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22/01/2018 | FRANCE | N°15/020051

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 22 janvier 2018, 15/020051


VS-BR

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 9 DU VINGT DEUX JANVIER DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : 15/02005

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 10 novembre 2015-Section Activités Diverses.

APPELANTE

CONFEDERATION GENERALE DES PETITES ET MOYENNES ENT REPRISES DE LA GUADELOUPE
[...]
Représentée par Maître Pascal A... (Toque 14) substitué par Maître X..., avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

Madame Linda Y...
[...]
Représentée

par Maître Frédéric Z... (Toque 67), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

En applica...

VS-BR

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 9 DU VINGT DEUX JANVIER DEUX MILLE DIX HUIT

AFFAIRE No : 15/02005

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 10 novembre 2015-Section Activités Diverses.

APPELANTE

CONFEDERATION GENERALE DES PETITES ET MOYENNES ENT REPRISES DE LA GUADELOUPE
[...]
Représentée par Maître Pascal A... (Toque 14) substitué par Maître X..., avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

Madame Linda Y...
[...]
Représentée par Maître Frédéric Z... (Toque 67), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Novembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard Rousseau, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bernard Rousseau, président de chambre, président,
Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller,
Mme Gaëlle Buseine, conseiller,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 22 janvier 2018

GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier principal.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.
Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :

Il résulte des explications fournies par les parties et des pièces de la procédure, les éléments suivants.

Par contrat de travail écrit à durée indéterminée à temps plein, Mme Linda Y... a été engagée par l'association Confédération Générale des Petites et Moyennes Entreprises (CGPME) à compter du 1er novembre 2012 pour exercer les fonctions de secrétaire générale de cet organisme, moyennant le versement d'une rémunérations brute mensuelle de 2520,88 euros, une période d'essai de deux mois étant stipulée au contrat.

Par courrier du 24 décembre 2012 remis en main propre à la salariée, l'employeur mettait fin au contrat de travail de Mme Y... au motif que l'essai n'était pas concluant.

Cependant, comme le montre les bulletins de salaires versés au débat, Mme Y... était à nouveau engagée verbalement par la CGPME à compter du 22 janvier 2013 sur la base d'un contrat à durée déterminée à temps partiel devant prendre fin le 30 avril 2013, à raison de 22h30 de travail hebdomadaire.

Un nouveau contrat de travail écrit à durée indéterminée à temps partiel était souscrit le 18 juin 2013 par les parties, pour l'exercice des mêmes fonctions, sur la base de 22h30 de travail hebdomadaire.

Par lettre remise à son employeur le 2 août 2013, Mme Y... faisait connaître à celui-ci qu'elle démissionnait de son poste de secrétaire général et demandait à être dispensée du préavis.

Le 14 novembre 2013, Mme Y... saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe à Pitre, aux fins d'obtenir paiement d'un rappel de salaire et indemnisation pour rupture abusive du contrat de travail et non respect de la procédure de licenciement.

Par jugement du 13 octobre 2015, la juridiction prud'homale, en formation de départage, condamnait la CGPME à payer à Mme Y... la somme de 16 516,70 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision, se décomposant de la façon suivante :
-630,22 euros au titre du non-respect du délai de prévenance outre 63 euros au titre de congés payés y afférents,
-6000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice subi en raison de la rupture abusive de la période d'essai,
-2825,78 euros au titre de l'indemnité de requalification du contrat à durée déterminée
en contrat de travail à durée indéterminée,
-6000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice subi en raison du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-907 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre 90,70 euros au titre des congés payés afférents.

Mme Y... était déboutée de ses autres demandes indemnitaires et la CGPME était condamnée à lui verser la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. L'exécution provisoire de la décision était ordonnée.

Par déclaration du 9 décembre 2015, la CGPME interjetait appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 30 novembre 2015.

****

Par conclusions communiquées le 17 mai 2016, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, et auxquelles il convient de se référer pour l'exposé exhaustif des moyens de la CGPME, celle-ci sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il reconnaît la démission de Mme Y... "intègre", et la réformation dudit jugement pour le surplus, concluant au rejet de l'ensemble des demandes de Mme Y... . La CGPME réclame paiement de la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les conclusions de l'appelante, déposées au greffe de la Cour le 12 septembre 2017, sont écartées des débats pour ne pas avoir été communiquées à l'intimée avant l'audience des débats du 27 novembre 2017, cette dernière n'ayant pas disposé d'un temps suffisant pour analyser et discuter lesdites conclusions.

****

Par conclusions communiquées le 8 septembre 2017, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, et auxquelles il convient de se référer pour l'exposé exhaustif des moyens de Mme Y... , celle-ci sollicite la confirmation du jugement entrepris, sauf à condamner la CGPME à lui payer les sommes suivantes :
-5 651,56 euros en réparation du préjudice subi résultant du détournement de la finalité de la période d'essai,
-2825,78 euro en réparation du préjudice résultant des circonstances abusives de la rupture de la période d'essai,
-10 897,80 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, après requalification du contrat de travail à durée déterminée en date du 22 janvier 2014 en contrat à durée indéterminée et requalification de la rupture de ce contrat en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-10 897,80 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail du 18 juin 2013,
-907 euros à titre d'indemnité de préavis,
-90,70 euros à titre de congés payés afférents au préavis,
-3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

****

Motifs de la décision :

Sur le contrat de travail écrit à durée indéterminée à temps complet du 1er novembre 2012 :

Comme l'a rappelé le premier juge, si l'employeur peut de façon discrétionnaire mettre fin à la période d'essai, cette possibilité ne peut dégénérer en abus de droit.

Or en l'espèce, l'employeur a utilisé un prétexte fallacieux pour mettre fin au contrat de travail de Mme Y... en faisant valoir que l'essai n'était "pas concluant", alors qu'il l'a engagée trois semaines plus tard pour exercer les mêmes fonctions, mais à temps partiel.

Manifestement ce procédé a eu pour objet d'engager Mme Y... par intermittence, selon le gré de l'employeur, en faisant varier à volonté la durée hebdomadaire de travail, en s'affranchissant des règles de droit encadrant l'exécution d'un contrat de travail.

C'est donc à juste titre que le premier juge a condamné l'employeur à indemniser Mme Y... du préjudice résultant de la rupture abusive du contrat de travail du 1er novembre 2012.

Dans la mesure où il est résulté de cette rupture une grande instabilité dans les conditions de travail de Mme Y... , celle-ci étant restée trois semaines sans emploi, puis s'est vue engagée à nouveau pour une durée limitée dans les mêmes fonctions, mais à temps partiel, l'indemnisation fixée à hauteur de 6000 euros par le premier juge sera confirmée, ce montant indemnisant à la fois le préjudice résultant du détournement de la finalité de la période d'essai et le préjudice résultant des circonstances abusives de la rupture de la période d'essai.

Par voie de conséquence il ne peut être ajouté un rappel de salaire au titre de la période allant du 1er janvier 2013 au 21 janvier 2013.

Par ailleurs, comme l'a expliqué le premier juge, il résulte des dispositions de l'article L. 1221-25 du code du travail, que l'employeur devait, pour mettre fin à la période d'essai, respecter un délai de prévenance de deux semaines, compte tenu d'une ancienneté de Mme Y... supérieure à un mois. C'est donc à juste titre que par le jugement entrepris l'employeur a été condamné à payer à la salariée la somme de 630,22 euros correspondant à une semaine de salaire puisqu'il n'a prévenu celle-ci qu'une semaine avant la fin de la période d'essai. En outre il doit être ajouté la somme de 63 euros de congés payés afférents.

Sur le contrat de travail verbal à durée déterminée à temps partiel du 22 janvier au 30 avril 2013 :

L'exécution de ce contrat de travail est attestée par la délivrance par la CGPME, de bulletins de salaire pour la période du 22 janvier au 30 avril 2013.

Bien que verbal, Mme Y... rappelle les modalités de ce contrat, dans une lettre du 22 janvier 2013. Mme Y... en sollicite la requalification en contrat à durée indéterminée.

En application de l'article L. 1245-1 du code de travail, ce contrat encourt effectivement la requalification en contrat à durée indéterminée pour violation des dispositions de l'article L. 1242-12 du code du travail comme n'ayant pas été conclu par écrit et ne précisant pas le motif du recours à un contrat à durée déterminée.

Ce contrat à temps partiel n'étant pas écrit et ne mentionnant donc pas la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine, en violation des dispositions de l'article L. 3123-14 du code du travail, l'indemnité de requalification du contrat du 22 janvier 2013 en contrat de travail à durée indéterminée sera fixée à 2812,78 euros.

L'exécution de ce contrat de travail ayant pris fin le 30 avril 2013, sans lettre de licenciement, Mme Y... est fondée à réclamer paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au regard de la durée de ce contrat, et du fait que Mme Y... est restée sans emploi jusqu'au 18 juin 2013, il lui sera allouée la somme de 4200 euros à titre d'indemnité.

Mme Y... étant ainsi indemnisée pour la perte de son emploi, ne peut prétendre en outre au paiement d'un rappel de salaire pour la période du 1er avril 2013 au 17 juin 2013.

Il lui est dû par ailleurs à Mme Y... une indemnité compensatrice de préavis que l'usage en la matière permet de fixer à un montant équivalent à 15 jours de travail, soit en l'espèce 907 euros, à laquelle il y a lieu d'ajouter la somme de 90,70 euros de congés payés y afférents.

Par contre Mme Y... ayant moins d'un an ancienneté ne peut prétendre à une indemnité légale de licenciement fondée sur les dispositions de l'article R. 1234-1 du code du travail.

Sur le contrat de travail écrit à durée indéterminée à temps partiel du 18 juin 2013 :

Mme Y... sollicite la requalification de sa démission en date du 2 août 2013 en prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cependant dans sa lettre de démission, Mme Y... n'invoque aucun grief à l'encontre de son employeur. En outre elle demande à être dispensée de l'exécution de son préavis, ce qui laisse entendre que cette démission à pour but de lui permettre de réaliser d'autres projets.

Dans le cadre de la présente instance, à l'appui de sa demande de requalification de sa démission elle invoque une situation de précarité résultant de la succession de trois contrats de travail différents, à savoir : un CDI à temps complet, un CDD à temps partiel et un CDI à temps partiel.

Mme Y... invoque en fait des situations antérieures à la conclusion du contrat de travail écrit à durée indéterminée à temps partiel qu'elle a accepté le 18 juin 2013, mais elle ne relève aucun manquement de son employeur dans le cadre de l'exécution de ce contrat.

Par ailleurs il doit être rappelé que dans les dispositions du présent arrêt exposées ci-avant, il est alloué à la salariée diverses indemnités réparant les préjudices résultant des errements de son employeur dans le cadre de la conclusion des contrats de travail précédents.
Ces errements ne peuvent être à nouveau invoqués pour justifier sa démission alors qu'aucun manquement n'est reproché à l'employeur dans le cadre du troisième et dernier contrat de travail.

En conséquence Mme Y... sera déboutée de sa demande de requalification de sa démission du 2 août 2013 en prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur. Subséquemment elle sera déboutée de ses demandes indemnitaires liées à cette requalification.

Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de Mme Y... les frais irrépétibles qu'elle a exposés, tant en première instance qu'en cause d'appel, il lui sera alloué la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme de même montant allouée par le premier juge sur le même fondement.

Par ces motifs,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la CGPME à payer à Mme Y... les sommes suivantes :

-630,22 euros au titre du non-respect du délai de prévenance, outre 63 euros au titre des congés payés y afférents,

-6000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice subi en raison de la rupture abusive de la période d'essai,

-2 825,78 euros au titre de l'indemnité de requalification du contrat de travail à durée déterminée (du 22 janvier 2013) en contrat de travail à durée indéterminée,

-907 euros au titre de l'indemnité de préavis (contrat du 22 janvier 2013), outre 90,70 euros au titre des congés payés y afférents,

-1500 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Confirme ledit jugement également en ce qu'il a débouté Mme Y... de sa demande de rappel de salaire, de sa demande de requalification de sa démission du 2 août 2013 en prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur et des demandes indemnitaires liées à la demande de requalification de cette démission,

Le réforme pour le surplus, et statuant à nouveau,

Condamne la CGPME à payer à Mme Y... la somme de 4 200 euros à titre d'indemnisation du préjudice résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse (dans le cadre du contrat du 22 janvier 2013),

Y ajoutant,

Condamne la CGPME à payer à Mme Y... la somme 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les entiers dépens sont à la charge de la CGPME,

Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires.

Le Greffier, Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 15/020051
Date de la décision : 22/01/2018
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2018-01-22;15.020051 ?
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