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12/03/2018 | FRANCE | N°17/002041

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 12 mars 2018, 17/002041


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 107 DU DOUZE MARS DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : 17/00204

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de Basse-Terre - section commerce - du 15 Décembre 2016.

APPELANTE

SARL FORT ROYAL RESORT - HOTEL FORT ROYAL
Petit Bas Vent
[...]
Représentée par Maître Johann Y... (Toque 90), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

INTIMÉ

Monsieur Cédric X...
[...]
Non représenté

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositi

ons de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 janvier 2018, en audience publique, les avocats ne s...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 107 DU DOUZE MARS DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : 17/00204

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de Basse-Terre - section commerce - du 15 Décembre 2016.

APPELANTE

SARL FORT ROYAL RESORT - HOTEL FORT ROYAL
Petit Bas Vent
[...]
Représentée par Maître Johann Y... (Toque 90), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

INTIMÉ

Monsieur Cédric X...
[...]
Non représenté

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 janvier 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Bernard Rousseau, président de chambre, chargé du rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bernard Rousseau, président de chambre, président,
Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller,
Madame Gaëlle Buseine, conseiller,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 12 mars 2018

GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier.

ARRÊT :

Défaut, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

Il résulte des explications et pièces fournies par les parties, les éléments suivants.

M. Cédric X... a été embauché en qualité de concierge veilleur de nuit par la SARL FORT ROYAL RESORT, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, prenant effet le 1er décembre 2008.

Par courrier du 6 juin 2014, M. X... était informé de ce que l'employeur envisageait de supprimer son poste et de procéder à son licenciement pour motif économique.

M. X... était convoqué à un entretien préalable au licenciement, fixé au 19 juin 2014, étant précisé qu'il lui serait alors proposé d'adhérer à un contrat de sécurisation professionnelle (ci-après désigné CSP).

Par courrier recommandé distribué le 8 juillet 2014, il était notifié à M. X... que son délai de réflexion pour adhérer au contrat de sécurisation professionnelle expirant au 10 juillet 2014, deux situations alternatives pouvaient se produire :
- en cas d'adhésion au CSP, le contrat de travail serait rompu sans préavis à la date du 10 juillet 2014,
- en l'absence d'adhésion au CSP, la date de première présentation dudit courrier constituerait le point de départ du préavis de licenciement.

M. X... n'adhérait pas au CSP, il était donc licencié, et dispensé de l'exécution de son préavis.

M. X... saisissait le conseil de prud'hommes de Basse-Terre le 2 mars 2015, afin de voir la SARL FORT ROYAL RESORT condamnée au paiement des sommes suivantes :
- 379,17€ à titre de rappels de salaire pour les années 2012 et 2013,
- 1 753,44€ au titre des indemnités de congés payés pour la période allant du mois de janvier 2013 au mois de septembre 2014,
- 5 963,76€ à titre d'indemnité pour irrégularité dans la procédure de licenciement,
- 11 927,46€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 11 927,46€ à titre de dommages et intérêts pour contestation du licenciement économique,
- 3 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 15 décembre 2016, le conseil de prud'hommes de Basse-Terre a condamné la SARL FORT ROYAL RESORT au paiement des sommes suivantes :
- 379,17€ à titre de rappels de salaire pour les années 2012 et 2013,
- 1 753,44€ au titre des indemnités de congés payés pour le mois de janvier 2013,
- 4 841,85€ à titre d'indemnité pour irrégularité dans la procédure de licenciement,
- 9 683,70€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 9 683,70€ à titre de dommages et intérêts pour contestation du licenciement économique,
- 800€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL FORT ROYAL RESORT interjetait régulièrement appel du jugement le 9 février 2017.

L'intimé ne s'étant pas constitué, la déclaration d'appel et les conclusions lui étaient signifiées par l'appelant, par voie d'huissier de justice, le 26 mai 2017. La signification à personne n'ayant pas été possible, l'huissier de justice a fait application des dispositions des articles 656 et 658 du code de procédure civile.

L'affaire étant en état d'être jugée, l'ordonnance de clôture est intervenue le 28 septembre 2017, renvoyant l'affaire à l'audience des débats du 29 janvier 2018.

*****

Par conclusions déposées au secrétariat greffe de la Cour de céans le 4 mai 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé exhaustif des moyens de la SARL FORT ROYAL RESORT, celle-ci sollicite :
- à titre principal qu'il soit constaté que M. X... n'a pas communiqué les moyens et éléments de preuves à l'appui de ses prétentions dans le cadre de la première instance, que le principe du contradictoire n'a dès lors pas été respecté, et qu'en conséquence l'intimé soit débouté de l'ensemble de ses demandes,
- en toute hypothèse, qu'il soit dit que le licenciement de M. X... repose sur une cause économique et que les règles applicables en matière de reclassement ont été respectées par l'employeur, que par conséquent l'intimé soit débouté de l'ensemble de ses demandes et condamné au paiement de la somme de 1 500€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
- à titre subsidiaire, si la Cour de céans déclarait le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, que les dommages et intérêts alloués à M. X... soient limités à la somme de 11 927,46€, correspondant à 6 mois de salaire.

*****

Motifs de la décision

Sur le licenciement pour motif économique

Il convient de vérifier la réalité du motif économique du licenciement.

L'article L.1233-3 du code du travail dans sa version en vigueur au jour du licenciement de M. X... disposait que « constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ».

En vertu de l'article L 1233-16 du code du Travail, lorsque le licenciement est prononcé pour un motif économique, la lettre de licenciement doit énoncer le ou les motifs économiques invoqués par l'employeur.

Le courrier du 5 juillet 2014 est rédigé dans les termes suivants :
« FORT ROYAL RESORT est confronté à une forte dégradation de sa situation économique et financière. Pour illustration, alors que l'entreprise enregistrait un résultat d'exploitation encore positif de 107 840€ au titre de l'exercice clos au 31 octobre 2012, le résultat d'exploitation a chuté à -104 899€ au titre de l'exercice clos au 31 octobre 2013.
Si l'on retient la situation de l'activité hôtelière du Groupe, la situation n'est guère meilleure puisque, après un résultat d'exploitation négatif au titre de l'exercice clos au 31 octobre 2012, le résultat d'exploitation s'est établi à -701 156€ au titre du dernier exercice clos, à savoir celui clos au 31 octobre 2013.
La situation à ce jour au titre de l'exercice en cours qui a débuté le 1er novembre 2013 ne laisse pas entrevoir un rétablissement. En effet, nous nous acheminons vers une situation où la société FORT ROYAL RESORT enregistrera plusieurs dizaines de milliers d'euros de perte au terme de l'exercice en cours (31 octobre 2014) si rien n'est fait. Le reste de l'activité hôtelière du Groupe enregistrait quant à lui déjà plus de 160 000€ de pertes au titre du premier semestre de l'exercice en cours (période du 1er novembre 2013 au 30 mai 2014.

Dans ce contexte, nous sommes contraints de réorganiser la société FORT ROYAL RESORT, et dans ce cadre de supprimer votre poste d'assistant maintenance jardinier ».

La SARL FORT ROYAL RESORT produit ses comptes annuels d'exercice clos :
- pour l'année 2012, le résultat de l'exercice est de 84 238€
- pour l'année 2013, le résultat de l'exercice est de 55 483€
- pour l'année 2015, le résultat de l'exercice est de 32 144€.

L'appelante expose que la baisse de résultats résulte de la crise qu'a connu toute l'industrie hôtelière de la Guadeloupe depuis 2010, et qui s'est accentuée en 2013 et 2014. Elle produit le bilan économique 2014 de la Guadeloupe, réalisé par l'INSEE, qui indique notamment en page 28 : « en 2014, la fréquentation des hôtels atteint son niveau le pus faible depuis la crise économique et sociale de 2009. Moins de clients mais aussi moins de nuitées ».

La SARL FORT ROYAL RESORT verse également un document interne faisant état du taux d'occupation des chambres de l'hôtel, qui varie de 48,74% à 69,61% entre mai 2013 et avril 2015, avec notamment un taux à 42,68% sur la période de mai à octobre 2014.

Concernant le groupe, l'appelante produit les comptes annuels concernant la SAS NORDIC LODGE, société du groupe LANGLEY auquel appartient la SARL FORT ROYAL RESORT, et qui exploite des établissements hôteliers en métropole :
- pour l'année 2012, le résultat de l'exercice est de -317 644,36€
- pour l'année 2013, le résultat de l'exercice est de -116 543€
- pour l'année 2014, le résultat de l'exercice est de -89 065,90€
- pour l'année 2015, le résultat de l'exercice est de -199 449,15€.

La SARL FORT ROYAL RESORT verse aux débats un courrier qui lui a été adressé le 28 janvier 2014 par la région Guadeloupe, confirmant la baisse du loyer annuel concernant le bâtiment de l'hôtel, propriété de la région, de 260 000€ à 230 000€, ainsi qu'un gel de l'indexation sur une période de 8 ans à compter de l'année 2012.

Par courrier du 12 août 2014, le président du groupe LANGLEY remerciait le président du Conseil régional de Guadeloupe d'avoir accepté de baisser le montant du loyer annuel à la somme de 200 000€.

L'appelante expose qu'afin de sauvegarder son activité, la seule baisse de loyer consentie par le Conseil régional ne suffisait pas, qu'il fallait également réduire les effectifs, la suppression de 6 postes de jardinage,

maintenance et conciergerie, permettant de réduire de 300 000€ les coûts liés à la masse salariale, ce qui serait compensé par le recours à des prestataires extérieurs, ceci représentant une économie finale de l'ordre de 60%.

La SARL FORT ROYAL RESORT produit un tableau faisant apparaitre le montant des salaires pour les mois de mai à octobre 2014 :
- jardiniers maintenance : 39 936€
- maintenance : 70 199€
- concierges : 92 248€.

En parallèle, l'appelante verse les factures émises par l'entreprise LES JARDINS D'ALEXANDRE, qui effectuait la prestation de jardinage une fois les jardiniers licenciés. La facture mensuelle s'élève à la somme de 4 000€.

Elle produit également une facture émise par la société ERGOS ANTILLES, prestataire spécialisé en conciergerie, dont le montant s'élève à la somme de 18 212,97€, pour une période s'étendant du 30 novembre 2014 au 30 avril 2015.

Au vu des éléments versés concernant la situation financière de la SARL FORT ROYAL RESORT, mais encore du groupe LANGLEY, et des économies réalisées suite à la réorganisation de l'entreprise et au remplacement des salariés licenciés par un recours à des prestataires extérieurs, il convient de constater que le licenciement économique de M. X... est justifié, et la procédure régulière.

Sur l'obligation de reclassement

L'article L1233-4 du code du travail, dans sa version alors en vigueur, dispose : « le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.
Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.
Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ».

L'article L1233-4-1 du code du travail, dans sa version alors en vigueur, précisait : « lorsque l'entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors du territoire national, l'employeur demande au salarié, préalablement au licenciement, s'il accepte de recevoir des offres de reclassement hors de ce territoire, dans chacune des implantations en cause, et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation.
Le salarié manifeste son accord, assorti le cas échéant des restrictions susmentionnées, pour recevoir de telles offres dans un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition de l'employeur. L'absence de réponse vaut refus.
Les offres de reclassement hors du territoire national, qui sont écrites et précises, ne sont adressées qu'au salarié ayant accepté d'en recevoir et compte tenu des restrictions qu'il a pu exprimer. Le salarié reste libre de refuser ces offres. Le salarié auquel aucune offre n'est adressée est informé de l'absence d'offres correspondant à celles qu'il a accepté de recevoir ».

La SARL FORT ROYAL RESORT produit le courrier adressé à M. X... le 6 juin 2014, dans lequel l'employeur évoque pour la première fois la possibilité d'un licenciement économique.

Elle y indique qu'aucune possibilité de reclassement au sein de l'entreprise n'est possible puisque le poste de M. X... sera supprimé et qu'aucun autre poste ne sera vacant, mais formule des propositions au sein du groupe LANGLEY.

Neuf propositions de postes en France métropolitaine sont faites à M. X..., étant précisé que l'hôtel FORT ROYAL RESORT est le seul du groupe implanté dans les Caraïbes. Il est indiqué que l'acceptation de l'un de ces postes devra être formulée par lettre recommande avec accusé de réception, distribuée avant le 24 juin 2014.

Les fiches de poste de chacun des emplois proposés sont jointes au courrier.

La SARL FORT ROYAL RESORT expose que M. X... n'a répondu à aucune de ces propositions, précisant qu'il souhaitait rester en Guadeloupe.

La SARL FORT ROYAL RESORT avait également adressé me 6 juin 2014 un courrier recommandé à M. X... lui indiquant que le groupe LANGLEY disposait exploitait des établissements en Grèce, au Danemark et en Suède. Il était indiqué au salarié qu'il disposait d'un délia de 6 jours ouvrables afin de signifier par écrit son accord pour recevoir des offres concernant d'autres pays que la France, étant précisé que l'absence de réponse vaudrait refus.

L'employeur indique que M. X... n'a pas répondu.

Il convient de constater que la SARL FORT ROYAL RESORT a formulé des propositions de reclassement dans des établissements exploités par une autre société du groupe, ces propositions étant écrites et précises. L'ensemble des dispositions applicables à la recherche de reclassement ont été respectées par l'employeur.

Sur les rappels de salaire et les congés payés

En l'absence de tout élément relatif aux rappels de salaire et à l'indemnité compensatrice de congés payés, il convient d'infirmer le jugement entrepris sur ces deux points.

Sur les autres demandes

Chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

La Cour, statuant publiquement par arrêt rendu par défaut, et en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Déboute M. Cédric X... de l'ensemble de ses demandes,

Dit que le licenciement économique de M. Cédric X... est régulier,

Déboute les parties de toutes prétentions plus amples ou contraires.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 17/002041
Date de la décision : 12/03/2018
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2018-03-12;17.002041 ?
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