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06/08/2018 | FRANCE | N°17/006331

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 06 août 2018, 17/006331


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 297 DU SIX AOÛT DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : No RG 17/00633

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre - section activités diverses - du 26 Avril 2017.

APPELANTE

Association TI CHODIE
[...]
Représentée par Me Brice X... (toque 1), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

INTIMÉE

Madame Luciana Y...
[...]
[...]
Représentée par M. Ernest Z... (Défenseur syndical)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire

a été débattue le 4 Juin 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, préside...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 297 DU SIX AOÛT DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : No RG 17/00633

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre - section activités diverses - du 26 Avril 2017.

APPELANTE

Association TI CHODIE
[...]
Représentée par Me Brice X... (toque 1), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

INTIMÉE

Madame Luciana Y...
[...]
[...]
Représentée par M. Ernest Z... (Défenseur syndical)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 4 Juin 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président,
Madame Marie-Josée BOLNET, conseillère,
Madame Gaëlle BUSEINE, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 06 août 2018

GREFFIER Lors des débats Mme Lucile POMMIER, greffier.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Valérie SOURIANT, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

******

Faits et procédure

Il résulte des explications et pièces fournies par les parties, les éléments suivants.

Mme Luciana Y... a été embauchée en qualité d'animatrice par l'association TI CHODIE, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée d'un an, produisant effet entre le 1er septembre 2013 et le 31 août 2014. Le salaire mensuel brut était fixé à la somme de 1 365,03€, pour un temps plein.
La relation de travail se poursuivait dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2014.

Par courrier du 31 mars 2016, Mme Y... était convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 7 avril suivant. Cette convocation était assortie d'une mise à pied à titre conservatoire.
Par courrier du 19 avril 2016, Mme Y... se voyait notifier son licenciement pour faute grave.

Mme Y... saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 26 avril 2016, afin que l'association TI CHODIE soit condamnée au paiement des sommes suivantes :
- 1 166,06€ au titre des salaires liés à la mise à pied conservatoire du 31 mars au 20 avril 2016,
- 2 487,02€ à titre de rappels de salaire,
- 1 110,45€ à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 3 336,74€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et 333,67€ au titre des congés payés afférents,
- 1 668,37€ à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,
- 10 010,22€ à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
- 5 000€ à titre de dommages et intérêts pour remise tardive du solde de tout compte,
- 1 650€ au titre de la prime A...,
- 800€ à titre de dommages et intérêts liés au compte personnel de formation (CPF),
- 5 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle sollicitait également la remise de fiches de paye, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi, dans leur version rectifiée, et sous astreinte de 300€ par jour de retard.

L'association TI CHODIE sollicitait quant à elle qu'il soit constaté que le licenciement pour faute grave était bien fondé, que Mme Y... soit donc déboutée de l'ensemble de ses demandes sauf à prendre acte de que l'employeur s'engageait à lui remettre la somme de 1 360,20€ à titre de rappel de salaire pour la période courant du mois de mai 2015 au mois de janvier 2016.
Elle sollicitait également la condamnation de Mme Y... au paiement des sommes suivantes :
- 250€ sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,
- 100€ à titre de dommages et intérêts pour action abusive,
- 1 750€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- les entiers dépens.

Par jugement du 26 avril 2017, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a dit que le licenciement de Mme Y... est dépourvu de cause réelle et sérieuse, fixé le salaire mensuel brut moyen à la somme de 1 668,37€, et condamné l'employeur au paiement des sommes suivantes :
- 1 166,06€ au titre des salaires liés à la mise à pied conservatoire du 31 mars au 20 avril 2016,
- 1 360,20€ à titre de rappel de salaire,
- 1 110,45€ à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 3 336,74€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et 333,67€ au titre des congés payés afférents,
- 1 668,37€ à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,
- 10 010,22€ à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
- 500€ à titre de dommages et intérêts liés au CPF,
- 1 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Le conseil de prud'hommes à également ordonné la remise des fiches de paye, du certificat de travail et de l'attestation Pôle Emploi, dans leur version rectifiée, sous astreinte de 30€ par jour de retard. L'association TI CHODIE était déboutée de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles.

L'association TI CHODIE interjetait régulièrement appel du jugement le 2 mai 2017.

L'affaire étant en état d'être jugée, l'ordonnance de clôture est intervenue le 5 janvier 2018, la renvoyant à l'audience des débats du 4 juin 2018.

******

Par conclusions signifiées le 11 juillet 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé exhaustif des moyens de l'association TI CHODIE, celle-ci sollicite :
- la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 1 360,20€ à titre de rappel de salaire, et en ce qu'il a débouté Mme Y... de sa demande de dommages et intérêts au titre de la remise du solde de tout compte ainsi que de sa demande au titre de la prime A...,
- l'infirmation pour le surplus,
- y ajoutant, que Mme Y... soit déboutée de l'ensemble des demandes formulées à titre d'appel incident, et condamnée au paiement de la somme de 2 500€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, dont distraction au profit de Me Brice X....

Par conclusions notifiées le 18 août 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé exhaustif des moyens de Mme Y..., celle-ci sollicite :
- la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf quant au rappel de salaire, à la prime A..., et aux dommages et intérêts sollicités au titre de la remise tardive du reçu pour solde de tout compte,
- statuant à nouveau sur ces points :
*que la somme due à titre de rappel de salaire soit fixée à 2 487,02€,
*qu'il soit fait droit à sa demande au titre de la prime A..., pour un montant de 1 650€,
*qu'il soit fait droit à sa demande au titre des dommages et intérêts pour remise tardive du reçu pour solde de tout compte, pour un montant de 5 000€,

- y ajoutant, que l'association TI CHODIE soit condamnée au paiement de la somme de 5 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

******

Motifs de la décision

Sur le licenciement

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :
« Par lettre remise en main propre le jeudi 31 mars 2016, nous vous avons convoquée à un entretien préalable en vue d'une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'au licenciement (
). Lors de cet entretien, vous étiez assistée par M. Harry B... (organisation syndicale CGTG) Après avoir entendu les explications que vous avez fournies, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute grave pour le motif évoqué lors de cet entretien, et que nous vous rappelons ci-après.
Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d'une faute grave.
En effet, le mardi 29 mars 2016, au temps et au lieu de votre travail, vous n'avez pas hésité à asséner un coup de pied à une de vos collègues animatrice (Mme C... D...), qui plus est alors même que celle-ci portait dans ses bras un nourrisson (Théo E...) âgé de sept mois. Une salariée actuellement en contrat d'apprentissage au sein de notre micro-crèche a assisté, médusée, à la scène.
Ce témoin oculaire, ainsi que Mme D..., ont tous les deux été entendus séparément dans le cadre de l'enquête interne diligentée au sein de notre micro-crèche.
Nous ne pouvons pas tolérer ce comportement violent et cette agressivité, lesquels sont purement et simplement inacceptables dans les relations de travail, et ce d'autant plus lorsque des nourrissons et de jeunes enfants sont présents sur le lieu de travail et dès lors susceptibles d'être blessés.
Lors de l'entretien préalable, loin d'avoir pris la mesure de la gravité des faits vous étant reprochés, vous vous en êtes arrêtée à nier les faits et avez menacé de déposer plainte contre la salariée ayant été le témoin de vos agissements.
Compte tenu de la gravité des faits vous étant reprochés ainsi que la protection que nous devons nécessairement assurer à notre personnel ainsi qu'aux nourrissons et jeunes enfants nous étant confiés par leurs parents, votre maintien dans votre emploi même pendant la durée du préavis s'avère strictement impossible.
Votre licenciement prendra ainsi en effet à la date de première présentation du présent courrier, sans préavis ni indemnité de licenciement ».

Il appartient à l'employeur de prouver la réalité et la gravité des motifs invoqués au soutien du licenciement pour faute grave de la salariée.

La seule pièce produite aux débats par l'association TI CHODIE afin d'attester de la réalité des faits invoqués dans la lettre de licenciement, à savoir des faits de violence commis à l'encontre d'une collègue alors même que celle-ci portait un enfant, est une attestation datée du 10 janvier 2017,

et rédigée par Mme C... D... comme suit : « le mardi 29 avril 2016, dans la grande salle de vie, Mme Y... s'est tenue devant moi, me barrant le passage, puis m'assène un coup de pied. Elle ne s'est ni excusée, ni inquiétée. A ce moment précis, je me suis retrouvée déstabilisée et choquée car je tenais dans mes bras un nourrisson (Théo E...) âgé de sept mois ».

Il convient de relever que l'attestation, établie au cours de l'instance, relate une situation survenue le 29 avril 2016, alors même que la lettre de licenciement fait état d'actes de violence commis le 29 mars 2016, et que Mme Y... était licenciée dès le 19 avril 2016.

Outre cette erreur de date, l'association TI CHODIE mentionne la présence d'un témoin oculaire de cette scène, mais ne verse pas de témoignage de cette personne, ni aucun élément relatif à l'enquête interne que l'employeur expose avoir diligenté.

Mme Y... expose que c'est à compter du changement de direction de l'association que la situation des salariés, elle y compris, se dégradait.
Elle fait valoir que son salaire mensuel brut avait été porté à la somme de 1 668,37€ à compter du mois de février 2015, mais que dès le mois de mai de la même année, ce salaire était ramené à la somme de 1 539,65€, sans aucune explication, et que cela constituait une modification substantielle de son contrat de travail à laquelle elle n'a pas consenti.

Mme Y... produit le courrier adressé le 12 mars 2016 à Mme Médina F..., présidente de l'association, rédigé comme suit : « après évaluation de mon travail, l'ancienne direction a décidé d'augmenter mon salaire, cette augmentation a pris effet le 1er février 2015 et n'a duré que trois mois car à votre arrivée, vous avez jugé normal de la modifier sans mon accord. Juridiquement, cela s'apparente à une modification de l'élément de mon contrat de travail qui en aucun cas ne pouvait être effectuée de la sorte ».

L'intimée indique que c'est notamment suite à l'envoi de ce courrier que la direction a décidé de l'accabler, ce qui entrainait des conséquences néfastes sur sa santé.
Elle produit un arrêt de travail initial daté du 17 mars 2016, pour une période allant jusqu'au 25 mars 2016, mentionnant un « syndrome anxio dépressif ».
Mme Y... produit quatre courriers qui lui ont été adressés par Mme F... à la fin du mois de mars 2016, en l'espace de huit jours :
- l'un daté du 23 mars et lui notifiant la modification de ses horaires de travail,
- le second daté du 25 mars et lui notifiant un avertissement au motif suivant : « malgré un appel téléphonique le matin du 5 février informant toute l'équipe de s'inquiéter uniquement des enfants, de la mise en place de la réception, et de l'accueil des parents, vous vous êtes lancée dans la confection de beignets de carnaval !!! »,
- le troisième daté du 29 mars 2016, en réponse au courrier de la salariée concernant son salaire, et dans lequel l'employeur indique : « dans nos fichiers et à dater de ce jour, nous vous avons toujours versé votre salaire conformément à votre contrat de travail et au taux horaire en vigueur »,
- le quatrième daté du 31 mars 2016, la convoquant à un entretien préalable à un éventuel licenciement et lui notifiant sa mise à pied à titre conservatoire.

Il convient de relever, concernant la baisse de salaire de Mme Y..., que celle-ci ressort des bulletins de salaire produits aux débats, de manière parfaitement contradictoire avec les déclarations de l'employeur dans son courrier du 29 mars 2016.

Mme Y... produit un témoignage daté du 16 septembre 2016, rédigé par Mme Odile I... , ancienne directrice de la micro-crèche, qui expose notamment les éléments suivants :
« Avant mon départ en congé maternité de fin novembre 2015, Mme F... me faisait part des décisions à prendre au sein de la structure, vu mon poste de directrice. Elle se plaignait beaucoup de l'équipe présente, cherchant toutes sortes de peccadille pour les bafouer (
) Elle avait du mal à accepter les conseils formateurs d'une équipe qualifiée, vu son ignorance totale du milieu de la petite enfance (
).
En décembre, ma collègue G... Elianna fut renvoyée sur le champ pour une soi-disant « faute grave » (
). Elle est remplacée de suite par Mme D... C..., jeune voisine de Mme F... et baby-sitter de ses enfants, en contrat d'avenir. Ensuite arrivent deux apprenties, amies de Mme D... (
).
En janvier 2016, je découvre des photos des enfants, sur le facebook de la crèche, postées par Mme D..., sur lesquelles on voit leur visage et on cite leur prénom. J'en fait part à Mme F..., qui ne voit pas où est le problème.
En mars, je reçois des appels de parents inquiets, qui ne comprennent pas le changement brutal d'équipe, des professionnelles en qui ils avaient confiance et avec qui les enfants avaient leurs repères. Ils sont surpris de voir ma collègue, Mme Y..., seule référente et visage familier, entourée de jeunes qui ne savent pas faire de transmissions, oubliant de transmettre pas mal d'informations concernant les enfants (
), qui laissent des portillons de sécurité ouverts alors que les enfants vont et viennent (
). J'en ai parlé avec Mme F..., qui m'a confié qu'elle est pour la « liberté des enfants » (
). Suite à sa réponse, j'ai contacté les services de PMI afin de retirer mon nom sur l'agrément de la structure, afin de me dégager de toute responsabilité en cas d'accident (
).
Avant de reprendre mon poste à la fin de mon congé, Mme F... m'a appelé pour me dire que Mme Y... n'arrête pas de faire des remarques aux autres employées et apprenties, qu'elle est « désagréable ». Je lui ai répondu qu'elle est la plus expérimentée et qu'elle doit reprendre si les pratiques professionnelles ne sont pas bonnes (
). Sa rigueur dérangeait beaucoup (
).
Ensuite elle m'a rappelé pour me dire que Mme Y... est en arrêt pour troubles anxio dépressifs, et qu'elle pense utiliser ce motif pour la renvoyer ; car « quelqu'un de folle ne peut pas travailler auprès des enfants ». J'ai pris sa défense en lui disant qu'elle pourra prouver que c'est son premier arrêt en quinze ans d'expérience, et que c'est la conséquence de problèmes au travail. (
)
Mme Y... a repris son travail le mardi 29 mars, et moi le mercredi 30 mars à temps partiel. Le mercredi, j'ai trouvé Mme Y..., les deux apprenties, Mme D..., et Mme H..., une animatrice vacataire qui avait l'habitude de nous remplacer en cas d'absence. J'étais surprise de la voir là. Mme F... m'a dit qu'elle lui ferait un contrat à partir du jeudi 31 mars 2016. Je n'avais pas encore compris pourquoi car l'équipe était au complet et connaissant les difficultés financières passées.
Le mercredi, on a travaillé normalement, j'ai fait une réunion d'équipe (
). Mme F... m'a convoqué au bureau pour me dire qu'elle pense renvoyer Mme Y... parce qu'elle a donné un coup de pied à Mme D... le mardi. Mme D... était joyeuse et ne ressemblait pas à quelqu'un qui avait reçu soit disant un coup de pied de sa collègue la veille (
). C'est là que j'ai compris la vraie raison de la présence de Mme H..., qui devrait remplacer Mme Y....
Le jeudi 30 je ne travaillais pas, et Mme Y... m'appelle pour me dire qu'elle est mise à pied mais elle ne sait pas pourquoi. J'en ai conclu que c'était un coup monté, un piège. Donc elle aurait donné un coup de pied à sa collègue le mardi, mais qui serait passé inaperçu puisque pas de scandale, pas de convocation par la gestionnaire, pas de plainte
jugée dangereuse, Mme Y... est restée auprès des enfants encore deux jours ! Wahou !
Ayant travaillé six ans avec Mme Y..., je peux certifier que c'est une bonne professionnelle, rigoureuse et soucieuse du bien-être des enfants. Toujours prête à faire des heures supplémentaires et soulager ses collègues malgré son transport en bus et l'éloignement de son domicile [...] . Très appréciée des parents. (
) ».

Après analyse des pièces produites aux débats, il apparait que l'employeur, qui a d'abord procédé unilatéralement à une baisse de la rémunération de la salariée, ce qui constitue la modification d'un élément substantiel du contrat de travail et nécessitait donc son accord, a ensuite invoqué une faute grave de Mme Y..., dont le seul élément de preuve est une attestation d'une salariée erronée, et dont le contenu est remis en cause par une seconde attestation d'une autre salariée.
Il convient de constater que l'association TI CHODIE échoue à prouver l'existence de la faute invoquée au soutien du licenciement de Mme Y..., lequel est dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme Y... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et condamné l'association TI CHODIE au paiement de la somme de 10 010,22€ à titre d'indemnisation, conformément aux dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, dans sa version alors en vigueur.

Sur l'indemnité pour non respect de la procédure

La lettre de convocation à l'entretien préalable mentionne la possibilité pour Mme Y... de se faire assister « par un membre de l'entreprise ou d'un conseiller dont la liste se trouve à la mairie de [son] domicile », sans indiquer l'adresse de la mairie, ni celle de la section d'inspection du travail compétente, ce qui constitue une irrégularité de procédure.
Cependant, l'indemnité pour irrégularité de la procédure, ne peut se cumuler avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse accordée en application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, aussi le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur le rappel de salaire concernant la période de mise à pied conservatoire

La faute grave ayant été écartée, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'association TI CHODIE au paiement de la somme de 1 166,06€ au titre des salaires liés à la mise à pied conservatoire du 31 mars au 20 avril 2016.

Sur l'indemnité légale de licenciement

Le licenciement de Mme Y... étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, et au vu de son ancienneté et du montant de son salaire mensuel brut, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'association TI CHODIE au paiement de la somme de 1 110,45€ à titre d'indemnité légale de licenciement, conformément aux dispositions de l'article R1234-2 du code du travail, dans sa version alors en vigueur.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Le licenciement de Mme Y... étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, et celle-ci n'ayant pu effectuer son préavis, il convient, au vu de son ancienneté, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'association TI CHODIE au paiement d'une indemnité compensatrice correspondant à deux mois de salaire, soit la somme de 3 336,74€, ainsi que de la somme de 333,67€ au titre des congés payés afférents.

Sur les dommages et intérêts alloués au titre du compte personnel de formation

Le compte personnel de formation (CPF), qui remplace l'ancien dispositif du droit individuel à la formation, étant rattaché au salarié et non plus au contrat de travail, et Mme Y... ne justifiant aucunement d'avoir été privée de ses droit au CPF, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné l'association TI CHODIE au paiement de dommages et intérêts à ce titre.

Sur les rappels de salaire

Au vu des bulletins de salaire produits aux débats, et du tableau récapitulatif présenté par Mme Y... dans ses conclusions, reprenant les sommes versées au titre du salaire suite aux deux diminutions successives opérées par l'employeur de manière unilatérale, il convient de faire droit à sa demande et de condamner l'association TI CHODIE au paiement de la somme de 2 487,02€ à titre de rappel de salaire.

Sur la prime A...

L' accord interrégional sur les salaires en Guadeloupe, dit « accord Jacques A... », s'applique depuis le 1er mars 2009 et prévoit le versement d'une prime de 200 euros aux salariés dont le salaire ne dépasse pas 1, 4 SMIC, se décomposant comme suit :
- pour les entreprises de moins de 50 salariés, versements à hauteur de 50 euros par les entreprises et 50 euros par les collectivités territoriales, ces derniers versements étant prévus pour une durée d'un, an,
- parallèlement, l'Etat a introduit le RSTA en Guadeloupe d'un montant de 100 euros versé directement au salarié.

Cet accord prévoyait également en son article 5 qu'au terme des aides de l'Etat et des collectivités, l'augmentation de salaire de 200 euros nets serait intégrée dans la rémunération des salariés assurée par leur employeur signataire. Cet accord a été étendu partiellement par arrêté du 3 avril 2009 à tous les employeurs et salariés compris dans son champ d'application, à l'exception de la clause susvisée de convertibilité des primes en salaire.

Mme Y... sollicitant le paiement de la somme de 1 650€ correspondant à la part employeur de 50€ X 33 mois d'ancienneté, il convient de faire droit à cette demande.

Sur les dommages et intérêts pour remise tardive de l'attestation Pôle emploi

Mme Y... sollicite le paiement de la somme de 5 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la remise tardive du reçu pour solde de tout compte.

L'association TI CHODIE produit la copie des documents de fin de contrat, dont le reçu pour solde de tout compte et l'attestation Pôle emploi, rédigés le 22 avril 2016 et expédiés par lettre recommandée avec accusé de réception le 9 mai 2016. Le licenciement de Mme Y... étant intervenu le 19 avril 2016, soit moins d'un mois avant l'envoi de ces documents, et celle-ci n'apportant pas la preuve du préjudice résultant de leur remise dans ces délais, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur la remise des documents de fin de contrat

Il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la remise des fiches de paye, du certificat de travail et de l'attestation Pôle emploi, dans leur version rectifiée, sauf à préciser que l'astreinte, fixée à 30€ par jour de retard, commencera à courir à l'expiration du délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.

Sur les autres demandes

L'association TI CHODIE, succombant principalement en ses prétentions, supportera la charge des entiers dépens.

Il ne paraît pas équitable de laisser à la charge de Mme Y... les frais irrépétibles qu'elle a exposés, le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il lui a alloué la somme de 1 000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit que le licenciement de Mme Luciana Y... était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné l'association TI CHODIE au paiement des sommes suivantes :
*1 166,06€ au titre des salaires liés à la mise à pied conservatoire du 31 mars au 20 avril 2016,
*1 110,45€ à titre d'indemnité légale de licenciement,
*3 336,74€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et 333,67€ au titre des congés payés afférents,
*10 010,22€ à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
*1 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
*les entiers dépens,
- enjoint à l'association TI CHODIE de remettre à Mme Luciana Y... les fiches de paye, le certificat de travail et l'attestation Pôle emploi, dans leur version rectifiée, étant précisé que cette injonction est assortie d'une astreinte d'un montant de 30€ par jour de retard à compter de l'expiration du délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt,
- débouté Mme Luciana Y... de sa demande de dommages et intérêts relative à la remise tardive des documents de fin de contrat, et l'association TI CHODIE de ses demandes au titre d'une procédure abusive,

Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- condamné l'association TI CHODIE à payer à Mme Luciana Y... les sommes de 1 668,37€ à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, de 500€ à titre de dommages et intérêts liés au compte personnel de formation, et de 1 360,20€ à titre de rappels de salaire,
- débouté Mme Luciana Y... de sa demande au titre de la prime dite A...,

Et statuant à nouveau sur ces points :
- déboute Mme Luciana Y... de ses demandes au titre du non respect de la procédure de licenciement et de dommages et intérêts relatifs au compte personnel de formation,
- condamne l'association TI CHODIE au paiement à Mme Luciana Y... des sommes de 2 487,02€ à titre de rappel de salaire, et de 1 650€ au titre de la prime A...,

Déboute les parties de toutes prétentions plus amples ou contraires.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 17/006331
Date de la décision : 06/08/2018
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2018-08-06;17.006331 ?
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