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06/11/2017 | FRANCE | N°16/009541

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 06 novembre 2017, 16/009541


VS-BR

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 384 DU SIX NOVEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT

AFFAIRE No : 16/00954

Décision déférée à la Cour :Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 8 juin 2016-Section Activités Diverses

APPELANT

Monsieur Sylvain X...

[...]
Représenté par Maître Sully Y... (Toque 2) de la Z... , avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

ASSOCIATION SIEL BLEU
[...]
Représentée par Maître : Me Joël D... , avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND substituÃ

© par Maître E..., avocat au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 ...

VS-BR

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 384 DU SIX NOVEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT

AFFAIRE No : 16/00954

Décision déférée à la Cour :Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 8 juin 2016-Section Activités Diverses

APPELANT

Monsieur Sylvain X...

[...]
Représenté par Maître Sully Y... (Toque 2) de la Z... , avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

ASSOCIATION SIEL BLEU
[...]
Représentée par Maître : Me Joël D... , avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND substitué par Maître E..., avocat au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Septembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard Rousseau, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bernard Rousseau, président de chambre, président,
Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller,
Mme Gaëlle Buseine, conseiller,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 6 novembre 2017

GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier principal,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.
Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

Faits et procédure :

Il résulte des pièces versées au débat les éléments suivants.

Par contrat de travail intitulé "contrat à durée indéterminée à temps complet emploi d'avenir", en date du 16 septembre 2013, M. X... était engagé par l'Association SIEL BLEU en qualité "d'animateur développement".

Il était mentionné que M. X... exercerait "notamment ses fonctions dans le département 97 et plus particulièrement sur les différents lieux d'exercices de l'activité de l'Association SIEL BLEU".

Une convention cadre était souscrite entre l'Association SIEL BLEU et l'Etat, lequel s'engageait à prendre en charge 75 % de la rémunération brute du SMIC.

Selon les pièces versées au débat, l'Association SIEL BLEU oeuvre pour la prévention santé et le bien-être, pour les personnes âgées, les personnes en situation de handicap et les personnes atteintes de maladies chroniques lourdes.

Par lettre recommandée avec avis de réception, en date du 8 décembre 2014, M. X... rappelait à son employeur qu'il avait signé le 16 septembre 2013 un contrat de travail, mais qu'il ne bénéficiait pas de bonnes conditions de travail et ne bénéficiait pas des formations et accompagnements adéquats. Il faisait savoir qu'en dépit de son implication, il n'avait ressenti aucune perspective d'évolution, que cette situation le perturbait et le déstabilisait "financièrement et familialement", d'autant qu'il venait d'avoir un enfant, et qu'il envisageait de prospecter en vue de trouver meilleure situation.

Dans un courriel du 16 janvier 2015, adressé à M. Arnaud A..., responsable national "Domisiel", M. X... faisait savoir que sa situation, qu'il qualifiait de précaire, s'était dégradée, et ne lui permettait plus de subvenir aux besoins de sa famille. Il faisait état de factures internet/télévision impayées, entraînant un accès internet irrégulier, et de pannes répétées de son véhicule avec des coûts de réparation excédant la valeur résiduelle de celui-ci, entraînant des difficultés quant aux déplacements professionnels.

M. X... terminait ce courriel de la façon suivante :

"La situation n'est plus viable.
Vous m'aviez déjà fait part de la remise en cause de mon poste et de son rendement tout en sachant les difficultés rencontrées dans le département pour la mise en place d'activités. Cette échange a précipité ma décision.
N'ayant pas de perspective d'un emploi pérenne au sein de l'Association SIEL BLEU, moins encore d'évolution professionnelle et donc salariale, je me vois dans l'obligation, en parallèle, de me lancer dans une recherche d'emploi correspondant à mes véritables besoins, compte tenu que le contrat avenir a été mis en place dans cette optique, servant ainsi de tremplin.
Sachez que je continue tout de même à oeuvrer pour l'Association SIEL BLEU, malgré les difficultés rencontrées".

M. A... répondait dans un courriel du 4 février 2015, en reprochant à M. X... de n'être pas joignable téléphoniquement, et demandait à celui-ci, de lui faire parvenir, prioritairement à toute autre tâche, d'ici le mardi 10 février 2015 un rapport d'activité de chacune de ses journées de travail du mois de janvier et pour la période du 2 au 6 février 2015, en faisant connaître les informations concernant le partenaire rencontré : structure rencontrée, nom, prénom, fonction, adresse, numéro de téléphone, email, date, heure et durée de la rencontre...

Dans un courrier recommandé avec avis de réception, en date du 16 février 2015, adressé à la direction des ressources humaines de l'Association SIEL BLEU, M. X... relevait que son courrier du 8 décembre 2014 n'avait pas reçu de réponse conforme. Il exposait qu'il était à 8000 km, à chercher, traiter et gérer des dossiers, comme un véritable responsable d'entreprise, alors qu'il ne disposait que d'un soit-disant contrat d'avenir.

Il indiquait qu'il lui avait été promis un véhicule de fonction, qu'il n'a jamais eu, et qu'il a dû utiliser à de nombreuses reprises, les véhicules de ses parents, pour tenter d'assumer ses tâches. Il évoquait par ailleurs la carence de l'employeur qui n'avait pas fait le nécessaire pour que ses indemnités de congés maladie d'avril 2014 et de congé paternité d'août 2014, lui soient payées.

Il faisait valoir que ces atteintes lui créaient de graves perturbations et qu'il se trouvait dans l'obligation de chercher activement d'autres voies professionnelles. Il sollicitait en conséquence de son employeur, une proposition de rupture amiable ou conventionnelle.

En réponse le directeur général de l'Association SIEL BLEU, par courrier du 24 février 2015, faisait état des difficultés à rentrer en contact téléphoniquement ou par email avec M. X..., et prenait acte de l'absence injustifiée de celui-ci pendant toute la durée du mois de février. Il lui annonçait des mesures disciplinaires au cas où il ne prenait pas contact avec son supérieur hiérarchique ou avec la directrice des ressources humaines.

Après convocation à un entretien fixé au 31 mars 2015, l'employeur, par courrier recommandé avec avis de réception, en date du 23 avril 2015, notifiait à M. X... son licenciement avec effet immédiat sans indemnité de rupture.

Après avoir saisi en vain, le 30 juin 2015, le conseil de prud'hommes de Pointe à Pitre, en référé, M. X... sollicitait au fond, devant la même juridiction, le paiement d'un rappel de salaire et des indemnités de rupture.

Par jugement du 8 juin 2016, la juridiction prud'homale, disait que le licenciement de M. X... était intervenu pour une faute grave, mais condamnait l'Association SIEL BLEU à lui payer les sommes suivantes :
-4372,65 euros au titre de rappel des salaires de février, mars et avril 2015,
-1430,25 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation d'adaptation,
-800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 24 juin 2016, M. X... interjetait appel de cette décision.

****

Par conclusions communiquées le 24 avril 2017, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, et auxquelles il convient de se référer pour l'exposé exhaustif des moyens de M. X..., celui-ci sollicite avant-dire droit qu'il soit ordonné à l'Association SIEL BLEU de communiquer, sous astreinte, l'intégralité des pièces mentionnées dans la sommation de communiquer du 26 janvier 2015, outre les justificatifs des compléments de salaires prévus dans la fiche de poste.

Au fond M. X... demande l'infirmation du jugement déféré et entend voir juger le caractère irrégulier de la procédure de licenciement et l'absence de cause réelle et sérieuse. Il demande paiement des sommes suivantes :
-4372,65 euros au titre de rappel de salaires correspondant aux mois de février, mars et avril 2015, avec intérêts au taux légal et déduction d'éventuels acomptes reçus,
-874,53 euros à titre d'indemnité légale de licenciement calculée sur une durée de 3 ans du contrat avenir Etat et SIEL BLEU,
-4372,65 euros à titre d'indemnité pour le préavis inexécuté,
-1457,55 euros à titre d'indemnité pour licenciement irrégulier,
-8745,30 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-4372,65 euros de dommages et intérêts pour procédure vexatoire au regard des circonstances de l'entretien préalable,
-4372,65 euros de dommages et intérêts pour violation de l'obligation contractuelle et législative d'égalité des droits,
-4372,65 euros de dommages et intérêts pour remise tardive des documents consécutifs à la rupture,
-20 405,57 euros de dommages et intérêts pour violation de l'obligation d'adaptation,
-4372,65 euros de dommages et intérêts pour absence de mention de la convention collective sur le bulletin de paie,
-2500 euros de dommages et intérêts pour remise tardive des documents légaux.

A titre subsidiaire M. X... réclame paiement de la somme de 60 000 euros tous chefs de préjudices confondus.

Il demande en tout état de cause paiement de la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles et qu'il soit ordonné la remise sous astreinte des documents consécutifs à la rupture du contrat de travail.

****

Par conclusions communiquées le 13 avril 2017, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, et auxquelles il convient de se référer pour l'exposé exhaustif des moyens de l'Association SIEL BLEU, celle-ci sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. X... reposait sur une faute grave, et en ce qu'il a débouté celui-ci de ses différents chefs de demandes.

Formant appel incident, l'Association SIEL BLEU demande l'infirmation du jugement critiqué en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. X... la somme de 4372,65 euros à titre de rappel de salaire, celle 1430,25 euros pour violation de l'obligation d'adaptation et 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. L'Association SIEL BLEU demande que M. X... soit débouté sur ces chefs de demandes.

Subsidiairement l'Association SIEL BLEU entend voir juger que la prise d'acte de rupture produit les effets d'une démission, et que M. X... soit débouté de l'intégralité de ses demandes.

Elle réclame paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

****

Motifs de la décision :

Les pièces dont la remise est sollicitées par M. X..., n'étant pas nécessaires à la résolution du litige opposant les parties, il ne sera pas fait droit à la demande de remise sous astreinte, par l'intimée, desdites pièces.

Sur la rupture du contrat de travail :

Il ressort de l'examen des pièces de la procédure, que le licenciement de M. X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse au double motif suivant :

* la lettre de licenciement porte sous le nom du directeur général Jean-Daniel B..., une signature qui n'est pas la sienne puisqu'il y est mentionné "po", pour ordre.

Au demeurant dans ses écritures l'Association SIEL BLEU admet que cette lettre n'est pas signée du directeur général mais affirme qu'elle aurait été signée par M. Arnaud A....

Pour justifier de la compétence de ce dernier, l'Association SIEL BLEU produit un pouvoir daté du 23 mars 2015, par lequel le directeur général M. B... donnait pouvoir à M. Arnaud A..., qualifié de responsable national, de représenter le groupe associatif dans le cadre de la procédure disciplinaire visant M. X..., pour assurer tout entretien et signature de document relatifs à ce dossier, le directeur général ayant reçu lui-même, du président de l'Association SIEL BLEU, par délégation du 21 avril 2008, procuration pour signer tout document engageant l'Association SIEL BLEU au quotidien.

Toutefois M. A... ayant signé une attestation versée au débat, décrivant les conditions de l'entretien préalable au licenciement (pièce no 15 de l'intimée), il ressort de l'examen comparatif de ce document et de la lettre de licenciement, que cette dernière ne porte pas la signature de M. A..., les signatures portées sur ces deux documents étant manifestement différentes.

En conséquence il y a lieu de constater que la lettre de licenciement a été signée par une personne non identifiée. Il en résulte que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

*surabondamment il sera démontré ci-après que les manquements reprochés à M. X..., dans la lettre de licenciement ne sont nullement fondés.

Il est relevé dans la lettre de licenciement :
-des difficultés, au cours du mois de novembre 2014, pour contacter M. X... et obtenir des informations sur le travail qu'il était supposé fournir,
-l'absence de M. X... pour des entretiens téléphoniques prévus les 5 et 13 janvier 2015, puis le 4 février 2015,
-l'impossibilité de suivre l'activité de M. X... en raison du non retour de documents de suivi demandés par son responsable, en particulier l'absence de réponse aux demandes de bilans d'activités effectuées par M. A...,
-l'absence injustifiée de travail pour la totalité du mois de février 2015,
-la non-présentation à la visite médicale du 3 novembre 2014.

Les documents versés au débat, relatifs à l'exécution du contrat de travail de M. X..., montrent que l'employeur n'a pas respecté les conditions régissant ce contrat, et n'a pas donné au salarié les moyens de l'exécuter. Dès lors il ne saurait lui reprocher valablement des manquements dans l'exercice des fonctions qui lui étaient attribuées.

Il y a lieu de rappeler que les parties ont souscrit un contrat de travail de type "Emploi d'Avenir", lequel est régi par les dispositions des articles L. 5134-110 et suivants du code du travail et R. 5134-161 et suivants du même code. Il résulte de ces textes que le contrat Emploi d'Avenir doit prendre la forme d'un Contrat d'Accompagnement dans l'Emploi (régi par les articles L. 5134-20 et suivants et R. 5134-26 et suivants du code du travail) ou d'un Contrat Initiative Emploi (régi par les articles L. 5134-65 et suivants et R. 5134-51 et suivants du code du travail), ce que l'Association SIEL BLEU a occulté, aucune référence à ces contrats aidés ne figurant dans le contrat de travail de M. X....

En tout état de cause, quelle que soit sa forme, le contrat Emploi d'Avenir comporte des engagements de l'employeur, tels que prévus par les articles R. 5134-3 et R. 5134-61 du code du travail, prévoyant que l'employeur désigne un tuteur qui a pour missions de participer à l'accueil, aider, informer et guider le salarié et de contribuer à l'acquisition des savoir-faire professionnels.

Dans la convention cadre établie entre l'Etat et l'Association SIEL BLEU, il est rappelé que le contrat Emploi d'Avenir a pour objectif de permettre à des jeunes peu ou pas qualifiés de réussir une première expérience professionnelle et de leur ouvrir l'accès à une qualification professionnelle, et que ce type de contrat, qui s'adresse à des jeunes de 16 à 25 ans, vise en priorité les zones urbaines sensibles et les zones de revitalisation rurale, mais aussi les départements et collectivités d'outre-mer et les territoires dans lesquels les jeunes connaissent des difficultés particulières d'accès à l'emploi.

Ladite convention stipule que l'employeur s'engage notamment :
-à favoriser, dans le cadre de la construction d'un projet professionnel, l'employabilité des bénéficiaires de ce type de contrat,
-à encadrer de manière personnalisée chaque jeune ainsi recruté (tutorat, référent interne, référent professionnel....)
-à mettre en oeuvre les actions de formation et d'accompagnement professionnel nécessaires à l'acquisition des compétences visées,
-à réaliser un bilan au 17 ème mois avec le jeune afin de mesurer les acquisitions de la première phase d'emploi d'avenir, identifier le ou les métiers accessibles sur le marché du travail et au sein de l'entreprise et construire un parcours de qualification ou d'acquisition de compétences permettant au titulaire de s'inscrire dans un processus d'accès durable à l'emploi.

Il ressort de la demande d'aide au titre de l'emploi d'avenir, que l'employeur avait désigné en qualité de tuteur Mme C..., et que les actions d'accompagnement professionnel portait sur l'aide à la prise de poste et que les actions de formation concernaient l'adaptation au poste de travail et l'acquisition de nouvelles compétences en interne.

S'il ressort des pièces versées au débat, qu'il a été dispensé en septembre 2013, une formation initiale, comprenant notamment :
-des séances de gymnastique pour divers publics (Gym Alzheimer, Gym sur Chaise, Gym Equilibre/Gym autour de la table),
-une présentation de l'ensemble du groupe associatif,
-appels de structures ciblées sur le territoire concerné pour prises de premiers rendez-vous,
-conférence sur les ateliers Equilibres,
M. X... n'a, par la suite, bénéficié d'aucune autre formation, alors qu'il avait pour mission, outre les séances de gymnastique à destination de personnes en difficulté physique ou mentale, de prospecter et développer, sans aucun moyen matériel si ce n'est une ligne téléphonique et un abonnement internet, les activités de l'Association SIEL BLEU sur le territoire de la Guadeloupe.

Les pièces figurant sous le numéro 20, de l'intimée, présentées comme "pièces justificatives de l'assistance et de l'accompagnement dont a bénéficié Monsieur Sylvain X... dans l'exécution de ses prestations", consistent en un ensemble de courriels entre M. X... et différents personnels de l'Association SIEL BLEU, et notamment Mme C..., faisant apparaître que dans l'essentiel de ces messages, M. X... rend compte de l'activité qu'il déploie auprès de différentes structures guadeloupéennes ; il est également fait état de demandes de renseignements pour l'établissement d'une prise en charge et d'avenants dans le cadre de relations avec des structures clientes.

Il s'agit d'informations sollicitées par M. X... pour mettre en forme les documents nécessaires aux relations contractuelles avec les organismes clients.

Toutefois hormis ces informations ponctuelles données à M. X... à sa demande, il apparaît que ce dernier, depuis sa formation initiale en septembre 2013, portant essentiellement sur des exercices physiques à initier dans les structures clientes, a dû gérer lui-même, sans véritable accompagnement ni formation professionnelle sérieuse, au cours des 17 mois d'exercice de ses activités, l'ensemble de ses missions, lesquelles ne se bornaient pas seulement aux séances d'activités physiques, mais avaient également pour objet d'initier et de développer l'intervention de l'Association SIEL BLEU dans le département de la Guadeloupe, auprès d'organismes qu'il devait prospecter et amener à accepter ses prestations.

Au demeurant M. X... qui a été engagé dans le cadre d'un Emploi d'Avenir, afin de réussir une première expérience professionnelle et se voir ouvrir l'accès à une qualification professionnelle, a d'emblée été gratifié du poste de "Responsable Antenne Guadeloupe", comme il lui a été recommandé de se présenter.

Si l'Association SIEL BLEU a pu faire livrer en Guadeloupe quelques accessoires en juin 2014, pour la mise en oeuvre d'exercices physiques, il y a lieu de constater, par ailleurs, que l'activité de M. X... a été sérieusement entravée par l'indigence des moyens matériels mis à sa disposition, les faibles moyens financiers de ce candidat à une qualification professionnelle lui permettant difficilement, comme il l'explique dans son courriel sus-cité du 16 janvier 2015, d'entretenir un véhicule pour assurer ses interventions auprès des différentes structures d'accueil, ou pour prospecter dans le but de trouver de nouveaux organismes clients.

Manifestement, en l'espèce l'employeur n'a fourni ni la formation, ni l'accompagnement auquel il était tenu dans le cadre de l'Emploi d'Avenir, ni les moyens matériels permettant au bénéficiaire du contrat aidé, d'accomplir ses missions.

En réponse à la lettre du 8 décembre 2014 et au courriel du 16 janvier 2015, dans lesquels M. X... faisait état du manque de formation et d'accompagnement et de l'indigence de ses moyens matériels en matière de locomotion et de communication, M. A..., "responsable national" de l'Association SIEL BLEU, par courriel du 4 février 2015, après avoir proposé un entretien téléphonique au salarié, a exigé de celui-ci "prioritairement à toute autre tâche" un rapport d'activité de chacune de ses journées de travail du mois de janvier, ce rapport devant préciser "jour après jour l'ensemble des tâches effectuées de façon circonstanciée, et en cas de rencontre ou d'échanges téléphoniques avec un partenaire, préciser l'ensemble des informations concernant le partenaire (structure rencontrée, nom, prénom, fonction, adresse, no de téléphone, email, date, heure et durée de la rencontre, et un bilan des échanges".

Alors qu'il s'agissait du 17ème mois d'activité, et que la convention cadre souscrite le 29 janvier 2013 par l'Association SIEL BLEU avec l'Etat, stipulait que l'employeur s'engageait à ce stade de l'exécution du contrat de travail, à réaliser un bilan avec le salarié afin de mesurer les acquisitions, identifier le ou les métiers accessibles sur le marché du travail et au sein de l'entreprise, et construire un parcours de qualification ou d'acquisition de compétences permettant au titulaire de s'inscrire dans un processus d'accès durable à l'emploi, la hiérarchie de M. X... s'est bornée à exiger de lui un compte rendu journalier détaillé de ses démarches et contacts téléphoniques afin d'exercer un contrôle strict de son activité.

Compte tenu des difficultés matérielles rencontrées par M. X... pour l'exercice de ses missions, des manquements de l'employeur à ses obligations d'aide à la prise de poste et de formation en vue de l'adaptation au poste de travail, l'Association SIEL BLEU est mal fondée à invoquer la suspension, à partir de janvier 2015, de la collaboration attendue de M. X..., pour justifier le licenciement de celui-ci.

En conséquence le licenciement de M. X... sera déclaré sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes pécuniaires de M. X... :

L'employeur n'ayant pas accompli ses obligations à l'égard du bénéficiaire du contrat aidé, il ne saurait invoquer l'interruption de ses activités pour le priver des salaires qui lui sont dus jusqu'à la rupture du contrat de travail.

Sur la base de l'attestation ASSEDIC versée au débat, faisant ressortir un salaire brut mensuel de 1457,65 euros payé pour 151,67 heures de travail au mois de janvier, et compte tenu du paiement de la somme de 66,21 euros pour 6,89 heures de travail au mois de mars, il sera alloué à M. X... un rappel de salaire d'un montant de 3966,61 euros pour la période de février 2015 au 23 avril 2015, date de la rupture du contrat de travail.

M. X... ayant 19 mois d'ancienneté à la date de la rupture du contrat de travail, il a droit, en application de l'article L. 1234-1 du code du travail, à une indemnité compensatrice de préavis équivalente à un mois de salaire, soit la somme de 1457,65 euros.

En application des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail, M. X... a droit à une indemnité légale de licenciement d'un montant de 485,88 euros, compte tenu de l'ancienneté acquise à la date de la fin du préavis.

M. X... ayant moins de deux ans d'ancienneté, il ne peut prétendre à l'indemnité minimale de six mois de salaire prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail. Compte tenu de son ancienneté et de l'absence de justificatifs concernant sa situation matérielle, financière et professionnelle dans les mois qui ont suivi son licenciement, il lui sera alloué la somme de 4 300 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Si la procédure de licenciement peut être considérée comme irrégulière, dans la mesure où l'entretien préalable s'est tenu en Guadeloupe où M. X... travaillait seul, ce qui l'a privé du bénéfice de l'assistance d'un salarié de l'entreprise, en particulier d'un délégué du personnel, alors que l'entreprise compte 371 salariés, il y a lieu de rappeler que l'indemnité prévue par l'article L. 1235-2 du code du travail en cas de procédure irrégulière de licenciement, n'est allouée qu'en cas de licenciement pour une cause réelle et sérieuse. Il ne peut donc être fait droit à l'indemnisation sollicitée pour irrégularité de la procédure de licenciement.

Aucune circonstance vexatoire entourant le licenciement n'est caractérisée, le fait de fixer l'entretien préalable dans un bungalow à usage touristique, lequel peut constituer un lieu privé, fermé permettant de préserver la confidentialité de l'entretien, alors que l'association ne dispose pas de locaux en Guadeloupe, ne saurait entacher d'irrégularité la procédure de licenciement.

En revanche l'employeur a failli à son obligation d'adaptation au poste de travail, telle qu'elle résulte de la convention Emploi d'Avenir. La défaillance de l'employeur à ce titre ayant causé un préjudice à M. X..., qui n'a pas bénéficié de l'accompagnement attendu, ce dernier sera indemnisé par l'octroi d'une somme de 2000 euros.

M. X... n'apportant aucun justificatif d'une prétendue violation de l'égalité des droits, il ne peut être satisfait à sa demande d'indemnisation pour ce chef de préjudice. Il en sera débouté.

L'employeur a adressé les documents de fin de contrat à M. X... le 22 mai 2015, soit près d'un mois après la lettre de licenciement. L'attestation Pôle Emploi, comme le certificat de travail, étant quérables, et M. X... ne justifiant pas avoir en vain réclamé à son employeur la remise de ces documents, il ne sera octroyé au salarié aucune indemnité pour remise tardive des documents de fin de contrat, aucun préjudice n'étant d'ailleurs démontré compte tenu du délai de carence de 28 jours au titre des congés payés, lesquels lui ont été au demeurant payés à hauteur de 2019 euros.

M. X... sollicite la remise sous astreinte de l'attestation Pôle Emploi rectifiée, notamment en ce qui concerne le montant des sommes versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail, en faisant valoir que les mentions relatives au dernier bulletin de salaire seraient fausses (salaire brut et montant du précompte salarial), ainsi que le nombre de jours ouvrables de congés payés. Cependant M. X... n'explique pas en quoi les indications chiffrées seraient fausses, et ne précise pas les montants qu'il entend voir figurer. Il ne peut donc être fait droit à sa demande de remise sous astreinte de documents rectifiés.

L'objet de l'Association SIEL BLEU porte sur la prévention de la santé par la pratique d'une activité physique adaptée, à destination des personnes âgées, des personnes en situation de handicap et des personnes atteintes de maladies chroniques et pathologiques lourdes. L'Association SIEL BLEU, de par la nature des activités physiques qu'elle propose, entre dans le champ d'application de la convention collective nationale du sport du 7 juillet 2005 étendue par arrêté du 21 novembre 2006, étant relevé au demeurant que le code APE de l'Association SIEL BLEU, 93.19Z (autres activités liées au sport), est visé par ladite convention collective dans son article 1.1 relatif à son champ d'application.

L'absence de mention de la convention collective sur les bulletins de salaire, cause préjudice au salarié dans la mesure où celui-ci est laissé dans l'ignorance des dispositions conventionnelles auxquelles notamment l'employeur est tenu, et qui bénéficient au salarié. Ce préjudice sera indemnisé par l'octroi d'une somme de 1000 euros.

Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. X..., les frais irrépétibles qu'il a exposés, tant en première instance qu'en cause d'appel, il lui sera alloué la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Réforme le jugement déféré,

Et statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de M. X... est sans cause réelle et sérieuse,

Condamne l'Association SIEL BLEU à payer à M. X... les sommes suivantes :

-3966,61 euros à titre de rappel de salaire pour les mois de février à avril 2015,

-1457,65 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

-485,88 euros d'indemnité légale de licenciement,

-4300 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-2000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation d'adaptation,

-1000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de mention de la convention collective sur le bulletin de paie,

-2500 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens sont à la charge de l'Association SIEL BLEU,

Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 16/009541
Date de la décision : 06/11/2017
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2017-11-06;16.009541 ?
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