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03/12/2018 | FRANCE | N°16/011871

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 03 décembre 2018, 16/011871


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 422 DU TROIS DECEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : RG 16/01187 - No Portalis DBV7-V-B7A-CWU7

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre - section encadrement - du 28 Juin 2016.

APPELANTE

Madame Muriel F... G...
[...]
[...]
Comparante en personne
Assistée de Maître Christophe Y... (Toque 101), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH, substitué par Me Z...

INTIMÉE

CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE DE GUADELOUPE, pr

ise en la personne de son représentant légal
[...]
[...]
Représentée par Me Cécile A..., avocat au barreau de PARIS...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 422 DU TROIS DECEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : RG 16/01187 - No Portalis DBV7-V-B7A-CWU7

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre - section encadrement - du 28 Juin 2016.

APPELANTE

Madame Muriel F... G...
[...]
[...]
Comparante en personne
Assistée de Maître Christophe Y... (Toque 101), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH, substitué par Me Z...

INTIMÉE

CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE DE GUADELOUPE, prise en la personne de son représentant légal
[...]
[...]
Représentée par Me Cécile A..., avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 octobre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Gaëlle Buseine, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Rozenn Le-Goff, conseiller, présidente,
Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller,
Mme Gaëlle Buseine, conseiller,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 3 décembre 2018

GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile POMMIER, greffier principal.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Mme Rozenn Le-Goff, conseiller, présidente et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

******

Faits et procédure

Il résulte des explications et pièces fournies par les parties, les éléments suivants.

Mme Muriel F... G... a été embauchée en qualité d'agent de guichet par la CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE DE GUADELOUPE (ci-après désignée CRCA), dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, prenant effet le 8 avril 1980.

Mme F... G... saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 30 juin 2015, afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail, et la condamnation de l'employeur au paiement des sommes suivantes :
- 20 000€ au titre de la discrimination subie,
- 121 863,04€ à titre d'indemnité conventionnelle,
- 15 232,88€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 182 794,62€ au titre du préjudice résultant d'un harcèlement moral,
- 5 077,63€ à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure,
- 6 000€ au titre de la rémunération extra conventionnelle,
- 4 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

En réplique, la CRCA sollicitait que Mme F... G... soit déboutée de l'ensemble de ses demandes, et condamnée au paiement de la somme de 1 500€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par jugement du 28 juin 2016, le conseil de prud'hommes a condamné la CRCA au paiement des sommes de 20 000€ à titre d'indemnité pour discrimination et de 1 500€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, et débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Mme F... G... interjetait régulièrement appel du jugement le 26 juillet 2016, et la CRCA formait appel incident.

L'affaire a fait l'objet de plusieurs renvois, dont un dernier renvoi contradictoire à l'audience du 15 octobre 2018, pour être plaidée.

Les deux parties ont conclu plusieurs fois, et Mme F... G... a notifié un ultime jeu de conclusions, portant le no5, le 12 octobre 2018. A l'audience des débats, le conseil de la CRCA a demandé que ces dernières conclusions, ainsi que les nouvelles pièces les accompagnant, soient déclarées irrecevables car trop tardives.
Il convient de rappeler que cette affaire a fait l'objet de plusieurs renvois, que chacune des parties a conclu plusieurs fois, et que par ordonnance du 13 novembre 2017, le magistrat chargé de la mise en état a fixé un calendrier de procédure donnant un délai de deux mois à Mme F... G... pour conclure, et un délai de trois mois à la CRCA pour conclure en réponse, et fixant l'affaire à l'audience des débats du 28 mai 2018.

Les deux parties ont conclu avant le 28 mai 2018, mais la CRCA ayant conclu tardivement, l'affaire avait été renvoyée contradictoirement à l'audience des débats du 15 octobre 2018, précision étant faite aux parties, toutes deux représentées, que l'affaire serait plaidée lors de cette prochaine audience.
Le conseil de Mme F... G... a rédigé des conclusions no5 en date du jeudi 11 octobre 2018, notifiées le 12 octobre 2018 par RPVA, pour l'audience des débats se tenant le lundi 15 octobre 2018, précision étant faite que le conseil de la CRCA est un avocat d'un barreau extérieur à celui de la Guadeloupe, n'ayant accès aux éléments notifiés par RPVA que par le biais de son postulant.

Pour une bonne administration de la justice, et puisque le respect du contradictoire est assuré par l'échange de plusieurs jeux de conclusions entre les parties, il convient de déclarer les conclusions no5 de Mme F... G... , ainsi que les nouvelles pièces jointes, irrecevables, et de s'en tenir au jeu de conclusions no4 de la salariée.

*************************

Par conclusions notifiées le 11 juillet 2018, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé exhaustif des moyens de Mme F... G... , celle-ci sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a constaté une discrimination à son encontre, la réformation pour le surplus, et statuant à nouveau :
- qu'il soit dit que le salaire annuel brut de la salariée est de 68 012€, conformément à la position de classification dans l'emploi 13 selon document présenté au comité d'entreprise du 11 mai 2017, ou à défaut, que ce salaire annuel soit fixé à la somme déterminée par la CRCA dans le cadre du licenciement, soit 63 587,58€,
- que la résiliation judiciaire du contrat de travail soit prononcée, et :
o à titre principal :
§ que la résiliation emporte les effets d'un licenciement nul, et que la CRCA soit à ce titre condamnée au paiement de la somme de 34 006€ (68 012€ / 2) ou à défaut à la somme de 31 793,79€ (63 587,58€ / 2),
§ que la CRCA soit condamnée au paiement de la somme de 5 667,67€ à titre d'indemnité pour irrégularité de procédure, ou à défaut que l'indemnité soit fixée à la somme de 5 298,96€,
o à titre subsidiaire :
§ que la résiliation emporte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
§ que la CRCA soit condamnée au paiement de la somme de 34 006€, ou à défaut de celle de 31 793,79€, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- que la CRCA soit condamnée au paiement des sommes suivantes :
o 28 168,83€ au titre du préjudice financier découlant de la discrimination subie,
o 50 000€ au titre du préjudice moral résultant de la discrimination subie,
o 70 000€ au titre du harcèlement moral subi,
o 70 000€ au titre du manquement à l'obligation de sécurité,
o 8 848,92€ à titre d'indemnité de licenciement,
o 17 003,01€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis, ou à défaut 15 896,89€,
o 7 615,80 à titre de rappels de salaires pour les années 2015 à 2017,
o 7 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, dont distraction au bénéfice de Me Y....

Par conclusions notifiées le 24 mai 2018, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé exhaustif des moyens de la CRCA, celle-ci sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a reconnu l'existence d'une discrimination syndicale et condamné la CRCA au paiement de la somme de 2 0 000€ à ce titre, ainsi que de la somme de 1 500€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, et statuant à nouveau, que Mme F... G... soit déboutée de l'ensemble de ses demandes présentées en cause d'appel, et condamnée au paiement de la somme de 5 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

A titre subsidiaire, et si la Cour de céans entrait en voie de condamnation au titre de la résiliation judiciaire, elle sollicite que le salaire mensuel brut de référence soit fixé à la somme de 3 842,46€, qu'il soit dit que la salariée ne rapporte aucunement la preuve des préjudices invoqués et qu'elle soit déboutée de ses demandes, l'éventuelle condamnation au titre de l'indemnité pour irrégularité de procédure devant être rapportée à la somme de 3 842,46€.

*******************

Motifs de la décision

Sur la résiliation du contrat de travail

Mme F... G... sollicite que la résiliation judiciaire de son contrat de travail soit prononcée, au motif qu'elle était victime de discrimination syndicale et de faits de harcèlement moral.

Il convient de préciser que Mme F... G... a été licenciée le 11 juillet 2017, postérieurement à sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, au motif de l'impossibilité de satisfaire son reclassement à la suite de l'inaptitude à tout poste au sein de l'entreprise, prononcée par le médecin du travail.
Il est utile de rappeler que dans le cas où le salarié est licencié postérieurement à sa demande de résiliation, le juge doit d'abord se prononcer sur le bien-fondé de cette résiliation : si celle-ci n'est pas fondée, il convient de se prononcer sur la validité du licenciement, mais si la résiliation est justifiée, le licenciement postérieur est sans effet et le contrat de travail est rompu au titre de la résiliation aux torts de l'employeur.

De la discrimination

L'article 1er de la loi no 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, modifié, dispose : « Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de sa grossesse, de son apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son patronyme, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, de son état de santé, de sa perte d'autonomie, de son handicap, de ses caractéristiques génétiques, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable.
Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.
La discrimination inclut :
1o Tout agissement lié à l'un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ;
2o Le fait d'enjoindre à quiconque d'adopter un comportement prohibé par l'article 2 ».

L'article L1134-1 du code du travail, dans sa version en vigueur au jour de la saisine du conseil de prud'hommes, dispose : « lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi no 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ».

Mme F... G... évoque plusieurs éléments de nature à démontrer l'existence d'une discrimination liée à son engagement syndical, en sa qualité de déléguée syndicale FO, et il convient de les analyser.

1. La vacance du poste occupé en intérim

Mme F... G... expose avoir occupé le poste de responsable d'unité d'achat en intérim pour une durée de quatre ans, en dehors du cadre conventionnel, puisque l'article 34 de la convention collective nationale (CCN) du crédit agricole, applicable en l'espèce, prévoit l'intérim en remplacement d'un salarié absent, or le poste était vacant selon elle.

La CRCA soutient que le salarié que Mme F... G... remplaçait assurait lui-même l'intérim d'un autre poste sur la période, de telle sorte que le poste occupée par la salariée correspondait bien à une mission et non à un poste totalement vacant. Elle souligne le fait que l'article 34 de la CCN ne fait aucunement mention d'une durée maximale d'intérim, et que la salariée était avertie du possible renouvellement de la première mission d'un an, ce dès réception du courrier du 12 janvier 2011 l'informant du fait que sa candidature à l'intérim avait été retenue.

Il convient de relever que le fait que la salariée ait occupée durant plusieurs années un poste en intérim ne démontre aucunement de l'existence d'une discrimination.

2. L'absence de promotion

Mme F... G... soutient qu'elle était en droit de prétendre à la position conventionnelle correspondant au poste de responsable d'unité qu'elle occupait selon elle de façon pérenne et non en intérim. Elle fait valoir qu'elle aurait dû passer de la position conventionnelle RCE G10 qui était la sienne, à celle de RCE H13, correspondant au poste de responsable d'unité.
Elle produit la fiche de poste correspondante, qui indique un niveau H et une position 13, et liste les tâches et missions.

La CRCA expose que Mme F... G... , dans le cadre de l'intérim, n'assurait pas l'ensemble des missions normalement confiées au responsable d'unité d'achat, ses fonctions étant limitées à la fiche de mission de responsable achats, produite aux débats.

Il convient de relever que la fiche de mission produite par la CRCA n'est ni datée, ni signée par Mme F... G... . En outre, cette fiche précise de nombreuses missions similaires à celle de la fiche de poste, mais encore elle indique que le supérieur hiérarchique est le Directeur finances et risques, comme cela est le cas sur la fiche de poste.

L'article 34 de la CCN applicable est ainsi rédigé : « tout salarié qui, au cours d'une période de douze mois consécutifs, assure pendant plus de deux mois l'intérim d'un salarié dont l'emploi relève des niveaux G, H, I, J (
) reçoit, prorata temporis, une indemnité mensuelle égale à la différence entre sa rémunération de la classification et la rémunération de la classification de l'emploi du salarié remplacé, sans que cette indemnité puisse être inférieure à 165 euros. Le versement de cette indemnité prend effet à compter du premier jour de l'intérim qui a été assuré par le salarié, à condition que la durée de remplacement ait été supérieure à deux mois au cours de la période de douze mois déterminée ci-dessus ».

A la lecture du courrier du 12 janvier 2011, confirmant à Mme F... G... qu'elle assurera l'intérim du poste de responsable d'unité achats, et au vu des bulletins de paye produits aux débats, il apparait que Mme F... G... a bien bénéficié de l'indemnité de remplacement prévue par l'article 34 de la CCN lorsqu'elle assurait l'intérim.
La mission d'intérim ne prévoyant pas de durée maximale, et les dispositions conventionnelles relatives aux salaires ayant été appliquées, il n'y a pas lieu de constater l'existence d'une discrimination dans la rémunération.

3. La suppression du poste occupé par la salariée

Mme F... G... expose que le poste de responsable d'unité a été supprimé dans le cadre de la réorganisation opérée au sein de la CRCA en 2015, tel que cela lui était notifié par courrier du 6 novembre 2015, et que cela constitue une discrimination à son encontre.

La CRCA expose que cette suppression est intervenue dans le cadre d'une réorganisation, sur laquelle les instances représentatives du personnel ont été consultées, ces dernières ayant d'ailleurs sollicité l'accompagnement d'un cabinet extérieur, le cabinet SECAFI, agréé par le ministère du travail. Ce cabinet a préconisé, dans le rapport produit aux débats, la suppression d'un poste de responsable unité d'achat, dans le cadre d'un « projet de réorganisation qui permet de mieux structurer les activités entre celles relevant des projets et celles relevant du « quotidien », avec un rapatriement des achats en logique avec les métiers ».
La synthèse de SECAFI indique également : « lors de la réunion CHSCT du 9 septembre, la direction a précisé que la numérisation des dossiers est mise en place, la bascule de l'archivage est prévue en octobre 2015 et un workflow sur les achats doit permettre aux agences de passer directement leurs commandes achats ».

Il apparait que la suppression du poste dont Mme F... G... assurait l'intérim relève d'un projet global, et fait suite aux préconisations d'un cabinet expert mandaté par le CHSCT.
En outre, lors de la notification à Mme F... G... de la suppression du poste occupé, par courrier du 6 novembre 2015, les postes à pourvoir lui ont été indiqués dans le cadre du processus de reclassement, et aucun licenciement relatif à la suppression du poste occupé en intérim n'a été prononcé à l'encontre de la salariée.

4. Conclusion relative à la discrimination

Après analyse des éléments exposés par Mme F... G... visant à démontrer l'existence d'une discrimination syndicale, celle-ci n'est pas établie. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point, et la salariée déboutée de la demande de dommages et intérêts formée à ce titre.

Du harcèlement moral

Il y a lieu de relever qu'aux termes de l'article L.1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En outre, il apparaît aux termes de l'article susvisé et de l'article L 1153-1 du Code du travail que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

1. La situation précaire

Mme F... G... soutient qu'elle était volontairement placée dans une situation précaire par la CRCA, qui refusait de lui appliquer un changement de classification dans le cadre de la mission d'intérim.

Tel que cela a été exposé ci-avant, le fait pour la salariée d'assurer en intérim les fonctions de responsable unité d'achats lui donnait droit, conformément à la CCN applicable, à une indemnité de remplacement correspondant à la différence entre son salaire habituel, et la rémunération prévue pour la classification du poste, or il a été démontré que cette indemnité lui avait été versée, de telle sorte que ce grief invoqué par Mme F... G... est inopérant.

2. Une pression continuelle

Mme F... G... soutient qu'elle subissait une pression continuelle exercée par le directeur financier, M. C..., par courriels.
A la lecture de ces courriels, ceux-ci consistent parfois en des échanges thématiques, parfois en des instructions données par un supérieur à son subalterne, parfois en des demandes d'explications sur des dossiers particuliers, non effectués ou hors délais, mais sans que ni le fond ni le ton employé ne laissent présager d'une situation de harcèlement moral de la part de M. C... à l'encontre de Mme F... G... .

3. Une limitation des fonctions

Mme F... G... soutient que malgré le manque de moyens humains et matériels qu'elle avait signalé à son supérieur, on ne lui a pas augmenté ces moyens, mais qu'au contraire elle a vu ses prérogatives diminuer, la direction lui bloquant l'accès à l'économat, et faisant effectuer un inventaire par une entreprise extérieure, alors qu'il s'agissait d'une des missions essentielles du responsable achats selon elle.

La CRCA explique que cela correspond à des obligations légales, ce qui est expliqué dans un courriel écrit par M. C... le 2 juillet 2014, dont Mme F... G... était en copie : « je confirme ma demande de blocage à mon niveau seul de l'accès aux locaux de l'économat du siège. En effet, nous venons de faire un effort d'inventaire important, qui nécessite une absence de sortie le temps de la valorisation des stocks sur le plan financier ».

Il n'apparait pas que cette mesure soit dirigée contre Mme F... G... , puisque l'accès était bloqué non seulement pour elle mais également pour toute autre personne que le directeur financier. En outre, cette mesure est justifiée par une situation factuellement décrite par le directeur financier.

4. Des ordres et contre ordres

Mme F... G... expose que malgré le fait que M. C... ait fait effectuer l'inventaire par une entreprise extérieure, ce dernier lui a demandé des explications à ce sujet.

La salariée fait référence à un échange de courriels en date du 9 octobre 2014, produit aux débats : M. C... sollicitait Mme F... G... afin de faire un point sur ce sujet, et cette dernière répondait qu'il lui était difficile de faire le point sur les écarts de prix constatés alors qu'elle avait été exclue de la démarche d'inventaire.
M. C... répondait comme suit : « le prestataire n'a fait que compter et en aucune façon n'a déterminé les prix d'achats. Ces derniers sont issus de vos travaux tout simplement. Raison pour laquelle je vous ai demandé le point semaine, point que nous avons différé du fait de vos absences. Sur ce point, je vous demande une valorisation ligne à ligne des références en stock ou la justification de l'obsolescence. Je vous propose d'échanger sur ce point lors de notre RDV de 11h30 ».

Il apparaît que la demande de M. C... concerne non pas les tâches confiées au prestataire, mais bien une mission dévolue à Mme F... G... . Le ton employé est cordial, et correspond à une discussion professionnelle classique.

5. Une mise à l'écart

Mme F... G... soutient que ce blocage de l'accès à l'économat la plaçait dans une situation délicate vis à vis de ses collègues qui lui réclamaient des fournitures.

Il a précédemment été établi que cette mesure correspondait à une décision de la direction, qui n'était pas dirigée contre Mme F... G... et était justifiée par des éléments factuels.

6. Une appréciation négative peu conforme à celles des années précédentes

La CRCA expose que cette évaluation de 2013, dont les résultats sont moins bons que les années précédentes, correspond au fait que Mme F... G... n'a pas donné entière satisfaction dans l'exercice de ses missions au cours de la dite année.
Le commentaire de la synthèse globale d'évaluation produit aux débat est ainsi rédigé : « les deux objectifs essentiels, portant sur le respect du budget et la conformité des budgets, n'ont pas été atteints en 12/13. Sur le premier, l'atterrissage annoncé en juin n'a pas été respecté, le point budgétaire de septembre non réalisé, et le suivi de l'économat via les stocks non réalisé malgré l'accord sur l'outil du stagiaire. Au final, 300 000€ de dépassement budgétaire non justifié au 31 décembre 2013, soit plus du double du budget. Sur la conformité, objectif non atteint au 31 décembre 2013, nécessitant des interventions multiples de correspondants et démontrant une absence de méthode efficace. Il s'agit des deux points majeurs, auxquels il faut associer d'autres sujets plus mineurs ayant conduit la DG à proposer en appui une mission d'organisation ».

Mme F... G... n'émet aucune contestation sur le fond de cette évaluation et la synthèse ci-dessus reproduite.

Il convient de rappeler qu'une évaluation doit correspondre à une situation, et qu'en aucune manière de précédentes bonnes évaluations empêchent la survenance d'une évaluation postérieure moins élogieuse, tant que celle-ci est objective sur le travail du salarié. En l'espèce les éléments négatifs avancés par l'employeur permettent de comprendre les raisons objectives pour lesquelles l'évaluation de Mme F... G... est moins bonne en 2013 que les années précédentes.

7. Des retards dans la validation des congés

Il apparaît à la lecture des pièces produites aux débats que dans un premier temps M. C... a exposé à Mme F... G... ne pouvoir valider la demande de congés payés pour la période du 20 mars au 1er avril 2014 « en l'état d'avancement de votre dossier incomplet de vendredi et la nécessité de prévoir les abonnements au 30 mars 2014 pour votre budget ».
Il convient de rappeler que la pose des congés payés relève des prérogatives de l'employeur, lequel est en droit de refuser les dates sollicitées par la salariée si cette absence venait à perturber le bon fonctionnement de l'entreprise, et en l'espèce il apparait que ce refus est lié à des tâches que Mme F... G... devait effectuer de manière urgente.

La salariée expose que certains congés payés étaient validés après coup, ce qui ne saurait lui porter atteinte dans la mesure où elle ne réfute pas avoir bénéficié de ces congés payés même si la validation administrative intervenait à posteriori.

8. Un local insalubre

Mme F... G... expose que le local de stockage dans lequel des salariés, dont elle, devaient passer du temps, était insalubre.

Ce local étant utilisé non pas uniquement par Mme F... G... , il ne saurait démontrer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

9. Une salariée ignorée

Mme F... G... produit un courriel qu'elle a adressé le 14 août 2014 au directeur, M. Paul D.... Elle soutient que ce courriel était un appel à l'aide face au harcèlement dont elle était victime, et qu'aucun soutien ne lui a alors été apporté.

A la lecture de ce courriel, il apparaît que la salariée y expose des remarques négatives à son sujet, qui lui auraient été rapportées, sans plus de précision. Elle y fait également état de certains des éléments ci-dessus traités, à savoir l'accès à l'économat, sa classification d'emploi, la réorganisation des services, et son évaluation moins bonne en 2013.

Ce courriel ne fait pas état de faits de harcèlement moral, et il a déjà été répondu ci-avant sur les points précis qui y sont abordés par la salariée et qui ne relèvent pas de fais de harcèlement moral.

10. Conclusion relative au harcèlement moral

Mme F... G... ne fait pas état de faits fautifs de l'employeur, dans l'objectif de lui nuire, de telle sorte qu'aucune situation de harcèlement moral n'est mise en exergue.

Conclusion sur la résiliation judiciaire

En l'absence de situation de discrimination syndicale et/ou de harcèlement moral, il n'y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail.
Mme F... G... sera donc déboutée de l'ensemble des demandes liées à cette résiliation, à savoir les indemnités pour nullité du licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'indemnité pour irrégularité de procédure, l'indemnité de licenciement et l'indemnité compensatrice préavis. Elle sera également déboutée de ses demandes au titre du harcèlement moral et de la discrimination.

Sur la violation de l'obligation de sécurité

L'existence d'une situation de harcèlement moral n'ayant pas été démontrée, il convient de débouter Mme F... G... de ce chef de demande.

Sur le rappel de salaire

Mme F... G... sollicite le paiement de la somme de 7 615,80€ au titre de la rémunération extra conventionnelle (REC) pour les années 2015 à 2017, se basant sur la somme perçue à ce titre au mois de février 2014 selon bulletin de salaire produit aux débats, à savoir 2 538,60€.

L'article 26 de la CCN liste les éléments de la rémunération conventionnelle, et indique : « aux éléments énumérés ci-dessus s'ajoute le principe d'une rémunération extra conventionnelle, dont le montant et les modalités d'attribution sont fixés, après négociation, par chaque caisse régionale ».

La CRCA réfute devoir la REC pour les années 2015 à 2017, produisant l'accord sur la REC pour 2014, qui indique « un prorata temporis sera appliqué pour les cas d'absence maladie, longue maladie ou congé individuel de formation », et celui pour 2017, qui précise « au delà de 7 jours d'absence pour motif de maladie sur une durée totale de 36 mois arrêtée au 31 décembre 2017, un prorata temporis sera appliqué pour les cas d'absence maladie, longue maladie, ou congé individuel de formation ».
L'employeur soutient qu'aucun accord sur la REC n'a été conclu en 2015 et 2016, « les négociations ayant achoppé » selon les termes de ses conclusions.

Mme F... G... produit le procès-verbal de désaccord de la négociation annuelle obligatoire de 2015, sur lequel il apparaît qu'aucun accord sur la REC n'a été trouvé. Elle ne produit pas d'accord pour l'année 2016.
Aussi, en l'absence d'accord, aucune somme ne saurait lui être due au titre de la REC pour ces deux années.

Concernant l'année 2017, Mme F... G... était en arrêt maladie du 1er janvier jusqu'au 11 juillet 2017, date de son licenciement, de telle sorte qu'au vu des dispositions précitées, la CRCA ne lui est redevable d'aucune somme au titre de la REC pour l'année 2017.

Mme F... G... sera déboutée de sa demande de rappels de salaires au titre de la rémunération extra conventionnelle.

Sur les autres demandes

Mme F... G... , succombant en ses prétentions, supportera la charge des entiers dépens.

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

**********************

Par ces motifs

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme Muriel F... G... de sa demande de résiliation judiciaire et de l'ensemble de ses autres demandes sauf celle relative à la discrimination syndicale,

Et statuant à nouveau,

Déboute Mme Muriel F... G... de l'ensemble de ses demandes,

Condamne Mme Muriel F... G... aux entiers dépens,

Déboute les parties de toutes prétentions plus amples ou contraires.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 16/011871
Date de la décision : 03/12/2018
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2018-12-03;16.011871 ?
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