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06/08/2018 | FRANCE | N°17/002951

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 06 août 2018, 17/002951


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 292 DU SIX AOÛT DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : No RG 17/00295

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de Basse-Terre - section encadrement - du 27 Septembre 2016.

APPELANTE

Madame C... D...
[...]
[...]
Représentée par Me Jeanne-Hortense Y... (toque 62), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH
(bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle numéro 2017/000367 du 15/05/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE)

I

NTIMÉE

Association APAJH
[...]
Représentée par Me Jérôme Z... (toque 104, SCP MORTON etamp; ASSOCIES), avocat ...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 292 DU SIX AOÛT DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : No RG 17/00295

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de Basse-Terre - section encadrement - du 27 Septembre 2016.

APPELANTE

Madame C... D...
[...]
[...]
Représentée par Me Jeanne-Hortense Y... (toque 62), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH
(bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle numéro 2017/000367 du 15/05/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE)

INTIMÉE

Association APAJH
[...]
Représentée par Me Jérôme Z... (toque 104, SCP MORTON etamp; ASSOCIES), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 4 Juin 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président,,
Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère,
Madame Gaëlle BUSEINE, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 06 août 2018

GREFFIER Lors des débats Mme Lucile POMMIER, greffier,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.
Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par MmeValérie SOURIANT, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

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Faits et procédure

Il résulte des explications et pièces fournies par les parties, les éléments suivants.

Mme C... D... a été embauchée en qualité de chef de service, statut cadre, par l'association APAJH, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, prenant effet le 1er septembre 2014. Elle était embauchée pour être affectée au service d'accompagnement comportemental spécialisé(SACS) à destination d'usagers autistes, nouveau service ouvert par l'APAJH dans le cadre d'une expérimentation.
La durée de la période d'essai était fixée par le contrat de travail à six mois, soit du 1er septembre 2014 au 28 février 2015.

Par courrier remis en main propre le 16 octobre 2014, l'APAJH mettait fin à la période d'essai de Mme D... , lui précisant qu'elle était dispensée de travailler durant la période correspondant au délai de prévenance, d'une durée de deux semaines, période qui lui serait rémunérée.

Mme D... saisissait le conseil de prud'hommes de Basse-Terre le 23 mars 2015, afin que l'APAJH soit condamnée à lui verser les sommes suivantes :
- 16 000€ à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,
- 8 000€ à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
- 8 000€ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 30€ à titre d'indemnité pour retard dans la remise du certificat de travail.

Par jugement du 27 septembre 2016, le conseil de prud'hommes de Basse-Terre a constaté que Mme D... avait été remplie de l'ensemble de ses droits, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et condamnée au paiement de la somme de 500€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Mme D... interjetait régulièrement appel du jugement le 2 mars 2017.

L'affaire étant en état d'être jugée, l'ordonnance de clôture est intervenue le 5 janvier 2018, renvoyant l'affaire à l'audience des débats du 4 juin 2018.

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Par conclusions notifiées le 2 juin 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé exhaustif des moyens de Mme D... , celle-ci sollicite l'infirmation du jugement entrepris, et statuant à nouveau, qu'il soit dit que la rupture de sa période d'essai est intervenue pour un motif disciplinaire, qu'elle est en conséquence fautive, et que l'APAJH soit dès lors condamnée au paiement de la somme de 15 000€ à titre de dommages et intérêts et de 2 500€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par conclusions notifiées le 21 juin 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé exhaustif des moyens de l'APAJH, celle-ci sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, que Mme D... soit déboutée de l'ensemble de ses demandes et condamnée au paiement de la somme de 3 500€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

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Motifs de la décision

Sur la rupture de la période d'essai

Chacune des parties a la faculté de résilier unilatéralement le contrat de travail durant la période d'essai, sans avoir à alléguer de motif.
Il appartient à la partie qui l'invoque de démontrer que la rupture est abusive.

Mme D... soutient qu'elle n'a pas été en mesure d'exercer la mission pour laquelle elle a été recrutée, puisqu'elle devait parer aux exigences relatives à l'ouverture du SACS et était à ce titre en surcharge de travail. Elle expose avoir alerté la direction et demandé de nombreux éléments en vue de l'ouverture du service, lesquels ne lui ont pas été accordés, ou très tardivement, mais encore qu'elle ne disposait pas de l'autonomie nécessaire à la réalisation de sa mission, ni à la considération inhérente à ses fonctions de cadre, le directeur général la considérant d'avantage comme une exécutante que comme une cadre.
Elle fait valoir que sa période d'essai ne pouvait être effective avant l'ouverture du service puisqu'elle était embauchée pour en être le chef de service.

L'APAJH soutient que Mme D... n'a pas donné satisfaction dans l'exercice des missions qui lui étaient confiées, notamment en vue de l'ouverture du nouveau service fixée au 15 octobre 2014, raison pour laquelle la période d'essai a été rompue.
L'intimée expose qu'après un mois de travail, le directeur général a alerté Mme D... , par courrier remis en main propre le 30 septembre 2014 et rédigé comme suit :
« Vous avez débuté le 1er septembre 2014 en tant que chef de service du nouvel établissement de l'APAJH, le service d'accompagnement comportemental spécialisé. Nous avons constaté au cours de la mise en place que vous n'étiez pas tout à fait en phase avec nos attendus. D'où la nécessité de ce point d'étape que j'effectue avec vous ce 30 septembre 2014 à 15h. Maintenant que cette structure est équipée en moyens humains et matériels nécessaires, nous attendons de vous un fonctionnement de chef de service sans défaillance, pour cette phase importante de démarrage de ce service. A ce sujet, un nouveau point sera effectué avec vous le vendredi 31 octobre 2014 ».

L'intimée soutient que malgré cette alerte, Mme D... n'a pas effectué les missions confiées, ce qui lui a été indiqué par une note de service en date du 7 octobre 2014 :
« Jusqu'à ce jour, mardi 7 octobre 2014, voilà maintenant un peu plus d'un mois que vous êtes en fonction et la méthode d'accueil des enfants ne m'est toujours pas parvenue. Je n'ai pas reçu non plus la liste des enfants qui seront réellement accueillis suite aux entretiens que vous avez eu avec les parents.
Ma coordinatrice commerciale, qui travaille avec la cuisine, à ma demande, pour les menus sans gluten ou les éventuels régimes, n'a reçu aucun document alors qu'elle vous en a fait la demande, ceci pour préparer avec la cuisine le planning alimentaire des enfants et donc leur accueil.
L'accueil étant un acte d'une grande importance pour ces usagers, ces documents doivent m'être parvenus pour le jeudi 9 octobre 2014 à 8h au plus tard.
L'association gestionnaire, représentée par sa présidente, devant donner son accord après échanges avec le directeur général, pour l'accueil des usagers dont elle a la responsabilité.
Par ailleurs, depuis notre première réunion de travail, courant septembre 2014, où j'ai déterminé quelques priorités d'achats et d'actions avec vous, je n'ai par la suite reçu aucune autre liste de besoins de votre part, ni de consultation pour la poursuite de la structuration de l'ouverture de l'établissement. J'aimerai que toutes ces notes, listes, documents, ou autres, me soient aussi communiqués en même temps ».

Mme D... répondait au DGS le 8 octobre 2014 :
« Concernant la note de service dont je viens de prendre connaissance, la méthode de prise en charge des enfants vous parviendra rapidement, puisque nous l'avons élaboré avec Mme A.... Comme c'est aujourd'hui que vous me le demandez et que j'ai pris connaissance de votre fax dans l'après-midi, je n'ai pas tous les documents en ma possession pour vous rendre cela demain matin à 8h.
La liste des régimes est élaborée, mais nous voulons avoir confirmation par ordonnance. Je contacterai demain le service.
L'ensemble des achats a été réalisé chez FOURNIBUR ce jour. Il manque d'autres achats ».

L'appelante produit également copie d'un courrier adressé par télécopie au DGS le 10 octobre 2014 :
« Suite à la note de service du 7 octobre 2014, Mme A... m'a confirmé vous avoir fait parvenir la méthode d'accueil et la liste des enfants, comme vous lui avez demandé, le 5 octobre 2014.
Je vous joins également le planning prévisionnel de la rentrée, sous réserve que les parents aient bien la notification MDPH qui leur a été demandée plusieurs fois depuis juin.
Dans un premier temps, les enfants seront évalués à leur domicile, puis selon l'évolution individuelle, ils intégreront les locaux progressivement.
Nous prévoyons une invitation des familles dans les locaux, le jeudi 30 à partir de 14h et jusqu'à 16h, pour un goûter/rencontre avec le personnel.
En principe, à partir du 21 octobre, nous aurons besoin des véhicules prévus.
Plusieurs questions diverses et informations :
Pensez-vous que si je vous présente la maquette du livret d'accueil mercredi 15 octobre, il puisse être imprimé pour le mercredi 29 octobre ? Comme ça, on pourrait le remettre aux parents le 30.
(
)
La secrétaire du SACS arrive-t-elle ce lundi ? Ou quand dois-je prévoir son arrivée ?
Est-il possible d'avoir le logo APAJH/SACS informatisé ?
Nous rencontrons des parents qui ont des difficultés à faire prendre en charge les transports de leur enfant, il me semble qu'il faudrait commencer le partenariat avec les institutions. Rectorat pour signer la convention. Conseil général pour savoir ce qu'ils doivent faire concernant les transports. Nous attendons votre feu vert, ainsi que l'autorisation d'utiliser une petite carte de visite que nous avons conçu pour expliquer et laisser une trace. Si vous voulez bien nous l'imprimer, ce serait encore mieux (ci-joint le modèle que nous vous soumettons) ».

Mme D... produit un courrier daté du 30 septembre 2014, dans lequel elle expose au directeur général :
« Vous serez d'accord avec moi pour dire que la mission première du chef de service est de tout mettre en œuvre pour organiser l'activité du service. Toutefois, je rencontre des difficultés que je tiens à exposer.

Avant l'ouverture, et dans un esprit de solidarité, j'ai bien voulu coopérer et effectuer (avec d'autres personnes ou seule), les tâches préalables : donner des directives aux différents corps de métier qui se succédaient, contrôler les travaux restant à effectuer et les installations servant à la communication (avec tous les aléas du système qui ne fonctionne toujours pas convenablement), déballer et recenser un camion entier de matériel, partir faire des courses de fournitures de bureaux et du matériel, gérer les problèmes de factures et de livraisons, aller chercher nos repas, déménager du mobilier, effectuer accessoirement des tâches ménagères, arroser le jardin, ainsi qu'assurer la réception et le secrétariat à temps plein.
Cette multitude d'activités a impacté sur la mission à laquelle je devais m'atteler et a eu pour conséquence d'une part de me fatiguer et de me stresser. D'autre part, par voie de conséquence, de me discréditer devant vous, face aux administrateurs, et devant l'ARS. Lorsqu'il a fallu rendre compte de mon travail, j'ai pris conscience que j'avais vaqué à tout autre chose et que je n'avais pas pris le temps de me concentrer, que nous n'avions pas pris le temps de nous fixer un plan d'action, ni avec vous, ni avec ma collaboratrice. Lors du passage de l'ARS, B..., inspecteur et coordinateur du secteur médico-social, m'a alerté en me disant qu'il avait des inquiétudes sur mon positionnement, ce qui m'a permis de réaliser et de prendre la mesure des choses ».

Il relève des différents échanges entre L'APAJH et Mme D... , ainsi que du propre aveu de cette dernière, que la salariée n'a pas donné satisfaction dans l'exercice de ses missions, la rupture de la période d'essai n'étant dès lors pas abusive.

Sur le motif disciplinaire

Mme D... expose que si aucun motif n'est invoqué dans le courrier notifiant la rupture, celle-ci est intervenue pour insubordination, tel que cela apparait dans la télécopie qui lui était adressée le 14 octobre 2014 par le directeur général : « je découvre maintenant votre fax envoyé le 14 octobre 2014 à 11h58, présentant l'organisation de l'arrivée des usagers et de leurs parents au SACS. Je vous rappelle que tous ces documents qui arrivent par phase étaient tous attendus le jeudi 9 octobre 2014, pour échanges avec la présidente, voir ma note du 7 octobre 2014. Vous n'en avez pas tenu compte, repoussant ma demande à lundi. Cette nouvelle grave conduite d'insubordination ne permet pas de poursuivre notre collaboration. J'en informe la présidente afin de mettre un terme à cette conduite définitivement ».
Elle soutient que la rupture est intervenue pour motif disciplinaire, et que l'employeur aurait dès lors dû mettre en œuvre la procédure disciplinaire.

Il convient de préciser que la rupture d'une période d'essai ne requiert aucun formalisme particulier, et que l'employeur n'a pas à justifier d'un motif réel et sérieux, cependant, s'il invoque ouvertement une faute du salarié, l'employeur est tenu de respecter la procédure disciplinaire prévue à l'article L1332-2 du code du travail.

La lettre de notification de la rupture de la période d'essai, signée par la présidente de l'APAJH, employeur de la salariée, et remise en main propre le 16 octobre 2014, n'invoque aucun motif particulier, soulevant uniquement le fait que « cet essai n'est pas concluant », aussi il appert que la rupture de la période d'essai de Mme D... n'est pas intervenue pour faute.

La rupture de la période d'essai de Mme D... n'étant ni abusive, ni intervenue pour motif disciplinaire, celle-ci sera déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Sur les autres demandes

Mme D... , succombant en ses prétentions, supportera la charge des entiers dépens.

Il convient de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme D... au paiement de la somme de 500€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, laquelle sera portée à 1 000€.

Par ces motifs

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à le réformer quant au montant alloué à l'association APAJH au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau sur ce point,

Condamne Mme C... D... au paiement à l'association APAJH de la somme de 1 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme C... D... aux entiers dépens,

Déboute les parties de toutes prétentions plus amples ou contraires.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 17/002951
Date de la décision : 06/08/2018
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2018-08-06;17.002951 ?
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