avoir été victime de discrimination dès l'année 2010, et en avoir eu connaissance lors de la publication du rapport de la MIILOS, en décembre 2012, soit un an avant la saisine du conseil de prud'hommes dans le cadre de la présente affaire.

Mme Z... produit une attestation rédigée par M. Marc N..., ayant été directeur administratif et financier et directeur des ressources humaines de la SEMSAMAR entre novembre 2000 et mai 2010, qui atteste du professionnalisme de la salariée, et indique notamment : « par le changement de direction générale en juillet 2009, il a été décidé une mise au placard du salarié pour l'inciter à quitter l'entreprise, par une démission. Je peux attester du mépris et du manque de considération de la direction générale ».
L'appelante produit également le courrier adressé par l'inspecteur du travail à la direction de la SEMSAMAR le 24 février 2014, qui écrit au sujet de Mme Z... :
« Lors de mes investigations, j'ai constaté que cette salariée, conformément à ses dires, se trouvait déchargée de toutes fonctions dans l'établissement du fait d'une organisation décidée et mise en place par son employeur. L'audition des collègues de travail de Mme Z... et les explications des personnes chargées des ressources humaines n'ont pas permis de justifier la situation d'isolement et d'inactivité qui lui était réservée depuis de nombreux mois, et ceci à la suite du refus du 6 octobre 2011 de l'inspecteur du travail du siège d'autoriser le licenciement sur la base de fautes professionnelles alléguées par l'employeur. (
) Par ailleurs, le mandat exercé par Mme Z..., l'irrégularité de sa situation professionnelle, la responsabilité de l'employeur, ont créé, de mon point de vue, une situation de discrimination de cette salariée, tant à cause de son inactivité professionnelle que des conséquences constatées de pertes de formations, de primes diverses liées à une activité dont elle a été écartée, et de divers autres préjudices ».

La SEMSAMAR réfute toute mise à l'écart de la salariée, et expose que cette dernière a suivi de nombreuses formations, tout comme ses collègues occupant les mêmes fonctions, Mesdames G..., H..., et A..., ce qui est attesté par la liste des formations suivies par ces salariées entre 2009 et 2017, produite par l'employeur et non contestée par la salariée.

La SEMSAMAR produit de nombreux courriels adressés à ou par Mme Z..., dans le cadre de relations professionnelles normales, sur la période 2010 à 2017.
L'employeur relève que Mme Z..., pour démontrer qu'elle aurait été victime de discrimination syndicale, compare notamment sa situation à celle de Mme G..., alors même que cette dernière est également représentante syndicale.

Mme Z... soutient que la SEMSAMAR lui a toujours fixé des objectifs peu réalisables, dans le but de lui faire perdre toute confiance en elle, et de la déstabiliser encore plus, dans une logique de mise à l'écart. L'appelante produit une note sur le contrat d'objectifs 2016, ainsi que les rapports de ses entretiens annuels de progrès et de professionnalisation pour les années 2015 et 2016.

La SEMSAMAR expose que la note sur le contrat d'objectifs au titre de l'année 2016, produite par Mme Z... au soutien de ses affirmations, est adressée à l'ensemble des salariés, et fait état du mode de calcul d'une gratification collective par secteur opérationnel, l'employeur faisant valoir qu'en aucune manière cette gratification non individuelle ne pourrait démontrer l'existence d'une discrimination à l'encontre de la salariée.

Concernant les rapports d'entretiens annuels, il apparaît que pour celui de 2016, tous les critères sont évalués en « satisfaisant » et « atteint », hormis deux :
« Curiosité – esprit d'entreprise » qui est noté en « amélioration nécessaire »
« Maitrise du processus opérationnel » qui est noté en « non atteint ».
Dans la partie « conclusion et suggestions du salarié » en fin de rapport, Mme Z... a indiqué qu'elle était victime de discrimination et de harcèlement moral, et que le présent contentieux était en cours.
Le rapport concernant 2015 était similaire.

L'employeur soutient avoir évalué objectivement la salariée, qui ne maitrisait pas en 2016 le processus opérationnel et l'ordonnance de 2015 relative à ce sujet, ce qui nécessitait la mise en place de formations.
Il ressort des rapports que l'évaluation de l'activité de la salariée est globalement bonne, sans dénigrement, les seuls points posant problème étant l'esprit d'entreprise pour les deux années, et la motivation et capacité à travailler en équipe pour l'année 2015, trois critères qui ne pouvaient être qu'impactés par l'existence d'une procédure judiciaire entre la SEMSAMAR et Mme Z..., sans que cela puisse démontrer l'existence d'une mise au placard et d'une discrimination.

Conclusions

Il ressort de l'analyse de l'ensemble des éléments produits aux débats que s'il existe une différence de rémunération entre Mme Z... et ses collègues occupant les mêmes fonctions, Mesdames G... et H..., cette différence est justifiée par un certain nombre d'éléments objectifs, notamment les sujétions particulières de Mme H..., et le fait que Mme Z... n'ait signé son avenant relatif aux primes d'objectifs que deux années après ses collègues. La salariée soutient également ne pas avoir perçu certaines primes alors même qu'il est démontré soit que lesdites primes ne lui étaient pas dues (régularisation de primes d'objectifs dues avant la signature de son avenant) soit qu'elles lui ont bien été versées (primes de vacances)
Il apparaît également que Mme Z... n'apporte pas la preuve du fait que cette différence soit liée à une mise à l'écart, qui n'est elle-même pas démontrée, et qui découlerait de son engagement syndical, ce alors même que l'une des salariées avec laquelle elle se compare est également engagée dans un syndicat. En outre, l'employeur démontre que Mme Z... a bénéficié de formations régulières et ce y compris après 2010, année de son élection au comité d'entreprise, ce qui ne correspond pas à la mise à l'écart décrite par la salariée et non prouvée.

Il convient de constater que les éléments produits aux débats ne permettent pas de constater l'existence d'une inégalité de traitement en matière de rémunération qui ne soit pas justifiée par des éléments objectifs, ni de la réalité d'une mise au placard ou d'une situation de discrimination à l'encontre de Mme Z..., laquelle sera dès lors déboutée des demandes formulée au titre des rappels de salaire, des rappels de primes sur objectifs, des dommages et intérêts en réparation d'un préjudice résultant d'inégalités salariales et de discrimination syndicale.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En outre, il apparaît aux termes de l'article susvisé et de l'article L 1153-1 du Code du travail que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Les arguments et preuves avancés par Mme Z... en vue de démontrer l'existence d'une situation de harcèlement moral sont les mêmes que ceux invoqués en vue de démontrer l'existence d'une discrimination, et analysés ci-avant. Ces éléments ne permettent pas plus de constater l'existence d'une situation de harcèlement moral, Mme Z... sera donc déboutée de ses demandes à titre de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice inexistant, et d'une obligation de sécurité à laquelle l'employeur n'a pas manqué.

Sur la sanction disciplinaire

Mme Z... sollicite l'annulation de la sanction prononcée le 19 juillet 2016, exposant simplement que celle-ci est injustifiée, sans plus de précision.

Il convient de dire que la sanction consiste en un blâme, qui a été notifié le 25 juillet 2016, suite à entretien préalable en date du 19 juillet 2016.

Le courrier notifiant la sanction est ainsi rédigé :
« Nous avons souhaité vous entendre sur votre comportement inacceptable tant vis-à-vis de votre supérieur hiérarchique que de vos autres collègues.
Votre responsable hiérarchique, M. Fabrice K..., vous a reçue mardi 28 juin 2016 afin de vous entendre à propos des faits qui se sont passés le mardi 21 juin 2016 alors qu'il était hors du département. Il a été amené à vous faire des observations verbales à propos du comportement intolérable que vous avez eu ce mardi 21 juin dernier, tout d'abord au service des ressources humaines, puis au 1er étage de la société. Faits qui ont été portés à la connaissance de la DRH. En effet, vous vous êtes mise à hurler indiquant que votre supérieur hiérarchique refusait de vous signer vos congés, alors que vous étiez parfaitement informée qu'au même moment, il était dans l'avion à destination de Paris, en déplacement professionnel (mail qu'il vous avait adressé la veille et que vous avez reconnu avoir reçu).
Vous vous êtes adressée avec brutalité et en élevant la voix sur la responsable administrative du personnel, en lui disant que prendre des congés était un droit. Vous avez perturbé tous les services au premier étage, en hurlant dans les couloirs votre mécontentement, prenant ainsi vos collègues à partie et portant atteinte à l'image de la société, dans la mesure où ces faits se sont déroulés en présence de tiers.
(
)
Vous n'avez même pas donné le temps à votre supérieur hiérarchique de vous exposer les reproches qui vous étaient faits, vous lui avez coupé la parole en élevant la voix et en refusant de répondre à ses questions, prétextant que vous n'aviez aucun souvenir de ce qui s'est passé ce mardi 21 juin et que vous n'aviez rien à vous reprocher ».

La SEMSAMAR produit plusieurs pièces au soutien de cette sanction :
un courrier adressé par Mme Christine O..., du service ressources humaines, à sa supérieure hiérarchique, Mme P..., le 21 juin 2016 : « faisant suite à la venue de Mme Y... Z... en début d'après-midi, à mon bureau, je vous fais part de la violence des propos tenus par cette dernière à mon encontre. Mme Y... Z... n'ayant pas eu validation de sa demande de congé par M. K..., qui est son N+1, elle s'est adressée à moi, tout en restant à la porte du bureau, en criant sur moi et en ne me laissant aucune possibilité d'échange. Pour rappel des faits, Mme Y... Z... a envoyé par mail à 8h41 une demande de congé pour l'après-midi à M. K.... Ce dernier, en déplacement en métropole, n'a pas pu valider sa demande. Aussi, compte tenu du fait qu'elle n'a pas pu quitter son poste de travail, elle s'en est prise à moi, en vociférant que prendre des congés est un droit, que l'on s'acharne contre elle »
une attestation rédigée le 22 juin 2016 par M. R... Q..., salarié de l'entreprise, qui indique : « le 21 juin 2016 en début d'après-midi, étant installé à mon poste de travail, j'ai été interrompu par des cris survenant de l'étage en dessous : reconnaissant la voix de ma collègue Mme Y... Z..., j'ai pu constater qu'elle se plaignait de manière très véhémente de la non acceptation de sa récente demande de congé, puis des conséquences pour la garde et la sécurité de ses enfants. Bien qu'étant au 2ème étage, je me suis trouvé pendant plusieurs minutes envahi par les hurlements de Mme Z..., en provenance du 1er étage »
un courriel adressé par Mme Chantal H... à Mme P..., le jeudi 23 juin 2016, rédigé comme suit « je vous confirme que mardi 21 juin en début d'après-midi, Mme Z... est venue me dire que le service RH lui avait refusé sa demi-journée de congé. Elle était en colère et a donc élevé la voix. Je lui ai demandé de parler moins fort en pensant qu'il y avait du monde dans la petite salle de réunion, mais cela n'a rien changé ».

Au vu des éléments versés aux débats, il apparait que la sanction prononcée à l'encontre de Mme Z... le 25 juillet 2016 est justifiée et proportionnée, de telle sorte qu'il n'y a pas lieu d'en ordonner l'annulation.

Sur les autres demandes

Mme Z... succombant en ses prétentions, supportera la charge des entiers dépens.

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Dit que la règle de l'unicité de l'instance n'est pas applicable en l'espèce, et que les demandes de Mme Y... Z... sont recevables,

Déboute Mme Y... Z... de l'ensemble de ses demandes,

Condamne Mme Y... Z... aux entiers dépens,

Déboute les parties de toutes prétentions plus amples ou contraires.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 15/013801
Date de la décision : 17/12/2018
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2018-12-17;15.013801 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award