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03/09/2018 | FRANCE | N°17/001541

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 03 septembre 2018, 17/001541


VS-BR

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No DU TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : No RG 17/00154

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 13 décembre 2016-Section Encadrement.

APPELANTE

SAS SGBF A L'ENSEIGNE GEANT CASINO

[...]
Représentée par Maître Isabelle K... (Toque 8), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

Madame X... Y... épouse Z...

[...]
Représentée par Maître Florence A... (Toque 101), avocat au barre

au de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure c...

VS-BR

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No DU TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : No RG 17/00154

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 13 décembre 2016-Section Encadrement.

APPELANTE

SAS SGBF A L'ENSEIGNE GEANT CASINO

[...]
Représentée par Maître Isabelle K... (Toque 8), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

Madame X... Y... épouse Z...

[...]
Représentée par Maître Florence A... (Toque 101), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Juin 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Bernard Rousseau, président de chambre, président,
Mme Marie-Josée Bolnet, conseillère,
Madame Gaëlle Buseine, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 3 septembre 2018.

GREFFIER

Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier principal.

ARRET :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du 13 décembre 2016, par lequel le conseil de prud'hommes de Pointe à Pitre a :
-dit que la Société SGBF ayant pour enseigne GEANT CASINO, était le seul employeur de Mme X... Y... épouse B...,
-déclaré que le licenciement de Mme B... était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
-condamné la Société SGBF à payer à Mme B... les sommes suivantes :
-25 716 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement infondé,
-12 858 euros au titre du préjudice moral,
-1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu la déclaration d'appel du 2 février 2017 de la Société SGBF,

Vu les conclusions en date du 16 mai 2017 de la Société SGBF,

Vu les conclusions en date 26 mai 2017 de Mme B...,

Vu l'ordonnance de clôture du 12 janvier 2017,

Motifs de la décision :

Mme B... a été engagée le 24 mars 2014 par la Société SGBF en qualité de responsable des ressources humaines avec le statut cadre et a été licenciée le 2 juillet 2015 pour cause réelle et sérieuse avec dispense d'exécution du préavis, à la suite d'un entretien préalable fixé initialement au 12 juin 2015, puis reporté au 15 juin 2015

Sur la cause du licenciement :

Dans la lettre de licenciement, il est fait état d'un certain nombre de manquements dans l'exécution de tâches qui n'apparaissent pas relever des fonctions de Mme B..., telles que définies dans son contrat de travail.

S'il est stipulé dans ce contrat que Mme B... pourra se voir proposer, au cours de sa carrière, avec un délai de prévenance, d'autres affectations au sein de la Société SGBF ou du groupe HO HIO HEN sur tous les établissements existants et ceux à venir, il n'est nullement prévu qu'elle travaille simultanément pour différentes sociétés du groupe HO HIO HEN.

S'il est indiqué dans son contrat de travail, que ses attributions lui seront précisées par une fiche de poste dont il est dit qu'elle serait jointe au contrat de travail, en réalité aucune fiche de poste n'a été établie ni remise à la salariée concomitamment à son engagement, étant relevé qu'il ne ressort pas des pièces versées au débat que cette fiche lui ait été remise par son employeur, la Société SGBF.

Il en résulte qu'il n'existe aucune stipulation contractuelle confiant les fonctions de responsable des ressources humaines de Mme B... à l'égard de la Société ECOMAX GUADELOUPE, de la Société STIKALOG ou toute autre société du groupe HO HIO HEN. Aucun avenant n'a été signé en ce sens.

Dès lors l'employeur est mal fondé à reprocher à Mme B... de ne pas avoir présenté de plan de déploiement de formations pour toutes les sociétés du groupe, ce type de mission apparaissant de la compétence du directeur des ressources humaines du groupe, en l'occurrence M. Didier L... ; si à l'égard de celui-ci, il est prévu contractuellement que Mme B... lui rende compte de son activité professionnelle, il n'est pas conféré au dit DRH du groupe compétence pour modifier, sans l'accord de la salariée, l'étendue de ses missions en les élargissant à toutes les sociétés du groupe. Par voie de conséquence, il ne peut être reproché non plus à Mme B... :
-de ne pas avoir satisfait les demandes de M. Didier L... portant sur le chiffrage des formations envisagées pour les managers des différentes sociétés du groupe,
-de ne pas avoir proposé un plan d'intéressement destiné à motiver les collaborateurs des sociétés du groupe, comme la société ECOMAX GUADELOUPE, citée dans la lettre de licenciement,
-de ne pas avoir communiqué en temps utile les noms des représentants du comité d'entreprise à l'assemblée générale annuelle ordinaire de la société ECOMAX GUADELOUPE, citée dans la lettre de licenciement au titre du quatrième grief,
-d'avoir transmis tardivement, soit le 16 avril 2015, pour une date limite fixée au 17 avril 2015, à M. Didier L..., un projet de courrier concernant la procédure disciplinaire engagée à l'égard de M. C..., chef de magasin de la société ECOMAX GUADELOUPE, étant observé que dès le 15 avril 2015, le directeur d'ECOMAX GUADELOUPE signait une lettre de rappel aux bonnes pratiques à l'attention de M. C..., des produits ayant dépassé les dates limites de ventes ou les dates limites de consommation ayant été trouvés dans son magasin,
-de ne pas avoir assuré un suivi concernant la demande d'un délégué syndical d'ECOMAX GUADELOUPE au sujet la rémunération double du travail effectué le jeudi de l'ascension.

Les manquements ainsi opposés à Mme B..., sont d'autant moins justifiés, qu'il ressort des pièces versées au débat, que la Société ECOMAX GUADELOUPE, avait sa propre responsable des ressources humaines, en l'occurrence Mme D..., puis Mme E..., Mme F... apparaissant, elle, en tant que responsable des ressources humaines de la Société STIKALOG.

Par ailleurs, il est reproché à Mme B..., dans le cadre de la procédure de licenciement pour abandon de poste de M. G..., manager de rayon au sein de la Société SGBF :
-tout d'abord d'avoir pris l'initiative de convoquer le salarié à un entretien préalable au licenciement, alors que celui-ci n'avait pas été invité à passer une visite de reprise après son accident du travail,
-ensuite, d'avoir, après les deux visites de reprises du salarié, convoqué celui-ci à un entretien préalable fixé au 31 mars 2015, et n'avoir soumis le courrier de licenciement pour faute grave que le 15 avril 2015, et alors que le dossier aurait été incomplet,
-d'avoir retenu la faute grave alors que celle-ci implique l'impossibilité de maintenir le salarié à son poste.

A l'examen de ces trois griefs, il y a lieu de relever que le premier d'entre eux relatif à la convocation à un entretien préalable au licenciement alors que l'intéressé n'avait pas passé de visite de reprise, a déjà été sanctionné par un avertissement adressé le 19 février 2015 à Mme B... ; les faits ainsi relevés, déjà sanctionnés une première fois, ne pouvaient être sanctionnés une deuxième fois dans le cadre du licenciement de Mme B....

Pour le second grief, il y a lieu de constater que la transmission de la lettre de licenciement visant M. G... le 15 avril 2015, alors que ledit licenciement devait être notifié dans le mois suivant l'entretien préalable du 31 mars 2015, ne présente pas un retard fautif de la part de Mme B... ni un caractère préjudiciable aux organes compétents pour prononcer le licenciement.

Enfin le dernier grief portant sur la faute grave évoquée par Mme B... dans son projet de lettre de licenciement visant M. G..., ne peut être valablement reproché à la responsable des ressources humaines, puisque s'agissant d'un abandon de poste caractérisé malgré deux mises en demeure adressées au salarié, de réintégrer son poste, le maintien de celui-ci dans l'entreprise ne pouvait se prolonger, l'intéressé refusant manifestement de reprendre ses fonctions, étant observé qu'une mise à pied à titre conservatoire, habituellement prononcée dans le cadre d'une procédure de licenciement pour faute grave, ne s'imposait nullement en l'espèce, puisque l'intéressé ne se présentait plus sur son lieu de travail.

Dans sa lettre de licenciement, l'employeur relève que le 3 janvier 2015, M. Didier H... a signalé au directeur du magasin GEANT CASINO, exploité au Gosier en Guadeloupe, un harcèlement moral dont il s'est dit victime, et que le 11 juin 2015, le plaignant a interpellé M. Didier L... sur son dossier, en l'informant qu'il n'avait eu aucun retour suite à son mail du 3 janvier 2015.

Dans son courriel adressé le 3 janvier 2015, à M. I..., directeur du magasin GEANT CASINO, M. H... expliquait qu'il avait été victime à plusieurs reprises de pressions de la part Madame Vanina J... et qu'étant extrêmement affecté par ces agissements répétés, il demandait au directeur d'intervenir au plus vite afin de lui permettre de poursuivre sa mission au sein de l'entreprise dans des conditions relationnelles normales. Il rappelait les dispositions de l'article L. 122-49 ancien du code du travail, devenu l'article L. 1152–1 du même code, et demandait au directeur du magasin de faire part de ses remarques à la direction générale afin qu'elle lance une enquête ainsi qu'une campagne de prévention comme le prévoit l'article L. 122-51 devenu L. 1152-4 du code du travail.

Par courriel du 5 janvier 2015, Mme B... informait M. Didier L..., ainsi que son directeur M. I..., qu'elle allait s'entretenir avec M. H....

Dans l'attestation produite en pièce 58 de Mme B..., M. H... explique que suite au signalement qu'il avait effectué au sujet des faits de harcèlement de Mme J..., à son encontre, il avait été reçu par Mme B..., et lui avait exposé les faits en lui indiquant ce qu'il subissait, précisant qu'il n'avait pas souhaité que l'information soit immédiatement communiquée au comité d'entreprise et aux délégués du personnel de GEANT CASINO, car Mme J... était basée au siège du groupe en Martinique, le relai devant être pris par le DRH du groupe M. M... N....

Effectivement, dans la mesure où Mme J... exerçait ses fonctions dans une autre [...] , il n'appartenait pas à Mme B..., de procéder à des investigations au sein de cette entité en procédant à des auditions et éventuellement à des confrontations, alors que Mme B... n'exerce que des fonctions de responsable des ressources humaines de la société SGBF exploitant le magasin GEANT CASINO au Gosier, en Guadeloupe, une enquête ne pouvant être utilement menée qu'au niveau de la direction des ressources humaines du groupe. Il ne peut donc être relevé de carence à l'égard de Mme B....

L'employeur reproche également à Mme B... de ne pas avoir mis à disposition de sa hiérarchie, chaque mois, un fichier de Suivi de Masse Salariale (SMS). Toutefois les seuls éléments versés au débat à ce sujet sont des courriels échangés essentiellement entre M. Didier L..., et Mme B... entre la mi-mars et la mi-avril, desquels il ressort que dès le 16 mars 2015 Mme B... avait établi les fichiers demandés, mais qu'à cette époque des corrections devaient être portées sur certains éléments.

Aucune autre réclamation n'ayant été faite par la suite à ce sujet à l'égard de Mme B..., il en résulte que le retard apporté par Mme B... à la communication de fichiers SMS, n'a concerné qu'une courte période et n'a affecté que la transmission des fichiers concernant le mois de mars 2015, ce retard ne caractérisant pas une faute suffisamment sérieuse pour justifier le licenciement de la responsable des ressources humaines, s'agissant d'un dispositif récemment mis en place, depuis le début de l'année 2015.

En conséquence l'employeur ne justifiant d'aucun fait sérieux imputable à Mme B... pouvant être cause du licenciement de celle-ci, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré le licenciement de Mme B... dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes indemnitaires :

Mme B... qui percevait un salaire mensuel brut de 4286 euros, ayant moins de deux ans d'ancienneté au sein de l'entreprise ne peut prétendre bénéficier des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version alors applicable en l'espèce, prévoyant une indemnité équivalente aux six derniers mois de salaire.

Compte tenu de sa faible ancienneté dans l'entreprise, de l'absence de justification portant sur sa situation financière et matérielle à la suite de la rupture du contrat de travail, l'intéressée se bornant à indiquer qu'elle est restée plus de deux mois sans emploi, l'indemnité qui lui sera allouée en réparation des préjudices résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse sera fixée à la somme de 20 000 euros.

Mme B... s'étant vue reprocher un certain nombre de carences dans le cadre de son licenciement, alors que les manquements invoqués par l'employeur concernaient des tâches ne relevant pas des fonctions qui lui étaient attribuées contractuellement, la procédure engagée à son encontre est à la fois abusive et vexatoire. En conséquence il sera alloué à Mme B..., à titre d'indemnisation du préjudice moral en résultant, la somme de 2000 euros.

Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de Mme B... les frais irrépétibles qu'elle a exposés, il lui sera alloué la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme Y... épouse B... était sans cause réelle et sérieuse,

Le réforme pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

Condamne la Société à payer à Mme Y... épouse B... les sommes suivantes :

-20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-2000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

-2500 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les entiers dépens sont à la charge de la Société,

Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 17/001541
Date de la décision : 03/09/2018
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2018-09-03;17.001541 ?
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