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28/05/2018 | FRANCE | N°16/010791

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 02, 28 mai 2018, 16/010791


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

2ème CHAMBRE CIVILE

ARRÊT No 446 DU 28 MAI 2018

R.G : 16/01079 VMG/EK

Décision déférée à la cour : jugement au fond, origine tribunal de grande instance de POINTE A PITRE, décision attaquée en date du 06 mai 2016, enregistrée sous le no 11/02812

APPELANT :

Monsieur Claude X...
[...] / GUADELOUPE
représenté par Me Marie-michelle Y... de la SCP Z... , (TOQUE 108) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMES :

Maître Marie-Agnès A...
es qualités de liquidateur de Monsieur B...

Gérard Pierre
[...]
représentée par Me Serge L... de la SELARL C... , (TOQUE 84) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MAR...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

2ème CHAMBRE CIVILE

ARRÊT No 446 DU 28 MAI 2018

R.G : 16/01079 VMG/EK

Décision déférée à la cour : jugement au fond, origine tribunal de grande instance de POINTE A PITRE, décision attaquée en date du 06 mai 2016, enregistrée sous le no 11/02812

APPELANT :

Monsieur Claude X...
[...] / GUADELOUPE
représenté par Me Marie-michelle Y... de la SCP Z... , (TOQUE 108) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMES :

Maître Marie-Agnès A...
es qualités de liquidateur de Monsieur B... Gérard Pierre
[...]
représentée par Me Serge L... de la SELARL C... , (TOQUE 84) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Madame D... Marie-Claude E...
[...]
[...]
représentée par Me Camille F..., (TOQUE 27) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

SCI LES TROIS MORANDAIS
[...]/ GUADELOUPE
représentée par Me Chantal G..., (TOQUE 03) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

SA COMPAGNIE LES MUTUELLES DU MANS IARD

[...]
représentée par Me Hugues I... de la SELARL JFM, (TOQUE 34) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

MINISTÈRE PUBLIC :

Le dossier a été communiqué à M. Eric RAVENET, substitut général, qui a fait connaître son avis.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 mars 2018, en audience publique, devant Mme Valérie MARIE-GABRIELLE, conseillère, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans son délibéré composée de :
M. Francis BIHIN, président de chambre,
Valerie MARIE-GABRIELLE, conseillère,
M. André ROGER, conseiller,
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 23 avril 2018, prorogé le 28 mai 2018.

GREFFIER,

Lors des débats : Mme Sandra NAPRIX-MONTILLA, greffière.
Lors du prononcé : Mme Esther KLOCK, greffière.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. Signé par M. Francis BIHIN, président de chambre et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Suite au jugement du 24 mai 2007 ordonnant le redressement judiciaire de M. Gérard B..., le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a le 26 juillet 2007 prononcé la liquidation judiciaire de celui-ci et désigné Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur.

Suite à l'action introduite par assignations en date des 24 et 25 octobre 2011 et 02 avril 2013 délivrées à la demande de Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur de M. Gérard B..., le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre a, par jugement du 06 mai 2016 :
-déclaré irrecevables les demandes formulées par Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur de M. Gérard B... à l'encontre de ce dernier
-déclaré l'acte authentique du 30 juillet 2010 reçu par Maître Claude X... par lequel M. Gérard B... et Mme D... Marie-Claude E... ont vendu à la SCI Les Trois Morandais une parcelle de terre de 7 ares 77 centiares cadastrée section [...] située voie principale à [...] moyennant un prix de 450 000 euros, inopposable à la procédure de liquidation judiciaire dont fait l'objet M. Gérard B...

-condamné Maître Claude X... notaire à Pointe-à-Pitre à verser à Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur de M. Gérard B..., la somme de 410 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2011
-condamné la compagnie les mutuelles du Mans assurances à garantir Maître Claude X... de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre par le présent jugement y compris les dépens et frais non compris dans les dépens
-condamné Maître Claude X... à verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes de 1 500 euros à Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur de M. Gérard B..., 1 500 euros à la SCI Les Trois Morandais, 1 000 euros à Mme D... E... divorcée B...
-ordonné l'exécution provisoire de la présente décision
-déclaré le présent jugement commun et opposable à Mme D... E... divorcée B...
-rejeté les autres demandes des parties
-ordonné la communication du présent jugement au procureur de la République prés le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre
-condamné Maître Claude X... aux dépens
-accordé à la SELARL Candelon-Berruetta le droit de recouvrer directement contre Maître Claude X... les dépens dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision

M. Claude X..., notaire et la compagnie d'assurances mutuelles du Mans (MMA) ont interjeté appel de ce jugement par déclaration d'appel en date des 18 juillet et 26 août 2016. Ces procédures ont été jointes par ordonnance du 21 octobre 2016.

Par arrêt du 19 février 2018, la cour d'appel de Basse-Terre a ordonné la réouverture des débats aux fins de notification par la SCI Les Trois Morandais de ses conclusions à l'ensemble des parties et communication du dossier au ministère public, a renvoyé l'affaire à l'audience du 19 mars 2018 et a réservé les dépens.

Par avis du 16 mars 2018, le parquet général s'en est remis à la sagesse de la cour.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 octobre 2016 et auxquelles il est renvoyé pour plus ample informé, M. Claude X..., notaire demande à la cour, au visa de l'article 1382 du code civil, de :
-constater que Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur de M. Gérard B... n'ignorait pas les conditions de la vente avec la SCI Morandais suite à la promesse dont elle a été destinataire
-constater le défaut de réponse à conclusions sur ce point du jugement du 06 mai 2016 au tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre
-constater que Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur de M. Gérard B... n'établit pas l'existence d'un préjudice matériel pour les créanciers en raison des règlements effectués par Maître Claude X...
-constater que le jugement du 06 mai 2016 ne tient pas compte de la somme de 152 339 euros versée au patrimoine de M. B...
-en conséquence, infirmer le jugement du 06 mai 2016 en ce qu'il a condamné Maître Claude X... à verser à Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur de M. Gérard B... la somme de 410 000 euros

-statuant de nouveau, débouter Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur de M. Gérard B... de toutes ses demandes
-donner acte à la compagnie d'assurances MMA de son intervention volontaire et dire qu'elle garantira son assuré, Maître Claude X... de toute condamnation éventuelle qui serait prononcée à son encontre
-condamner Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur de M. Gérard B... à payer à Maître Claude X... la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
-condamner Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur de M. Gérard B... aux entiers dépens dont distraction au profit de la Z...

M.Claude X..., notaire, fait valoir :
-l'inaction de Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur, dés la signature de la promesse de vente signée entre les parties en 2009 pourtant portée à sa connaissance
-l'absence de publication du jugement de liquidation judiciaire à la date de la vente notariée
-le suivi à son étude de ce dossier par M. J..., clerc, ce qui explique qu'il ignorait à titre personnel la liquidation judiciaire frappant M. B... et qui ne peut caractériser un défaut de vigilance ou une intention frauduleuse de sa part
-le paiement par son étude des créanciers inscrits à la suite de l'ordonnance du juge commissaire à savoir le trésor public de la commune de Petit-Bourg et le crédit agricole lesquels ont été désintéressés à hauteur des sommes de 122 583.60 euros et 9 533.78 euros outre les frais (62.39 euros et 10 380 euros)
-la nature du bien en cause, les sommes dues au titre de la liquidation de M. B... ne pouvant concerner la totalité - mais la moitié- du prix de la vente puisque le bien vendu constituait un bien commun entre les époux divorcés depuis 1999, Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur s'étant d'ailleurs dans un premier temps gardée d'assigner en la cause Mme E... divorcée B...
-l'application erronée par les premiers juges de l'article R. 643-3 du code de commerce applicable en réalité à la vente par adjudication des immeubles dans le cadre d'une liquidation judiciaire non à la vente amiable
-l'absence de faute du notaire et de préjudice à l'endroit de Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur ou des créanciers, les règles de l'article 1382 du code civil qui seraient applicables aux faits de l'espèce ne trouvant pas application
-l'inanité de la demande de dommages et intérêts formulée par la SCI Les trois Morandais

Dans ses ultimes écritures notifiées par voie électronique le 19 décembre 2016 et auxquelles il est renvoyé pour plus ample informé, Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur de M. Gérard B... demande à la cour, de :
-la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident et réformer pour partie le jugement déféré
-débouter Maître Claude X... et la compagnie les mutuelles du Mans de leurs demandes, fins et conclusions comme infondées
-déclarer l'acte de Maître X... du 30 juillet 2010 inopposable à la liquidation judiciaire de M. B... sur le fondement de l'article L. 641-9 du code de commerce
-dire et juger que du seul fait de cette inopposabilité, le paiement du prix non remis à Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur n'est pas libératoire envers elle
-réformer le jugement en ce qu'il faut inclure dans le prix à reverser l'acompte de 40 000 euros transmis à Maître X... et dissipé comme le reste du prix au détriment de Mme Marie-Agnès A... es qualités

-confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Maître X... à payer une indemnité sur l'article en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens
-condamner la SCI Les Trois Morandais et Maître Claude X... solidairement ou l'un à défaut de l'autre à payer à Mme Marie-Agnès A... es qualités la totalité du prix de vente soit 450 000 euros avec intérêts de droit sur le fondement exclusif de l'inopposabilité de l'article L. 641-9 du code de commerce
-déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à Mme E...
-déclarer la compagnie les Mutuelles du Mans tenue à garantir Maître Claude X... de toutes condamnations envers Mme Marie-Agnès A... es qualités
-condamner la SCI Les Trois Morandais et Maître Claude X... solidairement ou l'un à défaut de l'autre à payer à Mme Marie-Agnès A... es qualités la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec faculté de recouvrement direct pour la Selarl C... , avocat, à propos de ses droits, frais et débours conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur de M. Gérard B... soutient que :
-dans l'optique de réaliser les actifs de la liquidation judiciaire de M. Gérard B... prononcée le 26 juillet 2007 par le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre, le bien immobilier en cause a été expertisé à sa demande par M. Jean-Pierre K..., expert, à la somme de 112 405 euros puis fait l'objet d'une vente de gré à gré autorisée par le juge commissaire le 16 juin 2009 moyennant le prix de 450 000 euros et confiée à M. Claude X..., notaire à Pointe-à-Pitre
-plusieurs courriers portant sur l'avancement du dossier de vente ont été échangés avec l'étude notariale jusqu'au 23 août 2010 où cette dernière l'a informée de la réalisation de la vente, hors sa présence, dés le 30 juillet 2010 au profit de la SCI Les Trois Morandais
-la réduction de la somme de 40 000 euros représentant l'acompte versée par la SCI sur le prix de vente effectuée par le tribunal est indue puisque cette somme a été reversée au notaire par le liquidateur avant la réalisation de la vente
-c'est à raison que le tribunal s'est placé -non sur le terrain de la faute et de l'article 1382 du code civil- mais sur les dispositions de l'article L. 641-9 du code de commerce lequel impose le versement du prix de vente au liquidateur et rend inopposable cette cession à la procédure collective, indépendamment de toute notion de préjudice
-l'inopposabilité de la vente et du prix implique l'impossibilité pour le notaire d'effectuer la répartition du prix y compris auprès de Mme E... divorcée B..., les créances admises devant être partagées au vu de leur nature, celle de l'AGS étant en l'espèce prioritaire sur celle du trésor public qui n'a pas déclarée de créance hypothécaire
-en vertu de l'exécution provisoire prononcée, la compagnie d'assurances les mutuelles du Mans lui a fait parvenir le 06 septembre 2016 un chèque de 423 541,88 euros en règlement des causes du jugement querellé

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 novembre 2016 et auxquelles il est renvoyé pour plus ample informé, la société les mutuelles du Mans assurances demande à la cour, au visa des articles 1382 du code civil et L. 237-2 et suivants du code de commerce, de :
-infirmer le jugement du 06 mai 2016 en ce qu'il a condamné Maître X... à payer à Maître A... es qualités, la somme de 410 000 euros

-débouter Maître A... es qualités de l'ensemble de ses demandes dirigées contre Maître X... comme mal fondées
-débouter la SCI Les Trois Morandais de l'ensemble de ses demandes dirigées contre Maître X...

La société les mutuelles du Mans font valoir que :
-Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur ayant reçu le règlement de la somme de 40 000 euros à titre d'acompte aurait dû solliciter du notaire la régularisation de cette promesse par sa présence dès ce stade
-Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur ne peut réclamer le paiement de la somme de 450 000 euros alors que le solde du prix de vente a été réparti par Maître X... entre les mains des propriétaires après paiement des créanciers inscrits et des frais liés à la vente, que Mme E... divorcée B... est étrangère à la procédure de liquidation judiciaire et que ces personnes, sauf à consentir un enrichissement sans cause, ne peuvent recevoir à deux reprises paiement de leurs droits
-la cession est parfaitement valable et emporte tous ces effets sans préjudice pour l'acquéreur, seule la cession des droits indivis de M. B... sur l'immeuble pouvant être inopposable à la procédure collective
-les demandes de Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur ne peuvent être fondées que sur les articles 1382 et suivants du code civil dont les conditions ne sont pas remplies, la réparation du préjudice inexistant en l'espèce, devant être intégrale, sans perte, ni profit
-la SCI Les Trois Morandais ayant parfaitement connaissance de la procédure de liquidation judiciaire en cours concernant M. B... ne peut se prévaloir de sa propre turpitude et réclamer outre la garantie de l'assureur, le paiement de dommages et intérêts en l'absence au surplus de la preuve d'un préjudice
Dans ses ultimes écritures notifiées par voie électronique le 12 mars 2018 et auxquelles il est renvoyé pour plus ample informé, la SCI Les Trois Morandais demande à la cour, de:
-constater que la vente ordonnée par le juge commissaire était parfaite dés le prononcé de l'ordonnance du 16 juin 2009
-dire et juger que l'inopposabilité ne peut sanctionner l'irrégularité d'un acte réalisant une vente parfaite
-dire et juger que la vente de cet immeuble à la SCI est opposable à la liquidation de M. B...
-débouter Maître A... de sa demande tendant au versement du prix de vente
-condamner solidairement Maître X... et la mutuelle du Mans Assurance à garantir la SCI Les Trois Morandais de toutes condamnations au bénéfice de Maître A... liées à l'acte notarié du 30 juillet 2010
-constater que Maître X... a failli à son obligation d'efficacité et de conseil vis à vis de la SCI Les Trois Morandais
-condamner solidairement Maître X... et la mutuelle du Mans assurance à verser à la SCI Les Trois Morandais 20 000 euros à titre de dommages et intérêts
-condamner la partie succombant à lui payer 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
-débouter toutes les parties du surplus de leurs demandes

La SCI les Trois Morandais soutient que :
-l'inopposabilité réclamée ne peut être appliquée à la vente dont s'agit laquelle a eu l'assentiment du liquidateur et est parfaite dés l'ordonnance du juge commissaire assortie de l'autorité de la chose jugée
-elle a respecté l'ensemble de ses obligations d'acquéreur notamment en payant le prix fixé entre les mains du notaire instrumentaire et ne peut voir engager sa responsabilité du fait d'une mauvaise répartition du prix par ce dernier

-subsidiairement, seul le notaire, tenu de garantir la sécurité juridique des actes qu'il instrumente peut être déclaré responsable de l'irrégularité de l'acte de vente en cause et de la dispersion du prix, aucune faute ou négligence fautive pouvant être reprochée à la SCI
-à titre infiniment subsidiaire, dans tous les cas, au regard de la faute professionnelle grave commise par Maître X..., il appartient à celui-ci et à son assureur de garantir la SCI à réparer le dommage qui ne peut être que la part du prix de vente revenant à M. B...
-le manque de diligence et de rigueur de l'étude X... l'a conduit devant les juridictions et lui cause un préjudice d'image et de jouissance qu'il convient de réparer

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 04 mars 2017 et auxquelles il est renvoyé pour plus ample informé, Mme E... demande à la cour, de :
-confirmer intégralement le jugement du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre du 06 mai 2016
-condamner outre les dépens Maître X... à lui payer 2 000 euros de frais irrépétibles

Mme E... divorcée B... soutient que :
-le bien en cause est un acquêt de communauté, le divorce des époux ayant été prononcé par jugement du 20 mai 1999
-Maître X..., notaire, en omettant d'appeler Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur de M. Gérard B... à la signature de l'acte de vente a commis une erreur qu'il a reconnue
-la vente conclue n'est pas frappée de nullité et doit être considérée comme parfaite en vertu de l'article 1583 du code civil

MOTIFS DE LA DÉCISION

En préalable, il y a lieu de rappeler aux parties que la cour est saisie par le dispositif des dernières écritures des parties régulièrement échangées.

Sur la recevabilité de l'appel

En application des articles 543 et suivants du code de procédure civile, l'appel interjeté, dont les conditions et délais n'ont pas été contestés, sera déclaré recevable.

Sur l'inopposabilité de l'acte de vente

L'article L. 641-9, alinéa 1, du code de commerce applicable aux faits de l'espèce dispose que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a suivant jugement du 24 mai 2007, prononcé la liquidation judiciaire de M. Gérard B... et que dans le cadre de cette procédure, le juge commissaire a par ordonnance du 16 juin 2009 régulièrement ordonné la vente de gré à gré au profit de la SCI les Trois Morandais, moyennant la somme de 450 000 euros, du bien immobilier cadastré [...] lieudit [...] d'une contenance de 7 ares 77 centiares, appartenant en indivision aux ex-époux B....

Or, suivant acte passé le 30 juillet 2010 par M.Claude X..., notaire à Pointe-à-Pitre, M. Gérard B... et Mme D... E... divorcée B... ont vendu à la SCI les Trois Morandais cette parcelle de terre moyennant le prix de 450 000 euros sans que Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur de M. Gérard B... ne soit appelée et n'intervienne, en aucune manière, à cet acte de disposition.

Aussi, il est constant que par l'effet du jugement qui a prononcé la liquidation judiciaire, le débiteur M.B... se trouve dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée et est donc remplacé pendant toute la durée de la liquidation, dans l'exercice de ses droits et actions, par le liquidateur.
Il s'ensuit que le débiteur dessaisi ne peut plus conclure de contrats ou procéder au recouvrement de ses créances.

C'est à tort que M.Claude X..., notaire instrumentaire, fait valoir son ignorance de cette procédure de liquidation judiciaire ou l'inaction fautive de Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur de M. Gérard B... lors de la promesse de vente établie en 2009 alors qu'il apparaît des pièces du dossier que l'étude notariale a envoyé à Mme Marie-Agnès A... es qualités, un chèque d'un montant de 40 000 euros établi le 26 mai 2009 à son ordre par l'acquéreur et correspondant à l'indemnité d'immobilisation réglée par la SCI Les Trois Morandais.

Par ailleurs, en préparation de l'acte de vente, cet argent a été réclamé à Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur, laquelle l'a renvoyé à M. Claude X... notaire, par chèque en date du 08 juin 2010 tiré sur son compte Caisse des dépôts et consignations. De plus, de très nombreux courriers produits aux débats et échangés entre le notaire chargé de la vente et le liquidateur (en date des 22 juin et 03 juillet 2010, des 12 janvier, 15 janvier, 02 mars, 10 mai 2010) démontrent que cette procédure de liquidation judiciaire était connue de l'étude notariale, M. Claude X..., notaire instrumentaire, ne pouvant se suffire de la carence de son clerc.
C'est par courrier du 23 août 2010 que Mme A... es qualités de liquidateur a connaissance par l'étude notariale que l'acte de vente a été conclu entre les parties le 30 juillet 2010. Aussi, cette dernière, face à ses manquements ne peut reprocher utilement à Mme A... d'avoir tardé à faire valoir ses observations.

Cet argumentaire s'oppose également aux moyens similaires inopérants exposés par la société Les mutuelles du Mans assurances.

Dès lors, il est clair que les actes accomplis au mépris des règles relatives au dessaisissement sont frappés - non de nullité - mais d'inopposabilité à la procédure collective, peu important l'absence de publication du jugement d'ouverture au BODACC, les parties en cause en ayant connaissance.

En conséquence, par des motifs pertinents que la cour adopte, les dispositions de l'article L. 641-9 du code de commerce, d'ordre public, étant parfaitement applicables aux faits de l'espèce, le jugement querellé sera confirmé de ce chef.

Sur la demande en paiement du prix de la vente

L'article R. 643-3, alinéa 3 du code de commerce, énonce qu'en cas de vente de gré à gré, le notaire chargé de la vente remet le prix, dès sa perception, au liquidateur.

Aussi, il y a lieu de préciser que cet article, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, prévoit des dispositions tant pour les ventes par adjudication que pour les actes de gré à gré ainsi que formulé supra.

Il est constant qu'outre l'absence de Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur de M. Gérard B... à l'acte de vente, le montant de la transaction ne lui a pas été remis, M.Claude X..., notaire reconnaissant avoir réparti le solde du prix entre les ex-époux B... (à chacun 152 339 euros) après paiement de la créance du trésor public (122 583.60 euros et les sommes de 10 380 euros et 62,39 euros au titre des frais d'inscription et de radiation) et du Crédit Agricole (9 533,78 euros).

Or, il est clair que dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire, le prix de vente des biens réalisés doit impérativement être remis au liquidateur chargé de le répartir entre les créanciers, en tenant compte, s'il y a lieu, des causes de préférence dont bénéficient certains d'entre eux. A ce sujet, Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur, verse au dossier le récapitulatif de la ventilation du passif déclaré de M. B... en date du 18 avril 2008.

C'est aussi au liquidateur de tenir compte des droits du conjoint du débiteur en fonction de la situation matrimoniale des intéressés. Ainsi, la charge de la répartition revenant au liquidateur en fonction de ces règles de répartition, non respectées par le notaire, dont ce n'est pas dans tous les cas la compétence en cas de procédure collective, il ne peut être soutenu le risque d'un enrichissement sans cause des créanciers, le résultat de la liquidation étant établi à la clôture de la procédure collective. A cet effet, il a été jugé qu'un paiement fait au débiteur dessaisi est inopposable au liquidateur qui peut recevoir un second règlement.

Il y a lieu de souligner que contrairement à ce qui est soutenu par M. Claude X..., et la société d'assurances les mutuelles du Mans, en l'espèce, il n'y a pas lieu de rechercher la preuve d'une faute du notaire et d'un préjudice sous le fondement de l'article 1382 du code civil, l'acte de vente étant dans tous les cas, inopposable à la procédure collective.

Dés lors, c'est à raison que le premier juge a fait droit à la demande en paiement du prix présentée par Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur de M. Gérard B... laquelle est fondée au regard des pièces produites de réclamer en sus le paiement de la somme supplémentaire de 40 000 euros remise, en retour, le 08 juin 2010 à M. Claude X..., notaire.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé sauf à inclure en sus dans le prix à verser ladite somme de 40 000 euros et dire que la somme de 450 000 euros à régler par M. Claude X..., notaire à Mme Marie-Agnès A... es qualité de liquidateur sera assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement querellé.

Sur la demande en paiement du prix dirigé à l'endroit de la SCI Les Trois Morandais

L'article 1239 ancien du code civil applicable aux faits de l'espèce dispose que le payement doit être fait au créancier, ou à quelqu'un ayant pouvoir de lui, ou qui soit autorisé par justice ou par la loi à recevoir pour lui. Le payement fait à celui qui n'aurait pas pouvoir de recevoir pour le créancier, est valable, si celui-ci le ratifie, ou s'il en a profité.

En l'espèce, conformément aux termes de l'ordonnance du juge commissaire en date du 16 juin 2009 autorisant la vente de gré à gré et des dispositions précitées de l'article R. 643-3 du code de commerce, c'est régulièrement que la SCI Les Trois Morandais s'est libérée du prix de la vente entre les mains de M. Claude X..., notaire, chargé de cette dernière.

Il ne peut être reproché à la SCI Les Trois Morandais bien qu'ayant connaissance
-comme le notaire- de la procédure de liquidation judiciaire de n'avoir pas réglé le prix entre les mains de Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur de M. Gérard B... puisque Maître X..., notaire et donc professionnel chargé des mutations immobilières avait obligation de recevoir les fonds et de les remettre au liquidateur.

Dés lors, c'est à raison que le premier juge a considéré que le paiement de la SCI les Trois Morandais était libératoire et que les demandes en paiement dirigées à son encontre devront être rejetées.

En conséquence, le jugement querellé sera confirmé sur ce point.

Sur la garantie de la société d'assurances les mutuelles du Mans

En application de l'article 13 du décret du 20 mai 1955, les notaires sont tenus d'assurer leur responsabilité civile professionnelle.

En l'espèce, cette garantie n'est pas contestée par la société les mutuelles du Mans, assureur de M. Claude X..., notaire. Il est donc de juste appréciation de dire que celle-ci devra garantir son assuré de toutes condamnations prononcées contre lui.
En conséquence, il y aura lieu de confirmer le jugement entrepris de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts présentée par la SCI

L'article 1382 ancien du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

A l'appui de sa demande de réparation des préjudices d'image et de jouissance allégués, la SCI Les Trois Morandais ne verse aucune pièce probante au dossier et la preuve de l'existence de ces dommages n'est pas établie.

Cette prétention faite à ce titre sera purement et simplement rejetée et le jugement querellé confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

Vu les circonstances de la cause, il est de juste appréciation de dire que la présente décision sera commune et opposable à Mme D... E... ex-épouse B....

M Claude X..., notaire, succombant, sera condamné au paiement des entiers dépens d'appel dont distraction au profit de l'avocat constitué qui en a fait la demande et d'une indemnité de procédure de 1 500 euros en faveur de Mme Marie-Agnès A... es qualité, de 1 500 euros en faveur de la SCI les Trois Morandais et de 1 500 euros en faveur de Mme D... E... .

Les autres demandes plus amples ou contraires seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

Déclare l'appel recevable ;

Au fond, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné M.Claude X... notaire à Pointe-à-Pitre à verser à Mme Marie-Agnès A... es qualité de liquidateur de M. Gérard B... la somme de 410 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2011 ;

Statuant à nouveau sur le chef infirmé,

Condamne M.Claude X... notaire à Pointe-à-Pitre à verser à Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur de M. Gérard B... la somme de 450 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement en date du 06 mai 2016 ;

Dit la société Les mutuelles du Mans assurances tenue de garantir M.Claude X..., notaire de toutes condamnations prononcées à son endroit ;

Y ajoutant,

Condamne M. Claude X..., notaire à payer à la SCI Les Trois Morandais et à Mme D... E... une indemnité de procédure de 1 500 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. Claude X..., notaire à payer à Mme Marie-Agnès A... es qualités de liquidateur de M. Gérard B... une indemnité de procédure de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance d'appel dont distraction au profit de la SELARL Candelon-Berruetta ;

Déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires;

Et ont signé le greffier et le président ;

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 02
Numéro d'arrêt : 16/010791
Date de la décision : 28/05/2018
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2018-05-28;16.010791 ?
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