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12/03/2018 | FRANCE | N°16/003861

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 12 mars 2018, 16/003861


GB/VS

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 96 DU DOUZE MARS DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : 16/00386

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 23 février 2016 - Section Encadrement

APPELANTE

Madame Elise X...
[...]
Comparante en personne
Assistée de Maître Roland Y... (SCP Z... - Toque 96), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

INTIMÉE

Société CREDIT AGRICOLE MUTUEL GUADELOUPE
[...]
Représentée par Maître Jean-Marc A... (SELARL A... E

T ASSOCIES -Toque 23), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des disposit...

GB/VS

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 96 DU DOUZE MARS DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : 16/00386

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 23 février 2016 - Section Encadrement

APPELANTE

Madame Elise X...
[...]
Comparante en personne
Assistée de Maître Roland Y... (SCP Z... - Toque 96), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

INTIMÉE

Société CREDIT AGRICOLE MUTUEL GUADELOUPE
[...]
Représentée par Maître Jean-Marc A... (SELARL A... ET ASSOCIES -Toque 23), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Janvier 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Gaëlle BUSEINE, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, président,
Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère,
Mme Gaelle BUSEINE, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 12 mars 2018

GREFFIER Lors des débats Mme Lucile POMMIER, greffier.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.
Signé par M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, président et par Mme Valérie SOURIANT, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Mme B... a été embauchée par la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA GUADELOUPE (CRCAMG), par contrat à durée indéterminée à compter du 1er juin 1973.

Les dernières fonctions qu'elle occupe sont celles de chargée de conformité et sécurité financière à l'unité contrôle permanent et conformité.

Par lettre du 10 juillet 2013, l'employeur lui notifiait un blâme.

Estimant que la sanction infligée est injustifiée, Mme X... saisissait le 13 octobre 2015 le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins d'annulation de ladite sanction et de versement d'indemnités liées aux préjudices qu'elle estime avoir subis.

Par jugement rendu contradictoirement le 23 février 2016, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :
- dit que la sanction infligée à Madame Elise X... est légitime,
- dit que la procédure liée à la sanction est respectée,
- débouté Madame Elise X... de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel Guadeloupe de sa demande relative à l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Madame Elise X... aux entiers dépens de l'instance.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 22 mars 2016, Mme X... formait appel dudit jugement qui lui a été notifié le 26 février 2016.

Par conclusions notifiées à l'intimée le 19 décembre 2017, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Mme X... demande à la cour de :
- infirmer le jugement querellé,
- condamner la CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT AGRICOLE à lui payer la somme de 536256 euros en réparation de son préjudice matériel, subsidiairement à la somme de 471961 euros, à titre infiniment subsidiaire la somme de 343525 euros et celle de 50000 euros en réparation de son préjudice moral,
- annuler la sanction disciplinaire contenue à la lettre du 10 juillet 2013,
- condamner la CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE à lui payer la somme de 7000 euros en application de l'article 700 du NCPC.

Elle soutient que :
- elle est victime de discrimination en raison de son sexe et consécutive à des faits de harcèlement sexuel, qui lui ont causé un préjudice important,
- depuis la mise en application de l'accord de transposition de 1987, elle n'a pas été remplie dans ses droits, puisqu'elle est passée de la catégorie de responsable de management de deuxième niveau à la catégorie responsable de management de premier niveau, ce qui constitue une rétrogradation et a impacté le reste de sa carrière,
- le bien fondé de ses réclamations a donné lieu à différentes tentatives de résolution amiable du litige avec la société, laquelle ne saurait valablement discréditer une attestation qu'elle verse aux débats,
- elle n'est pas prescrite dans sa demande d'indemnisation de son préjudice résultant de la discrimination liée aux faits de harcèlement sexuel dont elle a fait l'objet, celle-ci ayant été révélée le 26 décembre 2012, date de l'élaboration du projet de transaction et n'étant pas soumise à la prescription applicable aux créances salariales,
- les faits de harcèlement sexuel dont elle se prévaut sont établis par les
pièces du dossier,

- la sanction disciplinaire qui a été prononcée à son encontre n'est nullement justifiée,
- elle justifie du calcul de la revalorisation de sa carrière.

Par conclusions notifiées à l'appelante le 4 décembre 2017, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA GUADELOUPE (CRCAMG) demande à la cour de :
- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel,
Au fond,
- dire Madame Elise X... Elise défaillante dans la démonstration d'un quelconque "harcèlement" préalable à une "discrimination",
- juger les demandes de rappels de salaires de Madame Elise X... à compter de janvier 1992 jusqu'au 18 juin 2008 irrecevables, étant frappées par la prescription,
- constater que les demandes de Madame Elise X... ne sont ni explicitées ni justifiées,
En conséquence,
- les dire irrecevables sur le fondement de l'article 9 du code de procédure civile,
- juger le blâme notifié le 10 juillet 2013 à Madame X... fondé sur des faits réels, objectifs et matériellement vérifiables,
En conséquence,
- confirmer le jugement de la section encadrement du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre en date du 23 février 2016 en toutes ses dispositions,
- débouter Madame Elise X... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner Madame Elise X... à lui payer la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle fait valoir que :
- la discrimination dont la salariée se prévaut n'est pas établie,
- les sommes réclamées à titre de rappels de salaires sont prescrites,
- la demande de la salariée au titre de la discrimination dont elle se prévaut est également prescrite,
- les demandes financières de Mme X... ne sont ni explicitées ni étayées,
- contrairement à ce que soutient la salariée, le blâme notifié le 10 juillet 2014 est fondé sur des faits réels, objectifs et matériellement vérifiables, dès lors qu'il résulte des débats que la salariée a détourné des fichiers informatiques nominatifs, a espionné des clients et que les faits à l'origine de la sanction ne sont pas prescrits.

MOTIFS :

Sur la prescription :

En ce qui concerne la prescription de la somme réclamée au titre du préjudice économique :

Il ressort des pièces du dossier que Mme X... sollicite l'indemnisation du préjudice économique qu'elle estime avoir subi du fait de manquements qu'elle reproche à son employeur et qu'elle qualifie de discrimination de nature sexuelle, lié au harcèlement sexuel qu'elle allègue. Cette créance est de nature indemnitaire, nonobstant son équivalence à des rappels de salaires, dès lors qu'elle a pour fondement des manquements fautifs imputés à l'employeur dont la salariée sollicite la réparation. Par suite, et contrairement à ce que soutient l'employeur, cette créance n'est pas soumise à la prescription triennale des salaires prévue par l'article L 3245-1 du code du travail.

En ce qui concerne la prescription applicable à la discrimination :

Aux termes de l'article L 1134-5 du code du travail, l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. Ce délai n'est pas susceptible d'aménagement conventionnel. Les dommages et intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée.

La révélation de la discrimination s'entend comme le moment où le salarié dispose des éléments de comparaison mettant en évidence la discrimination

Mme X... soutient avoir été victime de discrimination en raison de son sexe à la suite de faits de harcèlement sexuel dont elle s'estime victime depuis plusieurs années, la révélation de cette discrimination étant fixée au 26 décembre 2012 et s'opposant à toute prescription de son action à ce titre soulevée par la partie adverse.

Il ressort des pièces du dossier, en particulier des différents courriers entre la salariée et le crédit agricole versés aux débats que ses réclamations avant l'année 2012 portaient sur des rappels de salaires qu'elle sollicitait et une reconstitution de sa carrière.

La cour observe que les différents écrits précités entre les parties ne mentionnent nullement de faits de harcèlement sexuel et que Mme X... s'en prévaut à partir du projet de protocole transactionnel du 26 décembre 2012 pour expliquer que les anomalies salariales dont elle se prévaut depuis l'année 1988 sont en réalité consécutives à des faits de harcèlement sexuel du directeur général adjoint de l'époque.

Si la société souligne que le protocole transactionnel précité présente un amateurisme douteux, éloigné des documents habituellement rédigés par le service juridique, elle ne se prévaut pas d'un faux en écriture et ne conteste pas utilement l'existence de pourparlers avec Mme X... en vue de parvenir à cette période à un règlement amiable du litige avec la salariée.

Il résulte des éléments analysés ci-dessus que la salariée a pris conscience et, par voie de conséquence connaissance, lors de l'établissement du protocole précité du 26 décembre 2012 de l'ensemble des éléments sur lesquels elle entendait se prévaloir d'une discrimination en raison de faits présentant une connotation sexuelle.

Par suite, il y a lieu de rejeter l'exception de prescription alléguée par la société.

Sur la discrimination :

Selon les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Un fait unique peut suffire à caractériser le harcèlement sexuel

Mme X... se prévaut d'une discrimination fondée sur le sexe et plus particulièrement sur des agissements à connotation sexuelle, caractérisés, selon l'intéressée par un harcèlement sexuel dont elle aurait été victime de la part du directeur général adjoint de la société.

Toutefois, si Mme X... se prévaut d'une lettre du directeur général de l'époque relative à des difficultés relationnelles avec le directeur général adjoint et un certificat médical du mois de mars 1989 relevant un état dépressif réactionnel à des problèmes personnes, ces pièces, qui mettent en évidence des tensions dans le travail et un état de santé dépressif pour raisons personnelles, ne permettent pas de présumer le harcèlement sexuel dont l'intéressée se prévaut.

L'attestation d'une collègue, concernant l'emportement de Mme X..., "début 1989", à la suite d'un entretien avec le directeur général adjoint, laquelle lui aurait confié que ce dernier aurait tenté d'abuser d'elle, ne permet pas davantage, compte tenu de ses imprécisions et de ce qu'elle rapporte seulement les dires de Mme X... sur l'origine des faits, de démontrer la réalité de faits laissant présumer le harcèlement sexuel allégué par la salariée.

Par suite, et en l'absence de discrimination fondée sur le sexe et le harcèlement moral invoqués par la salariée, ses demandes indemnitaires au titre du préjudice moral et de celui économique y afférents doivent être rejetées.

Sur la demande d'annulation de la sanction :

Aux termes de l'article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Par lettre du 10 juillet 2013, Mme X... a fait l'objet d'un blâme pour des faits de consultation de comptes clients et de collaborateurs à des fins personnelles.

En premier lieu, si les faits reprochés résultent d'une réclamation d'une cliente, en date du 22 février 2013 et que la procédure disciplinaire n'a été engagée que le 12 juin 2013, par la convocation de la salariée à un entretien, l'employeur n'a eu une connaissance complète des agissements de la salariée que le 3 mai 2013 correspondant à la restitution du rapport d'enquête interne, laquelle se justifiait au regard de la nécessaire vérification des données informatiques auxquelles l'employeur devait procéder.

Par suite, le point de départ du délai prévu par les dispositions de l'article L 1332-4 du code du travail étant le 3 mai 2013, les faits n'étaient pas prescrits à la date de l'engagement de la procédure disciplinaire.

En second lieu, il résulte des pièces du dossier, en particulier du rapport d'audit de la société et du signalement d'une cliente, que les traces informatiques des consultations de comptes effectuées par Mme X... mettent en évidence leur réalisation en dehors de tout motif professionnel.

Cette pratique de Mme X... contrevient à l'article 4 du code de déontologie et l'article 9.4 du règlement intérieur applicables dans l'entreprise.

Ces faits, qui sont objectifs et matériellement vérifiables, justifient, eu égard aux fonctions de
chargée conformité et sécurité financière à l'unité de contrôle permanent et conformité exercées par Mme X..., le bien fondé du blâme litigieux.

Par suite, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande d'annulation de la sanction.

Sur les demandes accessoires :

Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA GUADELOUPE (CRCAMG) les frais irrépétibles qu'elle a exposés, il lui sera alloué la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens seront à la charge de Mme X....

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 23 février 2016 entre Mme X... Elise et la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA GUADELOUPE (CRCAMG),

Y ajoutant,

Condamne Mme X... Elise à verser à la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA GUADELOUPE (CRCAMG) une somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d'instance sont à la charge de Mme X... Elise,

Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 16/003861
Date de la décision : 12/03/2018
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2018-03-12;16.003861 ?
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