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03/12/2018 | FRANCE | N°17/002101

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 03 décembre 2018, 17/002101


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 424 DU TROIS DECEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No RG 17/00210 - No Portalis DBV7-V-B7B-CY7X

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 15 décembre 2016-Section Commerce

APPELANTE :

SARL DISCAP
3, Presqu'île de la Marina Môle Portuaire
97110 POINTE-A-PITRE
Représentée par Maître Christine I... de la SELARL JFM (Toque 34), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIME :

Monsieur Régis Y...
[...]
Représenté par

Maître Roland Z... de la SCP A... (Toque 96), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR

E...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 424 DU TROIS DECEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No RG 17/00210 - No Portalis DBV7-V-B7B-CY7X

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 15 décembre 2016-Section Commerce

APPELANTE :

SARL DISCAP
3, Presqu'île de la Marina Môle Portuaire
97110 POINTE-A-PITRE
Représentée par Maître Christine I... de la SELARL JFM (Toque 34), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIME :

Monsieur Régis Y...
[...]
Représenté par Maître Roland Z... de la SCP A... (Toque 96), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 octobre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Gaëlle Buseine, conseiller chargé du rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Rozenn Le-Goff, conseiller, présidente,
Mme Marie-Josée B..., coneiller,
Mme Gaëlle Buseine, conseiller,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 3 décembre 2018.

GREFFIER

Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier principal.

ARRET :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Mme Rozenn Le-Goff, conseiller, présidente et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure

Il résulte des explications et pièces fournies par les parties, les éléments suivants.

M. Régis Y... a été embauché en qualité d'employé libre service polyvalent par la SARL DISCAP, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée prenant effet le 26 octobre 2007.

Par courrier du 1er juin 2015, M. Y... était convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 12 juin 2015. Cette convocation était assortie d'une mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 25 juin 2015, M. Y... se voyait notifier son licenciement pour faute grave.

M. Y... saisissait le conseil de prud'hommes de Basse-Terre le 14 octobre 2015, afin de contester le bien fondé de son licenciement pour faute grave, et d'obtenir la condamnation de la SARL DISCAP au paiement des sommes suivantes :
- 11 734,32€ à titre d'indemnité de repos compensateur,
- 2 457,05€ au titre du salaire du mois de juin 2015,
- 7 371,09€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis, d'une durée de trois mois,
- 245,70€ à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,
- 29 484,36€ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 15 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral,
- 2 500€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par jugement du 15 décembre 2016, le conseil de prud'hommes de Basse-Terre a condamné la SARL DISCAP à payer à M. Y... les sommes suivantes :
- 11 734,32€ à titre d'indemnité de repos compensateur,
- 2 457,05€ au titre du salaire du mois de juin 2015,
- 7 371,09€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis, d'une durée de trois mois,
- 245,70€ à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,
- 29 484,36€ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 15 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral,
- 2 500€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

La SARL DISCAP interjetait régulièrement appel du jugement le 13 février 2017.

L'affaire étant en état d'être jugée, l'ordonnance de clôture est intervenue le 15 mars 2018, renvoyant l'affaire à l'audience des débats du 15 octobre 2018.

*************************

Par conclusions notifiées le 13 mars 2018, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé exhaustif des moyens de la SARL DISCAP, celle-ci sollicite l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, qu'il soit dit que le licenciement pour faute grave est fondé sur une cause réelle et sérieuse, que M. Y... soit débouté de l'ensemble de ses demandes, et condamné au paiement de la somme de 2 500€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 27 février 2018, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé exhaustif des moyens de M. Y..., celui-ci sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, et y ajoutant, la condamnation de la SARL DISCAP au paiement de la somme de 24 080,70€ au titre des heures supplémentaires.

*******************

Motifs de la décision

Sur le licenciement

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :
« En date du 30 mai 2015, vous avez :
- insulté votre collègue,
- eu une altercation physique avec votre collègue,
- menacé armé d'une bouteille votre collègue,
- bloqué la sortie du magasin avec un véhicule,
- séquestré le personnel présent au moment des faits, ayant nécessité l'intervention des forces de l'ordre pour dégager les accès.
(
)
Les explications recueillies auprès de vous au cours de cet entretien du 12 juin 2015, lors duquel vous avez reconnu l'ensemble des faits, ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet. En conséquence, nous avons le regret de vous annoncer que nous prenons la décision de vous licencier pour faute grave ».

Il appartient à l'employeur de prouver la réalité et la gravité des motifs invoqués.

La SARL DISCAP produit un rapport circonstancié rédigé par M. C..., directeur :
« Vers 10h30, M. Y... Régis s'est présenté à mon bureau, pour me relater une altercation entre lui et l'un de ses collègues, M. D....
Suivant les dires de M. Y..., son collègue, M. D..., l'aurait agressé physiquement au visage, dans la réserve d'alcool de notre magasin, sans raison. L'un de nos clients est venu confirmer l'altercation et m'a expliqué que M. Y... adressait des insultes à M. D..., qui l'a aussitôt frappé au visage. Comme convenu, j'ai convoqué les deux salariés dans mon bureau, afin d'avoir les différentes versions et explications sur l'altercation du matin. J'ai donc demandé à M. D... ce qu'il s'était passé dans la réserve et ce qu'il avait à dire. Il m'a répondu qu'il ne s'était rien passé et qu'il n'avait rien à dire.
M. Y... lui a demandé de s'expliquer sur le coup de poing qu'il avait reçu. Devant l'absence de réponse, M. Y... est rentré dans une rage et a agressé physiquement M. D... en lui infligeant des coups de poings au visage
M. Y... a cassé une bouteille et a menacé M. D.... Il a fallu l'intervention des autres salariés pour les séparer et éviter le pire. Nos avons donc réussi à arrêter le combat et à les séparer.
M. Y... a quitté le magasin, en lançant qu'il allait lui régler son compte à la sortie. Il est parti dans son véhicule et a bloqué la sortie du parking. J'ai donc retenu M. D... et ai pris la décision de fermer les portes du magasin afin d'empêcher une autre confrontation. La situation étant extrême, j'ai prévenu la gendarmerie de Saint-Claude. Les gendarmes sont intervenus rapidement et ont fait M. Y... libérer l'accès du parking ».

L'appelante produit également une attestation rédigée par M. Akim E..., technicien de surface non salarié de l'entreprise, présent sur les lieux pour effectuer une prestation de service au moment de l'altercation, qui écrit :
« La situation a dégénéré après que M. Y... ait cassé une bouteille et menacé M. D.... Je suis intervenu avec d'autres salariés pour les séparer et arrêter le combat. M. Y... a quitté le magasin et a dit qu'il va régler son compte à la sortie. Il est parti et a bloqué la sortie du parking du magasin, interdisant au personnel de quitter le site. Ce sont les gendarmes qui lui ont fait retirer son véhicule qui bloquait l'entrée du parking, après je suis rentré chez moi ».

La SARL DISCAP précise que M. D... a lui aussi été licencié suite à cette violente altercation, et elle produit la lettre de licenciement le concernant.

M. Y... produit une attestation, rédigée par M. Olivier F..., lequel n'était plus salarié de la SARL DISCAP et pas présent au moment des faits, mais qui atteste du bon comportement de M. Y... lorsqu'ils étaient collègues de travail.

M. Y... produit les éléments de l'enquête préliminaire effectuée par la gendarmerie nationale dans le cadre des dépôts de plaintes croisés de Messieurs Y... et D....
A la lecture du procès verbal d'audition de M. D..., il apparait que ce dernier reconnait avoir frappé M. Y... en premier : « depuis [que M. Y...] travaille au dépôt avec moi au contrôle des marchandises, il ne fait que m'insulter en me traitant de « chien » (chien du blanc, en rapport avec mon patron). Cette fois-ci j'ai craqué et je lui ai mis un coup de poing ».
A la lecture du procès verbal d'audition de M. Y..., celui-ci reconnait avoir frappé M. D... au cours de l'entretien qui s'est déroulé dans le bureau de M. C... : « je me suis approché de M. D... et lui ai demandé de dire la vérité. Il a de nouveau répondu « il ne s'est rien passé », j'étais énervé et je lui ai remis ses deux beignes ».

Il apparait donc que M. Y... reconnait avoir frappé l'un de ses collègues, sur son lieu de travail, lors d'un entretien et en présence de leur supérieur hiérarchique, le dit entretien se tenant dans le but de revenir sur une l'altercation s'étant déroulée entre les deux salariés plus tôt dans la journée. Le fait que M. D... ait précédemment frappé M. Y... ne saurait atténuer la faute commise par l'intimé, d'autant plus que les coups portés par M. Y... ne sont pas directement concomitants avec ceux portés par son collègue.

Le licenciement pour faute grave de M. Y... est fondé sur une cause réelle et sérieuse. M. Y... sera débouté de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La faute grave étant avérée, la mise à pied à titre conservatoire est fondée, et c'est à juste titre que l'employeur a opéré une retenue sur le salaire du mois de juin 2015, et n'a pas payé l'indemnité compensatrice de préavis.

Sur les dommages et intérêts

M. Y... n'apporte aucune précision sur le préjudice moral au titre duquel il sollicite l'octroi de dommages et intérêts, il sera donc débouté de ce chef de demande.

Sur les heures supplémentaires

M. Y... soutient qu'il a travaillé 42 heures par semaine, et que la SARL DISCAP lui est à ce titre redevable de la somme totale de 24 080,70€, correspondant à 7 heures supplémentaires par semaine, majorées à 25%, et incluant l'augmentation du taux horaire de 2% tous les six mois, prévue par le contrat de travail.

Il convient de préciser que l'appel a été interjeté postérieurement au 1er août 2016, et qu'en conséquence l'article 564 du code de procédure civile est applicable, aussi seules les prétentions présentées lors de la première instance devant le conseil de prud'hommes sont recevables en appel, toute demande nouvelle non présentée devant la juridiction prud'homale devant être d'office déclarée irrecevable par la cour d'appel, ce qui est le cas en l'espèce.

La demande formée par M. Y... concernant le paiement d'heures supplémentaires sera déclarée irrecevable.

Sur le repos compensateur

M. Y... sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL DISCAP à lui payer la somme de 11 734,32€ à titre d'indemnité de repos compensateur.
Il expose que le contingent annuel d'heures supplémentaires était conventionnellement fixé à 180 heures, ce qui est établi par l'article 5.8 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, applicable en l'espèce, et qu'il effectuait 42 heures de travail par semaine, soit 336 heures supplémentaires par an, ce qui représente 156 heures de repos compensateur par année.

Au soutien de ses prétentions, il produit un planning hebdomadaire le concernant, portant la mention « horaire applicable au 1er juillet 2013 », signé par la direction, qui fait état d'horaires portant la durée du travail à 42 heures par semaine.

La SARL DISCAP expose que M. Y... n'effectuait pas 42 heures par semaine systématiquement, le nombre d'heures supplémentaires variant d'une semaine à l'autre, et étant souvent au nombre de quatre.
Elle produit des tableaux reprenant les horaires de M. Y... pour chaque semaine, et un tableau récapitulatif du nombre d'heures supplémentaires effectuées par année, indiquant le nombre d'heures dépassant le contingent annuel de 180 heures, et indiquant la valeur pécuniaire en fonction du taux horaire de chacune des périodes. Elle arrive à un total sur toute la durée de la relation de travail de 3 551,13€ au titre du repos compensateur.
L'appelante produit également un autre tableau, reprenant les heures dépassant le contingent de 180h et n'ayant pas encore été payées, en indiquant la somme totale restant due au titre du repos compensateur, qu'elle fixe à hauteur de 643,08€.

Il convient de relever que le tableau récapitulatif des heures travaillées indique notamment que M. Y... aurait travaillé 39 heures par semaine au mois de juillet 2013, ce qui ne correspond pas au planning signé par la direction, et applicable au 1er juillet 2013, prévoyant 42 heures hebdomadaire.
Les bulletins de salaire produits aux débats ne font aucune mention de sommes versées au titre du repos compensateur, et la SARL DISCAP reconnait elle-même devoir des sommes d'argent à ce titre dans ses conclusions.

Il convient de relever que la période non prescrite ne peut porter que sur la période de juin 2012 à juin 2015, et considérant que M. Y... travaillait, conformément au planning produit, 42 heures par semaine, il apparait qu'il effectuait 156 heures par année au-delà du contingent d'heures supplémentaires prévu par la convention collective, ouvrant droit à repos compensateur.
Aussi, au vu des textes applicables, en considérant que le taux horaire était de 11,17€ en 2012 comme le soutient M. Y... dans ses conclusions, et en appliquant l'augmentation du taux horaire tous les 6 mois entre 2013 et 2015, il convient de calculer les sommes dues au titre du repos compensateur comme suit :
- du mois de juin au mois de décembre 2012 : 78 heures X 11,17€ X 50% = 435,63€,
- du mois de janvier au mois de mai 2013 : 78 heures X 11,61€ X 50% = 452,79€,
- du mois de juin au mois de décembre 2013 : 78 heures X 11,84€ X 50% = 461,76€,
- du mois de janvier au mois de mai 2014 : 78 heures X 12,08€ X 50% = 471,12€,
- du mois de juin au mois de décembre 2014 : 78 heures X 12,32€ X 50% = 480,48€,
- du mois de janvier au mois de mai 2015 : 78 heures X 12,57€ X 50% = 490,23€.

Le total des sommes dues par la SARL DISCAP au titre du repos compensateur s'élève à 2 792,01€.

Sur les autres demandes

M. Y..., succombant principalement en ses prétentions, supportera la charge des entiers dépens.

Il serait inéquitable de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

La Cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Dit que la demande formée par M. Régis Y... au titre des heures supplémentaires est irrecevable,

Dit que le licenciement de M. Régis Y... est fondé sur une faute grave,

Déboute M. Régis Y... de ses demandes au titre :
- du salaire du mois de juin 2015,
- d'une indemnité compensatrice de préavis,
- d'une indemnité de congés payés sur préavis,
- d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral,

Condamne la SARL DISCAP au paiement à M. Régis Y... de la somme de 2 792,01€ au titre du repos compensateur,

Condamne M. Régis Y... aux entiers dépens,

Déboute les parties de toutes prétentions plus amples ou contraires.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 17/002101
Date de la décision : 03/12/2018
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2018-12-03;17.002101 ?
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