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03/09/2018 | FRANCE | N°16/007641

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 03 septembre 2018, 16/007641


VS-GB

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 302 DU TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : No RG 16/00764

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 8 mars 2016-Section Commerce

APPELANT

Monsieur X... B...
Y...
[...]
Représenté par Maître Lorenza Véronique Z... (Toque 77) substituée par Maître Myriam C..., avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

SAS CABOTRA
[...]
Représentée par Maître Dominique A... (Toque 34), avocat au

barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 2 juillet 2018, en audience publiq...

VS-GB

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 302 DU TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : No RG 16/00764

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 8 mars 2016-Section Commerce

APPELANT

Monsieur X... B...
Y...
[...]
Représenté par Maître Lorenza Véronique Z... (Toque 77) substituée par Maître Myriam C..., avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

SAS CABOTRA
[...]
Représentée par Maître Dominique A... (Toque 34), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 2 juillet 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Bernard Rousseau, président de chambre, président,
Mme Marie-Josée Bolnet, conseillère,
Madame Gaëlle Buseine, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 3 septembre 2018.

GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. B... a été embauché par la SAS CABOTRA par contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 1989 en qualité de chauffeur hydrocarbures.

Par lettre du 14 avril 2014, l'employeur convoquait le salarié à un entretien préalable à son éventuel licenciement et lui notifiait sa mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre du 6 mai 2014, l'employeur notifiait au salarié son licenciement pour faute grave.

Estimant son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. B... saisissait le 6 juin 2014 le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins de versement de diverses indemnités liées à la rupture de son contrat de travail.

Par jugement rendu contradictoirement le 19 avril 2016, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :
- rejeté l'ensemble des demandes formulées par M. B... X... au titre de son licenciement par la SAS CABOTRA intervenu le 12 mai 2014 et au titre du solde de tout compte,
- rejeté la demande formulée par M. B... X... au titre du préjudice moral,
- rejeté la demande de M. B... X... formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. B... X... aux dépens.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 31 mai 2016, M. B... X... a formé appel dudit jugement, dont il n'est pas justifié qu'il lui ait été préalablement et régulièrement notifié.

Par conclusions no2 notifiées à l'intimée le 23 janvier 2018, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. B... demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré,
- juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- En conséquence,
- Condamner la SAS CABOTRA à lui payer les sommes suivantes :
* 4487,76 euros au titre de l'indemnité de préavis,
* 534607,08 euros au titre de l'indemnité prévue par l'article L1235-3 du code du travail,
* 9723,48 au titre de l'indemnité légale de licenciement,
* 1158,13 euros au titre de l'indemnisation de la mise à pied conservatoire,
* 15000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,
* 10000 euros au titre du préjudice moral,
* 3518,43 euros au titre du solde de tout compte,
- prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- condamner la SAS CABOTRA à lui payer la somme de 2000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que :
- le jugement est nul à défaut de motivation, les premiers juges ayant retenu des faits de tentative de vol non précisés dans la lettre de licenciement, et compte tenu de la violation du principe du contradictoire, les parties n'ayant pas été invitées à formuler des observations sur la tentative de vol,
- la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie par les pièces du dossier,

- en l'absence de grief causé à la SAS CABOTRA, l'attestation commune des témoins de la fuite de carburant qu'il allègue ne saurait être remise en cause pour un défaut de mention obligatoire,
- l'employeur ne peut alléguer l'existence de faits anciens, non sanctionnés, qui ne sont pas visés dans la lettre de licenciement,
- la qualité de son travail est démontrée par les attestations versées aux débats,
- son licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, il est fondé dans ses demandes.

Par conclusions notifiées à l'appelant le 8 janvier 2018, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la SAS CABOTRA demande à la cour de :
- débouter M. B... de l'ensemble de ses demandes,
Et en conséquence,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué,
- condamner M. B... au paiement de la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux frais et dépens.

Elle expose que :
- le jugement n'est pas dépourvu de motivation dès lors qu'il appartenait aux juges de restituer aux faits leur exacte qualification juridique et que les griefs reprochés justifiaient le licenciement du salarié pour faute grave,
- les faits sur lesquels repose le licenciement du salarié sont établis par les pièces du dossier,
- les explications fournies par le salarié ne sont pas convaincantes,
- contrairement à ce que prétend le salarié, son comportement professionnel n'est pas dénué de manquements.

MOTIFS :

Sur la nullité du jugement :

Aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial

Aux termes de l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. Toutefois l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Le juge tient des dispositions de l'article 12 du code de procédure civile le pouvoir de donner aux faits leur exacte qualification juridique.

Aux termes de l'article 455 du code de procédure civile, le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé. Il énonce la décision sous forme de dispositif.

Il résulte de la lecture du jugement déféré que l'analyse du bien fondé des motifs figurant dans la lettre de licenciement, en particulier ceux de soustraction et détournement frauduleux de carburant, de vol et de recel de marchandises, a été débattue par les deux parties.

Par suite, le conseil de prud'hommes, qui, en retenant par une décision motivée la qualification de tentative de vol, a fait une exacte application des pouvoirs de qualification juridique des faits qu'il détient, après débat à l'audience de jugement, de sorte qu'aucune violation manifeste du principe du contradictoire ou des articles 4 et 12 du code de procédure civile ne se trouve caractérisée, ni aucune méconnaissance de l'article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales.

M. B... devra être débouté de sa demande de nullité du jugement.

Sur le licenciement :

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et il appartient à l'employeur d'en démontrer l'existence.

La lettre de licenciement du 6 mai 2014, qui fixe les limites du litige, précise "Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs d'une faute grave. En effet, après une opération de chargement avec l'ensemble routier immatriculé [...] etamp; [...], le 14 avril 2014 à 13h45, vous avez été surpris par la direction de la société dans la zone industrielle de Jarry, alors que vous étiez en train de soustraire et de détourner frauduleusement du carburant confié par l'un de nos clients. Au cours des échanges qui ont suivi, vous avez reconnu ce détournement.
Votre comportement, outre le fait qu'il est susceptible de faire l'objet de poursuites pénales pour vol et recel de marchandises, est en totale opposition avec les consignes reçues de notre société. Une telle attitude met en cause la bonne marche du service exploitation de l'entreprise. Elle est fortement préjudiciable à l'image de marque de l'entreprise et fait courir la menace de perdre la confiance de nos clients. Cela fait peser un risque économique sur la pérennité de nos activités."

Il ressort des pièces du dossier que le 14 avril 2014 le salarié a garé à Jarry son camion citerne à quelques dizaines de centimètres de la camionnette d'un marchand ambulant, et qu'il ne conteste pas avoir été vu par son chef d'exploitation en train de manipuler les vannes de sortie du carburant.

Il est également établi par les pièces versées aux débats, en particulier les attestations de deux employés, ayant entendu les propos que M. B... a tenus lors d'une conversation téléphonique avec son employeur, et qui sont suffisamment précises, que le salarié a reconnu avoir tenté de subtiliser du carburant au moyen de bidons et a présenté ses excuses pour ce comportement.

Le classement sans suite de la plainte déposée par la société est sans incidence sur la réalité de la faute ainsi commise par le salarié dans l'exécution de son contrat de travail, les faits ci-dessus analysés, constituant un manquement aux obligations contractuelles du salarié.

M. B... ne saurait valablement se prévaloir d'un incident de fuite des vannes du camion à l'origine de son positionnement et de sa manipulation technique dès lors qu'il n'a nullement signalé à son employeur un tel dysfonctionnement, lequel n'était pas davantage relevé par la société ayant procédé au remplissage du camion peu de temps avant les faits reprochés.

L'attestation du 18 avril 2014 versée aux débats, relative à ladite fuite de carburant, qui a été établie au nom de deux personnes, sans toutefois préciser laquelle des deux a constaté les faits retranscrits, ne saurait remettre en cause les griefs reprochés au salarié.

La tentative de soustraction de carburant est de nature à porter atteinte à l'image de la société, à lui causer un préjudice financier et, comme l'ont souligné les premiers juges, les circonstances dans lesquelles les faits se sont déroulés, en méconnaissance des règles de sécurité les plus élémentaires, ainsi qu'un précédent avertissement du 4 juin 2013 pour manquement du salarié à ses obligations contractuelles, justifient le licenciement du salarié pour faute grave.

Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que le licenciement de M. B... était fondé sur une faute grave et débouté le salarié de ses demandes relatives à l'indemnité de préavis, l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'indemnité légale de licenciement et l'indemnisation de la mise à pied conservatoire.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement vexatoire :

Le licenciement étant justifié par une faute grave et M. B... ne justifiant pas de circonstances vexatoires à l'appui de celui-ci, il convient de le débouter de sa demande.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral :

M. B... ne justifiant pas de l'existence d'un préjudice moral, sera débouté de sa demande à ce titre.

Le jugement ets confirmé.

Sur le reçu pour solde de tout compte :

Le salarié ne justifiant pas davantage en cause d'appel que devant les premiers juges sa demande indemnitaire présentée au titre du reçu pour solde de tout compte, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande.

Sur les demandes accessoires :

Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'exécution provisoire.

Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de la SAS CABOTRA les frais irrépétibles qu'elle a exposés, il lui sera alloué une somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens sont à la charge de l'association M. B....

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déboute M. B... X... de sa demande de nullité du jugement du 19 avril 2016,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 19 avril 2016 entre M. B... X... et la SAS CABOTRA,

Y ajoutant,

Condamne M. B... X... à verser à la SAS CABOTRA une somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne M. B... X... aux dépens,

Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 16/007641
Date de la décision : 03/09/2018
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2018-09-03;16.007641 ?
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