La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/03/2018 | FRANCE | N°17/003371

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 12 mars 2018, 17/003371


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 112 DU DOUZE MARS DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : 17/00337

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre - section activités diverses - du 15 février 2017.

APPELANTE

Madame Armelle X...
[...]
[...]
Représentée par Maître Nadia Y... (Toque 18), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

INTIMÉE

Association HANDICAP GUADELOUPE
[...]
Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions

de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 janvier 2018, en audience publique, les avocats ne s'y ét...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 112 DU DOUZE MARS DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : 17/00337

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre - section activités diverses - du 15 février 2017.

APPELANTE

Madame Armelle X...
[...]
[...]
Représentée par Maître Nadia Y... (Toque 18), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

INTIMÉE

Association HANDICAP GUADELOUPE
[...]
Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 janvier 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Bernard Rousseau, président de chambre, chargé du rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bernard Rousseau, président de chambre, président,
Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller,
Madame Gaëlle Buseine, conseiller,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 12 mars 2018

GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier principal

ARRÊT :

Défaut, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

Il résulte des explications et pièces fournies par les parties, les éléments suivants.

Mme Armelle X... a été embauchée en qualité d'agent administratif par l'association Accueil service jeunes handicapés (AASJH), dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel, prenant effet le 12 janvier 1998.

Sa rémunération mensuelle brute était fixée à la somme de 3 960 francs (soit 603,70€) pour 84 heures et 30 minutes de travail.

L'AASJH devenait l'ASSOCIATION HANDICAP GUADELOUPE.

Par avenant signé par les parties le 25 juillet 2005, Mme X... voyait ses fonctions évoluer pour celles de secrétaire de direction au sein du foyer de vie LE PELICAN, à temps plein, avec prise d'effet rétroactive au 1er janvier 2001.

Mme X... saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 1er octobre 2015, afin qu'il soit ordonné à l'ASSOCIATION HANDICAP GUADELOUPE, de la rétablir dans toutes ses fonctions de secrétaire de direction, de fixer des horaires de travail compatibles avec les propositions du médecin du travail, ces deux mesures devant être ordonnées sous astreinte de 100€ par jour de retard, et que l'employeur soit condamné au paiement des sommes suivantes :
- 30 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
- 3 500€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 15 février 2017, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :
- condamné l'ASSOCIATION HANDICAP GUADELOUPE au paiement à Mme X... des sommes de 2 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et de 1 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné à l'employeur de rétablir la salariée dans toutes ses fonctions de secrétaire de direction, sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter de la notification du jugement, se réservant le droit de liquider l'astreinte,
- ordonné à l'employeur de fixer des horaires de travail compatibles avec les préconisations de la médecine du travail,
- ordonné à l'employeur d'accueillir Mme X... à son poste de travail au pôle administratif de Basse-Terre, sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter de la notification du jugement,
- mis les dépens à la charge de l'ASSOCIATION HANDICAP GUADELOUPE,
- ordonné l'exécution provisoire.

Mme X... interjetait régulièrement appel du jugement le 10 mars 2017.

L'intimée n'ayant pas constitué avocat, Mme X... était destinataire d'un avis d'avoir à signifier la déclaration d'appel, en date du 3 mai 2018.

Par acte d'huissier de justice en date du 23 mai 2017, Mme X... faisait signifier la déclaration d'appel et ses conclusions : la signification à personne ou à domicile s'étant révélée impossible, l'acte était déposé à l'étude de l'huissier, les diligences prévues par les 656 et 658 du code de procédure civile ont été effectuées.

L'affaire étant en état d'être jugée, l'ordonnance de clôture est intervenue le 26 septembre 2017, renvoyant l'affaire à l'audience des débats du 22 janvier 2018.

******
Par conclusions signifiées le 26 mai 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé exhaustif des moyens de Mme X..., celle-ci sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à l'infirmer en ce qu'il a condamné l'ASSOCIATION HANDICAP GUADELOUPE au paiement de la somme de 2 000€ à titre de dommages et intérêts, et statuant à nouveau, que l'intimée soit condamnée au paiement des sommes de 30 000€ à titre de dommages et intérêts, et de 3 500€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L'ASSOCIATION HANDICAP GUADELOUPE n'a pas constitué avocat, et n'a pas conclu.

*****

Motifs de la décision

Sur le rétablissement dans les fonctions, les horaires de travail et le poste de travail

L'appelante sollicitant la confirmation du jugement entrepris concernant les mesures ordonnées par le conseil de prud'hommes sur son poste et ses horaires de travail, et en l'absence d'opposition, il convient de confirmer le jugement sur ces différents points.

Sur les dommages et intérêts

Le conseil de prud'hommes a condamné l'ASSOCIATION HANDICAP GUADELOUPE au paiement de la somme de 2000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral. Mme X... sollicite la réformation du jugement entrepris sur ce point, estimant que son préjudice résultant d'une situation de harcèlement moral s'élève à la somme de 30 000€.

Aux termes de l'article L.1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En outre, il apparaît aux termes de l'article susvisé et de l'article L 1153-1 du Code du travail que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il y a donc lieu d'étudier l'ensemble des faits que Mme X... estime constitutifs du harcèlement moral dont elle serait la victime.

L'appelante expose être victime de pratiques relevant du harcèlement moral, consistant en son isolement, les multiples remontrances à son encontre, mais encore une véritable « mise au placard » et un non respect des préconisations de la médecine du travail.

Elle soutient être confinée dans un poste de dactylographie alors même qu'elle est sensée occuper un poste de secrétaire de direction.

Elle fait valoir que son isolement est visible par le fait qu'elle soit désormais installée dans un bureau situé au fond d'un couloir alors même qu'elle devrait assurer l'accueil physique conformément à sa fiche de poste.

Mme X... soutient qu'elle ne dispose pas du matériel nécessaire à l'exercice de ses missions, notamment d'un poste informatique en bon état, mais encore qu'elle ne bénéficie d'aucune autonomie d'action.

Mme X... verse la fiche d'aptitude médicale rédigée par la médecine du travail le 31 mars 2014, qui préconise de « prévoir aménagement d'horaire : un jour de repos supplémentaire en milieu de semaine, le mercredi ». Plusieurs avis d'aptitude, notamment celui en date du 21 janvier 2015, préconisent le même aménagement.

Par courrier adressé à l'inspection du travail le 17 mai 2014, Mme X... indique que le président de l'ASSOCIATION HANDICAP GUADELOUPE refuse de mettre en œuvre les préconisations de la médecine du travail, et soutient que l'employeur « insiste pour [qu'elle soit] présente le mercredi, allant jusqu'à [l'] informer, lors de la réunion de direction du mercredi 7 mai, qu'il fera intervenir un huissier pour prouver [son] absence à [son] poste, voire même faire constater un abandon de poste ».

Mme X... produit également un courrier en date du 27 mai 2014, qu'elle a adressé à l'ASSOCIATION HANDICAP GUADELOUPE, indiquant que suite à son entretien avec la Directrice de la santé et de l'autonomie du Conseil général, cette dernière lui a demandé d'informer son employeur qu'elle poursuivrait ses horaires de travail conformément à la décision de la médecine du travail en date du 31 mars 2014, à savoir comme suit :
- lundi, mardi, jeudi : 8h-17h
- vendredi : 8h-16h
pour un total de 35 heures de travail par semaine.

L'appelante produit un courrier de son employeur, en date du 6 février 2015, dans lequel il lui notifie un avertissement, écrivant notamment : « malgré ma remarque en date du jeudi 8 janvier 2015, valant simple avertissement verbal relatif à votre absence non justifiée durant la réunion de fonctionnement qui s'est déroulée le mercredi 7, vous étiez de nouveau absente lors de la réunion de fonctionnement du mercredi 4 février 2015. Or jusqu'à ce jour je n'ai reçu ni justificatif, ni demande de régularisation de votre part. D'autant plus que lors de notre entretien téléphonique du 8 janvier 2015, j'ai eu l'occasion de vous rappeler que les réunions de fonctionnement sont obligatoires, pour l'ensemble des salariés de l'établissement, quel que soit le poste occupé et les horaires de travail effectués ».

L'inspectrice du travail, par courrier du 24 mars 2015, écrivait à l'ASSOCIATION HANDICAP GUADELOUPE en rappelant les dispositions des articles L4624-1 du code du travail, concernant les préconisations du médecin du travail et le fait que l'employeur est tenu de prendre en compte ces propositions, ou en cas de refus, d'en exposer les motifs, tout désaccord pouvant être porté devant l'inspecteur du travail, qui prendra une décision après avis du médecin inspecteur du travail. Il n'est aucunement fait état de la moindre contestation de l'employeur face aux préconisations des divers avis d'aptitude de la médecine du travail.

Enfin, Mme X... produit un procès verbal de constat dressé par huissier de justice le 30 mars 2015. L'huissier s'est rendu au sein du foyer de vie LE PELICAN, où travaille Mme X... et a constaté comme suit : « il ressort de cet entretien et de mes constatations, effectuées en présence de Mme Z..., que l'activité professionnelle de Mme X... s'est récemment accrue depuis février 2005 mais que les tâches confiées correspondent essentiellement à des travaux de dactylographie (saisie de compte-rendu, de courriers aux familles, de commandes, etc
) sans aucune possibilité de prise d'initiative. Mme X... me remet en copie six documents de travail : ces supports correspondent à des tâches effectuées entre le 17 mars 2015 et le 29 mars 2015. (
) Mme X... me remet également une copie de sa précédente fiche de poste, sur laquelle il apparait notamment dans la rubrique « TACHES PERMANENTES ET PRIORITAIRES » la gestion de l'agenda de la directrice et le pilotage des procédures, mentions qui ont disparu sur le projet de nouvelle fiche ». Les documents cités par l'huissier sont produits aux débats.

L'appelante produit enfin quatre arrêts de travail, totalisant 17 semaines d'arrêts de travail entre le 21 janvier et le 31 juillet 2016. Elle produit également un certificat médical établi par un psychiatre, Dr A..., le 25 janvier 2016, qui certifie suivre régulièrement Mme X... en consultation depuis le 23 octobre 2014.

Plusieurs éditions de son dossier médical font apparaitre les mentions « souffrance au travail » et « relations conflictuelles, ses conditions de travail seraient déplorables ».

L'étude globale des éléments de faits invoqués par Mme X... sont constitutifs d'un harcèlement moral commis par l'employeur.

Il y a lieu de chiffrer le préjudice en résultant à la somme de 20 000€.

Par ces motifs

La Cour, statuant publiquement par arrêt rendu par défaut, et en dernier ressort

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à le réformer quant à la somme allouée au titre des dommages et intérêts,

Statuant à nouveau sur ce point, condamne l'ASSOCIATION HANDICAP GUADELOUPE au paiement à Mme Armelle X... de la somme de 20 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant d'une situation de harcèlement moral,

Condamne l'ASSOCIATION HANDICAP GUADELOUPE aux entiers dépens,

Condamne l'ASSOCIATION HANDICAP GUADELOUPE au paiement à Mme Armelle X... de la somme de 1 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de toutes prétentions plus amples ou contraires.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 17/003371
Date de la décision : 12/03/2018
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2018-03-12;17.003371 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award