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25/09/2017 | FRANCE | N°15/01614

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 25 septembre 2017, 15/01614


VS-BR

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 348 DU VINGT CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT

AFFAIRE No : 15/ 01614
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 14 avril 2015- Section Agriculture
APPELANTE
AGS-CGEA DE FORT DE FRANCE Lotissement Dillon Stade 10, rue des Arts et Metiers 97200 FORT DE FRANCE Représentée par Maître Frédéric FANFANT de la SELARL EXCELEGIS (Toque 67), avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART

INTIMÉS
Monsieur Patrick X......Représenté par Maîtr

e Roland EZELIN de la SCP EZELIN-DIONE (Toque 96), avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST ...

VS-BR

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 348 DU VINGT CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT

AFFAIRE No : 15/ 01614
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 14 avril 2015- Section Agriculture
APPELANTE
AGS-CGEA DE FORT DE FRANCE Lotissement Dillon Stade 10, rue des Arts et Metiers 97200 FORT DE FRANCE Représentée par Maître Frédéric FANFANT de la SELARL EXCELEGIS (Toque 67), avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART

INTIMÉS
Monsieur Patrick X......Représenté par Maître Roland EZELIN de la SCP EZELIN-DIONE (Toque 96), avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART

Maître ALAIN Y...es-qualité de mandataire ad-hoc de la SARL PLASTIBANA ... Représenté par Maître Charles-Henri COPPET (Toque 14) substitué par Maître NEROME, avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 3 Juillet 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller, Madame Gaëlle Buseine, conseiller, qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 25 septembre 2017.
GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier principal,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.

Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

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Faits et procédure :

Il résulte des pièces produites au débat et des explications fournies par les parties les éléments suivants.
M. Patrick X...a travaillé pour le compte de la Société PLASTIBANA du 22 juillet 1997 au 24 mars 1999, en qualité de conducteur de machines.
A la suite de l'incendie de l'usine de la Société PLASTIBANA, il a reçu une lettre datée du 3 avril 1999, l'informant qu'en raison d'un cas de force majeur, son contrat était rompu.
La Société PLASTIBANA a fait l'objet d'un jugement d'ouverture de liquidation judiciaire en date du 15 octobre 2009.
Le 19 mai 2011, M. X...saisissait le conseil de prud'hommes de Basse-Terre devant lequel il demandait paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité compensatrice de préavis et d'une indemnité pour non respect de la procédure de licenciement.
Par jugement du 13 septembre 2012, le tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre prononçait la clôture de la liquidation judiciaire de la Société PLASTIBANA, pour insuffisance d'actif.
Par jugement du 14 avril 2015, la juridiction prud'homale, en présence de l'AGS, fixait la créance de M. X...au passif de la Société PLASTIBANA, dont Maître Alain Y...était administrateur ad hoc, aux montants suivants :-3108, 67 euros à titre d'indemnité de préavis,-1036, 22 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,-20 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-1500 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 8 octobre 2015, l'AGS interjetait appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 11 septembre 2015.
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Par conclusions communiquées le 21 février 2017, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé exhaustif des moyens de l'AGS, celle-ci sollicite l'infirmation du jugement déféré et à titre principal, le rejet de l'ensemble des demandes de M. X...en soulevant une fin de non-recevoir tirée de la prescription extinctive des demandes de ce dernier.
A titre subsidiaire, l'AGS entend voir juger que le licenciement de M. X...pour cas de force majeur, est fondé sur une cause réelle et sérieuse, et que celui-ci doit être débouté de l'intégralité de ses demandes.
L'AGS demande qu'en tout état de cause, il soit jugé que sa garantie ne saurait excéder les limites de sa garantie légale conformément aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, qui limitent sa garantie, toutes créances du salarié confondues, à des montants fixés en fonction du plafond retenu pour le calcul des contributions au régime d'assurance chômage apprécié au jour où la créance est due et au plus tard au jour du jugement de la liquidation judiciaire, en l'espèce le plafond retenu étant le plafond 5.
L'AGS demande qu'il soit jugé que l'obligation de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.
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Par conclusions communiquées le 21 avril 2017, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, et auxquelles il convient de se référer pour l'exposé exhaustif des moyens de la SELARL AJ Associés, représentée par Me Y..., ès qualités de mandataire ad'hoc de la Société PLASTIBANA, celle-ci invoquant à titre principal la forclusion prévue par l'article L. 625-1 du code de commerce, et subsidiairement un cas de force majeur justifiant le licenciement, sollicite l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et le rejet de l'ensemble des demandes de M. X.... Elle réclame paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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Par conclusions communiquées le 16 mars 2017, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, et auxquelles il convient de se référer pour l'exposé exhaustif des moyens de M. X..., celui-ci sollicite la confirmation du jugement entrepris et paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il demande d'écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription et de juger que la force majeure est exclue comme justificatif du licenciement.
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Motifs de la décision :

Sur la forclusions édictée par l'article L. 625-1 du code de commerce :
Selon les dispositions de l'article L. 625-1 du code de commerce, après vérification, le mandataire judiciaire établit, dans les délais prévus à l'article L. 3253-19 du code du travail, les relevés de créances résultant du contrat de travail, le débiteur entendu ou dûment appelé, les relevés de créance étant soumis ensuite au représentant des salariés, ils sont déposés au greffe du tribunal et font l'objet d'une mesure de publicité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Le salarié dont la créance ne figure pas en tout ou partie sur un relevé peut saisir à peine de forclusion le conseil de prud'hommes dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement de la mesure de publicité mentionnée ci-avant.

Dans la mesure où l'administrateur ad hoc ne précise ni ne justifie de la date de la mesure de publicité qui aurait été accomplie en application de l'article sus-cité, ni ne justifie que le mandataire judiciaire ait informé le salarié de la nature et du montant des créances admises ou rejetées, il ne peut être constaté la forclusion s'opposant à la recevabilité de la demande de M. X....
Sur la prescription :
Avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, les actions indemnitaires résultant de la rupture du contrat de travail, étaient soumises à la prescription de droit commun de 30 ans.

A compter de la loi du 17 juin 2008, le délai de prescription des actions tant indemnitaires que de paiement de salaires a été uniformisé et fixé à 5 ans.
S'agissant d'une action liée à la rupture du contrat de travail, née le 3 avril 1999, le délai de prescription applicable était celui de 30 ans. Toutefois à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, ce délai de prescription a été ramené à 5 ans. Ce nouveau délai s'applique à la prescription en cours sans que la durée totale de la prescription dépasse 30 ans. L'action de M. X...ayant été engagée le 19 mai 2011, soit dans le délai de cinq ans à compter du 17 juin 2008, n'est pas prescrite, étant relevé qu'elle a été engagée dans le délai de 30 ans suivant le point de départ de la prescription initiale.

Sur le licenciement :

Dans sa lettre de licenciement du 3 avril 1999, l'employeur expose les motifs de la rupture du contrat de travail de la façon suivante :
" Alors même que je me trouve encore terrassé par la destruction totale de notre outil de production, compte tenu de son ampleur, il est impossible de faire le moindre projet.
Je souhaite retrouver l'énergie, les moyens et la détermination.
Je remercie ceux qui, il y a un peu plus d'un mois encore, ne souhaitaient pas mettre à profit nos difficultés pour les aggraver.
Présentement, étant donné le caractère insurmontable de la situation, je ne peux que constater la rupture de votre contrat de travail et la cessation de votre activité. Il devrait être fait en sorte que vous puissiez faire valoir vos droits au chômage total.
Nous vous adresserons votre attestation ASSEDIC ainsi que votre certificat de travail. "
Par ailleurs il résulte des pièces régulièrement versées au débat, les éléments suivants.

La Société PLASTIBANA, créée par M. Z..., avait pour activité la fabrication de films et sacs en plastiques, principalement à destination de la filière banane.

Les locaux industriels, les machines, matériels, marchandises et stocks de la Société PLASTIBANA ont été entièrement détruits par un incendie d'origine criminelle dans la nuit du 23 au 24 mars 1999. Une instruction pénale a été ouverte.
Le 24 mars 1999, M. Z..., gérant de la Société PLASTIBANA a déclaré le sinistre à son assureur, l'AGF, pour obtenir la garantie de celui-ci dans le cadre d'un contrat d'assurance multirisques qui avait été souscrit le 12 décembre 1996.
Un enquête pénale a été diligentée, puis une information pénale a été ouverte.
La Compagnie AGF a déposé plainte contre X avec constitution de partie civile.
Les poursuites pénales engagées, ont visé dans un premier temps le dirigeant de l'entreprise, M. Z..., celui-ci ayant été finalement relaxé des fins de la poursuite par arrêt de chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel de Fort de France en date du 9 septembre 2010.
Compte tenu de la suspension de l'action engagée devant le tribunal mixte de commerce, par la Société PLASTIBANA contre la compagnie d'assurances aux fins d'indemnisation, en raison de l'action publique engagée, ce n'est que par arrêt du 10 juin 2013, que la Société PLASTIBANA, représentée alors par son liquidateur, a obtenu la condamnation de la Compagnie ALLIANZ IARD, à lui verser les sommes l'indemnisant des dommages causés aux bâtiments, de la perte des matériels, de la marchandise, des pièces détachées et des pertes d'exploitation.
Il ressort de ces constatations que le licenciement de M. X...repose sur une cause réelle et sérieuse, constituée par le cas de force majeure auquel a été confrontée la Société PLASTIBANA, qui a vu ses moyens de productions détruits, qui n'a pu obtenir indemnisation des pertes que 14 ans plus tard, compte tenu de la durée des procédures pénale et commerciale, la Société PLASTIBANA étant alors en liquidation judiciaire, l'employeur s'étant trouvé dans l'impossibilité absolue de poursuivre l'exécution du contrat de travail.
En conséquence M. X...doit être débouté de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
M. X...entend se prévaloir d'un arrêt du 7 novembre 2005 de la Cour de céans ayant confirmé un jugement du conseil de prud'hommes de Basse-Terre du 4 novembre 2003 ayant alloué à un salarié de la Société PLASTIBANA, M. Alex A..., diverses indemnités, notamment pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il y a lieu toutefois de relever que M. A...avait été licencié pour motif économique, antérieurement à l'incendie ayant détruit l'usine de la Société PLASTIBANA.
Le licenciement de M. X...ayant été notifié sans respecter la procédure de l'entretien préalable, et n'ayant pas notamment été informé de la possibilité d'être assisté au cours d'un tel entretien par un conseiller du salarié, l'intéressé a subi un préjudice, dont le montant sera réduit à 200 euros, compte tenu de l'issue inéluctable de cet entretien s'il avait eu lieu.
Par ailleurs M. X...ayant une ancienneté comprise entre six mois et deux ans au sein de l'entreprise au moment de son licenciement, il a droit, en application des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail, à une indemnité compensatrice de préavis équivalente à un mois de salaire. En conséquence le montant de la créance de M. X...à ce titre sera fixé à la somme de 1036, 22 euros.
Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. X...les frais irrépétibles qu'il a exposés tant en première instance qu'en cause d'appel, il lui sera alloué la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Réforme le jugement entrepris,
Et statuant à nouveau,
Fixe la créance de M. X...au passif de la Société PLASTIBANA aux montants suivants :
-1036, 22 euros d'indemnité compensatrice de préavis,
-200 euros d'indemnité au titre du non-respect de la procédure de licenciement,
-2000 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens sont à la charge de la Société PLASTIBANA,
Rappelle que l'AGS est tenue de garantir le paiement des créances salariales de M. X...dans les conditions prévues aux articles L3253-8 et suivants du code du travail, et qu'en aucun cas l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile n'est garantie par l'AGS, ne s'agissant pas d'une créance salariale,
Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires.
Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15/01614
Date de la décision : 25/09/2017
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2017-09-25;15.01614 ?
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