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22/10/2018 | FRANCE | N°17/001511

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 22 octobre 2018, 17/001511


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 364 DU VINGT DEUX OCTOBRE DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : 17/00151

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 19 janvier 2017-Section Commerce.

APPELANTE :

SAS CMA CGM ANTILLES-GUYANE
[...]
Représentée par Chantal X... (Toque 3), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIME :

Monsieur Fernand, Louis Y...
[...]

Représenté par Maître Charles Z... (Toque 42) de la SELARL JURINAT, avocat au barreau de GUADELOUPE/S

T MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 364 DU VINGT DEUX OCTOBRE DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : 17/00151

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 19 janvier 2017-Section Commerce.

APPELANTE :

SAS CMA CGM ANTILLES-GUYANE
[...]
Représentée par Chantal X... (Toque 3), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIME :

Monsieur Fernand, Louis Y...
[...]

Représenté par Maître Charles Z... (Toque 42) de la SELARL JURINAT, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 septembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Gaëlle Buseine, conseiller, chargé du rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Rozenn Le-Goff, conseiller, présidente,
Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller,
Mme Gaëlle Buseine, conseiller,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 22 octobre 2018.

GREFFIER

Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier principal,

ARRET :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Mme Rozenn Le-Goff, conseiller, présidente et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

Il résulte des explications et pièces fournies par les parties, les éléments suivants.

M. Fernand Y... a été embauché en qualité de frigoriste par la SAS CMA-CGM Antilles-Guyane, ci-après désignée la CMA-CGM, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée produisant effet du 13 juin au 13 juillet 1989.
Ce contrat était prolongé par avenants successifs, puis la relation de travail perdurait, de telle sorte que le contrat devenait à durée indéterminée.

Par courrier du 5 juin 2015, M. Y... était convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 26 juin 2015, la convocation étant assortie d'une mise à pied conservatoire.
Par courrier du 3 juillet 2015, M. Y... se voyait notifier son licenciement pour faute grave.

M. Y... saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 10 août 2015, afin :
- à titre principal, qu'il soit constaté la violation du délai d'un mois pour la notification du licenciement, et qu'il soit dit que son licenciement est infondé,
- à titre subsidiaire, que la faute grave soit dite non avérée et non prouvée,
- en tout état de cause, que l'employeur soit condamné au paiement des sommes suivantes :
o 137 015,59€ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
o 12 155,90€ à titre d'indemnité de préavis,
o 1 333€ à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,
o 135 335,74€ à titre d'indemnité de licenciement,
o 6 077,95€ au titre des salaires non versés du fait de la mise à pied,
o 55 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de son licenciement,
o 15 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la mise à pied,
o 50 000€ au titre du préjudice distinct en réparation du comportement fautif de l'employeur,
o 852,44€ à titre de remboursement des cotisations de mutuelle de juillet 2013 à décembre 2014,
o 2 500€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par jugement du 18 janvier 2017, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :
- dit que le licenciement était régulier,
- dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné la CMA-CGM au paiement des sommes suivantes :
o 90 000€ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
o 12 155€ à titre d'indemnité de préavis,
o 1 333€ à titre de congés payés sur préavis,
o 31 605,60€ à titre d'indemnité de licenciement,
o 6 077,95€ à titre de rappel de salaire pour la mise à pied,
o 15 000€ à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral résultant du licenciement,
o 852,44€ à titre de remboursement des cotisations de mutuelle pour les mois de juillet 2013 à décembre 2014,
o 2 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

La SAS CMA-CGM interjetait régulièrement appel du jugement le 2 février 2017.

L'affaire étant en état d'être jugée, l'ordonnance de clôture est intervenue le 1er février 2018, renvoyant l'affaire à l'audience des débats du 17 septembre 2018

*************************

Par conclusions notifiées le 31 janvier 2018, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé exhaustif des moyens de la CMA-CGM, celle-ci sollicite la réformation du jugement entrepris, et statuant à nouveau :
- qu'il soit dit que la procédure de licenciement est régulière,
- qu'il soit dit que le licenciement pour faute grave est fondé,
- qu'il soit constaté que les faits reprochés à M. Y... interdisaient son maintien dans l'entreprise, et justifiaient une mise à pied conservatoire,
- que le salarié soit débouté de l'ensemble de ses demandes, et condamné au paiement de la somme de 6 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 12 décembre 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé exhaustif des moyens de M. Y..., celui-ci sollicite :
- la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné la CMA-CGM au paiement des sommes suivantes :
o 12 155€ à titre d'indemnité de préavis,
o 1 333€ à titre de congés payés sur préavis,
o 31 605,60€ à titre d'indemnité de licenciement,
o 6 077,95€ à titre de rappel de salaire pour la mise à pied,
o 852,44€ à titre de remboursement des cotisations de mutuelle pour les mois de juillet 2013 à décembre 2014,
o 2 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
- la réformation pour le surplus, et statuant à nouveau :
o que la CMA-CGM soit condamnée au paiement de la somme de 6 077,95€ au titre de l'irrégularité de la procédure,
o qu'il soit dit que son licenciement est non fondé, et que l'employeur soit condamné au paiement des sommes suivantes :
§ 145 870,80€ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
§ 55 000€ en réparation du préjudice résultant du licenciement,
§ 15 000€ en réparation du préjudice résultant de la mise à pied,
§ 50 000€ en réparation du préjudice distinct résultant du comportement fautif de l'employeur,
§ 5 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

*******************

Motifs de la décision

Sur la procédure de licenciement

M. Y... soutient que la procédure est irrégulière, arguant qu'il a été reçu par la direction le 1er juin 2015, suite à l'altercation du 30 mai 2015, et que cet entretien était en réalité un entretien préalable au licenciement, sans qu'il n'ai fait l'objet d'aucune convocation régulière.

Outre l'entretien avec M. Y..., plusieurs entretiens se sont déroulés le 1er juin 2015, avec trois salariés témoins de l'incident survenu entre Mme A... et M. Y.... Chacun a fait l'objet d'un compte-rendu, produit aux débats, et dont l'objet est : « entretien circonstancié sur des faits qui se sont produits entre Mme Myriam A... et M. Fernand Y... ».

La CMA-CGM expose que ces entretiens ont été réalisés afin d'éclaircir la situation, et que cette procédure est conforme au règlement intérieur, dont l'article 4-1 stipule notamment : « toute altercation entre collaborateurs sera portée par le manager à la connaissance de la Direction des ressources humaines, dès que le fait sera connu ou rapporté. Les protagonistes seront reçus par la Direction des ressources humaines pour un entretien permettant, le cas échéant, de prendre les mesures adéquates ».
Suite à ces entretiens, par courrier du 5 juin 2015, M. Y... a fait l'objet d'une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 26 juin 2015, puis a été licencié par courrier du 3 juillet 2015.
Il appert que les délais prescrits par les articles L1232-2 et suivants du code du travail ont été respectés, et que la procédure est régulière, ainsi le jugement entrepris sera confirmé sur ce point, et M. Y... sera débouté de ce chef de demande.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

« Le 30 mai dernier, vous avez eu une altercation violente avec l'un de vos collègues, qui s'est déroulée sur votre lieu de travail et pendant votre temps de travail.
En effet, vous avez, sans motif légitime, agressé verbalement Mme A..., responsable opérationnel, ce qui a été confirmé par plusieurs salariés présents au moment des faits.
Ils indiquent que vous avez tenu des propos injurieux (notamment en la traitant de « connasse »), que vous avez également mis en cause son intégrité, allant jusqu'à formuler, en public, des allégations dénigrantes quant à sa vie privée. Enfin, vous avez terminé en la menaçant de mort, puisque vous lui avez dit que ceux qui sont contre vous, finiront comme votre collègue M. B..., récemment décédé.
Compte tenu de la gravité de ces faits, nous vous avons notifié une mise à pied à titre conservatoire, oralement et sur le champ, le 5 juin 2015, qui vous a été confirmée par courrier de cette même date.
Nous déplorons que vous n'ayez pas pris la mesure des avertissements et des mises en garde, tant orales qu'écrites, qui vous ont été faites par le passé quant à votre comportement vis-à-vis de vos collègues.
En effet, nous avons déjà eu à vous reprocher à plusieurs reprises votre attitude irrespectueuse et agressive :
- Le 26 septembre 2014, une mise à pied disciplinaire de deux jours vous avait été notifiée pour des violences verbales, et une attitude déplacée et irrespectueuse vis-à-vis du responsable des opérations,
- En octobre 2013, l'inspecteur du travail nous interpelait quant à des propos déplacés, menaçants et/ou insultants vis-à-vis de vos collègues dont il avait été saisi, nous invitant à mettre un terme à ce qu'il qualifiait de «violences au travail »,
- Par courrier en date du 25 octobre 2013, nous vous avons convoqué à un entretien pour vous rappeler à l'ordre quant au comportement irrespectueux que vous adoptiez vis-à-vis de l'un de vos collègues.
Or, en référence à l'article 4.1 du règlement intérieur CMA-CGM établissement de Guadeloupe, vous êtes tenu d'adopter une attitude respectueuse et cordiale vis-à-vis de vos collègues de travail et de votre hiérarchie.
De plus, les menaces, la violence verbale comme physique, et les injures, en plus d'être absolument intolérables, sont incompatibles avec des relations de travail sereines d'autant que santé morale et physique peuvent en être affectées.
En effet, vos paroles et votre comportement à l'égard de cette collaboratrice constituent notamment des violences verbales et morales en totale contradiction avec les obligations inhérentes à votre contrat de travail, et de manière plus générale, la notion de respect indispensable à de bonnes relations professionnelles.
Il est inconcevable que nous acceptions une telle attitude déplacée, violente, et menaçante chez un de nos collaborateurs, qui doivent faire preuve de professionnalisme et de respect.
Enfin, votre comportement est de nature à engager la responsabilité de la société, qui est le garant de la sécurité de ses salariés.
Ces faits, d'une particulière gravité, et leur caractère répétitif, ne permettent pas la poursuite de nos relations contractuelles. Nous vous informons que nous avons donc décidé de procéder, par la présente, à votre licenciement pour faute grave ».

L'appelante produit le règlement intérieur de l'entreprise, dont l'article 4-1 est ainsi rédigé :
« Chaque collaborateur doit faire preuve de correction dans son comportement vis-à-vis de ses collègues, de ses subordonnées, de la hiérarchie.
Il est interdit aux salariés de se livrer à des actes ou à des violences de nature à provoquer des accidents de personnes ou de matériel.
Il en est de même de tout comportement raciste, xénophobe, sexiste, et/ou discriminant au sens des dispositions du code du travail et du code pénal.
Toute altercation entre collaborateurs sera portée par le manager à la connaissance de la Direction des ressources humaines, dès que le fait sera connu ou rapporté. Les protagonistes seront reçus par la Direction des ressources humaines pour un entretien permettant, le cas échéant, de prendre les mesures adéquates ».

L'employeur produit les trois comptes-rendus des entretiens réalisés le 1er juin, signés par les salariés et la direction :
- M. Marcel C... déclarait : « j'étais assis à la cellule opérationnelle. Mme A... a donné des ordres pour changer de séquence. M. Y... a refusé car il ne comprenait pas. Suite à cela il est monté au bureau, il s'en est pris à Mme A... comme quoi elle faisait n'importe quoi. Mme A... lui répond que c'est son droit de changer de séquence en prenant en compte les aléas. C'est son travail. Il s'est trouvé en furie, a insulté Mme A... en la traitant de connasse. Il est rentré dans la vie sexuelle de Mme A... comme quoi elle couchait avec tout le monde. De plus, il a dit : « de toutes façons, je suis là avant toi et je vais te faire suivre le même chemin que M. B... ». Je l'ai trouvé agressif, sachant comment est mort M. B.... Ensuite M. Y... est parti en colère » ;
- M. Patrick D... déclarait qu'il était dans la cellule opérationnelle le 30 mai 2015 lorsque « M. Y... a fait irruption dans la cellule en invectivant Mme A... et en l'insultant de connasse. La cause était qu'il voulait que Mme A... refasse un plan pour agir. Mme A... lui a dit d'exécuter ses ordres. Il a eu un dérapage verbal, en s'avançant vers Mme A..., à savoir : « qu'il allait l'enterrer en se référant à M. B..., et que lui n'avait jamais couché avec ses collègues de travail ». M. Y... était très remonté, alors que Mme A... est restée digne » ;
- Mme Christelle E... déclarait : « je travaillais le matin du samedi 30 mai 2015. Il y a eu des modifications sur le plan du chargement et donc sur la séquence de travail, dues à des impondérables à prendre en compte, et Mme A... a donné via le talkie plusieurs fois de nouvelles instructions à M. Y..., qui ne répondait pas, ainsi qu'à M. F..., qui a bien entendu ses instructions. Pendant toute la matinée, M. F... s'est plaint de M. Y... car il ne suivait déjà pas la séquence initiale de travail, et donc il ne suivait pas non plus la nouvelle séquence de travail, malgré plusieurs relances par talkie. Il est monté en colère et a dit à Mme A... qu'on ne lui avait pas donné de nouvelles instructions, ce qui est faux. Une précision, Mme A... lui avait demandé de favoriser le fret car il manquait des sabots pour ensuite faire les containeurs vides l'après-midi. Il a insulté Mme A... de connasse, que de toutes façons elle terminera come M. B..., que je ne connaissais pas, que lui resterait à son poste. Il a dit plusieurs fois à Mme A... que lui ne couchait pas avec ses collègues, et j'avais peur qu'il en vienne aux mains ».

Le compte rendu de l'entretien de M. Y... du 1er juin 2015, ainsi que ses conclusions, font état de ce qu'il a déclaré : « pour résumer, j'ai insulté Mme A... en la traitant de connasse, je ne l'ai pas menacée, je n'ai pas eu de propos déplacés sur sa vie sexuelle ». Ce dernier estime que ces aveux n'ont pas de valeur car ayant été faits sous la pression des supérieurs hiérarchiques.
Il convient cependant de relever que l'aveu relatif à l'insulte correspond bien aux témoignages des trois salariés, et qu'il est donc établi que M. Y... a bien insulté Mme A..., sa supérieure hiérarchique, de « connasse ».

La CMA-CGM fait valoir qu'il ne s'agissait pas de la première fois que M. Y... faisait preuve d'un mauvais comportement au sein de l'entreprise et d'une attitude néfaste vis-à-vis de ses collègues de travail.
L'appelante verse aux débats un courriel adressé au directeur des ressources humaines par l'inspecteur du travail, le 24 octobre 2013, rédigé comme suit : « ces derniers mois des informations convergentes ont été portées à ma connaissance par du personnel docker, dénonçant l'attitude et le comportement d'un contremaitre salarié de la société CGM, M. Fernand Y.... Ce dernier tiendrait régulièrement des propos déplacés, menaçants, et/ou insultants, alimentant également des rumeurs négatives vis-à-vis de ses collaborateurs de travail, en particulier ses subordonnées. Cette attitude n'aurait entrainé aucune réaction de sa hiérarchie, qui le considérait comme « non gérable ». De telles informations ne peuvent que m'interpeler. Aussi, je rappelle que chaque salarié est tenu, à l'égard de son employeur et de ses collègues de travail à une attitude respectueuse, et des propos déplacés ou des mises en cause de la direction peuvent justifier un licenciement. L'employeur (ou son représentant) doit prévenir, et naturellement s'abstenir lui-même de tout comportement portant atteinte à la dignité des femmes et des hommes au travail. Le cas échéant, la responsabilité consistant à déterminer les mesures appropriées pour mettre un terme à ce type de violences au travail vous incombe ».

M. Y... avait également fait l'objet d'une mise à pied à titre disciplinaire notifiée le 26 septembre 2014, et rédigée comme suit : « en date du samedi 30 août 2014, nous avons eu à regretter l'altercation entre M. Stéphan G... et vous. Altercation sur votre lieu de travail, au cours de laquelle vous avez injurié à plusieurs reprises M. G..., responsable des opérations CGM, et cela en présence d'ouvriers dockers. Nous ne pouvons tolérer les propos injurieux et insultes déplacées que vous avez tenus à l'égard de M. G.... En effet, vos paroles à l'égard de ce collaborateur constituent des violences verbales et morales en totale contradiction avec les obligations inhérentes à votre contrat de travail ».

La CMA-CGM expose qu'outre le caractère inacceptable du comportement réitéré de M. Y..., la décision de le licencier relevait du respect de son obligation de sécurité envers les autres salariés, au vu des menaces que le salarié avait déjà proférées à plusieurs de ses collègues et à plusieurs reprises.

Il convient de relever que non seulement M. Y... a violemment insulté Mme A..., sa supérieure hiérarchique, le 30 mai 2015, en présence d'autres salariés, ce qu'il reconnait et ce dont les témoins attestent, mais encore qu'il ne s'agissait pas de la première fois que le salarié avait un tel comportement envers ses collègues de travail, lesquels, se sentant menacés, ont été jusqu'à alerter l'inspecteur du travail,.
Le comportement de M. Y... est constitutif d'une faute d'une particulière gravité, laquelle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie une mise à pied à titre conservatoire.
Il appert que le licenciement de M. Y... est fondé sur une faute grave, et le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et condamné l'employeur au paiement d'une indemnité pour licenciement abusif, d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, d'une indemnité de licenciement, de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice résultant du licenciement et de la mise à pied conservatoire, ainsi que d'une somme à titre de rappel de salaire portant sur la période de mise à pied à titre conservatoire.
M. Y... sera débouté de l'ensemble de ses demandes sur ces points, ainsi que de sa demande de dommages et intérêts au titre du comportement fautif de l'employeur.

Sur le remboursement des cotisations de mutuelle

Tout employeur du secteur privé a l'obligation de proposer une couverture complémentaire santé collective à ses salariés, en complément des garanties de base d'assurance maladie de la sécurité sociale.

M. Y... sollicite le remboursement des cotisations prélevées à ce titre sur son salaire.
Il expose qu'il était dispensé de l'obligation d'adhésion à la mutuelle de son entreprise, AG2R, puisqu'il était affilié à la mutuelle de son épouse, Mme Jocelyne Y..., depuis le mois d'octobre 1987, tel que cela apparait sur le certificat d'affiliation émis par l'AIO SANTE.
Il produit les cas de dispense d'adhésion listés dans le document d'information de l'AG2R, et entend se prévaloir du cas de dispense no5 : « les salariés déjà couverts par une assurance individuelle frais de santé lors de la mise en place du système obligatoire ou de leur embauche et qui en justifient annuellement auprès de la direction (cette dispense ne vaut que jusqu'à l'échéance du contrat individuel ».
Il convient de relever que ce cas de dispense ne correspond pas à sa situation. Cependant, le cas 7 pourrait être applicable au cas d'espèce : « les salariés bénéficiant par ailleurs, y compris en tant qu'ayants-droits, d'une couverture collective, citée ci-après, relevant d'un dispositif de prévoyance, et qui en justifient annuellement :
- d'un dispositif de prévoyance complémentaire obligatoire (
) ».

La CMA-CGM soutient que M. Y... n'a jamais sollicité de dispense d'affiliation depuis la mise en place, en 2007, d'une mutuelle d'entreprise, telle qu'en ont été avertis les salariés par note interne produite aux débats, ni justifié de ce qu'il était déjà affilié à une complémentaire santé autre que celle financée pour partie par l'employeur.

Il convient de constater que M. Y... ne justifie pas d'avoir informé la CMA-CGM de ce que sa situation correspondait à l'un des cas de dispense, ni d'en avoir justifié chaque année, de telle sorte que c'est à bon droit que l'employeur a prélevé les cotisations, conformément à son obligation relative à la couverture complémentaire santé.
Le jugement sera infirmé sur ce point et M. Y... débouté de sa demande de remboursement des cotisations.

Sur les autres demandes

M. Y..., succombant en ses prétentions, supportera la charge des entiers dépens.

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à le confirmer en ce qu'il a dit que la procédure de licenciement était régulière,

Dit que le licenciement pour faute grave de M. Fernand Y... est fondé,

Déboute M. Fernand Y... de l'ensemble de ses demandes,

Condamne M. Fernand Y... aux entiers dépens,

Déboute les parties de toutes prétentions plus amples ou contraires.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 17/001511
Date de la décision : 22/10/2018
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2018-10-22;17.001511 ?
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