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18/06/2018 | FRANCE | N°16/012241

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 18 juin 2018, 16/012241


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 239 DU DIX HUIT JUIN DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : 16/01224

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Guadeloupe du 24 mai 2016.

APPELANTE

CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE LA GUADELOUPE
Quartier de l'Hôtel de Ville
B.P. 486
97159 POINTE A PITRE CEDEX
Représentée par Maître Betty X... de la Y... (Toque 108) substituée par Maître Z..., avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉ

Monsieur Eric A...<

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[...]
Représenté par Maître Michaël C... (Toque 1) substitué par Maître D..., avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTI...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 239 DU DIX HUIT JUIN DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : 16/01224

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Guadeloupe du 24 mai 2016.

APPELANTE

CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE LA GUADELOUPE
Quartier de l'Hôtel de Ville
B.P. 486
97159 POINTE A PITRE CEDEX
Représentée par Maître Betty X... de la Y... (Toque 108) substituée par Maître Z..., avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉ

Monsieur Eric A...

[...]
Représenté par Maître Michaël C... (Toque 1) substitué par Maître D..., avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 avril 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard Rousseau, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bernard Rousseau, président de chambre, président,
Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller,
Mme Gaëlle Buseine, conseiller,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 18 juin 2018.

GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

Il résulte des explications et pièces fournies par les parties, les éléments suivants.

M. Eric A... s'installait en qualité de médecin libéral sur l'ile de Saint-Martin à compter du mois de septembre 2010. Il exerçait précédemment cette même activité en France métropolitaine.

Le 19 janvier 2015, M. A... saisissait le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Guadeloupe d'une contestation à l'encontre de la décision rendue par la commission de recours amiable de la Caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe (ci-après désignée CGSS) lui refusant implicitement la restitution de la somme de 16 449€ correspondant aux sommes versées à titre de cotisations pour les années 2011 et 2012.
M. A... soutenait qu'en application de l'article L756-5 du code de la sécurité sociale, il aurait dû bénéficier d'une exonération de cotisations pour les 24 premiers mois de son installation en Guadeloupe, et sollicitait la condamnation de la CGSS au paiement des sommes suivantes :
- 16 449€ au titre du remboursement du trop versé pour les années 2011 et 2012, augmenté des intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 2014, date de la saisine de la commission de recours amiable,
- 5 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation des divers préjudices subis en raison du comportement abusif de la CGSS,
- 3 000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 24 mai 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Guadeloupe a :
- constaté que M. A... était éligible à l'exonération prévue par le code de la sécurité sociale, ce pour les années 2011 et 2012, et que la CGSS enregistrait un trop perçu d'un montant de 16 449€ à ce titre,
- condamné la CGSS au paiement à M. A... des sommes de :
§ 16 449€ représentant le trop perçu pour les années 2011 et 2012 augmenté des intérêts au taux légal à compter de la date de la saisine de la commission de recours amiable,
§ 500€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
§ 400€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La CGSS interjetait régulièrement appel du jugement le 16 août 2016.

*************************

Par conclusions notifiées le 25 octobre 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé exhaustif des moyens de la CGSS, celle-ci sollicite l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau la condamnation de M. A... au paiement de la somme de 2 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par conclusions notifiées le 28 septembre 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé exhaustif des moyens de M. A..., celui-ci sollicite :
- sur la forme, que l'appel soit déclaré irrecevable, M. Lucien E... n'ayant pas qualité pour interjeter appel,
- sur le fond, à titre principal, que le jugement entrepris soit confirmé, et y ajoutant, que la CGSS soit condamnée au paiement des sommes de 10 000€ sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile, et de 5 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du même code,
- sur le fond, à titre subsidiaire, que le jugement entrepris soit confirmé en toutes ses dispositions sauf à le réformer concernant le montant alloué à titre de dommages et intérêts, qui sera porté à la somme de 5 000€, et y ajoutant, que la CGSS soit condamnée au paiement des sommes de 10 000€ sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile, et de 5 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du même code.

*******************

Motifs de la décision

Sur la recevabilité de l'appel

M. A... soutient que M. E... n'étant ni avocat, ni défenseur syndical, n'ayant pas qualité pour agir, et n'ayant pas conclu dans le délai légal, l'appel interjeté est irrecevable.

L'article R142-28 du code de la sécurité sociale dispose :
« Les parties peuvent interjeter appel dans un délai d'un mois à compter de la notification.
(
)
L'appel est formé par une déclaration que la partie ou tout mandataire fait ou adresse par pli recommandé au greffe de la cour. La déclaration est accompagnée de la copie de la décision.
Outre les mentions prescrites par l'article 58 du code de procédure civile, la déclaration désigne le jugement dont il est fait appel et mentionne, le cas échéant, le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour.
L'appel est porté devant la chambre sociale de la cour d'appel. Il est formé, instruit et jugé suivant la procédure sans représentation obligatoire ».

Il convient de relever que le jugement du tribunal des affaires sociales a été notifié le 8 août 2016, et que l'appel a été interjeté par démarche entreprise auprès du secrétariat greffe de la Cour de céans, le 16 août 2016.
La déclaration d'appel est signée par Mme Séverine F..., directrice recouvrement de la CGSS.
La CGSSS produit copie de la délégation de signature signée par le directeur général de la CGSS, qui prévoit qu'à compter du 1er avril 2015, Mme F... a notamment délégation pour signer les déclarations d'appel, ainsi que les conclusions devant la Cour d'appel.

Le délai légal pour conclure auquel fait référence M. A... ne vaut que pour les appels formés en matière de procédure avec représentation obligatoire.

L'appel formé par la CGSS est recevable.

Sur l'exonération des cotisations

M. A... expose qu'en vertu des dispositions de l'article L756-5 du code de la sécurité sociale, il aurait dû être exonéré des cotisations durant ses deux premières années d'installation en Guadeloupe. Il fait valoir que la Cour de cassation, dans un arrêt du 22 novembre 2007 (deuxième chambre civile, no 06-18611), a validé ce principe d'exonération concernant un avocat s'étant installé sur l'ile de la Réunion, bien que celui-ci avait précédemment exercé la même activité en France métropolitaine.

La CGSS soutient que ce dispositif d'exonération est limité au cas d'une personne débutant l'activité, et non à une personne ayant précédemment exercé la même activité en France métropolitaine.
Elle précise que les dispositions spécifiques à l'outre-mer doivent être articulées avec les dispositions des articles R242-16 et D131-1 du code de la sécurité sociale qui disposent que « ne sont assimilées à un début d'activité ni la modification des conditions d'exercice de l'activité professionnelle d'employeur ou travailleur indépendant, ni la reprise d'activité intervenue soit dans l'année au cours de laquelle est survenue la cessation d'activité, soit dans l'année suivante ».
Selon l'appelante, le transfert d'une activité libérale de la France métropolitaine vers un département d'outre-mer est une simple modification des conditions d'exercice de la dite activité, qui n'ouvre pas droit au bénéfice de l'exonération.

Le titre 5 du code de la sécurité sociale, constitués des articles L751-1 à L758-4, s'intitule « dispositions particulières à la Guadeloupe, à la Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin ».

L'article L756-5 du code de la sécurité sociale dispose :
« Par dérogation aux dispositions des trois premiers alinéas de l'article L. 131-6-2, les cotisations d'allocations familiales, d'assurance maladie et d'assurance vieillesse des travailleurs indépendants non agricoles exerçant leur activité dans les départements mentionnés à l'article L. 751-1, à l'exception de celles recouvrées par les organismes mentionnés aux articles L. 642-1 et L. 723-1, sont calculées, à titre définitif, sur la base du revenu d'activité de l'avant-dernière année ou, le cas échéant, de revenus forfaitaires.
Par dérogation aux dispositions du dernier alinéa de l'article L. 131-6, la personne débutant l'exercice d'une activité indépendante non agricole est exonérée des cotisations et contributions, à l'exception de celles recouvrées par les organismes mentionnés aux articles L. 642-1 et L. 723-1, pour une période de vingt-quatre mois à compter de la date de la création de l'activité ».

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 janvier 2013 par la Cour de cassation (deuxième chambre civile, arrêt no 208 du 17 janvier 2013) d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit, de l'article L. 756-5 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de l'article 3 de la loi no 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer.
Le Conseil constitutionnel, par décision no 2013-301 QPC du 5 avril 2013, a dit que l'article L. 756-5 du code de la sécurité sociale est conforme à la Constitution
Le Conseil constitutionnel a notamment considéré « que le second alinéa de l'article L. 756-5 du code de la sécurité sociale réserve le bénéfice de l'exonération biennale des cotisations et contributions sociales à « la personne débutant l'exercice d'une activité non salariée non agricole » ; qu'ainsi que la Cour de cassation l'a jugé dans son arrêt du 22 novembre 2007 susvisé, toute personne commençant à exercer une activité non salariée non agricole dans un département d'outre-mer doit bénéficier de ce dispositif d'exonération, même si elle exerçait auparavant une activité non salariée non agricole dans une autre partie du territoire national ; que, dans ces conditions, le second alinéa de l'article L. 756-5 du code de la sécurité sociale ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la loi et les charges publiques ».

Après analyse des faits d'espèce, et à la lumière des décisions de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel précitées, il convient de confirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Guadeloupe en ce qu'il a constaté que M. A... était éligible à l'exonération prévue par le code de la sécurité sociale pour ses deux premières années d'exercice de l'activité libérale sur le territoire de Saint-Martin, et condamné la CGSS au paiement de la somme de 16 449€ correspondant aux cotisations indûment perçues, augmentées de l'intérêt légal à compter de la date de saisine de la commission de recours amiable.

Sur les dommages et intérêts

Le tribunal des affaires de sécurité sociale a condamné la CGSS au paiement de la somme de 500€ à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

M. A... sollicite que les dommages et intérêts soient portés à la somme de 5 000€, et qu'en outre la CGSS soit condamnée au paiement de la somme de 10 000€ au titre des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile.

Il convient de dire que M. A... ne saurait percevoir aucune somme au titre des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile, qui dispose que « celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés ».
M. A... sera débouté de ce chef de demande.

La CGSS, qui a refusé d'exonérer M. A... du paiement de ses cotisations pour les 24 premiers mois d'activité, alors même que la Cour de cassation s'était déjà prononcée en faveur de l'exonération dans un cas similaire, et que cette décision avait notamment été citée en première instance, a fait preuve de résistance abusive en interjetant appel du jugement.
Le jugement entrepris sera réformé concernant le montant des dommages et intérêts alloués en réparation du préjudice résultant de la résistance abusive de la CGSS, lequel sera porté à la somme de 1 000€.

Sur les autres demandes

La CGSS succombant en ses demandes, supportera la charge des entiers dépens de première instance et d'appel.

Il ne paraît pas équitable de laisser à la charge de M. A... les frais irrépétibles qu'il a exposés, il lui sera en conséquence alloué la somme de 1 000€ en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la présente instance.

Par ces motifs

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à le réformer quant au montant des dommages et intérêts que la Caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe a été condamnée à payer à M. Eric A..., laquelle est portée à la somme de 1 000€,

Et y ajoutant,

Condamne la Caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe au paiement à M. Eric A... de la somme de 1 000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente instance,

Déboute les parties de toutes prétentions plus amples ou contraires.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 16/012241
Date de la décision : 18/06/2018
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2018-06-18;16.012241 ?
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