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27/11/2017 | FRANCE | N°16/014691

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 27 novembre 2017, 16/014691


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 414 DU VINGT SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT

AFFAIRE No : 16/01469

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 6 septembre 2016-Section Industrie

APPELANTE

SARL BOULANGERIE LE LEVAIN
[...]
Représentée par Maître Sully X... (Toque 2), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉ

Monsieur Claude Y...

[...]
Représenté par Mme Jacqueline A... (Délégué syndical ouvrier)

COMPOSITION DE LA COUR :

En ap

plication des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 octobre 2017, en audience publ...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 414 DU VINGT SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT

AFFAIRE No : 16/01469

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 6 septembre 2016-Section Industrie

APPELANTE

SARL BOULANGERIE LE LEVAIN
[...]
Représentée par Maître Sully X... (Toque 2), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉ

Monsieur Claude Y...

[...]
Représenté par Mme Jacqueline A... (Délégué syndical ouvrier)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 octobre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Gaëlle Buseine, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bernard Rousseau, président de chambre, président,
Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller,
Mme Gaëlle Buseine, conseiller,

Les conseils des parties ont été avisés à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 27 novembre 2017

GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier principal.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.
Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président,
et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

Il résulte des explications et pièces fournies par les parties, les éléments suivants.

M. Claude Y... était embauché à compter du 1er octobre 2001, par l'EURL LE LEVIN, dont le gérant était M. Albert B....
Par courrier daté du 16 août 2012 il notifiait sa démission à son employeur, sollicitant une dispense de préavis, afin que la démission soit effective à compter du 31 août 2012.

Par contrat de travail à durée indéterminée prenant effet le 1er septembre 2012, M. Claude Y... était embauché par l'EURL BOULANGERIE LE LEVAIN, qui apparait dans le dit contrat sous l'appellation SARL BOULANGERIE LE LEVAIN.

A compter du 9 septembre 2013, M. Y... était placé en arrêt de travail, étant stipulé sur le certificat médical qu'il faisait l'objet d'une rechute liée à un accident du travail en date du 24 décembre 1999. Cet arrêt de travail faisait l'objet de plusieurs prolongations.
Dans le cadre d'une visite de pré reprise en date du 4 novembre 2013, le médecin du travail déclarait M. Y... inapte au poste de boulanger et apte à un poste sans manutention.
Dans le cadre d'une seconde visite, en date du 26 novembre 2013, le médecin du travail confirmait le premier avis d'inaptitude.

M. Y... saisissait le conseil de prud'hommes de Basse-Terre le 10 avril 2014 pour que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail, et afin d'obtenir la condamnation de la BOULANGERIE LE LEVAIN au paiement des sommes suivantes :
- 3 542,26€ à titre de rappel de salaire,
- 666,75€ au titre de la prime BINO,
- 10 070,10€ à titre de provision sur salaire,
- 30 210,30€ à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
- 3 356,770€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1 752,13€ à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
- 19 021,30€ à titre d'indemnité de licenciement,
- 2 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. Y... sollicitait en outre la remise d'un certificat de travail, d'une attestation Pôle emploi, des bulletins de salaire rectifiés des mois de novembre 2012 à septembre 2013, des bulletins de salaire conformes du mois de janvier jusqu'au terme du contrat, ce sous astreinte de 200€ par jour de retard et par document.

Par jugement du 6 septembre 2016, le conseil de prud'hommes de Basse-Terre ordonnait à la BOULANGERIE LE LEVAIN de remettre à M. Y... un certificat de travail, les bulletins de salaire rectifiés ou des attestations de salaire pour les mois de novembre 2012 à septembre 2013, et les bulletins de salaire conformes du mois de janvier 2014, et condamnait la BOULANGERIE LE LEVAIN au paiement des sommes suivantes :
- 3 542,26€ à titre de rappel de salaire,
- 666,75€ au titre de la prime BINO,
- 30 210,30€ à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
- 3 356,770€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1 752,13€ à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
- 19 021,30€ à titre d'indemnité de licenciement,
- 750€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- les entiers dépens.

Il doit être relevé que ce jugement est affecté d'une erreur matérielle consistant à ne pas mentionner dans le dispositif la résiliation judiciaire du contrat de travail, pourtant explicitée dans les motifs dudit jugement.

L'EURL BOULANGERIE LE LEVAIN interjetait régulièrement appel du jugement le 6 octobre 2016, en s'attribuant l'appellation SARL BOULNAGERIE LE LEVAIN.

Il convient de préciser que la SARL BOULANGERIE LE LEVAIN, est une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée immatriculée le 12 mai 2011 au registre des commerces et des sociétés, dont la dénomination est en réalité EURL BOULANGERIE LE LEVAIN, ce dont convient l'appelant dans ses propres conclusions. Mme Véronique C... est la gérante de cette EURL.

Les parties étant en état, l'ordonnance de clôture est intervenue le 2 juin 2017, renvoyant l'affaire à l'audience des débats du 16 octobre 2017.

**********************

Par conclusions signifiées à la partie adverse le 10 janvier 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé exhaustif des moyens de l'EURL BOULANGERIE LE LEVAIN, celle-ci sollicite que le jugement entrepris soit infirmé en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, que la Cour de céans prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail au 21 février 2014, et qu'elle limite les indemnités à verser à M. Y... aux sommes suivantes :
- 2 860,50€ à titre de rappel de salaire,
- 650€ au titre de la prime Bino,
- 902,52€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 357,56€ au titre de l'indemnité légale de licenciement.

Par dernières conclusions notifiées le 7 mars 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé exhaustif des moyens de M. Y..., celui-ci sollicite la confirmation du jugement, et y ajoutant, que l'employeur soit condamné à la remise d'une attestation Pôle emploi et au paiement des sommes suivantes :
- 354,22€ au titre des congés payés afférent à l'indemnité compensatrice de préavis,
- 1 650,10€ à titre d'indemnité de congés payés,
- 1 260,76€ à titre de complément d'indemnité de licenciement,
- 57 366,53€ à titre de rappel de salaire pour les mois de janvier 2014 à septembre 2016, et 5 736,65€ au titre des congés payés afférents,
- 2 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

**********************

Motifs de la décision

Sur l'ancienneté de M. Y...

M. Y... soutient que son ancienneté est de 40 ans et 3 mois, exposant avoir travaillé au service de l'employeur depuis le 1er juin 1976, par reprises successives d'activité, et jusqu'au 6 septembre 2016, date du jugement du conseil de prud'hommes ordonnant la résiliation judiciaire du contrat de travail. M. Y... produit un certificat de travail établi le 30 septembre 2009 par M. Yvan D..., agissant en qualité de gérant de la SARL BOULANGERIE DU PLATEAU et faisant apparaitre la mention « NB : par reprises successives d'activité depuis le 01/06/1976 ».
M. Y... expose que les époux B... lui ont eux-mêmes soumis la lettre de démission du 16 août 2012, avec prise d'effet au 31 août 2012, en même temps qu'ils lui proposaient un nouveau contrat de travail au sein de l'EURL BOULANGERIE LE LEVAIN, prenant effet le 1er septembre 2012.

L'EURL BOULANGERIE LE LEVAIN soutient que l'ancienneté de M. Y... ne remonte qu'au 1er septembre 2012, et qu'il n'existe aucun lien entre la SARL BOULANGERIE LE PLATEAU, l'EURL LE LEVIN et l'EURL BOULANGERIE LE LEVAIN.

Elle expose que si M. Y... a bien été recruté par l'EURL LE LEVIN, dont le gérant était M. Albert B..., le 1er octobre 2001, il a démissionné de ses fonctions le 16 août 2012, avec prise d'effet au 31 août 2012, et conclu un nouveau contrat avec l'EURL BOULANGERIE LE LEVAIN, à compter du 1er septembre 2012.

L'appelante soutient que ces deux EURL ne présentent aucun lien juridique, ni aucune communauté économique ou géographique, et qu'il s'agit bien de deux employeurs distincts, l'ancienneté de M. Y... ne remontant donc qu'à la date du 1er septembre 2012.

Si la mention apparaissant sur le certificat de travail du 30 septembre 2009 ne suffit pas à dater l'ancienneté de M. Y... au 1er juin 1976, il convient de relever que M. Albert B... et son épouse, Mme Véronique C..., ont tous deux été dirigeants de l'EURL LE LEVIN et de l'EURL BOULANGERIE LE LEVAIN, dont l'objet réside dans la même activité, à savoir celle de boulangerie ou boulangerie-pâtisserie, correspondant au code APE 1071C. M. Albert B... apparait d'ailleurs comme gérant de l'EURL BOULANGERIE LE LEVAIN sur le contrat de travail prenant effet le 1er septembre 2012.
En outre, la durée du préavis de M. Y... a été réduite à sa demande, la date de prise d'effet de sa démission du poste occupé au sein de l'EURL LE LEVIN étant dès lors fixée au 31 août 2012, tandis que dès le 1er septembre 2012, il débutait ses fonctions au sein de l'EURL BOULANGERIE LE LEVAIN.
Il appert que la démission de M. Y..., avec dispense d'une partie de son préavis, avait pour but de pouvoir établir un nouveau contrat de travail dès le 1er septembre 2012, avec l'EURL BOULANGERIE LE LEVAIN, aux mêmes fonctions que celles précédemment occupées au sein de l'EURL LE LEVIN.

Il convient de constater que l'EURL LE LEVIN, ancien employeur de M. Y..., et l'EURL BOULANGERIE LE LEVAIN, son dernier employeur, présentent de nombreuses similitudes, tant dans leur objet, que concernant les dirigeants de ces deux sociétés, M. Albert B... et Mme Véronique C... épouse B..., lesquels ont alternativement été gérants de l'une et de l'autre des deux EURL. Il convient de considérer que le contrat de travail prenant effet le 1er septembre 2012 constitue la poursuite de la relation contractuelle existant jusqu'à la veille, 31 août 2011, avec l'EURL LE LEVIN, et de dire dès lors que l'ancienneté de M. Y... doit être prise en compte depuis le 1er octobre 2001.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

La résiliation judiciaire est un mode de rupture du contrat de travail qui ne peut être initié que par le salarié, qui en forme la demande devant le conseil de prud'hommes lorsqu'il considère que son employeur a commis de graves manquements à ses obligations contractuelles.

M. Y... expose que suite aux deux avis d'inaptitude émis par le médecin du travail, les 4 et 26 novembre 2013, il appartenait à l'employeur de lui proposer une solution de reclassement, ce qui n'a pas été fait malgré une première interrogation verbale au sein de l'entreprise dès le 28 novembre 2013, puis une relance par courrier daté du 21 février 2014.
L'intimé fait valoir qu'en vertu des dispositions légales, l'employeur aurait du reprendre le paiement des salaires à l'expiration du délai d'un mois à compter du second avis d'inaptitude, ce qui n'a pas été fait et justifie le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail.

L'Eurl BOULANGERIE LE LEVAIN expose avoir indiqué le 28 novembre 2013 à M. Y... qu'il n'existait aucune solution de reclassement au regard des conclusions du médecin du travail, ce qui est confirmé par le courrier du salarié en date du 21 février 2014.

L'appelante reconnait avoir considéré à tort que la transmission d'un nouvel arrêt de travail suite au second avis d'inaptitude interrompait la procédure de licenciement qu'elle aurait dû mettre en place en l'absence de solution de reclassement. Elle expose qu'elle a également considéré à tort que la saisine du conseil de prud'hommes rendait sans objet la procédure de licenciement qui aurait du être engagée.
Dès lors, L'Eurl BOULANGERIE LE LEVAIN ne s'oppose pas à la résiliation judiciaire du contrat de travail.

L'article L1226-4 du code du travail dispose que « lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail ».
L'absence de reprise du versement des salaires à l'expiration du délai d'un mois suivant la seconde visite de reprise prononçant l'inaptitude du salarié à son poste de travail constitue un manquement suffisamment grave pour justifier le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail, et le jugement entrepris sera dès lors confirmé sur ce point.
Il est utile de rappeler que la date de prononcé de la résiliation judiciaire par le conseil de prud'hommes constitue la date de rupture du contrat de travail.

Sur le rappel des salaires concernant la période postérieure à l'expiration du délai d'un mois

L'EURL BOULANGERIE LE LEVAIN ne s'oppose pas au paiement des salaires qu'elle aurait du verser à l'expiration du délai d'un mois après le second avis d'inaptitude, conformément aux dispositions de l'article L1226-4du code du travail. En revanche, l'appelante plaide la bonne foi et sollicite que les rappels de salaire n'interviennent que concernant la période s'étendant du 26 décembre 2013, la date à laquelle la reprise du versement des salaires aurait du intervenir, jusqu'au 21 février 2014, date du courrier de M. Y..., qu'elle considère comme une prise d'acte, ou jusqu'à la date de la saisine du conseil des prud'hommes. Elle fait valoir que le délai écoulé entre la saisine du conseil de prud'hommes et la date du délibéré a été très long, ce indépendamment de la volonté des parties, et qu'il serait dès lors inéquitable de la condamner au paiement de rappel de salaire sur une période comprise entre le 26 décembre 2013 et le 6 septembre 2016, date de mise en délibéré de la décision prud'homale.
Elle propose la somme de 2 860,50€ correspondant à la période s'étendant du 26 décembre 2013 au 21 février 2014.

M. Y... sollicite le paiement des sommes de 57 366,53€, à titre de rappels de salaire pour la période allant du 23 décembre 2013 au 6 septembre 2016, et de 573,66€ au titre des congés payés afférents.

Il convient de rappeler qu'en l'absence de reclassement ou de licenciement, la reprise du paiement des salaires doit intervenir à l'expiration du délai d'un mois suivant le second avis d'inaptitude, soit le 26 décembre 2013 en l'espèce, et que la rupture du contrat de travail prend effet à la date de prononcé du jugement du conseil de prud'hommes constatant la résiliation judiciaire, en l'espèce le 6 septembre 2016.
Ainsi, le rappel des salaires doit porter sur la période comprise entre ces deux dates.

Les bulletins de salaire versés aux débats, dont le dernier concernant le mois de février 2014 (remis au salarié mais faisant apparaitre un net à payer de 0€), indique une durée de travail de 151,67 heures, conformément au contrat de travail, et un taux horaire fixé à 9,573€, soit un salaire brut mensuel de 1 451,91€, montant que M. Y... indique lui-même comme salaire dans ses conclusions, et qui sera considéré comme le salaire moyen.
Le montant des rappels de salaire concernant la période du 26 décembre 2013 au 6 septembre 2016 s'élève donc à la somme de 47 041,88€, somme que L'Eurl BOULANGERIE LE LEVAIN devra verser à M. Y..., y ajoutant 4 704,19€ au titre des congés payés afférents.

Sur les heures supplémentaires et la journée d'absence non rémunérée

Le contrat de travail de M. Y... fait apparaitre une durée mensuelle du travail fixée à 151,67 heures, correspondant à la durée légale du travail, soit 35 heures hebdomadaires.
Toute heure travaillée au-delà de cette limite hebdomadaire est considérée comme une heure supplémentaire.

En vertu des dispositions de l'article L3171-4 du code du travail, la charge de la preuve des heures supplémentaires est partagée entre le salarié, qui doit apporter des éléments concernant les heures dont le paiement est sollicité, et l'employeur, qui doit pouvoir justifier des heures réellement effectuées par le salarié s'il conteste le paiement des heures supplémentaires.

M. Y... expose qu'à compter du mois de janvier 2013, il procédait au décompte journalier des heures travaillées sur un calendrier (versé aux débats) et que cela ne correspond pas au nombre d'heures supplémentaires payées par l'employeur. Il indique que le montant des heures supplémentaires majorées à 25% apparait sur ses bulletins de salaire à hauteur de 2,35€ pour l'année 2012 et 2,357€ pour l'année 2013, à tort. Il produit un tableau reprenant mensuellement les montants bruts indiqués sur ses bulletins de salaires pour les mois de septembre 2012 à septembre 2013, et les montants bruts qui auraient dû être pris en compte selon lui, en fonction des heures travaillées et du taux horaire applicable.
L'intimé soutient également que c'est à tort que l'employeur a déduit la somme de 66,01€ de son salaire du mois de février 2013, puisque cela correspond à une journée de travail, alors même qu'il n'a pas été absent durant ce mois.
M. Y... sollicite le paiement des sommes de 3 542,26€ au titre des heures supplémentaires et de 354,22€ au titre des congés payés afférents.

L'Eurl BOULANGERIE LE LEVAIN ne conclut pas concernant les heures supplémentaires et la journée d'absence du mois de février 2013.

Il convient de constater que le salarié admet lui-même dans ses conclusions n'avoir commencé à noter les heures travaillées qu'à compter du mois de janvier 2013, conformément au calendrier de l'année 2013, seul produit, tandis qu'il sollicite le paiement d'heures supplémentaires dès le mois de septembre 2012. Il sera débouté de ses demandes concernant l'année 2012.
La majoration applicable aux heures supplémentaires est de 25% pour les 8 premières heures et de 50% pour les heures suivantes, et le taux horaire normal concernant M. Y... était fixé à 9,43€ en 2013.

Après vérifications réalisées à partir du calendrier produit par M. Y..., en fonction des heures supplémentaires effectuées, du taux de majoration devant être appliqué à ces différentes heures, et des montants apparaissant sur les bulletins de salaire les concernant, il apparait que l'employeur est redevable à M. Y... de la somme de 1 771,38€ au titre des heures supplémentaires, et de la somme de 177,14€ au titre des congés payés afférents. Il conviendra de réformer le jugement sur ce point.
Il sera fait droit à la demande de M. Y..., et lui sera alloué la somme de 66,01€ au titre de la journée non rémunérée au mois de février 2013.

Sur la prime Bino

L'accord régional interprofessionnel sur les salaires en Guadeloupe, dit accord Bino, est entré en application le 1er mars 2009 et a été étendu partiellement par arrêté du 3 avril 2009, notamment en ce qui concerne les articles 2 et 3 de l'accord, applicables en l'espèce.
L'Eurl BOULANGERIE LE LEVAIN a cessé de verser la somme de 50€ nets due au titre de cette prime à compter du mois de septembre 2012.
M. Y... sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement de la somme de 666,75€ au titre de la prime Bino pour les mois de septembre 2012 à septembre 2013.
L'Eurl BOULANGERIE LE LEVAIN sollicite que cette somme soit ramenée à 650€.

La somme de 50€ prévue par l'accord étant en net à payer, tandis que les condamnations interviennent en brut, il convient de faire droit à la demande de M. Y....

Sur les conséquences de la résiliation judiciaire

La résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ouvrant droit au versement de différentes indemnités.

De l'indemnité pour licenciement abusif

L'EURL BOULANGERIE LE LEVAIN employant moins de 11 salariés, il convient en l'espèce de faire application des dispositions de l'article L1235-5 du code du travail et d'évaluer le préjudice subi par M. Y....
Le conseil de prud'hommes a condamné l'employeur au paiement de la somme de 30 210,30€ à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, et M. Y... sollicite la confirmation du jugement sur ce point.

Au jour de la rupture de son contrat de travail, M. Y... justifiait d'une ancienneté de 14 ans et 11 mois, et était âgé de 57 ans. Au vu des éléments d'espèce, il convient de constater que le conseil de prud'hommes de Basse-Terre a correctement évalué le préjudice subi.

De l'indemnité compensatrice de préavis

L'Eurl BOULANGERIE LE LEVAIN fait valoir que l'indemnité compensatrice de préavis n'est pas due en cas de licenciement pour inaptitude du salarié.

Si l'article L1226-4 du code du travail dispose effectivement que dans le cas d'un licenciement consécutif à une inaptitude d'origine non professionnelle, « l'inexécution du préavis ne donne pas lieu au versement d'une indemnité compensatrice », il convient de rappeler que l'EURL BOULANGERIE LE LEVAIN n'a pas procédé au licenciement de M. Y..., ces dispositions n'étant dès lors pas applicables en l'espèce.

La résiliation judiciaire du contrat de travail ayant été prononcée, et produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle ouvre droit au paiement à M. Y... de l'indemnité compensatrice de préavis, dont la durée est fixée à 2 mois par l'article L1234-1 du code du travail, soit la somme de 2 903,82€.
Le jugement entrepris sera réformé sur ce point, et L'Eurl BOULANGERIE LE LEVAIN sera condamnée au paiement des sommes de 2 903,82€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et de 290,38€ au titre des congés payés afférents.

De l'indemnité compensatrice de congés payés

Le conseil de prud'hommes a condamné l'employeur au paiement de la somme de 1 752,13€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

L'Eurl BOULANGERIE LE LEVAIN sollicite que cette somme soit ramenée à hauteur de 902,52€, correspondant aux 23 jours ouvrables de congés payés restant dus au salarié.

M. Y... expose qu'il avait acquis 18,5 jours de congés payés jusqu'au mois de septembre 2013, auxquels il convient d'ajouter les congés payés acquis pendant les périodes d'arrêt de rechute, du mois d'octobre 2013 au mois de janvier 2014, soit un total de 28,5 jours, correspondant à la somme de 1 650,10€, dont il sollicite le paiement.

En application des dispositions de l'article L3141-5 du code du travail, « les périodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle » sont assimilées à du temps de travail effectif pour l'acquisition de jours de congés payés.
Bien que les arrêts de travail liés à l'accident du travail ne sont versés que pour les mois d'octobre à novembre 2013, il apparait à la lecture des bulletins de salaire que 2,5 jours de congés payés ont été acquis chaque mois par M. Y..., y compris du mois d'octobre 2013 au mois de février 2014, pour un total de 23 jours.

Il convient de réformer le jugement entrepris sur ce point, et de calculer l'indemnité compensatrice de congés payés en fonction de ces 23 jours, et d'un salaire annuel brut de référence fixé comme suit : 1 451,79€ X 12 mois = 17 422,92€.
La méthode de calcul la plus avantageuse pour le salarié est la suivante :
(17 422,92€/10) X (23/25) = 1 602,91€.

Le jugement sera réformé sur ce point et L'Eurl BOULANGERIE LE LEVAIN sera condamnée au paiement de la somme de 1 602,91€ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.

De l'indemnité légale de licenciement

Le conseil de prud'hommes a condamné l'employeur au paiement de la somme de 19 021,30€ à titre d'indemnité de licenciement, considérant une ancienneté acquise depuis le 1er juin 1976.

M. Y... s'accorde avec le conseil de prud'hommes quant à son ancienneté, mais présente dans ses conclusions un nouveau calcul, en application duquel il sollicite un complément d'indemnité à hauteur de 1 260,76€.

L'Eurl BOULANGERIE LE LEVAIN soutient que M. Y... ne peut se prévaloir que d'une ancienneté acquise à compter du 1er septembre 2012 et propose donc que le montant de l'indemnité légale de licenciement soit ramenée à la somme de 357,56€.

Il a été explicité ci-avant que la date d'embauche de M. Y... remontait au 1er octobre 2001. L'ancienneté à prendre en compte pour le calcul du montant de l'indemnité inclut le préavis, et est donc de 15 ans et 1 mois.
Le calcul est le suivant :
((1 451,91€/5) X 15,92 années = 4 622,88€)
+
((1451,91€ X 2/15) X 5,92 années = 1 117,40€)
= 5 740,28€

Le jugement entrepris sera réformé sur ce point et L'Eurl BOULANGERIE LE LEVAIN sera condamnée au paiement de la somme de 5 740,28€ au titre de l'indemnité légale de licenciement.

Sur les documents

Il sera ordonné à L'Eurl BOULANGERIE LE LEVAIN de remettre une attestation Pôle emploi, un certificat de travail, les bulletins de salaire établis conformément au présent arrêt pour les mois de janvier 2013 à septembre 2016.
Cette injonction sera assortie d'une astreinte d'un montant de 20€ par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les autres demandes

Il ne paraît pas équitable de laisser à la charge de M. Y... les frais irrépétibles qu'il a exposés, il lui sera en conséquence alloué la somme de 1 000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'Eurl BOULANGERIE LE LEVAIN succombant principalement en ses prétentions, supportera la charge des entiers dépens.

Par ces motifs

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. Claude Y... le 6 septembre 2016,

Réforme le jugement entrepris pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

Dit que l'ancienneté de M. Claude Y... doit être prise en compte à compter du 1er octobre 2001,

Condamne l'EURL BOULANGERIE LE LEVAIN au paiement à M. Claude Y... des sommes suivantes :
- 47 041,88€ à titre de rappel de salaire pour la période du 26 décembre 2013 au 6 septembre 2016, et de 4 704,19€ au titre des congés payés afférents,
- 1 771,38€ au titre des heures supplémentaires travaillées et non payées entre les mois de janvier et septembre 2013, et de 177,41€ au titre des congés payés afférents,
- 66,01€ à titre de rappel de salaire pour la journée travaillée et non payée au mois de février 2013,
- 666,75€ au titre de la prime dite BINO,
- 30 210,30€ à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,
- 2 903,82€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, et de 290,38€ au titre des congés payés afférents,
- 1 602,91€ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
- 5 740,28€ au titre de l'indemnité légale de licenciement,

Enjoint à l'EURL BOULANGERIE LE LEVAIN de remettre à M. Claude Y... une attestation Pôle emploi, un certificat de travail, ainsi que les bulletins de salaire rectifiés conformément au présent arrêt pour les mois de janvier 2016 à septembre 2016,

Dit que cette injonction est assortie d'une astreinte d'un montant de 20€ par jour de retard à compter de l'expiration du délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et jusqu'à remise de l'ensemble des documents précités,

Condamne l'EURL BOULANGERIE LE LEVAIN aux entiers dépens,

Condamne l'EURL BOULANGERIE LE LEVAIN au paiement à M. Claude Y... de la somme de 1 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de toutes prétentions plus amples ou contraires.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 16/014691
Date de la décision : 27/11/2017
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2017-11-27;16.014691 ?
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