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12/03/2018 | FRANCE | N°15/019081

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 12 mars 2018, 15/019081


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 94 DU DOUZE MARS DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : 15/01908

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 9 novembre 2015 - Section industrie.

APPELANT

Monsieur Ronald Jean-Pierre X... exerçant sous l'enseigne ELEC SERVICE PLUS
[...]
[...]
Représenté par Maître Isabelle E... (Toque 8) substituée par Maître Y..., avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART,

INTIMÉ

Monsieur Jean-Pierre Z...
[...] [...]

Dispensé de

comparaître en application des dispositions des articles 446-1 et 946 du Code de Procédure Civile

Ayant pour conseil, Maîtr...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 94 DU DOUZE MARS DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : 15/01908

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 9 novembre 2015 - Section industrie.

APPELANT

Monsieur Ronald Jean-Pierre X... exerçant sous l'enseigne ELEC SERVICE PLUS
[...]
[...]
Représenté par Maître Isabelle E... (Toque 8) substituée par Maître Y..., avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART,

INTIMÉ

Monsieur Jean-Pierre Z...
[...] [...]

Dispensé de comparaître en application des dispositions des articles 446-1 et 946 du Code de Procédure Civile

Ayant pour conseil, Maître Céline A... (Toque 126), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Janvier 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard F..., président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bernard F..., président de chambre, président,
Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller,
Madame Gaëlle Buseine, conseiller,

Les parties présentes à l'audience ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le
12 mars 2018

GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au

greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.
Signé par M. Bernard F..., président de chambre, président, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :

Il résulte des explications et pièces fournies par les parties les éléments suivants.

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 27 octobre 2008, M. B... a été embauché en qualité d'électricien, avec la qualification OE1, par M. X..., exploitant une entreprise sous l'enseigne ELEC SERVICES-PLUS.

A la suite d'un entretien préalable fixé au 20 septembre 2013, M. B... était licencié pour faute grave par courrier du 10 octobre 2013.

Le 14 avril 2015, M. B... saisissait le conseil de prud'hommes aux fins de contester son licenciement et obtenir indemnisation, ainsi que paiement de rappels de salaire et de primes.

Par jugement du 9 novembre 2015, la juridiction prud'homale, bien qu'ayant requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, condamnait la société ELEC SERVICES-PLUS en la personne de son représentant légal à verser à M. B... les sommes suivantes :
-7359,95 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail sur le fondement de l'article L. 1235-2 du code du travail,
-3495,98 euros à titre d'indemnité de licenciement sur le fondement de l'article L. 1234-9 du code du travail,
-3397,89 euros au titre de la prime journalière de repas par jour travaillé sur le fondement de la convention collective des ouvriers du BTP Guadeloupe d'octobre 2010 à septembre 2013 soit 159 jours à 6,53 euros par jour,
-485,76 euros au titre de la prime d'ancienneté sur le fondement de la même convention collective.

Par déclaration du 24 novembre 2015, M. X... interjetait appel de cette décision.

****

Par conclusions communiquées le 11 septembre 2017, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, et auxquelles il convient de se référer pour l'exposé exhaustif des moyens de M. X..., celui-ci sollicite la confirmation de la condamnation prononcée à son égard portant sur le rappel de prime d'ancienneté, mais l'infirmation du surplus des condamnations prononcées, réclamant paiement de la somme de 1000 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

****

Par conclusions communiquées le 10 novembre 2016, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, et auxquelles il convient de se référer pour l'exposé exhaustif des moyens de M. B..., celui-ci entend voir confirmer que son licenciement est abusif, ainsi que la condamnation au paiement par M. X... de la somme de 485,76 euros au titre de la prime d'ancienneté.

Formant appel incident, M. B... sollicite paiement des sommes suivantes :
-36 706,80 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,
-3212,76 euros de rappel de salaire pour non respect de la convention collective,
-3670,30 euros de rappel de salaire pour la période de mars 2009 au 10 octobre 2013,
-870,80 euros de rappel de salaire du 13 au 30 septembre 2013,
-3823,62 euros d'indemnité de licenciement,
-2860,50 euros d'indemnité de préavis,
-601,64 euros d'indemnité de déplacement de septembre 2012 à septembre 2013,
-5417,16 euros d'indemnité de repas d'octobre 2010 à septembre 2013,
-456,30 euros de prime d'outillage,
-1594 euros de prime de marteau piqueur,
-3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

****

Motifs de la décision :

sur le licenciement :

La Cour constate en premier lieu que le jugement du conseil de prud'hommes comporte une contradiction flagrante en ce qu'il requalifie le licenciement pour faute grave de M. B... en licenciement pour cause réelle et sérieuse et alloue à celui-ci des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.

Dans sa lettre de licenciement du 10 octobre 2013, l'employeur rappelle que M. B... a été amené à travailler sur un chantier de remise aux normes de l'installation électrique des locaux de la Société SAD, entreprise cliente, qui a pour activité notamment la réparation de moteurs de bateaux.

Dans son courrier l'employeur expose que M. B... a effectué sa journée de travail sans relater le moindre incident, alors qu'il a été informé par l'entreprise cliente que son employé avait fait tomber malencontreusement un moteur de bateau posé sur une table, ce moteur ayant par la suite été livré à son propriétaire, lequel parti en mer, a eu toutes les difficultés pour revenir à terre, et s'est plaint avec virulence auprès de la SAD car son moteur venait juste d'être révisé.

Après recherche au sein de la SAD, le directeur de celle-ci a découvert, en visionnant le système de vidéo surveillance de son entreprise, que M. B... était à l'origine de la chute du moteur. M. X... a reçu confirmation des faits de la part de deux autres de ses salariés présents sur les lieux. L'un d'eux Christophe C... a précisé qu'il avait aidé M. B... à remonter le moteur sur la table, et que craignant que le moteur ait été cassé dans sa chute, il a conseillé à M. B... de tenir sa direction informée de cet incident, ce à quoi M. B... lui a répondu "je m'en bats les couilles", ces propos étant confirmés par un autre salarié, M. Ludovic F....

L'employeur souligne que ce geste malencontreux a eu de lourdes conséquences sur son entreprise et sur celle de son client : perte de confiance de la part du client, mise en danger du client de la SAD, détérioration de l'image de l'entreprise...

Les griefs invoqués par l'employeur sont confirmés par les attestations de M. Ludovic D..., gérant de la société SAD, et par M. Ludovic F..., apprenti électricien, qui confirme les propos prêtés à M. B... : "je m'en bats les couilles".

La gravité du comportement de M. B... est caractérisé par le fait qu'il n'a informé ni la direction de l'entreprise SAD, ni son propre employeur de la chute du moteur, ce qui a eu des conséquences très préjudiciables pour les deux entreprises, puisque le moteur a été livré sans aucune vérification après sa chute à un client qui est parti en mer avec son bateau équipé du moteur accidenté, sa sécurité étant ainsi mise en danger, et la responsabilité des deux entreprises étant ainsi lourdement engagée. En outre M. B..., de part son comportement et ses propos a non seulement fait preuve d'un manque de loyauté, mais a montré aussi un réel mépris des intérêts de l'entreprise qui l'emploie et de ceux de la cliente de celle-ci, ce comportement de nature à engager lourdement la responsabilité de son employeur, rendant impossible son maintien au service de celui-ci.

La faute grave reprochée à M. B... étant caractérisée, le jugement déféré sera en conséquence réformé en ce qu'il a alloué des dommages et intérêts au salarié pour rupture abusive du contrat de travail.

Cette faute grave étant privative à la fois de l'indemnité légale de licenciement, le jugement déféré sera également réformé en ce qu'il a alloué une telle indemnité à M. B..., étant relevé que ladite faute grave est également privative de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

Pour la même raison, M. B... sera débouté de sa demande de paiement d'indemnité de préavis et de salaire pour la période de mise à pied.

Sur les demandes de rappel de salaire :

Il résulte de l'examen des conclusions de M. B..., que celui-ci invoquant une rémunération inférieure aux dispositions de la convention collective départementale BTP Guadeloupe - ouvriers du 28 février 2002, et plus précisément de l'accord subséquent du 4 juin 2009 relatif aux salaires minimaux et primes au 1er mars 2009, sollicite le paiement à la fois :
-d'un rappel de salaire d'un montant de 3217,78 euros pour la période de mars 2009 à octobre 2013,
-d'un rappel de salaire d'un montant de 3670,30 euros pour la période de mars 2009 à octobre 2013.

Contrairement à ce que prétend M. B... il ne peut prétendre à un salaire mensuel de 1529,45 euros, puisque cette rémunération minimale est réservée, selon l'accord sus-cité aux ouvriers ayant la qualification OP1, alors que selon le contrat de travail, M. B... avait la qualification OE1, pour laquelle la rémunération minimale conventionnelle était fixée à 1372,48 euros, soit d'un montant inférieur au salaire de 1471,99 euros fixé dans son contrat de travail, étant relevé que B... ne justifie pas avoir droit à une qualification supérieure à celle fixée contractuellement.

En conséquence M. B... sera débouté de ses demandes de rappels de salaire.

Sur les demandes de primes et indemnités conventionnelles :

La condamnation de l'employeur au paiement d'un rappel de prime d'ancienneté à hauteur de 485,76 euros n'est pas contestée par M. X.... Néanmoins le jugement sera réformé sur ce chef de condamnation puisque ce n'est pas "la société ELEC SERVICES-PLUS qui doit être condamnée à payer ladite somme, cette dénomination n'étant qu'une enseigne commerciale, mais M. X... lui-même, exploitant en son nom personnel.

L'accord du 4 juin 2009 stipule qu'il est alloué une indemnité de remboursement de frais de transport d'un montant de 46,28 euros par mois à tous les ouvriers pour couvrir les frais de déplacement du domicile au lieu de travail.

Si M. X... produit un certain nombre d'attestations montrant qu'il devait souvent aller chercher M. B... à son domicile pour le conduire sur son lieu de travail, notamment lorsqu'il ne disposait pas de véhicule en état de circuler, il n'est pas établi que
pour la période de septembre 2013 à octobre 2013 il ait dû pallier l'absence de moyen de transport personnel de M. B.... En conséquence et en application de l'accord sus-cité il sera alloué au salarié la somme de 601,64 euros à titre d'indemnité de remboursement de frais de transport pour la période de septembre 2012 à septembre 2013.

Le même accord collectif prévoit une indemnité de repas d'un montant de 6,53 euros par jour aux ouvriers sédentaires de l'entreprise qui seraient envoyés occasionnellement sur des chantiers à la demande de l'entreprise et qui de ce fait ne pourrait plus rentrer chez eux, cette prime étant accordée lorsque la distance du déplacement est supérieur à 7km du lieu de travail habituel.

Il ressort des pièces du dossier que M. B..., attaché à l'entreprise de M. X... situé au Gosier, travaillait sur des chantiers extérieurs distants de plus de 7 km du siège de l'entreprise, puisqu'il a notamment été amené à travailler sur la zone de Jarry, commune de Baie-Mahault, où est localisée l'entreprise SAD. En l'absence de précision des chantiers sur lesquels l'entreprise de M. X... intervenait, il sera fait droit à l'indemnité journalière de repas présentée par M. B... dans la limite des jours ouvrables travaillés, soit pour la période d'octobre 2010 à septembre 2013, la somme de 4665,36 euros.

La prime d'outillage étant attribuée sans condition particulière aux termes de l' accord sus-cité, aux électriciens à raison de 0,075 euros/heure, il sera fait droit à la demande de paiement d'une telle prime présentée par M. B... à hauteur de 456,30 euros.

L'utilisation d'un marteau-piqueur n'étant que marginale dans l'exercice d'un emploi d'électricien, et M. B... ne précisant pas à quelle occasion il a pu utiliser un tel engin, il ne peut être fait droit à sa demande de prime pour utilisation d'un marteau-piqueur.

L'équité n'implique pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Réforme le jugement déféré,

Et statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de M. B... est fondé sur une faute grave,

Condamne M. X... à payer à M. B... les sommes suivantes :

-485,76 euros à titre prime d'ancienneté,

-601,64 euros à titre de frais de transport pour la période de septembre 2012 à septembre 2013,

-4665,36 euros à titre d'indemnité de repas pour la période d'octobre 2010 à septembre 2013,

-456,30 euros à titre de prime d'outillage,

Dit que les dépens sont à la charge de M. X...,

Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires.

le Greffier, Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 15/019081
Date de la décision : 12/03/2018
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2018-03-12;15.019081 ?
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