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18/06/2018 | FRANCE | N°16/011981

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 18 juin 2018, 16/011981


VS-BR

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 237 DU DIX HUIT JUIN DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : 16/01198

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 23 juin 2016-Section Commerce.

APPELANTE

Madame Patricia X...
A... [...]
Représentée par Mme Jacqueline Y... (Délégué syndical ouvrier)

INTIMÉE

SARL POMPES FUNEBRES KARUKERA
[...]
Représentée par Maître Johann B... (Toque 90) substitué par Maître Jeanne-Hortense Z..., avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MART

IN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire...

VS-BR

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 237 DU DIX HUIT JUIN DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : 16/01198

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 23 juin 2016-Section Commerce.

APPELANTE

Madame Patricia X...
A... [...]
Représentée par Mme Jacqueline Y... (Délégué syndical ouvrier)

INTIMÉE

SARL POMPES FUNEBRES KARUKERA
[...]
Représentée par Maître Johann B... (Toque 90) substitué par Maître Jeanne-Hortense Z..., avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 avril 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard Rousseau, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bernard Rousseau, président de chambre, président,
Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller,
Mme Gaëlle Buseine, conseiller,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 18 juin 2018.

GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du 23 juin 2016, par lequel le conseil de prud'hommes de Basse-Terre a requalifié en démission, la prise d'acte de rupture du contrat de travail de Mme X..., et a condamné la Sarl POMPES FUNEBRES KARUKERA à payer à cette dernière la somme de 247,96 euros au titre de rappel de salaire, outre la some de 24,79 euros au titre des congés payés afférents, Mme X... étant elle-même condamnée à payer à la Sarl POMPES FUNEBRES KARUKERA la somme de 1238,90 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

Vu la déclaration d'appel en date du 26 juillet 2016 de Mme X..., à l'encontre du jugement sus-visé qui lui a été notifié le 29 juin 2016,

Vu les conclusions communiquées le 19 avril 2017 par Mme X...,

Vu les conclusions communiquées le 13 novembre 2017 par la Sarl POMPES FUNEBRES KARUKERA,

Motifs de la décision :

Si dans un contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er octobre 2010, il est dit que Mme X... est engagée à compter de cette date, en qualité d'agent funéraire pour exercer les fonctions de secrétaire comptable/employée funéraire, à raison de 25 heures de travail hebdomadaire, il n'est pas contesté qu'en fait elle a commencé à travailler pour la Sarl POMPES FUNEBRES KARUKERA à compter du 26 octobre 2009 comme le soutient la salariée.

Le 5 mai 2014 elle a saisi le conseil de prud'hommes de Basse-Terre, aux fins d'obtenir de son employeur, paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, ainsi qu'une indemnité de préavis, une indemnité conventionnelle de licenciement, et une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Par lettre recommandée avec avis de réception datée du 18 décembre 2014, Mme X... a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur.

Sur la demande de rappel de salaire :

Mme X... a été engagée pour exercée les fonctions de secrétaire, comptable, employée funéraire. A ce titre il est prévu contractuellement qu'elle était amenée à exercer son activité dans le cadre d'une aide à la thanatopraxie, sous contrôle d'un thanatopracteur, pour effectuer les opérations de soins de conservation et de présentation de corps. Il était prévu également qu'en tant que chauffeur-porteur elle pouvait être appelée à conduire le fourgon funéraire, et récupérer les corps avec le fourgon de transport de corps. Il était aussi stipulé qu'elle apporterait une aide à la famille sous contrôle de l'agent administratif ou du dirigeant, en remplissant les formulaires nécessaires à la déclaration de décès jusqu'à l'inhumation, en recevant, en cas d'astreinte, la famille, élaborant les devis, et écrivant les avis d'obsèques et les télécopiant. Elle devait aussi apporter une aide à l'organisation des cérémonies.

Au regard de l'ensemble des tâches attribuées à Mme X..., celle-ci est fondée à revendiquer sa classification au niveau II position 1, telle que prévue par la convention collective nationale des pompes funèbres du 1er mars 1974, étendue par arrêté du 17 décembre 1993, applicable non seulement au territoire métropolitain, mais aussi aux départements d'outre-mer.

La comparaison entre, d'une part les montants des salaires annuels minimaux conventionnels résultant des accords salariaux des 27 janvier 2011, 16 février 2012 et 9 octobre 2012, desquels il peut être déduit les taux horaires minimaux applicables au cours de la période de travail de Mme X..., et d'autre part les taux horaires appliqués par l'employeur et figurant sur les bulletins de salaire délivrés à la salariée, montre que celle-ci, à certaines périodes, a été rémunérée à un taux horaire inférieure au taux minimaux conventionnels, notamment de mai à novembre 2011, de février à juin 2012, en janvier et février 2013, les indemnités journalières versées pour la période postérieure par la caisse de sécurité sociale, étant également minorées par rapport au taux minimal conventionnel, en raison des mentions figurant sur les bulletins de salaire.

C'est donc à juste titre que Mme X... réclame paiement d'un rappel de salaire à hauteur de 247,96 euros, auquel il convient d'ajouter la somme de 24,79 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents.

Sur la rupture du contrat de travail :

Dans sa lettre du 18 décembre 2014, Mme X... motive sa prise d'acte de rupture du contrat de travail en faisant valoir qu'elle avait accompli au total 149h75 de travail à titre d'heures complémentaires sans recevoir aucune contrepartie financière ni bénéficier de temps de repos. Elle ajoute que les salaires prévus par la convention collective nationale des pompes funèbres n'ont pas été appliqués.

Dans ses conclusions Mme X... reproche aussi à l'employeur la modification unilatérale de son contrat de travail, la durée hebdomadaire de travail passant à 30 heures.

A l'appui de sa demande de paiement d'heures complémentaires Mme X... produit ses bulletins de salaire à compter de mai 2011, et pour chaque mois, une feuille de présence mentionnant les heures de travail effectuées quotidiennement, tant le matin que l'après midi, avec indication de la nature des tâches qui lui étaient confiées.

Il ressort de la comparaison entre d'une part le nombre d'heures payées à la salariée, figurant sur ses bulletins de salaire, et d'autre part le nombre d'heures de travail figurant sur les feuilles de présence de Mme X..., que les heures complémentaires effectuées n'ont pas été payées par l'employeur.

Ainsi par exemple, le total des heures travaillées en mai 2011atteint 151 h 15 mn, alors qu'il n'a été réglé à la salariée que 124,04 heures de travail.

Il doit être relevé que dans le décompte des heures complémentaires, le salarié a tenu compte des quelques heures de récupération qui lui ont été accordées.

En conséquence, au vu de la comparaison des bulletins de salaire et des feuilles de présence versés au débat, la demande de paiement d'heures complémentaires est justifiée. Il sera donc fait droit à la demande de paiement de la somme de 1167,64 euros sollicitée à ce titre par Mme X....

Le non-paiement des heures complémentaires pendant plusieurs années constitue un manquement grave de l'employeur à ses obligations contractuelles. En conséquence il y a lieu de considérer comme étant justifiée la prise d'acte de rupture du contrat de travail par le salarié aux torts de l'employeur, ladite rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes indemnitaires de Mme X... :

Compte tenu de l'ancienneté de Mme X... supérieure à deux ans, et en application des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail, la salariée a droit à une indemnité compensatrice de préavis équivalente à deux mois de salaire, soit la somme de 2503,80 euros, en appliquant le taux horaire conventionnel de 9,63 euros pour 130 heures mensuelles de travail.

Mme X... ayant une ancienneté remontant au 26 octobre 2009, comme mentionnée sur les bulletins de salaire, et ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail le 18 décembre 2014, bénéficie d'une ancienneté totale de 5 ans et 3 mois à la fin de son préavis. En conséquence par application des dispositions des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail, elle a droit à une indemnité légale de licenciement d'un montant de 1314,50 euros.

Mme X... est fondée à revendiquer le bénéfice d'un solde de congés payés de 27 jours, comme mentionné sur les bulletins de salaires versés au débat. Par ailleurs il résulte des dispositions de l'article L. 3141-5 du code du travail que les périodes de congé maternité sont assimilées à des périodes de travail effectif pour déterminer les droits à congés acquis par la salariée. En conséquence il s'ajoute ainsi 17,50 jours de congés payés au profit de Mme X..., soit au total 44,50 jours. Elle doit donc être indemnisée, pour ces congés non pris, à hauteur de 1836,12 euros.

Compte tenu de l'ancienneté de Mme X... au sein de la Sarl POMPES FUNEBRES KARUKERA, mais aussi compte tenu du fait qu'elle ne justifie pas de sa situation professionnelle, financière et matérielle à la suite de la rupture de son contrat de travail, et l'entreprise ayant moins de 10 salariés comme Mme X... l'a mentionné elle-même dans sa requête introductive d'instance, l'indemnité réparant le préjudice résultant de la rupture du contrat de travail sera fixée à la somme de 3755 euros, correspondant à 3 mois de salaire.

L'examen des pièces versées au débat, à savoir les bulletins de salaire délivrés par l'employeur, mentionnant une ancienneté remontant au 26 octobre 2009, ainsi que les feuilles de présence des mois d'août et septembre 2010 la concernant, montre que la salariée a commencé à travaillé pour le compte de la Sarl POMPES FUNEBRES KARUKERA bien avant le contrat de travail écrit du 1er octobre 2010. Aucun bulletin de salaire n'ayant été délivré à Mme X... avant la conclusion du contrat de travail écrit du 1er octobre 2010, ce manquement prolongé de l'employeur à l'obligation de délivrer des bulletins de salaire, est constitutif de faits de travail dissimulé tels que prévus par l'article L. 8221-5 du code du travail. Ces faits étant sanctionnés par l'article L. 8223-1 du code du travail, il y a lieu de condamner la Sarl POMPES FUNEBRES KARUKERA à payer à Mme X... la somme de 7511,40 euros correspondant à 6 mois de salaire, comme le prévoit ledit article.

La Sarl POMPES FUNEBRES KARUKERA devra délivrer à Mme X... un certificat de travail rectifié tenant compte du préavis se terminant le 18 février 2015, et une nouvelle attestation Pôle Emploi mentionnant comme motif de rupture "prise d'acte de rupture" et non "démission".

La Sarl POMPES FUNEBRES KARUKERA sera également tenue de délivrer des bulletins de salaire pour la période de travail du 26 octobre 2009 à septembre 2010, et un bulletin de paie complémentaire mentionnant le versement du rappel de salaire et d'indemnité de congés payés, ainsi que des indemnités légales de rupture.

Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de Mme X... les frais irrépétibles qu'elle a exposés, il lui sera alloué la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré,

Et statuant à nouveau,

Dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail de Mme X... aux torts exclusifs de l'employeur est justifiée et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la Sarl POMPES FUNEBRES KARUKERA à payer à Mme X... les sommes suivantes :

-247,96 euros à titre de rappel de salaire,

-24,79 euros à titre d'indemnité de congés payés sur rappel de salaire,

-1167,64 euros au titre des heures complémentaires de travail,

-3755 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-2503,80 à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-250,38 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

-1314,50 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

-1836,12 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

-7511,40 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

-800 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que la Sarl POMPES FUNEBRES KARUKERA devra délivrer à Mme X... dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt :

-un certificat de travail rectifié tenant compte du préavis se terminant le 18 février 2015,
-une nouvelle attestation Pôle Emploi mentionnant comme motif de rupture "prise d'acte de rupture" et non "démission".
-ses bulletins de salaire pour la période de travail du 26 octobre 2009 à septembre 2010,
-un bulletin de paie complémentaire mentionnant le versement des rappels de rémunération et des indemnités légales de rupture,

Dit que chaque jour de retard passé ce délai, sera assorti d'une astreinte de 20 euros par jour,

Dit que les entiers dépens sont à la charge de la Sarl POMPES FUNEBRES KARUKERA,

Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 16/011981
Date de la décision : 18/06/2018
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2018-06-18;16.011981 ?
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