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16/04/2018 | FRANCE | N°16/015841

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 02, 16 avril 2018, 16/015841


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

2ème CHAMBRE CIVILE

ARRÊT No 310 DU 16 AVRIL 2018

R.G : 16/01584 FB/EK

Décision déférée à la cour : jugement Au fond du juge de l'exécution de du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, décision attaquée en date du 18 octobre 2016, enregistrée sous le no 16/02284

APPELANTE :

Madame Brigitte X...
[...]
représentée par Me Yves A... B... A... AVOCAT S.E.L.A.S., (TOQUE 06) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE :

SARL GROS CAILLOUX SARL
au capital de 10000 euros pri

se en la personne de sa gérante en exercice Mme Fanny Y... demeurant [...]
représentée par Me Myriam C... , (TOQUE 114)...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

2ème CHAMBRE CIVILE

ARRÊT No 310 DU 16 AVRIL 2018

R.G : 16/01584 FB/EK

Décision déférée à la cour : jugement Au fond du juge de l'exécution de du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, décision attaquée en date du 18 octobre 2016, enregistrée sous le no 16/02284

APPELANTE :

Madame Brigitte X...
[...]
représentée par Me Yves A... B... A... AVOCAT S.E.L.A.S., (TOQUE 06) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE :

SARL GROS CAILLOUX SARL
au capital de 10000 euros prise en la personne de sa gérante en exercice Mme Fanny Y... demeurant [...]
représentée par Me Myriam C... , (TOQUE 114) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 Février 2018, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Francis BIHIN, président de chambre,
Mme Rozenn LE GOFF, conseillère,
Mme Valérie MARIE GABRIELLE, conseillère.
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 16 AVRIL 2018

GREFFIER,

Lors des débats Mme Maryse PLOMQUITTE, greffière.
Lors du prononcé de l'arrêt : Mme Esther KLOCK, greffière.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. Signé par M. Francis BIHIN, président de chambre et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****
FAITS ET PROCEDURE

Par jugement définitif du 26 juin 2013, le tribunal d'instance de [...] a ordonné l'expulsion à défaut de départ volontaire de Mme Brigitte X... de l'appartement appartenant à la SARL Gros Cailloux, qu'elle occupait avec M. François X... avant le décès de son mari et a condamné Mme X... à verser une indemnité d'occupation à compter du 1er juillet 2010.

Le 2 avril 2014, la SARL Gros Cailloux a fait signifier à Mme veuve X..., un commandement aux fins de saisie-vente pour le recouvrement de sa créance.
Par jugement du 16 décembre 2014, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre ayant constaté que le commandement n'avait pas été suivi d'un acte de saisie, a déclarée sans objet la contestation élevée par Mme X... et a rejeté sa demande de compensation de créances avec celle qu'elle prétend détenir à l'encontre de la SARL Gros Cailloux.

Le 13 mai 2015, le juge du tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre a autorisé la saisie des rémunérations de Mme X... en vertu du jugement du tribunal d'instance de Paris, après avoir fixé la créance de la SARL Gros Cailloux à la somme de 65 847,35 euros.

Le 11 avril 2016, la SARL Gros Cailloux a fait procéder à la saisie-attribution de la somme de 22 500 euros au titre des dividendes non distribués détenus par la SCI Defer au bénéfice de Mme Brigitte Z... veuve de M. François X..., pour le recouvrement forcé d'une créance de 73 955,84 euros, incluant un principal de 60 800 euros outre les accessoires, les intérêts et les frais, en vertu des jugements rendus les 26 juin 2013, 16 décembre 2014 et 13 mai 2015.

Par jugement du 18 octobre 2016, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre saisi de la contestation élevée par Mme Brigitte X... contre la dernière mesure d'exécution forcée, a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée et a déboutée la requérante de l'ensemble de ses demandes.

Par déclaration remise au greffe le 28 octobre 2016, Mme Brigitte X... a interjeté appel du jugement en intimant la SARL Gros Cailloux.

Les parties ont conclu.

L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 5 février 2018.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

A/- l'appelante :

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 12 janvier 2018 par lesquelles Mme X... demande à la cour de :
- constater la fin de non-recevoir tirée du principe de l'estoppel relative à l'existence d'une contradiction au détriment de l'appelante par laquelle la saisie a été effectuée sur des droits pourtant contestés par le saisissant,
- déclarer irrecevables les prétentions de la SARL Gros Cailloux,

A titre subsidiaire,
- constater l'existence d'une créance certaine, liquide et fongible, d'un montant de 910 595 euros, détenue par Mme Brigitte X... à l'encontre de Gros Cailloux, correspondant à ses droits d'usufruitier sur le compte courant de François X...,
- prononcer la compensation de cette somme avec la condamnation prononcée par le tribunal d'instance de Paris, soit à hauteur de 61 800 euros,
- dire que les frais d'huissier engagés après compensation restent à la charge de Gros Cailloux,
A titre encore plus subsidiaire,
- constater l'abus de saisie pratiquée par la société Gros Cailloux à l'encontre de Mme Brigitte X...,
En tout état de cause,
- ordonner la mainlevée de la saisie-attribution des dividendes,
- condamner la société Gros Caillou à payer à Mme Brigitte X... la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux dépens.

Mme Brigitte X... reproche au premier juge de l'avoir déboutée de ses demandes alors selon l'appelante, que :
1o/ la SARL Gros Cailloux se contredit au détriment de l'appelante en lui reconnaissant sa qualité d'usufruitière lors de la saisie et en contestant cette qualité lorsque cette dernière invoque la compensation. Cette contradiction emporte la fin de non-recevoir des prétentions de l'intimée.
2o/ l'acceptation du conjoint survivant de la libéralité consentie par M. X... par acte authentique, à proportion d'un quart en propriété et de trois quarts en usufruit, permet l'exercice du droit d'usufruit sur l'actif successoral avant tout partage. L'appelante a vocation à réclamer le remboursement du compte courant d'associé ouvert au nom de M. X....
3o/ l'usufruitier de l'indivision successorale n'a pas à attendre la liquidation de la succession pour profiter des fruits.
4o/ l'autorité de la chose jugée assortissant le jugement du juge de l'exécution rendu le 2 avril 2014, ayant rejeté la demande de compensation de la créance de l'intimée avec la créance détenue contre la SARL Gros Cailloux correspondant au compte courant d'associé, ne peut être opposée, dès lors que le juge de l'exécution n'a pas statué sur l'existence du compte courant et qu'il n'existe plus de d'ambiguïté, ni sur l'existence de ce compte, ni sur son exigibilité, ni sur sa liquidité.

B/- l'intimé :

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 9 mars 2017, par lesquelles la SARL Gros Cailloux demande à la cour de :
• In limine litis,
- se déclarer incompétente pour connaître de la demande de sursis à statuer, celle-ci relevant de la compétence du conseiller de la mise en état,
Sur l'appel incident,
- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SARL Gros Cailloux tirée de l'autorité de la chose jugée, s'agissant de la demande de compensation,
• Statuant à nouveau,
- constater que les demandes présentées par Mme Z... présentent le même objet et la même cause et sont présentées entre les mêmes parties que celles qu'elle a présentées devant le juge d'exécution de Pointe-à-Pitre dans l'instance du 14 avril et devant celle de la cour dans l'instance 15/837,
- constater que Mme X...Z... a été déboutée de l'intégralité de ses demandes par le juge de l'exécution de Pointe-à-Pitre, par décision du 16 décembre 2014 devenue définitive, et par arrêt de la présente cour du 30 janvier 2017,

- dire Mme X...Z... irrecevable en ses demandes, qui se heurtent à l'autorité de la chose jugée par le juge de l'exécution de Pointe-à-Pitre du 16 décembre 2014 et par l'arrêt du 30 janvier 2017,
- l'en débouter,
• Sur l'appel principal de Mme X...Z....
- constaté aux besoins dire et juger que la SARL gros cailloux ne s'est pas contredite au détriment de son adversaire,
Dire n'y avoir lieu à l'application de la règle de la théorie de l'estocade,
- confirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté Mme X...Z... de ses demandes tendant à voir constater l'abus de saisie pratiquée par la SARL Bocquet,
- confirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté Mme X...Z... de ses demandes subséquentes de mainlevée de la saisie-attribution de dividendes,
- débouté Mme X...Z... de son appel et de l'ensemble de ces réclamations,
• Subsidiairement,
- confirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté Mme X...Z... de sa demande tendant à voir constater l'existence d'une créance certaine liquide et exigible à son bénéfice relativement à la SARL gros cailloux et en présenter la compensation avec la condamnation prononcée par le très d'instance de [...] ,
- confirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté Mme X...Z... de ses demandes subséquentes de mainlevée de la saisie-attribution de dividendes,
- la débouter de son appel et de l'ensemble de ces réclamations.
En tout état de cause,
- condamner Mme Z... à verser à la SARL gros cailloux une indemnité de procédure de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuer ce que de droit quant à l'amende civile à laquelle Mme X...Z... s'expose en raison de son appel abusif et dilatoire par application de l'article 32-1 du code de procédure civile,
- condamner Mme X...Z... aux dépens.

La SARL Gros Cailloux réplique que :
1o/ la demande de sursis à statuer est soumise au régime des exceptions de procédure relevant de la compétence du conseiller de la mise en état. La demande présentée dans des conclusions au fond est irrecevable.
2o/ la qualité d'usufruitière de Mme X... n'est pas contestée. La saisie porte sur des dividendes que la SCI Defer s'apprêtait à lui distribuer, mais elle n'a pas vocation à agir en recouvrement du compte courant d'associé aussi longtemps que la créance en question ne sera pas affectée à son lot.
3o/ la demande de compensation se heurte à l'autorité de la chose jugée, tant par la décision du juge de l'exécution que de celle de la cour dans son arrêt du 30 janvier 2017.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la demande de sursis à statuer

Attendu que Mme X... ne reprend pas dans le dispositif de ses dernières conclusions, la demande de sursis à statuer ; Que la demande est par conséquent réputée abandonnée.

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'estoppel

Attendu que pour caractériser une violation du principe selon lequel « nul ne peut se contredire au détriment d'autrui », il est nécessaire que dans le cadre d'une seule et même procédure, la contradiction d'un plaideur porte non sur les « allégations » dont il a la charge pour fonder ses prétentions, mais sur ses prétentions elles-mêmes ;

Que le fait pour un plaideur de développer deux argumentations juridiques distinctes, même devant deux juges différents, ne constitue pas une violation du principe de l'estoppel, dès lors que ses prétentions ne sont pas contradictoires

Attendu que le reproche adressé par Mme X... à la SARL Gros Cailloux de se contredire quant à sa qualité d'usufruitière, ne caractérise pas une atteinte portée au principe de l'estoppel ;

Que de manière constante, dans le cadre de cette procédure, la SARL Gros Cailloux s'oppose à la demande de l'appelante, tendant au remboursement à son profit du compte courant d'associé ouvert au nom de feu M. François X... dans les livres de la société.

Que la fin de non-recevoir des demandes de la société Gros Cailloux est par conséquent rejetée.

Sur la demande contestée de mainlevée de la saisie-attribution des dividendes

Attendu que pour justifier sa demande de mainlevée de la saisie attribution pratiquée à son encontre le 11 avril 2016 par la SARL Gros Cailloux, pour parvenir au recouvrement des condamnations au paiement de la somme de 73 955,84 euros, en vertu des jugements rendus les 26 juin 2013, 16 décembre 2014 et 13 mai 2015, Mme Brigitte X... conclut à l'extinction de la créance par l'effet de la compensation avec une créance d'un montant supérieur que l'appelante détiendrait à l'encontre de la société Gros Cailloux.

Attendu que la SARL Gros Cailloux oppose la fin de non-recevoir de cette prétention de l'appelante en faisant valoir que celle-ci se heurte à l'autorité de la chose jugée.

Attendu selon l'article 122 du code de procédure civile, que toute prétention ayant déjà fait l'objet d'un jugement définitif revêtu de l'autorité de la chose jugée ne peut plus être soumise une nouvelle fois à un juge, quel qu'il soit.

Attendu que par arrêt du 30 janvier 2017, cette cour a déjà statué sur la demande présentée par Mme X... de voir ordonner de compensation de la créance détenue par la SARL Gros Cailloux à son encontre avec la créance dont elle se prétend titulaire contre cette société.

Attendu que la cour a pu constater dans les motifs de l'arrêt, que les conditions de la compensation réclamée par Mme X... n'étaient pas réunies, à défaut pour la créance alléguée de présenter un caractère certain, liquide et exigible.

Attendu que la qualité d'usufruitière de Mme X... qui l'autorise à percevoir les fruits des biens de l'actif successoral dans la limite de l'option des trois-quarts, ne l'autorise pas selon l'article 578 du code civil à en corrompre la substance ;

Que l'appelante ne démontre pas que l'acte de disposition consistant à obtenir le remboursement à son seul profit de la somme inscrite sur un compte courant d'associé non rémunéré au sein de la SARL Gros Cailloux, ouvert au nom de feu M. François X..., s'inscrit dans le cadre de ses prérogatives d'usufruitière ;

Qu'elle ne démontre pas d'avantage l'existence d'éléments nouveaux, ni que la somme en question inscrite sur le compte courant non rémunéré ait pu lui être attribuée depuis que la cour a statué, au titre de sa quote-part en pleine propriété d'un quart, dans le cadre des opérations de partage successoral en cours.

Attendu en conséquence, que le jugement critiqué rendu le 18 octobre 2016 par le juge de l'exécution, ayant rejeté la fin de non-recevoir présentée par la SARL Gros Cailloux sera infirmé sur ce point. Statuant à nouveau, il convient de déclarer irrecevable la demande de compensation reprise une nouvelle fois par Mme X..., comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée.

Sur l'abus de saisie

Attendu que le premier juge a, par des motifs pertinents que la cour adopte, débouté Mme Brigitte X... de sa demande tendant à voir déclarée abusive la saisie-attribution pratiquée par la SARL Gros Cailloux ;

Que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes.

Attendu que Mme Brigitte X... succombant est condamnée aux dépens ;

Qu'elle est aussi condamnée à verser à la SARL Gros Cailloux la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt rendu par mise à disposition au greffe,

Déboute Mme Brigitte X... de la fin de non-recevoir opposée aux demandes de la SARL Gros Cailloux tirée de l'estoppel ;

Infirme le jugement rendu le 18 octobre 2016 en ce qu'il a débouté la SARL Gros Cailloux de la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée de la demande de compensation de créances présentée par Mme Brigitte X... mais l'en ayant déboutée ;

Confirme le surplus des dispositions du jugement ;

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable la demande de compensation de créances présentée par Mme Brigitte X... qui se heurte à l'autorité de la chose jugé par l'arrêt de cette cour rendu le 30 janvier 2017 l'ayant déboutée de ce chef de demande ;

Valide en conséquence la mesure de saisie-attribution des dividendes non distribués détenus par la SCI Defer au bénéfice de Mme Brigitte Z... X... pratiquée le 11 avril 2016 par la SARL Gros Cailloux ;

Y ajoutant,

Condamne Mme Brigitte Z... X... à verser à la SARL Gros Cailloux la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme Brigitte Z... X... aux dépens.

Et ont signé le présent arrêt.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 02
Numéro d'arrêt : 16/015841
Date de la décision : 16/04/2018
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2018-04-16;16.015841 ?
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