VS-FG
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 317 DU QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT
AFFAIRE No : 16/ 00470
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 10 décembre 2015- Section Commerce
APPELANTE
SARL CORALIE SAINT BARTH Chez FIDEM DOM 65 rue de la Paix-Ld Gustavia 97133 SAINT-BARTHELEMY Représentée par Maître Sandrine JABOULEY-DELAHAYE (Toque 13), avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART
INTIMÉE
Mademoiselle Nelly X... ... Dispensée de comparaître en application des dispositions des articles 446-1 et 946 du Code de Procédure Civile
Ayant pour représentant, M. Ernest Y..., délégué syndical ouvrier
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 juin 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Françoise Gaudin, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller, Mme Françoise Gaudin, conseiller,
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 4 septembre 2017.
GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Mme Nelly X... a été engagée par la SARL CORALIE SAINT BARTH, laquelle exploite un commerce de détail d'optique et de lunetterie à l'enseigne OPTIC 2000, selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 12 août 2013, en qualité de responsable technique, catégorie non-cadre, coefficient 220 de la Convention Collective Nationale de l'optique-lunetterie : commerce de détail. Au dernier état, elle percevait une rémunération totale nette de 2. 000 € pour 151, 67 heures de travail et 17, 33 heures supplémentaires.
Le contrat prévoyait une période d'essai de 2 mois, renouvelable une fois.
Par courrier « remis en main propre » du 18 septembre 2013, l'employeur a souhaité prolonger la période d'essai jusqu'au 12 décembre 2013.
Par lettre remise en main propre contre décharge de la salariée, en date du 12 novembre 2013, la SARL CORALIE SAINT BARTH mettait fin à la période d'essai avec un délai de prévenance d'un mois, soit à compter du 12 décembre 2013.
Le 14 janvier 2014, contestant la légitimité de cette rupture, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de sommes à titre de préavis, de congés payés et de dommages-intérêts pour rupture abusive et irrégulière et en requalification de sa catégorie professionnelle en catégorie cadre ;
Par jugement en date du 10 décembre 2015, le conseil des prud'hommes de Basse-Terre a : constaté que Mme Nelly X... occupait une fonction de cadre au coefficient 240, eu égard aux tâches qui lui avaient été fixées à l'annexe I de son contrat de travail, constaté que le contrat de travail de Mme Nelly X... a été rompu hors période d'essai et que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse, condamné la SARL CORALIE SAINT-BARTH à lui payer les sommes suivantes : 540 € à titre de rappel de salaires, 2. 702, 12 € à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, 2. 702, 12 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, 8. 106, 39 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 810, 63 € à titre de congés payés y afférents, 500 € à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche, 1. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. et ordonné la remise par l'employeur d'un nouveau certificat de travail, une nouvelle attestation Pôle Emploi et de nouvelles fiches de paie d'août à décembre 2013.
Le 24 mars 2016, la SARL CORALIE SAINT BARTH a régulièrement formé appel de ce jugement qui lui a été notifié le 29 février 2016.
Aux termes de ses dernières écritures en date du 14 mars 2017, régulièrement notifiées à l'intimée, la société CORALIE SAINT BARTH demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de débouter Mme X... de toutes ses demandes, subsidiairement, ramener à un euro symbolique l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, et sollicite sa condamnation au paiement d'une somme de 4. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir essentiellement que le renouvellement de la période d'essai était valable et que la rupture du contrat de travail s'inscrivait au cours de la seconde période, que Mme X... ne peut utilement se prévaloir d'un statut de cadre conventionnel tant en terme d'expérience professionnelle qu'en terme de tâches contractuelles confiées et qu'elle était rémunérée au-dessus du minima conventionnel, majoration conventionnelle pour diplôme incluse. Aux termes de conclusions en date du 21 février 2017, régulièrement notifiées à l'appelante, Mme X... a conclu à la confirmation du jugement déféré sauf sur le quantum des dommages et intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et formant appel incident de ce chef, a sollicité la condamnation de la SARL CORALIE SAINT BARTH à lui payer une somme de 16. 212, 78 € à ce titre outre celle de 2. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la qualification
Attendu que Mme X... revendique la classification de cadre pour l'emploi d'opticien responsable technique et sollicite un rappel de salaire au titre de la majoration pour diplôme prévue par la convention collective, soit 135 € par mois et un préavis conventionnel de 3 mois en tant que cadre ;
Attendu qu'en droit, il est possible de contester les mentions portées par l'employeur sur le contrat de travail, relatives à la classification professionnelle ;
Qu'il appartient cependant au salarié qui se prévaut d'une classification différente de rapporter la preuve de la réalité de l'exercice des fonctions correspondant à la classification sollicitée ;
Qu'en l'espèce, Mme X... soutient que, embauchée en qualité de opticienne responsable technique, agent de maîtrise, coefficient 220, elle aurait dû être positionnée dans la catégorie cadre au coefficient 240 de la grille conventionnelle, compte tenu des fonctions réellement exercées par elle et des responsabilités qui lui étaient confiées ;
Que selon la convention collective applicable, le cadre technique au coefficient 240 est notamment responsable des achats avec commandement ;
Que la seule annexe I du contrat de travail, paraphée et signée par les deux parties, doit être prise en compte dans le présent litige et non celle produite par la salariée, sans force contraignante ; Que ladite annexe I définit ainsi les fonctions confiées à Mme X... :
Poste d'opticien responsable technique En tant que responsable technique, le contractant sera chargé, sur les directives de Madame Z... ou de toute personne appelée à le remplacer, des tâches normalement dévolues à un Opticien et notamment :
• Adopter une tenue vestimentaire et corporelle correcte et conforme aux usages du magasin et entretenir avec la clientèle des rapports courtois. • Maintenir un espace de travail propre et ordonné et mettre en valeur les produits. • Accueillir le client. • Proposer et argumenter, une solution d'équipement dans le respect de la prescription, des besoins du client, des règles d'éthiques et commerciales de l'entreprise. • Réaliser les devis, la vente et assurer le suivi des dossiers dans le respect de la réglementation et passer commande. • Réaliser les montages. • S'assurer des délais de livraison et les suivre. • Assurer le service après-vente. • Proposer et vendre les accessoires. • Participer à la gestion des stocks, des inventaires et des paiements fournisseurs. • Etablir l'histoire de cas des clients. • Analyser et décoder la prescription. • Réaliser l'étude préalable de la vue. • Déterminer la réfraction subjective. • Analyser le cas d'une personne basse vision. • Procéder aux tests complémentaires et spécifiques au port de lentilles de contact. • Connaître et respecter les obligations légales liées à l'exercice de la profession. • Entretenir de bonnes relations avec les professionnels de santé. • Ajuster l'équipement et s'assurer du confort visuel des clients. • Travailler en respectant les règles de sécurité.
Que lesdites fonctions sont celles classiques d'un opticien sans délégation de commandement sur le personnel de vente et sans responsabilités sur le stock ;
Que Mme X... ne justifie pas qu'elle passait les commandes même si elle était amenée à remplacer ponctuellement la directrice de boutique en déplacement ;
Que certes la salariée justifie de l'obtention d'un brevet de technicien supérieur d'opticien-lunetier, mais elle ne disposait d'aucune expérience professionnelle d'opticienne diplômée lui permettant d'accéder à un niveau supérieur ; Que la personne qui a été recrutée suite à son départ au même poste (Mlle A... Cecilia) a été classée de la même manière au coefficient 220, statut agent de maîtrise alors qu'elle avait une expérience professionnelle plus importante que celle de Mme X... ;
Que seul le directeur de boutique, au vu de ses diplômes et de son expérience professionnelle et de ses responsabilités, a été classé en statut cadre au coefficient 250 ;
Qu'en conséquence, il ne saurait y avoir lieu à requalification en statut cadre et le jugement sera réformé de ce chef ;
Que le salaire minimum conventionnel brut correspondant au coefficient 220 était de 1. 982, 84 € pour 39 heures par semaine en 2013, outre la majoration de 135 € pour les salariés titulaires d'un BTS, soit un minimum de 2. 117, 85 € bruts ; Que Mme X... ayant perçu un salaire brut mensuel de 2. 567, 13 € pour 39 heures par semaine, a été remplie de ses droits et payée au-delà dudit minimum, majoration pour diplôme incluse ; Qu'en conséquence, c'est à tort que le jugement lui a alloué ladite majoration sur la période contractuelle avec son incidence congés payés y afférentes ; Que Mme X... sera déboutée de ces demandes à ce titre ;
Sur la rupture
Que par lettre remise en main propre du 12 novembre 2013, la SARL CORALIE SAINT BARTH mettait fin au contrat de travail de Mme X... à compter du 12 décembre 2013, pour rupture de la période d'essai ;
Qu'une période d'essai ne se présume pas et doit être fixée dans son principe et sa durée dès l'engagement du salarié ;
Que selon le contrat à durée indéterminée signé par les parties, il est prévu en son article 2 « période d'essai » que : « Le présent contrat ne deviendra ferme qu'à l'issue d'une période d'essai de 2 mois qui pourra être renouvelée une fois. Durant cette période, chacune des parties pourra mettre fin au contrat à tout moment, sans indemnité. » ;
Que ladite clause est conforme à la Convention Collective Nationale de l'optique-lunetterie : commerce de détail, laquelle prévoit une durée de période d'essai de 2 mois et un renouvellement de 2 mois pour les agents de maîtrise ;
Attendu que le renouvellement ou la prolongation de la période d'essai doit résulter d'un accord exprès des parties et exige une manifestation de volonté claire et non équivoque du salarié ;
Qu'en l'espèce, le courrier du 18 septembre 2013 contient la manifestation de volonté claire de l'employeur de notifier à Mme X... le renouvellement jusqu'au 12 décembre 2013 de la période d'essai-le tout étant conforme aux dispositions conventionnelles susvisées ;
Que cependant, en l'absence de mention « lu et approuvé », la seule signature du salarié sur la lettre remise en main propre prolongeant la période d'essai ne saurait valoir accord du salarié à son renouvellement ;
Qu'en conséquence, la rupture intervenue le 12 novembre 2013, durant la seconde période d'essai, ne peut être qualifiée de rupture intervenue durant la période probatoire et dès lors, la rupture de ce contrat à durée indéterminée était régie par les règles du licenciement, en vertu de l'article L. 1231-1 du code du travail ;
Que l'employeur fait valoir que la lettre de rupture du 12 novembre 2013 est suffisamment motivée et comporte l'énoncé d'un motif réel et sérieux de licenciement ; Qu'elle est ainsi libellée : « Suite à notre entretien du 6 novembre 2013, où nous vous avons exposé certains problèmes : gestion des stocks (lentilles et verres), horaires, certains propos concernant une nouvelle embauche entretien de la machine erreur technique pour les montages fichier pour la réalisation des taches organisation à l'atelier pour la préparation des montages »
Que ledit énoncé non corroboré par des éléments matériellement vérifiables ne saurait caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement et la rupture doit s'analyser en un licenciement injustifié ;
Que la salariée, ayant moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise (en l'occurrence 4 mois), peut prétendre à l'indemnisation de son préjudice en découlant, sur le fondement de l'article L. 1235-5 du code du travail ;
Que compte tenu de sa faible ancienneté, de son salaire mensuel brut et du fait qu'il est établi qu'elle a retrouvé un travail dès le 16 décembre 2013, il y a lieu de fixer à la somme de 2. 000 € le montant de l'indemnité correspondant à son préjudice subi du fait dudit licenciement, en application de l'article L 1235-5 du code du travail ;
Que Mme X... évoque des conditions de rupture abusive sans démontrer de préjudice distinct de celui résultant de ladite rupture, ni la mauvaise foi de son employeur ;
Qu'elle invoque des promesses verbales d'augmentation et de primes indexées sur la réalisation du chiffre d'affaires, non tenues par l'employeur ;
Qu'il résulte effectivement des échanges de courriels entre les parties que celles-ci avaient évoqué la mise en place d'une rémunération forfaitaire variable en fonction d'objectifs à définir mais après la période d'essai, que l'employeur n'a pas trouvée satisfaisante ;
Que dès lors, ladite rémunération variable n'a pas été agréée par les parties ;
Que Mme X... sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts supplémentaires ;
Que l'article L1234-1 du code du travail énonce que si le salarié justifie d'une ancienneté de service continue inférieure à six mois, le salarié a droit à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;
Que la convention collective applicable prévoit un préavis d'un mois pour les agents de maîtrise ayant une ancienneté inférieure à six mois ;
Qu'il convient donc de lui allouer une somme de 2. 567, 13 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre son incidence congés payés y afférente de 256, 71 € ;
Sur la procédure
Qu'il est constant que l'employeur a méconnu la procédure de licenciement fondée sur l'article L. 1232-2 du code du travail, en ne convoquant pas régulièrement Mme X... à un entretien préalable dans les formes et délais requis et en ne lui délivrant pas une lettre de licenciement en bonne et due forme ;
Que dès lors, la règle relative à l'assistance du salarié par un conseiller, en l'absence de représentant du personnel dans l'entreprise, n'a pas été respectée et la sanction prévue à l'article L. 1235-2 du code du travail, instituant une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire, en cas d'inobservation de la procédure, est applicable au salarié ayant moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise, telle Mme X... ;
Qu'elle a subi un préjudice, n'ayant pu préparer sa défense face aux observations de l'employeur susvisées ;
Qu'il lui sera alloué la somme de 1. 000 € à titre d'indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement ;
Sur les demandes annexes
Attendu que la salariée fait état de l'absence de visite médicale d'embauche et demande une indemnisation de son préjudice à hauteur de 500 € ;
Qu'en matière de visite auprès de la médecine du travail, le défaut d'organisation de telles visites ne cause pas nécessairement un préjudice au salarie et il appartient à ce dernier de justifier de son préjudice ;
Que la CIST n'est pas représentée de façon fixe à ST BARTHELEMY et n'intervient que ponctuellement ;
Que Mme X... n'invoque aucun préjudice particulier né dudit manquement, résultant d'un problème de santé particulier ou autre ; Que dès lors, ce chef de demande sera rejeté ;
Qu'il y a lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au seul profit de Mme X... et l'employeur, succombant, sera débouté de sa propre demande à ce titre et supportera les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Réforme le jugement déféré,
Statuant à nouveau sur le tout,
Condamne la SARL CORALIE SAINT BARTH à payer à Mme X... Nelly les sommes suivantes :
1. 000 € au titre d'indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement, 2. 567, 13 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 256, 71 € à titre de congés payés y afférents, 2. 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Rejette toute autre demande.
Condamne la SARL CORALIE SAINT BARTH aux entiers dépens.
Le greffier, Le président,