COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 93 DU DOUZE MARS DEUX MILLE DIX HUIT
AFFAIRE No : 15/01730
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 7 octobre 2015- Section Activités Diverses
APPELANTE
Madame Corinne X...
[...]
[...]
Comparante en personne
Assistée de Maître André Y... (Toque 60), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
INTIMÉE
Etablissement Public C. I. S. T
[...] - [...]
Représenté par Maître Jean-Marc A... (Toque 23) substitué par Maître B..., avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Janvier 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Gaelle Buseine, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard Rousseau, président de chambre, président,
Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller,
Mme Gaelle Buseine, conseiller,
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 12 mars 2018
GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier principal,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.
Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure
Il résulte des explications et pièces fournies par les parties, les éléments suivants.
Mme Corinne X... a été embauchée en qualité de secrétaire médicale par le centre interprofessionnel de santé au travail de la Guadeloupe, ci-après désigné CIST, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée prenant effet le 3 janvier 1994.
Mme X... a fait l'objet de plusieurs arrêts de travail à compter du 15 septembre 2011, et couvrant une période allant jusqu'au 15 septembre 2012.
Selon les préconisations du médecin traitant, Mme X... a repris le travail en mi-temps thérapeutique à compter du 15 septembre 2012. Par plusieurs certificats successifs, le médecin a prolongé le mi-temps thérapeutique, la dernière prolongation étant intervenue à compter du 30 avril 2013, pour une durée de six mois.
Mme X... saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre, le 24 avril 2014, afin de voir le CIST condamné au paiement des sommes suivantes :
- 90€ à titre d'indemnité de chèques-déjeuners,
- 617,16€ à titre d'indemnité de transport,
- 15 000€ à titre de dommages et intérêts pour discrimination,
- 10 000€ à titre de dommages et intérêts pour mise au placard,
- 4 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle sollicitait également qu'il soit ordonné à l'employeur de lui remettre la fiche de paye rectifiée, et de payer les salaires sur une classification en classe 9.
Par jugement du 7 octobre 2015, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a débouté Mme X... de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée aux entiers dépens de l'instance.
Mme X... interjetait régulièrement appel du jugement le 30 octobre 2015.
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Par conclusions notifiées le 15 mai 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé exhaustif des moyens de Mme X..., celle-ci sollicite l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, qu'il soit ordonné au CIST d'avoir à rectifier la fiche de paye et de payer le salaire selon une classification en classe 9, qu'il soit ordonné au directeur du CIST de comparaitre en personne, que le CIST soit condamné au paiement des sommes suivantes :
- 90€ à titre d'indemnité de chèques-déjeuners,
- 617,16€ à titre d'indemnité de transport,
- 15 000€ à titre de dommages et intérêts pour discrimination,
- 10 000€ à titre de dommages et intérêts pour mise au placard,
- 4 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées le 22 août 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé exhaustif des moyens du CIST, celui-ci sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, que Mme X... soit déboutée de l'ensemble de ses demandes et condamnée au paiement de la somme de 2 500€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
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Motifs de la décision
Sur la demande de comparution en personne
Mme X... sollicite qu'il soit ordonné la comparution personnelle du directeur du CIST en vertu des dispositions de l'article 184 du procédure civile, et Mmes C... et D... en vertu des dispositions de l'article 199 du code de procédure civile.
Il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande, la comparution sollicitée n'étant pas utile à la résolution du litige.
Sur le harcèlement moral et la mise au placard
Aux termes de l'article L.1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En outre, il apparaît aux termes de l'article susvisé et de l'article L 1153-1 du Code du travail que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il y a donc lieu d'étudier l'ensemble des faits que Mme X... estime constitutifs du harcèlement moral dont elle serait la victime.
Mme X... soutient que l'employeur a opéré une mutation sanction à son encontre, en la transférant du siège de Jarry au site de Pointe-à-Pitre, lequel fermait ses portes deux mois après son arrivée. Elle soutient que ce changement de lieu de travail rallongeait son temps de parcours et la plaçait dans une situation dégradante.
Mme X... n'expose pas en quoi cette situation était humiliante ou dégradante.
Le CIST rappelle les termes de l'article 3 du contrat de travail : « son lieu de travail est la circonscription géographique couvert par l'agrément du service ». Il indique que les deux sites sont distincts de 7 km, de telle sorte que l'allongement du temps de parcours est infime.
Mme X... expose avoir effectué des heures supplémentaires en devant calquer ses horaires sur ceux du médecin du travail avec lequel elle travaillait, ceci lui ajoutant parfois 30 minutes de travail. Elle produit des échanges de courriels avec le responsable, M. E..., à ce sujet.
Il convient de constater qu'elle a envoyé un courriel puis une relance un mois plus tard, à laquelle il était répondu qu'elle serait créditée des éventuelles heures supplémentaires.
L'intimée souligne le fait qu'aucune demande au titre d'heures supplémentaires impayées n'est formulée par l'appelante, attestant de ce que les éventuelles heures dues ont été payées, conformément à la réponse donnée par M. E... par courriel du 24 juillet 2013, dont copie est versée aux débats.
Mme X... fait valoir que sa situation a fait l'objet d'une discussion en réunion des délégués du personnel.
La question des délégués du personnel et la réponse apportée par M. F..., directeur du CIST, est produite par l'appelante :
« Pourquoi la direction redéfinit-elle les 3 jours de formation de Mme X... en 6 demi-journées ?
RL : afin de lui permettre de réaliser la formation en question car le quota d'heures lors du mi-temps thérapeutique étant inférieur à une journée pleine, c'est une alternative pour la formation ».
L'intimée confirme la réponse apportée par M. F... lors de la réunion des délégués du personnel, en cohérence avec l'avis du médecin.
Mme X... expose avoir appris qu'à compter du 11 juillet 2013 elle changerait de bureau suite à une décision des médecins concernés.
Elle soutient que cela relève d'une mise au placard.
Le CIST fait valoir que Mme X... a elle-même versé aux débats des éléments attestant de ce que plusieurs personnes changeaient de bureau en même temps qu'elle, dont un courriel adressé à sept personnes par M. F... le 24 juillet 2013, intitulé « déménagement » et apportant des précisions quant aux divers changement opérés.
L'intimée soutient que cela relève d'une simple réorganisation du CIST, conformément aux prérogatives de l'employeur.
Il convient de relever que l'étude globale de l'ensemble des éléments présentés par Mme X... comme des faits fautifs de l'employeur, dans l'objectif de lui nuire, ne permettent pas, par leur réalité ou leur gravité, de mettre en exergue une mise au placard et/ ou une situation de harcèlement moral dont l'appelante aurait été la victime. Mme X... sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre d'une mise au placard.
Sur la discrimination
Dans le cadre d'un litige en matière de discrimination, les dispositions de l'article L1134-1 du code du travail aménagent la charge de la preuve. Ainsi, si le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il revient à l'employeur de prouver que la décision en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Mme X... expose avoir subi une discrimination résidant en l'absence de mise en place de la subrogation par l'employeur alors même que cela constituait un usage.
Elle verse des attestations de paiement des indemnités journalières en vue de confirmer le fait que la subrogation était pratiquée dans l'entreprise.
Le CIST expose que la subrogation était bien mise en place, mais uniquement concernant les arrêts maladie, en aucune manière pour les mi-temps thérapeutiques, qui ne consistent pas en la suspension du contrat de travail.
L'intimée soutient qu'en aucune manière il était d'usage de mettre en place la subrogation dans le cas d'un mi-temps thérapeutique, et expose que c'est d'ailleurs afin de remédier à l'absence de mise en place de la subrogation qu'une convention de subrogation a été signée entre l'employeur et les syndicats représentatifs, le 29 mai 2013, stipulant expressément « et lors de la reprise du travail à temps partiel (temps partiel thérapeutique) ».
Mme X... soutient avoir été victime de discrimination en ce que l'employeur lui a imposé d'effectuer 3 journées entières de formation en 6 demi-journées, lui refusant à ce titre une formation à Montpellier.
Le CIST indique que cette formation étant prévue à Montpellier sur 3 journées entières, et ne pouvant être divisée en 6 demi journées, qu'il a ainsi du refuser la demande de formation afin de se conformer au mi-temps thérapeutique.
Mme X... ne présente pas de faits laissant présager l'existence d'une situation de discrimination et le CIST apporte des éléments tendant à démonter un comportement normal de l'employeur vis-à-vis de la salariée. En outre, Mme X... ne précise pas à quel type de discrimination se serait adonné l'employeur, alors même que les contours de la discrimination sont précisés par l'article L1132-1 du code du travail.
Il n'y a pas lieu de relever l'existence d'une discrimination.
Sur la classification
Mme X... sollicite que sa classification professionnelle passe du niveau 6 au niveau 9.
Le CIST expose que Mme X... est secrétaire médicale, tel que cela apparait dans son contrat de travail et sur ses fiches de paye. L'intimée produit l'annexe 1 à la convention collective nationale des services de santé au travail interentreprises du 20 juillet 1976, en vigueur étendue, applicable en l'espèce, qui indique que le poste de secrétaire médicale correspond à la classe 6.
L'employeur verse aux débats le procès verbal de la réunion du 10 octobre 2013 faisant état des nouvelles grilles de classification, et de celle du comité d'entreprise du 6 décembre 2013 au cours de laquelle les nouvelles grilles salariales ont été remises aux représentants du personnel.
Mme X... prétend être assistante de santé au travail (ASST), ce poste correspondant à une classe 9.
Le CIST expose qu'il s'agit de deux poste parfaitement différents, les missions de l'ASST étant décrites dans l'annexe précitée, dont :
- Mener des actions en milieu de travail,
- Visiter les entreprises,
- Participer à un premier niveau de repérage des risques professionnels.
L'intimée soutient que Mme X... n'accomplit aucune de ces tâches, ce qu'elle ne conteste pas.
Il convient de constater que la classification de Mme X... en classe 6 correspond à sa situation professionnelle.
Sur les chèques-déjeuners
Mme X... soutient avoir perdu le bénéfice des chèques déjeuners pour le mois de novembre 2013 et sollicite le paiement de la part employeur, à savoir 90€, sans apporter plus de précision.
Le CIST indique avoir remis à la salariée les chèques déjeuners auxquels elle avait droit, et produit l'impression d'un courriel adressé à Mme X... lui demandant de passer au bureau de la comptabilité récupérer ses chèques déjeuners. La salariée a apposé la mention manuscrite « reçu le 17 avril 2014 » et signé le document.
En l'absence de précision quant à cette demande et au vu des éléments versés par le CIST, Mme X... sera débouté de ce chef de demande.
Sur l'indemnité de transport
Mme X... sollicite le paiement de la somme de 617,16€ au titre de l'indemnité de transport, exposant qu'il ne lui a été versé que 68,57€ au lieu de 120€ entre le 15 septembre 2012 et le 15 septembre 2013, alors même qu'elle a travaillé normalement sur cette période.
Le CIST fait valoir que l'indemnité de transport est proratisée en fonction du temps de travail effectif. Il produit des bulletins de salaire d'autres salariés afin d'établir la pratique comme étant systématique.
Il convient de relever que l'article R3261-11 du code du travail, relatif à la prise en charge des frais de transports personnels, dispose : « lorsque l'employeur prend en charge tout ou partie des frais de carburant ou d'alimentation électrique d'un véhicule engagés par ses salariés, il en fait bénéficier, selon les mêmes modalités et en fonction de la distance entre le domicile et le lieu de travail, l'ensemble des salariés remplissant les conditions prévues à l'article L. 3261-3.
L'employeur doit disposer des éléments justifiant cette prise en charge. Il les recueille auprès de chaque salarié bénéficiaire qui les lui communique ».
L'article R3261-14 du code du travail vient compléter ces dispositions comme suit : « le salarié à temps partiel, employé pour un nombre d'heures égal ou supérieur à la moitié de la durée légale hebdomadaire ou conventionnelle, si cette dernière lui est inférieure, bénéficie d'une prise en charge équivalente à celle d'un salarié à temps complet ».
Aussi, Mme X... ayant été à mi-temps thérapeutique sur la période, aurait du bénéficier de la totalité de l'indemnité de transport. Il sera fait droit à sa demande.
Sur les autres demandes
L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Mme Corinne X... de sa demande au titre de l'indemnité de transport,
Et statuant à nouveau sur ce point,
Condamne le centre interprofessionnel de santé au travail de la Guadeloupe au paiement à Mme Corinne X... de la somme de 617,16€ à titre de complément d'indemnité de transport,
Dit que les dépens sont à la charge du Centre Interprofessionnel de Santé au Travail de la Guadeloupe,
Déboute les parties de toutes prétentions plus amples ou contraires.
Le Greffier, Le Président,