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03/09/2018 | FRANCE | N°17/000531

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 03 septembre 2018, 17/000531


VS-BR

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 309 DU TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : No RG 17/00053

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 16 décembre 2016-Section Encadrement .

APPELANTE

SARL JEC
[...]
Représentée par Maître Dominique X... (Toque 34), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

Madame Corinne Y...
[...]
[...]
Représentée par Maître Z... (Toque 6), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 2 juillet 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Bernard ...

VS-BR

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 309 DU TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : No RG 17/00053

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 16 décembre 2016-Section Encadrement .

APPELANTE

SARL JEC
[...]
Représentée par Maître Dominique X... (Toque 34), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

Madame Corinne Y...
[...]
[...]
Représentée par Maître Z... (Toque 6), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 2 juillet 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Bernard Rousseau, président de chambre, président,
Mme Marie-Josée Bolnet, conseillère,
Madame Gaëlle Buseine, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 3 septembre 2018.

GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

Faits et procédure :

Par contrat de travail à durée déterminée Mme Y... a été engagée en qualité de monteur vendeur par la Société OPTIC PLUS exploitant sous l'enseigne ONYX, pour la période du 1er décembre 1999 au 31 mai 2000. La relation de travail s'est poursuivie par la suite dans le cadre d'un contrat devenue à durée indéterminée.

La Société OPTIC PLUS donnait en location gérance son fonds de commerce à deux de ses salariées, dont Mme Y..., ces dernières ayant souscrit ledit contrat pour le compte d'une société en formation, OPTICO, laquelle devenait locataire gérant du fonds de commerce. Ce contrat était conclu pour une durée de 3 ans commençant le 1er octobre 2009 et se terminant le 30 septembre 2012.

Cette location gérance prenait fin le 30 septembre 2012, après que la Société OPTIC PLUS, devenu Société JEC, ait fait connaître, par courrier du 21 mai 2012 à la Société OPTICO, son intention de ne pas renouveler le contrat, sauf à renégocier les dispositions contractuelles.

Mme Y... entendait se prévaloir de la reprise de son contrat de travail à l'égard de la société JEC, à compter du 1er octobre 2012. Elle recevait le 5 décembre 2012, sommation interpellative de la part de cette société, lui demandant de ne plus se présenter dans ses locaux, ce à quoi Mme Y... répondait qu'elle considérait qu'elle travaillait en tant que salariée depuis le 1er octobre 2012, qu'elle n'entendait pas démissionner et qu'elle réclamait ses salaires d'octobre et de novembre 2012.

Par courrier recommandé du 23 juillet 2013, Mme Y... informait la Société JEC de ce qu'elle prenait acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société.

Le 5 juin 2013 Mme Y... avait déjà saisi le conseil de prud'hommes de Basse-Terre aux fins d'obtenir diverses indemnités, notamment pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 16 décembre 2016, la juridiction prud'homale disait que la rupture du contrat de travail liant Mme Y... à la Sarl JEC s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamnait ladite société à payer à Mme Y... les sommes suivantes :
-23 467,14 euros à titre de créance salariale du 1er octobre 2012 au 12 juillet 2013,
-2346,77 euros à titre d'indemnité de congés payés y afférent,
-7500 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-15 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-5833,33 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
-500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il était ordonné la remise par la Société JEC de l'attestation Pôle Emploi, du certificat de travail et des bulletins de paie.

Par déclaration du 11 janvier 2017, la Société JEC interjetait appel de cette décision.

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Par conclusions communiquées le 7 avril 2017, auxquelles il avait été fait référence lors de l'audience des débats, et auxquelles il convient de se référer pour l'exposé exhaustif des moyens de la Société JEC, celle-ci sollicitait l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions et réclamait paiement de la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

****

Par conclusions en date du 2 juin 2017, auxquelles il avait été fait référence lors de l'audience des débats, et auxquelles il convient de se référer pour l'exposé exhaustif des moyens de Mme Y..., celle-ci sollicitait la confirmation du jugement déféré sauf à porter à 30 000 euros le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à 2500 euros l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et sauf à ajouter la condamnation de la Société JEC à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison des circonstances vexatoires dans lesquelles est intervenu le licenciement.

****

Motifs de la décision :

Mme Y... soutient que son contrat de travail à durée indéterminée avec la Société JEC, à effet du 1er décembre 1999, a été transféré à la Société OPTICO lors de la conclusion du contrat de location gérance du fonds de commerce en faveur de celle-ci.

Elle fait valoir qu'associée majoritaire au sein de la Société OPTICO, son contrat de travail aurait été suspendue de plein droit pendant son mandat social à la tête de la Société OPTICO, du 21 octobre 2009, date de l'immatriculation de la Sarl OPTICO, au 30 septembre 2012, date de fin du contrat de location-gérance.

À l'article 7-4 du contrat de location gérance souscrit par les parties, il est mentionné :

"Par application des dispositions des articles L. 1224-1 et suivants du Code du travail, le BAILLEUR déclare qu'il emploie des salariés dont la liste est jointe en annexe."

Cette stipulation mentionnant les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, s'analyse en une acceptation des parties de transférer à la Société OPTICO les contrats de travail de la Société JEC.

Toutefois aucune des parties, nonobstant les conclusions de Me Z..., avocat de Mme Y..., faisant référence à une pièce no03 non produite devant la Cour, n'avait versé au débat l'annexe au contrat de location gérance dans laquelle serait mentionnée la liste des contrats de travail soumis à l'application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail. Au demeurant le conseil de Mme Y... n'avait déposé devant la Cour aucune des pièces listées dans ses conclusions et dans son bordereau de pièces communiquées.

En conséquence, par arrêt avant-dire droit du 5 mars 2018, la Cour de céans a enjoint aux parties de verser au débat, dans le délai d'un mois à compter dudit arrêt, l'annexe du contrat de location gérance mentionnant les contrats de travail déclarés par la Société JEC, l'affaire étant renvoyée devant le conseiller de la mise en état.

Mme Y... ayant communiqué le 5 avril 2018 l'annexe du contrat de location gérance, et aucune autre conclusion n'ayant été déposée par les parties, le magistrat chargé de la mise en état rendait une ordonnance de clôture le 17 mai 2018, l'affaire étant fixée à l'audience des débats du 2 juillet 2018.

Motifs de la décision :

Il résulte des dispositions du contrat de location gérance et de son annexe, que le contrat de travail de Mme Y... auprès de la Société JEC a été expressément transféré à la Société OPTICO.

Si le contrat de travail de Mme Y... a pu être suspendu pendant l'exercice de son mandat social au sein de la Société OPTICO, étant gérante majoritaire, il n'en demeure pas moins que son contrat de travail n'a pas été rompu, ni à l'initiative de Mme Y... par démission, ni à l'initiative de l'employeur par un licenciement.

En conséquence à la fin du contrat de location gérance, le contrat de travail de Mme Y... a été transféré, par application de l'article L. 1224-1 du code du travail, à la société JEC par l'effet de la reprise de son fonds de commerce.

La Société JEC s'étant opposée à la reprise du travail de Mme Y... qui devait intervenir le 1er octobre 2012, et la rupture du contrat de travail étant intervenue le 12 juillet 2013, par la prise d'acte de cette rupture par Mme Y..., il est dû à celle-ci les salaires échus entre le 1er octobre 2012 et le 12 juillet 2013, outre le montant d'une indemnité de congés payés afférente à ce rappel de salaire, étant précisé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur est justifiée par le non paiement prolongé des salaires.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a alloué à Mme Y... la somme de 23 467,74 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er octobre 2012 au 12 juillet 2013, outre la somme de 2346,77 euros à titre d'indemnité de congés payés.

Mme Y... ayant, à la date de la rupture de son contrat de travail, une ancienneté de 10 ans, 11 mois et 12 jours, comprenant les périodes du 1er août 1999 au 30 septembre 2009, puis celle de 1er octobre 2012 au 12 juillet 2013, l'indemnité de licenciement qui lui est due en application des dispositions des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code de travail dans sa version applicable à l'époque de la rupture du contrat de travail, s'élève à la somme de 5763,90 euros. Contrairement à ce que soutient Mme Y..., elle ne pouvait être considérée comme salariée pour la période du 1er au 21 octobre 2009, date de l'immatriculation de la Société OPTICO, puisque pendant cette période elle dirigeait le magasin, n'étant soumise à aucun lien de subordination. Au demeurant elle ne verse pas de bulletin de salaire correspondant à cette période.

A l'appui de sa demande de paiement d'une indemnité compensatrice de préavis à hauteur d'une somme équivalente à 7500 euros, soit trois mois de salaire, Mme Y... n'invoque aucune dispositions contractuelle, conventionnelle ou légale. Il lui sera en conséquence allouée la somme de 5000 euros correspond à 2 mois de salaire, en application de l'article L. 1234-1 du code du travail.

S'agissant d'une prise d'acte de la rupture du contrat de travail, Mme Y... ne peut prétendre à une indemnité pour procédure irrégulière de licenciement.

La prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme Y... a droit une indemnité pour le préjudice résultant de cette rupture. Toutefois l'entreprise ayant moins de 11 salariés, Mme Y... ne peut bénéficier des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, fixant une indemnisation minimale équivalente à six mois de salaire.

Il sera tenu compte du préjudice effectivement subi par Mme Y.... Selon les pièces et explications fournies par la Société JEC, non contredites dans la présente instance par Mme Y..., celle-ci a travaillé dans un magasin d'optique à l'enseigne VISION CREOL', situé [...] , exploité par une société MADRAS, immatriculé au registre du commerce et des sociétés à compter du 20 mars 2013, étant précisé que la marque VISION CREOL' a été déposée le 24 mars 2013 à l'INPI, par Mme Y... et Mme A..., anciennes salariées de la Société JEC.

Il en résulte qu'à la date de la rupture de son contrat de travail avec la Société JEC, Mme Y... travaillait déjà dans un autre magasin d'optique, non loin de celui exploité par la Société JEC, et ayant participé à la création de ce nouveau magasin dont elle avait déposé le nom de l'enseigne à l'INPI.

Dans ces conditions la rupture du contrat de travail de Mme Y... n'a pu lui causer qu'un très faible préjudice qui sera évalué à 100 euros.

En outre il n'apparaît pas que la rupture du contrat de travail ait été accompagnée de circonstances vexatoires, puisque l'intéressé a participé à la création d'un magasin concurrent à celui de son employeur, dès avant la rupture du contrat de travail. En conséquence Mme Y... sera déboutée de sa demande de paiement de la somme de 20 000 euros réclamée en raison de circonstances qualifiées de vexatoires par la salariée.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a ordonné la remise à Mme Y..., par la Société JEC, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi, lesquels devront être conformes aux dispositions du présent arrêt, ainsi que les bulletins de paie correspondant à la période du 1er octobre 2012 au 12 juillet 2013. En l'état, le prononcé d'une astreinte n'apparaît pas nécessaire.

Il n'y a pas lieu à délivrance d'une lettre de licenciement, puisque le contrat de travail a été rompu par une prise d'acte de rupture à l'initiative de la salariée.

L'équité n'implique pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il porte condamnation de la Société JEC à payer à Mme Y... les sommes de 7500 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de 15 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 5833,33 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement et celle de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Le réforme sur ces chefs de condamnation,

Et statuant à nouveau,

Condamne la Société JEC à payer à Mme Y... les sommes suivantes :

-5000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 5763,90 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

-100 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Déboute Mme Y... de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que le certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi dont la remise à Mme Y... a été ordonnée par les premiers juges, devront être conformes aux dispositions du présent arrêt, et que les bulletins de salaire qui doivent être délivrés par la Société JEC correspondent à la période du 1er octobre 2012 au 12 juillet 2013, sans qu'il soit besoin, en l'état, d'assortir ces remises d'une astreinte,

Dit que les dépens sont à la charge de la Société JEC,

Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 17/000531
Date de la décision : 03/09/2018
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2018-09-03;17.000531 ?
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