VS-BR
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 349 DU VINGT CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT
AFFAIRE No : 15/ 01711
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 23 juin 2015- Section Encadrement
APPELANT
Monsieur Philippe X...... Représenté par Maître Pierre KIRSCHER de la SELAS ST BARTH LAW (Toque 22) substitué par Maître SZWARCBART, avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART
INTIMÉE
SARL SIBARTH VILLA RENTALS Gustavia 97133 Saint-Barthélemy/ France Représenté par Maître Aurelien STEPHANE (Toque 25), avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 3 Juillet 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller, Madame Gaëlle Buseine, conseiller, qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 25 septembre 2017.
GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier principal,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure :
M. X...a été recruté en janvier 1987, par la Société SIBARTH, laquelle avait pour objet la vente et la location de villas sur l'île de Saint Barthélémy.
En 2000 était créé au sein de la Société SIBARTH un département dénommé SIBARTH PROPERTY MANAGEMENT (SPM), assurant le service de gestion et de maintenance pour les villas les plus importantes du parc locatif de la société. M. X...était nommé à la tête de ce département.
Par acte d'huissier en date du 13 juin 2013, M. X...faisait signifier à la Société SIBARTH, un courrier dans lequel il prenait acte de la rupture de son contrat de travail, invoquant notamment un harcèlement moral.
Par lettre recommandée du 20 juin 2013, l'employeur contestait les griefs allégués par M. X...dans son courrier et considérait que la prise d'acte de rupture du contrat de travail n'était pas justifiée et la considérait comme une démission.
Le 25 octobre 2013, M. X...saisissait le conseil de prud'hommes de Basse-Terre aux fins d'obtenir un rappel de rémunération et des indemnités de rupture du contrat de travail, notamment pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 23 juin 2015, la juridiction prud'homale déboutait M. X...de l'ensemble de ses demandes et le condamnait à payer à la Société SIBARTH la somme de 14 700 euros à titre d'indemnité pour non-respect du préavis et celle de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 21 octobre 2015, M. X...interjetait appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 17 octobre 2015.
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Par conclusions communiquées le 25 avril 2016, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, et auxquelles il convient de se référer pour l'exposé exhaustif des moyens de M. X..., celui-ci sollicite l'infirmation du jugement déféré et la condamnation de la Société SIBARTH à lui payer les sommes suivantes :-15 436, 55 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,-2 261, 54 euros au titre du 13 ème mois,-2 035, 34 euros à titre de salaire du 1er au 13 juin 2013,-305 euros d'avantage en nature,-50 637, 33 euros à titre de complément de salaire pour l'année 2012,-10 745, 21 euros à titre de prime de 25 ans d'ancienneté,-69 843, 87 euros à titre d'indemnité de licenciement,-257 885, 04 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-22 752, 12 euros à titre de provision sur la somme due au titre de sa rémunération variable portant sur l'exercice 2013 du département SPM,-5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. X...demande que la Société SIBARTH soit condamnée à communiquer sous astreinte, le bilan comptable du département SPM arrêté au 13 juin 2013 afin de déterminer le montant de sa rémunération variable pour l'exercice 2013.
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Par conclusions du 10 novembre 2016, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, et auxquelles il convient de se référer pour l'exposé exhaustif des moyens de la Société SIBARTH, celle-ci demande la confirmation du jugement entrepris, sauf en ce qu'il a refusé d'accueillir l'action en concurrence déloyale commise à son détriment par M. X.... Elle réclame à ce titre la somme de 385 000 euros sur le fondement de l'article 1382 du code civil, qu'elle entend voir compensée, en tout état de cause, avec les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.
La Société SIBARTH réclame paiement de la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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Motifs de la décision :
Pour justifier sa prise d'acte de rupture du contrat de travail, M. X...fait état, tant dans sa lettre signifiée à la Société SIBARTH le 13 juin 2013, que dans ses conclusions, d'un certain nombre de griefs à l'encontre de son employeur.
M. X...relève tout d'abord l'absence de contrat de travail écrit, contrairement aux dispositions de la convention collective nationale de l'immobilier du 9 septembre 1988.
Si effectivement il ressort des articles 13-2 et 13-3 de ladite convention que le contrat de travail de tout salarié doit faire référence à cette convention et être établi par écrit, il y a lieu d'observer que le recrutement de M. X...est antérieur à la convention collective national, et qu'à aucun moment le salarié n'a mis en demeure son employeur, ni même sollicité la régularisation d'un contrat de travail écrit. Ainsi il n'apparaît pas que l'employeur se soit opposé à l'établissement d'un contrat écrit, conformément aux dispositions de la convention collective national ultérieure, l'absence de document écrit n'étant relevé par M. Y...qu'au moment où celui-ci décide de notifier la rupture du contrat pour s'installer à son compte.
Par ailleurs le contrat de travail à durée indéterminée, n'ayant pas été formalisé par écrit et les premiers bulletins de salaires délivrés au salarié étant antérieurs à la convention collective, ils n'ont pu faire mention de ladite convention. Si l'employeur a omis de régulariser cette mention postérieurement à la convention collective, il y a lieu de constater qu'aucune demande à ce sujet n'a été formulée par M. X..., cette carence n'ayant été relevé qu'au moment où M. X...décide de notifier la rupture du contrat de travail pour créer sa propre société de gestion de biens immobiliers.
En ce qui concerne le refus de procéder aux élections de délégués du personnel invoqué par M. X..., il y a lieu de constater que ce grief est mal fondé, compte tenu de l'ensemble des documents produits par la Société SIBARTH, s'agissant de :- la convocation par courriers recommandés avec avis de réception en date du 15 janvier 2010, de différents syndicats, à savoir la CGC, UIR-CFDT, FO, CFTC, CGTG, CTU et l'UGTG, pour une réunion fixée au 28 janvier 2010, aux fins d'élaborer un protocole d'accord préélectoral,
- d'un projet de protocole d'accord préélectoral, les syndicats sollicités ayant manifestement décidé de ne pas participer à l'élaboration d'un tel protocole concernant une petite structure de 33 salariés,
- des notes de services des 29 janvier et 26 février 2010 informant les salariés des dates et modalités de chacun des deux tours de scrutin fixés au 25 février 2010 et au 12 mars 2010,
- du procès-verbal de carence constatant l'absence de dépôt de listes de candidats pour le 1er tour de scrutin, et d'absence de candidature pour le second tour,
- des procès-verbaux des 1er et 2ème tours de scrutin, faisant état de l'absence de votant, transmis avec la fiche récapitulative de l'élection, à l'inspection du travail.
M. X...invoque le non-respect par l'employeur de l'obligation de verser la partie complémentaire de sa rémunération, laquelle devrait être assise sur le résultat net du département SPM dont il avait la charge.
M. X...prétend à ce titre qu'il devait lui être versé, comme le montrerait l'examen comparatif d'une part de ses bulletins de paie faisant apparaître le versement annuel d'une prime exceptionnelle, et d'autre part du compte de résultat établi annuellement pour le département SPM, une somme équivalente à 50 % du résultat net dudit département.
Hors contrairement à ce que soutient M. X...il n'apparaît pas de corrélation exacte, pour chacune des années considérées, entre la valeur des 50 % du résultat net du département SPM, dont le montant serait censé devoir être versé au salarié, charges sociales déduites, et les montants des primes exceptionnelles figurant sur les bulletins de paie délivrés à ce dernier.
Il s'en déduit que les primes exceptionnelles, allouées à M. X..., notamment au titre des années 2007 à 2011, ne sont pas liés aux résultats dégagés par le département SPM, qu'elles ne résultent donc pas d'un engagement contractuel, même tacite, ayant pour critère le résultat net dudit département, et qu'en l'absence de fixité dans leur montant, et n'ayant pas de caractère général dans l'entreprise, puisque attribuées à M. X...seulement, ces primes ne peuvent être considérées comme une gratification d'usage constituant un élément de salaire.
Il ne peut donc être reproché à l'employeur de s'être abstenu de verser une telle prime au titre de l'année 2012, dans la mesure où il invoque un exercice comptable déficitaire de la société (Cf. lettre du 20 juin 2013 des co-gérants de la société, page 2, point 4).
Quant à la prime des 25 ans d'ancienneté dans l'entreprise dont le montant est égal au salaire global mensuel, elle aurait dû être versée en février 2012, dans la mesure où M. X...a été recruté en janvier 1987. Ce n'est qu'au moment de la rupture du contrat de travail, que M. X...s'est prévalue de la carence de l'employeur, n'ayant formulé auparavant aucune demande à ce titre. Cette prime ayant été régularisée à la demande du salarié, l'omission de l'employeur ne peut être considérée comme un motif justifiant la rupture du contrat de travail, étant relevé que cette prime liée à l'ancienneté du salarié, a normalement été versée à hauteur du montant fixe du salaire mensuel, sans tenir compte d'une quelconque prime exceptionnelle dont le montant n'était lié à aucun critère objectif mais dépendait de la volonté de l'employeur, les dispositions de l'article 37. 3. 1 alinéa 2 de la convention collective nationale, relatives à la prise en compte de commissions, étant dès lors inapplicables.
En ce qui concerne les mesures vexatoires invoquées par M. X..., il y a lieu de constater que contrairement à ce que soutient celui-ci, il ne résulte d'aucune pièce versée au débat que la prise de ses congés payés ait donné lieu à des difficultés élevés par l'employeur. En effet la seule pièce relative aux dits congés, est un échange de courriels en date du 30 avril 2013 (pièce 20 de l'appelant), dans le cadre duquel M. X...fait part à l'un des co-gérants, M. Ashley Z..., de ce qu'une collègue l'a informé que les congés devraient pouvoir être reportés d'une année sur l'autre, et demande à ce co-gérant de lui confirmer si c'est bien le cas, ce à quoi M. Z...répond qu'il ignorait l'existence éventuelle d'une difficulté, cette question restant un point à analyser.
L'instauration d'un règlement intérieur qui, notamment, fixe des règles précises concernant le respect des horaires, applicables à l'ensemble du personnel, ne saurait constituer une mesure vexatoire à l'égard de M. X..., même si celui-ci s'en trouve contrarié au regard de la liberté dont il avait l'habitude d'user.
L'interdiction, dans le règlement intérieur, d'user à des fins personnelles des véhicules de l'entreprise, ayant un caractère général, ne peut constituer une mesure vexatoire à l'égard de M. X..., celui-ci ne pouvant se prévaloir de l'attribution d'un " véhicule de fonction ", faute de stipulation contractuelle expresse.
En raison de la carence à laquelle a abouti l'organisation de l'élection de délégués du personnel, de tels délégués ne pouvaient être consultés préalablement à l'établissement du règlement intérieur.
La décision de l'employeur de fermer les comptes essences pour les clients de la société, ce qui constituaient une avance au profit de ces derniers, et de supprimer les facilités de caisse accordées au personnel dans un magasin de bricolage, procède d'une raison objective tendant à une meilleur gestion de l'entreprise, notamment afin de mettre fin aux abus de certains salariés qui utilisaient ces facilitées à des fins personnelles.
Il résulte de l'ensemble de ces constatations que M. X..., qui cherchait à quitter la Société SIBARTH dans le cadre d'une rupture conventionnelle afin de créer une structure analogue à celle dans laquelle il travaillait jusqu'alors, s'est saisi d'un certain nombre d'omissions qu'il n'avait jusque là jamais reprochées à son employeur, pour étayer une prise d'acte de rupture du contrat de travail.
Toutefois l'analyse des manquements et mesures vexatoires invoqués par M. X...à l'encontre de son employeur, conduit à considérer qu'en tout état de cause ces griefs ne sauraient justifier la rupture du contrat de travail, laquelle s'analyse dès lors en une démission le privant d'indemnité de rupture.
M. X...réclame paiement d'une indemnité compensatrice pour 42 jours de congés payés acquis en 2012, et 30 jours indûment déduits au titre de l'année 2011. La Société SIBARTH n'élevant aucun moyen à l'encontre de cette demande, il sera fixé au profit de M. X...une indemnité compensatrice de congés payés, calculée sur la base du salaire mensuel de 4900 euros, soit 11 760 euros.
Il en est de même pour la prime de 13 ème mois réclamée à hauteur de 2261, 44 euros, à l'égard de laquelle aucun moyen n'est soulevé par la Société SIBARTH. Il sera donc fait droit à cette demande, tout comme à celle d'un rappel de salaire à hauteur de 2035, 34 euros pour la période du 1er juin au 13 juin 2013, l'avantage en nature étant réduit prorata temporis à 132, 16 euros.
La prime exceptionnelle versée à M. X...n'étant pas basée sur le résultat net du département SPM, il ne sera pas fait droit à la demande de communication sous astreinte du bilan comptable dudit département arrêté au 13 juin 2013.
Par ailleurs il ressort d'une attestation en date du 21 juin 2013 de Me Pierre KIRSCHER, alors conseil de M. X..., que celui-ci a procédé à la création de la Société Services Philippe X..., utilisant le sigle SPM, analogue à celui du département SIBARTH Property Management (SPM) de la Société SIBARTH.
En outre il ressort des pièces portant le numéro 8 du dossier de l'intimée, qu'à la suite du départ de M. X...de la Société SIBARTH, un certain nombre de propriétaires de villa ont retiré à ladite société leur mandat de gestion au profit d'un autre gestionnaire de biens immobiliers.
Le comportement de M. X...qui a créé une structure portant un sigle analogue au département qu'il gérait au sein de la Société SIBARTH, est constitutif d'une concurrence déloyale, le préjudice en résultant étant corroboré par le retrait de mandats de gestion qui était auparavant confiés au département SPM de la Société SIBARTH. Le préjudice en résultant sera indemnisé par l'octroi de dommages et intérêts à hauteur de 50 000 euros.
Enfin la rupture du contrat de travail s'analysant en une démission du salarié, la Société SIBARTH est en droit de réclamer, paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, équivalente à 3 mois de salaire en application de l'article 32 de la convention collective nationale de l'immobilier. La condamnation de M. X...au paiement, à ce titre, de la somme de 14 700 euros, sera confirmée.
L'équité n'implique pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs :
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Déclare l'appel recevable,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. X...à payer à la Société SIBARTH la somme de 14 700 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
Le réforme pour le surplus, et statuant à nouveau,
Condamne la Société SIBARTH à payer à M. X...les sommes suivantes :
-11 760 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
-2261, 44 euros au titre de la prime du 13 ème mois,
-2035, 34 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er au 13 juin 2013,
-132, 16 euros au titre de l'avantage en nature pour la même période,
Condamne M. X...à payer à la Société SIBARTH la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale,
Dit que chaque partie conserve à sa charge ses propres dépens,
Déboute les partie de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, Le Président,