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27/11/2017 | FRANCE | N°16/014431

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 27 novembre 2017, 16/014431


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 412 DU VINGT SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT

AFFAIRE No : 16/01443

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 8 septembre 2016-Section industrie

APPELANT

Monsieur A... X...
[...]
[...]
Représenté par Maître Patricia Y... (Toque 6), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2016/002055 du 05/12/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE)

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SAS LA MIE DELICE
[...]
[...]
Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'a...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 412 DU VINGT SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT

AFFAIRE No : 16/01443

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 8 septembre 2016-Section industrie

APPELANT

Monsieur A... X...
[...]
[...]
Représenté par Maître Patricia Y... (Toque 6), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2016/002055 du 05/12/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE)

INTIMÉE

SAS LA MIE DELICE
[...]
[...]
Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 octobre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposées, devant Mme Gaëlle Buseine, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bernard Rousseau, président de chambre, président,
Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller,
Mme Gaëlle Buseine, conseiller,

Les conseils des parties ont été avisés à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 27 novembre 2017

GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier principal.

ARRÊT :

Défaut, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

Il résulte des explications et pièces fournies par les parties, les éléments suivants.

Un contrat de travail à durée déterminée a été conclu le 10 novembre 2014 entre M. A... X... et la SAS LA MIE DELICE.
Il était convenu que M. X... exercerait les fonctions de responsable de production et création boulanger-pâtissier, à compter du 10 novembre 2014 et pour une durée de 12 mois, contre une rémunération mensuelle brute s'élevant à la somme de 2 238€ pour 39 heures de travail hebdomadaire.
Un second contrat de travail était signé entre les parties, dans les mêmes termes, pour une période de 12 mois comprise entre le 1er décembre 2014 et le 30 novembre 2015, et dans le cadre du dispositif CAE-DOM.

M. X... saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 8 avril 2016 afin qu'il soit constaté qu'il n'a bénéficié d'aucune formation professionnelle, qu'en conséquence le contrat soit requalifié en contrat à durée indéterminé, et que la SAS LA MIE DELICE soit condamnée à lui verser les sommes suivantes :
- 400€ au titre du manquement à l'obligation de formation
- 2 524€ au titre de la requalification,
- 3 600€ à titre d'indemnité de préavis,
- 442€ à titre d'indemnité de licenciement,
- 1 000€ au titre du non respect de la procédure de licenciement,
- 10 800€ à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
- 2 500€ à titre d'heures supplémentaires pour le mois de décembre 2014,
- 1 722€ à titre de salaire brut pour trois semaines,
- les entiers dépens.

Bien que régulièrement convoquée, la SAS LA MIE DELICE n'était ni présente ni représentée à l'audience des débats.

Par jugement du 8 septembre 2016, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux entiers dépens.

M. X... interjetait régulièrement appel du jugement le 4 octobre 2016.

L'intimé n'a pas constitué avocat dans le délai d'un mois, et M. X... a fait signifier ses pièces et conclusions par voie d'huissier de justice le 22 décembre 2016, conformément aux dispositions applicables.
Aucune personne n'était présente au siège social de la SAS LA MIE DELICE, l'acte n'a pu être remis, et les diligences prévues aux articles 656 et 658 du code de procédure civile ont été accomplies.

L'intimé n'a pas conclu dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile et l'ordonnance de clôture est intervenue le 2 juin 2017, renvoyant l'affaire à l'audience des débats du 16 octobre 2017, à laquelle seule l'appelante était représentée.

Le présent arrêt sera rendu par défaut.

************************
Par conclusions signifiées le 22 décembre 2016, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé exhaustif des moyens de M. X..., celui-ci sollicite la condamnation de la SAS LA MIE DELICE au paiement ses sommes suivantes :
- 400€ en réparation du préjudice causé par le manquement de l'employeur à son obligation de formation,
- 2 310€ à titre d'indemnité de requalification,
- 2 310€ à titre d'indemnité de préavis,
- 448€ à titre d'indemnité de licenciement,
- 2 310€ au titre du non respect de la procédure de licenciement,
- 13 860€ à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, correspondant à six mois de salaire,
- 2 500€ à titre d'heures supplémentaires pour le mois de décembre 2014,
- les entiers dépens.

*******************
Motivation

Sur la requalification du contrat de travail

M. X... expose que l'emploi qu'il occupait était celui de responsable de production, et qu'en conséquence il ne pouvait exercer ces fonctions que dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, le contrat à durée déterminée ne pouvant avoir pour but de pourvoir un poste stable et permanent. Au soutien de ses affirmations, il verse des supports publicitaires créés par la SAS LA MIE DELICE pour l'ouverture de la boulangerie, sur lesquels l'appelant est cité dans les termes suivants : « notre chef pâtissier A... X..., formé à l'association ouvrière des compagnons du devoir de Bordeaux ».
L'appelant fait valoir que les cas de recours au contrat à durée déterminée sont limitativement listés par la loi, et que sur ses contrats de travail apparait la mention « dans le cadre de l'accroissement de l'entreprise », ce qui correspond selon lui à un développement de l'entreprise, et non à un accroissement temporaire de l'activité.
M. X... soutient que puisque son embauche a servi à pourvoir un emploi stable et permanent dans l'entreprise, mais encore qu'elle ne répond à aucun des motifs de recours au contrat à durée déterminée, son contrat de travail doit en conséquence être requalifié en contrat à durée indéterminée, conformément aux dispositions de l'article L1245-1 du code du travail.

Il convient de rappeler que le contrat à durée indéterminé est le contrat de travail de principe, le contrat à durée déterminée n'en étant que l'exception, son recours étant dès lors strictement encadré par la loi.
L'article L1242-1 du code du travail dispose : « un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ».
Les fonctions listées à l'article 2 du contrat de travail conclu entre les parties sont nombreuses et variées, comprenant notamment les tâches suivantes :
1. Effectuer des commandes
2. Réceptionner des marchandises
3. Organiser la fabrication
4. Planifier le travail d'équipe de production
5. Contrôler la qualité sanitaire des produits
6. Etre au contact de la clientèle pour vendre, répondre aux questions et prendre les commandes spéciales.

Au vu de l'importance des attributions confiées à M. X..., et de la publicité faite par la boulangerie SAS LA MIE DELICE concernant son poste de chef pâtissier, il apparait que les fonctions exercées par l'appelant correspondent bien à l'activité normale et permanente d'une boulangerie-pâtisserie.

L'article L1242-2 du code du travail, qui liste de manière exhaustive les cas autorisés de recours au contrat à durée déterminée dispose : « un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants : (
) 2o Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ».
L'article 1 du contrat de travail mentionne que celui-ci est conclu « dans le cadre de l'accroissement de l'entreprise ».
L'accroissement de l'activité de l'entreprise correspond à une augmentation temporaire de l'activité habituelle de l'entreprise, or la mention « accroissement de l'entreprise » laisse entrevoir une volonté de développement de l'activité de l'entreprise, tout comme la mention à l'article 2 du contrat de travail, « les attributions et les responsabilités du salarié sont susceptibles d'évoluer ou de diminuer en fonction de l'évolution du chiffre d'affaire et des bénéfices de la société », démontre que la SAS LA MIE CALINE cherche à développer son activité.

En l'absence d'élément attestant de ce que la SAS LA MIE DELICE faisait face à un accroissement temporaire d'activité, et au vu de l'importance des fonctions exercées par M. X... dans le fonctionnement de la SAS LA MIE DELICE, il convient de déduire que le contrat à durée déterminée a en réalité été conclu pour pourvoir à un emploi lié à l'activité permanente de l'entreprise.
L'article L1245-1 du code du travail dispose : « est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4, L. 1242-6 à L. 1242-8, L. 1242-12, alinéa premier, L. 1243-11, alinéa premier, L. 1243-13, L. 1244-3 et L. 1244-4 »
En application de ces dispositions, le contrat ayant été conclu en dehors des cas de recours autorisés par la loi, il est réputé être à durée indéterminée et sera requalifié comme tel.

Sur les conséquences pécuniaires de la requalification

De l'indemnité spécifique

Le contrat de travail de M. X... étant requalifié en contrat à durée indéterminée, il convient de faire application des dispositions de l'article L1254-2 du code du travail, et de faire droit à sa demande en lui accordant le paiement d'une indemnité d'un montant d'un mois de salaire, soit la somme de 2 310€.

De l'indemnité de licenciement

Le contrat de travail étant requalifié en contrat à durée indéterminée, il convient de considérer que M. X... était engagé en CDI depuis le 10 novembre 2014, et puisque la relation de travail a pris fin à échéance du terme du contrat à durée déterminée, soit le 30 novembre 2015, il convient d'analyser cette rupture comme un licenciement.
En conséquence, la SAS LA MIE DELICE est redevable à M. X... d'une indemnité de licenciement, et au vu de l'ancienneté du salarié, et du montant de son salaire mensuel brut, il convient de faire droit à sa demande et de condamner l'employeur au paiement de la somme de 462€ à titre d'indemnité légale de licenciement.

De l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

La requalification du contrat de travail de M. X... en contrat à durée indéterminée étant rétroactive et la rupture de la relation de travail devant dès lors être analysée comme un licenciement, celui-ci est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il convient en l'espèce de faire application des dispositions de l'article L1235-5 du code du travail et d'évaluer le préjudice subi par M. X....

L'appelant fait valoir qu'il ne vivait pas en Guadeloupe lorsqu'il a candidaté au poste, ce qui est attesté par la promesse d'embauche adressée par la SAS LA MIE DELICE le 5 septembre 2014, qu'il a donc déménagé depuis la France métropolitaine afin de venir travailler dans cette entreprise.
Il produit également une attestation de paiement, délivrée par Pole emploi le 30 avril 2016, indiquant qu'il a perçu la somme de 3 615,84€ au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi entre le 12 janvier et le 4 avril 2016, soit la somme de 1 205€ par mois en moyenne.

M. X... était âgé de 36 ans et justifiait d'une ancienneté d'un an au jour de la fin de la relation de travail.

Après évaluation du préjudice subi par M. X..., il convient de condamner la SAS LA MIE DELICE au paiement de la somme de 9 240€, correspondant à 4 mois de salaire.

De l'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement

En vertu des dispositions de l'article L1235-5 du code du travail, le contrat de M. X... ayant été rompu sans qu'une procédure de licenciement ait été engagée, il convient de faire application des dispositions de l'article L1235-2 du code du travail, et de condamner la SAS LA MIE DELICE au paiement d'une indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, qui sera fixée à la somme de 2 310€, soit un mois de salaire.

De l'indemnité compensatrice de préavis

La rupture s'analysant comme un licenciement, et M. X... n'ayant nécessairement pu effectuer son préavis, il convient de faire application des dispositions de l'article L1234-1 du code du travail et de lui accorder une indemnité compensatrice de préavis correspondant à un mois de salaire, soit la somme de 2 310€.

Sur le manquement à l'obligation de formation

M. X... expose que, conformément aux dispositions de l'article L1242-3 du code du travail, son employeur aurait du satisfaire à son obligation de formation dans le cadre du CAE, ce qu'il n'a pas fait. L'appelant sollicite en conséquence le paiement de la somme de 400€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

L'article L5134-22 du code du travail dispose : « la demande d'aide à l'insertion professionnelle indique les modalités d'orientation et d'accompagnement professionnel de la personne sans emploi et prévoit des actions de formation professionnelle et de validation des acquis de l'expérience nécessaires à la réalisation de son projet professionnel.
Les actions de formation peuvent être menées pendant le temps de travail ou en dehors de celui-ci ».
Si aucun élément ne vient attester de ce que M. X... a bénéficié des actions des formations que l'employeur aurait du mettre en place, il convient de relever que l'appelant écrit dans ses conclusions : « compte tenu de la formation de haut niveau de M. X... et de son expérience professionnelle, il est cocasse de constater l'obligation de formation ».

S'il apparaît que l'employeur a manqué à son obligation de formation envers M. X..., il convient de constater que cela n'a pas porté préjudice à l'appelant, qui indique lui-même ne pas avoir besoin de formation. M. X... ne saurait obtenir réparation d'un préjudice inexistant, et sera donc débouté de ce chef de demande.

Sur les heures supplémentaires

M. X... sollicite le paiement de la somme de 1 999,24€ au titre d'heures supplémentaires pour le mois de décembre 2014, détail étant fait dans ses conclusions des taux de majoration applicables en fonction du nombre d'heures supplémentaires pour chaque semaine.
Il verse aux débats un tableau de décompte quotidien de ses heures de travail, établi par lui-même, et faisant état de 255 heures travaillées entre le 1er et le 24 décembre 2014.

Au vu des éléments versés aux débats, il convient de faire droit à la demande de M. X....

Sur les dépens

Il convient de mettre les dépens à la charge de la SAS LA MIE DELICE.

Par ces motifs

La Cour statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Dit que le contrat de travail conclu entre M. A... X... et la SAS LA MIE DELICE le 10 novembre 2014 est un contrat à durée indéterminée,

Condamne la SAS LA MIE DELICE au paiement à M. A... X... des sommes suivantes :
- 2 310€ à titre d'indemnité de requalification du contrat de travail,
- 462 € à titre d'indemnité de licenciement,
- 9 240€ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2 310 à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,
-2 310€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

[...] supplémentaires effectuées au mois de décembre 2014,

Condamne la SAS LA MIE DELICE aux entiers dépens,

Déboute les parties de toutes prétentions plus amples ou contraires.

Le Greffier, Le Président,

-


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 16/014431
Date de la décision : 27/11/2017
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2017-11-27;16.014431 ?
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