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04/09/2017 | FRANCE | N°16/00375

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 04 septembre 2017, 16/00375


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE ARRET No 312 DU QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT

AFFAIRE No : 16/ 00375
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 17 novembre 2015- Section Activités Diverses
APPELANTE
ASSOCIATION CERCLE DES NAGEURS DE LA REGION DE BASSE-TERRE (CN RBT) Zone Artisanale de Calebassier 97100 BASSE-TERRE Représentée par Maître Roland EZELIN de la SCP EZELIN-DIONE (Toque 96), avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART

INTIMÉE
Madame Charlotte X......Représentée par Ma

ître Frédérique LAHAUT (Toque 125), avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART
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COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE ARRET No 312 DU QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT

AFFAIRE No : 16/ 00375
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 17 novembre 2015- Section Activités Diverses
APPELANTE
ASSOCIATION CERCLE DES NAGEURS DE LA REGION DE BASSE-TERRE (CN RBT) Zone Artisanale de Calebassier 97100 BASSE-TERRE Représentée par Maître Roland EZELIN de la SCP EZELIN-DIONE (Toque 96), avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART

INTIMÉE
Madame Charlotte X......Représentée par Maître Frédérique LAHAUT (Toque 125), avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 juin 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Françoise Gaudin, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller, Mme Françoise Gaudin, conseiller,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 4 septembre 2017.

GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier.

ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure
Il résulte des explications et pièces fournies par les parties, les éléments suivants.
Madame Charlotte X...a été embauchée par l'association Cercle des Nageurs de la Région de Basse-Terre (ci-après désigné CNRBT), en qualité d'éducatrice sportive, par contrat à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2012. La rémunération mensuelle fixée au contrat était de 1 919, 48 € bruts.
Par courrier daté du 22 mai 2013, Mme X...se voyait convoquer à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 4 juin 2013. Cette convocation était assortie d'une mise à pied conservatoire.
Par courrier daté du 11 juin 2013, Mme X...se voyait notifier son licenciement pour fautes graves.
Mme X...saisissait le conseil de prud'hommes de Basse-Terre le 20 novembre 2014, en vue de faire constater des faits de harcèlement moral commis à son encontre par le CNRBT, que son licenciement soit dit abusif, et que le CNRBT soit en conséquence condamné au paiement des sommes suivantes : 11 516 € au titre du harcèlement moral, 11 516 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, 1 919, 48 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 191, 94 € au titre des congés payés afférents, 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les entiers dépens.

Par jugement du 17 novembre 2015, le conseil de prud'hommes de Basse-Terre a dit que Mme X...était victime de faits de harcèlement moral et que son licenciement était abusif, et condamné le CNRBT au paiement des sommes suivantes : 11 516 € au titre du harcèlement moral, 5 758, 44 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, 1 919, 48 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 191, 95 € au titre des congés payés afférents, 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les entiers dépens.

Le CNRBT interjetait régulièrement appel du jugement le 15 mars 2016.
*********************
Par conclusions notifiées à la partie adverse le 16 mai 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé exhaustif des moyens du CNRBT, celui-ci sollicite que soit prononcée la nullité du jugement, et que Mme X...soit déboutée de l'ensemble de ses demandes et condamnée au paiement de la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées à la partie adverse le 16 avril 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé exhaustif des moyens de Mme X..., celle-ci sollicite que le jugement entrepris soit confirmé, en ce qu'il a dit qu'elle était victime de faits de harcèlement moral et que son licenciement était abusif, et qu'il soit statué à nouveau sur les autres points, le CNRBT devant être condamné au paiement des sommes suivantes : 11 516 € au titre du harcèlement moral, 11 516 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, 1 919, 48 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 191, 94 € au titre des congés payés afférents, 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les entiers dépens.

******************
Motifs de la décision
Sur la nullité du jugement
Le CNRBT invoque la nullité du jugement, en vertu des dispositions de l'article 447 du code de procédure civile, soutenant que les juges qui ont assisté aux plaidoiries lors de l'audience de jugement du 15 juin 2015 ne sont pas ceux qui apparaissent sur le jugement comme ayant rendu la décision.
Le dossier du conseil de prud'hommes de Basse-Terre concernant la présente affaire a été reçu au secrétariat greffe de la Cour de céans le 18 avril 2016. Après analyse, il apparaît que les noms des conseillers prud'homaux mentionnés comme siégeant à la séance de jugement du 15 juin 2015, à savoir MM. Y..., Z..., A...et B..., diffèrent pour partie de ceux mentionnés dans le jugement entrepris comme composant le bureau de jugement, étant observé que le jugement a été mis en délibéré, dans un premier temps au 22 septembre 2015, ledit délibéré ayant été prorogé au 17 novembre 2015, nonobstant les mentions erronées figurant dans ledit jugement.
L'article 447 du code de procédure civile disposant qu'il « appartient aux juges devant lesquels l'affaire a été débattue d'en délibérer », il convient de prononcer la nullité du jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 17 novembre 2015.
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L. 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En outre, il apparaît aux termes de l'article susvisé et de l'article L 1153-1 du Code du travail que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il y a donc lieu d'étudier l'ensemble des faits que Mme X...estime constitutifs du harcèlement moral dont elle serait la victime.
Des difficultés d'installation
Mme X...expose qu'elle a déménagé depuis la Belgique afin de s'installer en Guadeloupe pour prendre son poste au CNRBT, et que dans ce cadre le CNRBT lui avait promis de mettre à sa disposition dès son arrivée un logement et un véhicule aux frais de l'association. Elle produit deux courriels adressés par le président du CNRBT, le premier en date du 28 août 2012 lui indiquant qu'il mettra son véhicule à sa disposition, le second en date du 1er septembre 2012, lui indiquant qu'un logement sera mis à sa disposition par la ville de Basse-Terre. Elle produit également le courrier daté du 14 décembre 2012, dans lequel le président du CNRBT lui indique qu'elle devra quitter le logement mis à sa disposition dès le 17 décembre 2012. Elle expose qu'aucune compensation financière ne lui a été accordée.
Le CNRBT soutient qu'aucune promesse de mise à disposition de logement ou de véhicule à titre gratuit ne lui a été faite, mais que les deux courriels versés aux débats démontrent clairement qu'il s'agissait uniquement de lui apporter de l'aide dans son installation, notamment en sollicitant la ville de Basse-Terre concernant un logement qui lui serait loué à prix abordable. Concernant le véhicule, le CNRBT expose qu'il s'agissait d'une proposition du président, qui, à titre personnel, aurait prêté son véhicule dans les premiers jours d'installation de Mme X..., avant que cette dernière ne dispose de son propre véhicule. L'appelante fait valoir que le conseil d'administration de l'association, consulté sur ces différents points, a refusé de prendre en charge une indemnité logement, laquelle n'était nullement prévue au contrat, mais encore de lui verser une compensation financière pour le logement, dont la prise en charge n'était pas plus prévue.

Il convient de relever que ni la promesse d'embauche, ni le contrat de travail, ne font mention de la mise à disposition d'un logement ou d'un véhicule au profit de Mme X.... Le courriel adressé par le président du CNRBT le 28 août 2012, au sujet des préparatifs de l'arrivée de Mme X..., indique : « si vous n'avez pas de véhicule à votre arrivée en Guadeloupe, je mettrai le mien à votre disposition … en attendant de trouver une autre solution. J'en ai un autre ». Il apparait que la proposition du président est une solution temporaire, non contractuelle, relevant d'une initiative personnelle, dans une logique d'offrir le meilleur accueil possible à une nouvelle salariée de l'association venant de Belgique.

Concernant le logement, le président écrivait le 1er septembre 2012 : « j'ai une promesse de logement de la part de la ville de Basse-Terre à un coût très abordable ». Par la suite, dans le courrier du 14 décembre 2012, le président écrivait : « le logement provisoire promis par la ville de Basse-Terre n'est toujours pas opérationnel. Le club ne peut plus se permettre d'assurer financièrement un hébergement pour toi. La location au CGOSH entre le 23 septembre et le 7 décembre 2012 nous a coûté 3 000 € et celle de l'hôtel Saint-Georges, depuis le 7 décembre 2012 à ce jour, s'élève déjà à plus de 500 €. J'ai donc décidé d'arrêter les frais, à compter de lundi prochain, 17 décembre 2012, à 12h. J'ai sollicité Mme C..., parent de nageurs du club qui travaille à la SIKHOA et qui t'a trouvé un logement ». A la lecture de ces différents éléments, il apparait que le président du CNRBT a tout mis en œuvre afin de faciliter la recherche d'un logement à prix abordable pour Mme X..., ce avant même son arrivée. La solution évoquée dans le premier courriel, concernant un logement appartenant à la ville de Basse-Terre, n'ayant pu être effective, le CNRBT a pris en charge temporairement les frais de logement de Mme X...afin que celle-ci ne se retrouve pas sans habitation. Cette solution temporaire de prise en charge des coûts de logement, bien que non prévue au contrat, a cependant duré deux mois et demi, et le CNRBT a du y mettre un terme au vu des montant engagés. Le CNRBT a encore fait preuve de diligence en sollicitant un adhérent du club travaillant dans l'immobilier afin de trouver un logement à prix abordable pour Mme X....

Il convient de constater que le CNRBT n'a pris aucun engagement concernant la mise à disposition d'un logement ou d'un véhicule au profit de Mme X..., mais que le président a cependant tout mis en œuvre afin de trouver des solutions temporaires en vue de faciliter son installation. C'est donc à bon droit que le conseil d'administration a rejeté la demande formulée par Mme X...concernant une prime d'hébergement, précisant que le CNRBT continuerait de tout mettre en œuvre afin de l'aider à trouver un hébergement à moindre frais.
De la surcharge de travail
Mme X...expose qu'elle a été embauchée pour une durée hebdomadaire de travail fixée à 35 heures, mais que la nature même de ses fonctions l'obligeait à effectuer de nombreuses heures supplémentaires. Elle verse aux débats un courrier daté du 18 décembre 2012, adressé au président du CNRBT, dans lequel elle sollicite une augmentation de 500 € nets de son salaire mensuel. Elle écrit effectuer 5h30 supplémentaires par semaine en amont et en aval des séances d'entrainement qu'elle délivre. L'intimée produit également une note manuscrite, datée du 21 décembre 2012, dans laquelle elle inscrit des heures supplémentaires réalisées pour un total de 46h30 et indique qu'elle souhaite récupérer 40 heures durant les vacances scolaires. Mme X...précise dans cette note : « si vous vous opposez à ma demande, j'en ferai part à la juridiction compétente ».

Aucune précision sur les heures supplémentaires n'apparait dans le contrat de travail, cependant le président du CNRBT indiquait à Mme X...dans son courriel du 28 août 2012 : « vous pourrez avoir des journées de repos en compensation du travail supplémentaire effectué, mais elles ne pourront vous être accordées que durant les petites vacances scolaires ». Aucun élément ne vient démontrer que cette récupération demandée par Mme X..., conformément aux indications précisées avant sa prise de poste, a été refusée par l'employeur. Il convient en outre de relever que dans un courriel daté du 16 mars 2013, Mme X...indiquait au président du CNRBT qu'elle effectuait 10 heures supplémentaires par semaine depuis le 24 septembre 2012, alors même que dans son courrier du 18 décembre 2012 elle disait travailler 5h30 supplémentaires par semaine. Il convient de relever une certaine confusion de Mme X...quant à ces heures supplémentaires qu'elle soutenait effectuer.

De la communication agressive de l'employeur
Mme X...soutient que durant les neuf mois où elle a travaillé au sein du CNRBT, les échanges avec le président n'ont jamais été sereins. Elle fait valoir que le président du CNRBT lui a adressé trois courriers datés du 21 mars 2013, qu'elle verse aux débats, faisant valoir qu'il s'agit d'acharnement à son encontre. Le CNRBT expose qu'il s'agissait de trois courriers dont l'objet était purement administratif, l'un sollicitant la transmission de son diplôme, les deux autres lui transmettant son nouvel emploi du temps tel que validé par le conseil d'administration de l'association.

Ces trois courriers sont rédigés dans des termes relevant d'une relation normale de travail entre employeur et salarié.
L'intimé soutient avoir sollicité plusieurs fois des rendez-vous, notamment par courriel du 16 mars 2013 et par courrier recommandé avec accusé de réception, pli avisé et non réclamé. Elle soutient que le CNRBT ne l'a jamais reçue en entretien, contrairement à ce qu'il avait annoncé dans le courrier qu'il lui a adressé le 17 janvier 2013. Mme X...expose que la seule rencontre entre elle et l'employeur s'est tenue le 15 mai 2013, à l'invitation du président du CNRBT, suite à un courrier qu'elle a adressé le 2 avril 2013 aux membres du conseil d'administration de l'association. Elle relève que cet entretien s'est tenu seulement une semaine avant la convocation à l'entretien préalable au licenciement, ce qui selon elle constitue la preuve que cette réunion du 15 mai 2013 et l'expression de ses doléances ont été le déclencheur de la procédure de licenciement engagée à son encontre. Le CNRBT soutient que le courrier du 3 avril 2013 l'invitant à être auditionné par le conseil d'administration le 15 mai 2013 avait justement vocation à répondre à ses demandes, afin qu'elle puisse exposer ses doléances devant l'organe décisionnaire de la structure qui l'employait. Mme X...verse encore deux courriels adressés par le président du CNRBT aux adhérents du club concernant les résultats sportifs, soutenant que le vrai but était de la critiquer à travers les jeunes dont elle avait la charge. Le CNRBT expose que ces deux courriels étaient à destination principalement des nageurs et de leur famille, soulignant le manque de motivation et l'absentéisme constaté lors des entrainements.

Il convient de constater que les courriels précités n'étaient nullement adressés à Mme X..., et que l'employeur n'a pas fait preuve d'agressivité dans ses échanges avec la salariée.
De la suppression de fonctions imposée par l'employeur
Mme X...soutient que l'employeur lui a retiré une partie de ses fonctions par courrier daté du 17 janvier 2013, rédigé en ces termes : « le conseil d'administration a décidé de vous dispenser, désormais, de l'animation de l'entrainement des triathlètes le midi et de vous laisser vous concentrer exclusivement sur les séances de natation du midi, entre 12h30 et 13h30 selon l'emploi du temps établi. Le conseil d'administration a également décidé de vous soulager de l'accompagnement des nageurs aux compétitions, quelque soit le lieu où celles-ci se déroulent ». Elle fait valoir que par courrier du 21 mars 2013 ayant pour objet « nouvelles fonctions », le CNRBT lui a retiré l'ensemble de ses fonctions d'entraineur, ce qu'elle a immédiatement contesté par l'envoi d'un courrier daté du 25 mars 2013, en vain.

Le CNRBT fait valoir que le courrier du 17 janvier 2013 faisait suite à une absence de Mme X...de quinze jours, et prend en compte les doléances émises par la salariée dans sa lettre du 18 décembre 2012 concernant sa charge de travail, la protestation de ses horaires et sa demande en vue de bénéficier de jours de repos. L'appelante expose que ce courrier avait vocation à retrouver une relation de travail normale après l'absence de la salariée. Elle explique notamment dans cette lettre que Mme C..., membre du conseil d'administration de l'association, a été désignée afin de recueillir les doléances de Mme X...et de l'entendre sur ses projets. Le CNRBT s'étonne du fait que Mme X...n'ait répondu que deux mois après à ce courrier, alors même qu'elle soutient avoir considéré que l'employeur vidait son poste de sa substance.

Des reproches incessants et infondés
Mme X...soutient que le président du CNRBT a toujours critiqué son travail. Elle produit un courriel qu'elle a adressé au président le 8 mars 2013 sollicitant que le CNRBT commande un ouvrage sur l'apnée, afin qu'elle puisse se former à cette discipline. Le président du CNRBT répondait par courrier du 9 mars 2013 dans lequel il écrit notamment : « que vous puissiez intervenir au niveau de la préparation des apnéïstes, il n'en est pas question en ce qui me concerne, cela, encore une fois, ne fait pas partie, jusque là, de vos prérogatives et n'entre pas dans votre cahier des charges propre à votre fonction de salariée au sein du CNRBT. Je vous invite par contre à vous consacrer et à vous rendre disponible et efficace uniquement et d'avantage sur les tâches qui vous incombent, et à vous concentrer exclusivement sur celles-ci afin d'obtenir les résultats que nous sommes en droit d'atteindre et qui pour l'heure sont très loin de nous satisfaire, notamment au niveau de l'école de natation et du centre de perfectionnement de natation ». Mme X...expose que le CNRBT a soutenu qu'elle s'était présentée à son poste de travail en état d'ébriété. Elle produit cinq attestations de collègues et adhérents du CNRBT réfutant cette accusation.

Le CNRBT fait valoir que trois des rédacteurs des attestations, présentés comme collègues ont, pour l'un déserté son poste trois jours après sa prise de fonction, pour les deux autres ne sont plus salariées du club et l'ont été pour une courte durée ou seulement à mi-temps, tous ont donc peu fréquenté Mme X...dans le cadre de son travail. L'appelante expose que ces attestations ne remplissent pas les conditions de l'article 202 du code de procédure civile.

Des conséquences sur l'état de santé
Mme X...verse aux débats quatre attestations dont les rédacteurs témoignent d'avoir constaté une souffrance au travail et une dégradation de son état psychologique. Le CNRBT souligne le fait que trois des quatre attestations sont les mêmes que celles précédemment citées, rédigées donc par les mêmes personnes n'ayant pas ou peu exercé avec Mme X..., et ne pouvant attester de son état psychologique ou d'une prétendue souffrance au travail.

Mme X...produit un courrier émanant du médecin du travail, en date du 11 avril 2013, adressé à son propre médecin traitant, et sollicitant un arrêt de travail la concernant. Le médecin du travail écrit : « souffrance psychologique + + liée au travail avec un employeur qui vraiment semble exagérer (limite harcèlement) ». Elle verse deux certificats médicaux attestant d'un état anxio dépressif.

S'il est évident que les relations de travail se sont dégradées de part et d'autre au cours des huit mois qu'a duré la relation de travail, il apparait que Mme X...a dès le début de l'exercice de ses fonctions, cherché à obtenir des avantages qui ne lui avaient pas été promis, alors même que le CNRBT mettait tout en œuvre afin de faciliter son installation, utilisant ensuite ces éléments afin de dénoncer de mauvaises conditions de travail et un mauvais comportement de l'employeur vis à vis d'elle-même. Par ailleurs, l'étude de l'ensemble des éléments présentés par Mme X...comme des faits fautifs de l'employeur, dans l'objectif de lui nuire en dégradant ses conditions de travail, ne permettent pas, pas leur réalité ou leur gravité, de mettre en exergue une situation de harcèlement moral dont l'intimée aurait été la victime.

Sur le licenciement
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :
« Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs de fautes graves, ce dont nous vous avons fait part lors de notre entretien du mardi 4 juin 2013. En effet, nous vous les rappelons ci-après : Le vendredi 14 décembre 2012 : dossier d'hébergement : destruction, devant le personnel, des documents remis, au nom du CA du CNRBT, par le président du club pour une proposition d'hébergement par la Sikoa. Rejet du dossier suivi par un membre du CA du CNRBT, employée à la Sikoa. Le samedi 15 décembre 2012 : retard de plus de trente minutes sur le lieu de travail (piscine de Rivière-des-Pères). Présentation ce jour là dans un état alcoolisé. Refus de travailler. Refus de pries en charge du groupe d'enfants placé sous votre responsabilité. Incapacité d'assurer la coordination de l'école de natation du club. Le samedi 19 janvier 2013 : refus d'obéissance en décidant de refuser d'assurer l'ordre de mission qui vous avait été demandé par votre employeur d'inventorier, de répertorier et de classer les documents pédagogiques spécifiques aux activités inhérentes à votre emploi. Le samedi 9 février 2013 : absence d'une heure sur votre lieu de travail, entrainant de grosses difficultés de gestion et d'animation de l'école de natation du club puisque vous étiez ce jour l, l'éducateur sportif BEESAN de permanence. Absence d'une heure qui a eu pour conséquence de bloquer l'activité et de créer un trouble au sein de son fonctionnement et des relations tendues avec le reste des membres de l'équipe, ces deniers refusant d'assurer et d'assumer votre défection et votre responsabilité. Le samedi 23 mars 2013 : refus de travailler en compensation des heures non assurées le samedi 9 mars 2013. Vous ne vous êtes pas présentée sur votre lieu de travail. Le mercredi 3 avril 2013 : insultes, menaces et insubordination : vous vous êtes crue autorisée ce jour là, de pénétrer au local du CNRBT, d'interrompre un entretien que j'avais avec la salariée administrative du club et un cadre technique du club, pour m'invectiver, m'insulter en me traitant, je cite, de « dictateur », et me menacer en ajoutant, je cite « vous voulez que je parte, et bien je ne partirai pas. Vous allez voir ce que vous allez voir », fin de citation. Le samedi 6 avril 2013 : absence, sans explication et sans justificatif sur votre lieu et à votre poste de travail (piscine de rivière-des-Pères). Le mercredi 10 avril 2013 : pénétration, sans autorisation, dans la salle de réunion du conseil d'administration, obligeant le président à interrompre la réunion du CA. Refus d'obtempérer de sortir de la salle, contraignant le président à suspendre la séance avant de vous faire entendre raison par deux membres délégués du président (la secrétaire générale et la responsable de la section apnée) chargés d'entendre vos doléances. Courrier : vous vous êtes accordé la liberté d'adresser un courrier aux membres du CA et aux parents du centre de perfectionnement et du centre élite de natation pour manifester votre mécontentement sur les décisions prises, à l'unanimité du conseil d'administration, à votre égard, suite à votre comportement indiscipliné répété. Par contre, vous refusez très régulièrement, de récupérer les courriers qui vous sont adressés en recommandé avec accusé de réception par votre employeur, au point que pas moins de cinq d'entre eux nous ont été retournés, avec la mention « non réclamé ». Document de contrôle et décompte du temps de travail : refus d'obéissance : en dépit de nombreuses relances, vous refusez de remplir, comme il vous l'a été demandé, le document de contrôle et de décompte du temps de travail. Le lundi 13 mai 2013, à 16h : vous vous être retrouvée, avec deux autres de vos collègues de travail, hors de votre lieu de travail (piscine de Rivière-des-Pères), ce jour là, à cette heure là, puisque vous avez « débarqué » avec vos deux collègues au local du club où travaille une quatrième collègue de travail, la secrétaire administrative, pour venir la harceler et l'inciter à prendre faits et causes contre votre employeur, créant un trouble puisqu'une ou plusieurs d'entre vous avait préalablement fumé et l'odeur avait pénétré la salle où travaille la secrétaire au point de la perturber et de lui faire avoir des nausées. Pendant ce temps-là, les enfants des écoles primaires attachés à l'activité « accompagnement éducatif » vous attendaient à la piscine … Le mardi 4 juin 2013 : lors de l'entretien que nous vous avons accordé, en présence de votre délégué syndical et de mon premier vice-président, vous avez eu un comportement irrespectueux vis-à-vis de nous en vous exprimant de manière véhémente et intempestive au point de vous énerver, de vous lever précipitamment et de quitter la salle brutalement, l'entretien se poursuivant avec votre délégué syndical.

Cette succession de conduites mettent en cause la bonne marche du service. Les explications recueillies auprès de vous lors de notre entretien du mardi 4 juin 2013 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet ; nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour fautes graves ».
Mme X...expose que les faits 1 à 4 sont prescrits puisqu'antérieurs de plus de deux mois à l'engagement des poursuites disciplinaires.
Concernant l'absence du 23 mars 2013, elle soutient qu'elle avait dès le lundi 11 mars récupéré les heures non effectuées le 9 mars 2013, ce dont elle a informé l'employeur par courriel du 16 mars 2013.
Concernant le mercredi 3 avril 2013 et les menaces et insultes qu'elle aurait proférées ce jour là à l'encontre du président, Mme X...soutient que cela est faux, et argue que l'employeur n'apporte pas la preuve de ce qu'il avance. Le CNRBT verse une copie du cahier des événements tenus par Mme D..., secrétaire comptable du club, qui indique qu'un incident s'est produit en sa présence le mercredi 3 avril 2013 : « Mme X...Charlotte s'est introduite au local du club alors qu'elle devait se trouver à la piscine, face aux enfants du centre de perfectionnement, elle a invectivé le président Prosper G... et l'a traité de « dictateur » (…). Elle a ensuite menacé le président en lui disant « vous voulez que je parte, et bien je ne partirai pas, vous allez voir ce que vous allez voir ».

Concernant l'absence du 6 avril 2013, Mme X...soutient qu'elle ne devait pas travailler, comme cela apparait dans le planning qui lui a été transmis dans le courrier du 17 janvier 2013. Le dit courrier est ainsi rédigé, concernant les stages de natation prévus pour les vacances de Pâques : « pour les vacances scolaires de Pâques, vous veillerez à ne pas inclure le vendredi 29 mars 2013 (vendredi Saint) et le lundi 1er avril 2013 (lundi de Pâques). Le stage de Pâques se déroulera du lundi 25 au jeudi 28 mars 2013 et du mardi 2 au vendredi 5 avril 2013, de 8h30 à 11h, de 14h à 16h, et de 17h30 à 19h, chacun de ces jours ». Il apparait que ces indications ne sont pas celles des horaires de travail de Mme X..., mais uniquement celles des deux stages. Ce courrier ne permet pas de tirer la conclusion que Mme X...ne devait pas travailler le samedi 6 avril 2013, alors même qu'elle travaillait habituellement le samedi.

Concernant le mercredi 10 avril 2013, Mme X...exposent que les pièces versées aux débats par l'employeur pour prouver ce fait fautif se contredisent. Le CNRBT verse une attestation de Mme E..., membre du conseil d'administration, qui corrobore les faits énoncés dans la lettre de licenciement, ainsi que le procès verbal du conseil d'administration du mercredi 30 avril 2013, signé par le président et la secrétaire générale de l'association, qui relate les mêmes faits. L'attestation rédigée par Mme F..., membre du conseil d'administration, relate également les mêmes faits, à la nuance près qu'elle indique que Mme X...se trouvait dans la salle lorsqu'elle-même y est entrée, ce qui n'est pas contradictoire avec les autres pièces, Mme F...ayant pu arriver tardivement au conseil d'administration.

Concernant le courrier que Mme X...aurait adressé aux membres du conseil d'administration, aucune pièce en attestant n'est versée aux débats.
Concernant le document de contrôle et de décompte du temps de travail, Mme X...soutient l'avoir rempli correctement, en fonction de ses heures travaillées, tandis que le CNRBT produit des tableaux vides concernant Mme X.... Les éléments versés ne permettent pas de vérifier les dires des parties.
Concernant le lundi 13 mai 2013, Mme X...réfute avoir eu un tel comportement et produit le courriel commun rédigé avec ses deux collègues mis en cause et adressé en réponse au courriel du président du CNRBT du 13 mai 2013 leur reprochant le comportement repris dans la lettre de licenciement.
Concernant l'entretien préalable, aucun élément ne permet de vérifier de la réalité du comportement fautif invoqué.
La lettre de licenciement fait état d'un comportement général incluant manquements et négligences réitérés fréquemment jusqu'au jour de l'entretien préalable. Plusieurs des faits fautifs invoqués au soutien du licenciement sont corroborés par des attestations de salariés ou de membres du conseil d'administration, sans élément contraire produit par Mme X....
Le CNRBT produit également un avertissement adressé par courrier du 21 décembre 2012, dont il n'est pas fait état dans la lettre de licenciement, invoquant un mauvais comportement de Mme X...le 15 décembre 2012, résidant notamment dans un refus de travailler et un état d'ébriété. Deux attestations, l'une d'une salariée du CNRBT et l'autre de la mère d'enfants du groupe dont Mme X...avait la charge, relatent que Mme X...a refusé de donner cours aux enfants, et qu'elle semblait en état d'ébriété. Si seuls les griefs invoqués dans la lettre de licenciement fixent les limites du litige, et si ce fait fautif a déjà été sanctionné et ne saurait l'être à nouveau, il dénote d'un comportement non professionnel tel que celui décrit au soutien du licenciement.
Puisque l'employeur a apporté des éléments de preuves concernant un certain nombre de griefs invoqués dans la lettre de licenciement, et que le comportement de Mme X...apparaît avoir été peu professionnel depuis le début de la relation de travail, il convient de constater que son licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Cependant, la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, ce qui n'est pas démontré en l'espèce, il convient de requalifier le licenciement en licenciement pour fautes simples.
Sur les conséquences de la requalification
Du préavis
Le licenciement pour fautes graves étant requalifié en licenciement pour fautes simples, il convient de condamner le CNRBT au paiement de l'indemnité compensatrice préavis, lequel, en vertu de dispositions de l'article 4. 4. 3. 3 de la convention collective nationale du sport, applicable en l'espèce, est fixé à un mois, soit la somme de 1 919, 48 €. La somme de 191, 45 € sera versée par le CNRBT au titre des congés payés afférents.
De la mise à pied conservatoire
Les fautes graves n'ayant pas été démontrées, la période de mise à pied conservatoire, qui s'est étendue du 22 mai au 11 juin 2013, doit être payée à Mme X.... Le CNRBT sera condamné au paiement de la somme de 1 279, 65 € à titre de rappels de salaire pour la période de mise à pied conservatoire.
Sur les autres demandes Les prétentions de Mme X...étant partiellement fondées, les dépens seront mis à la charge du CNRBT. L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

******************* Par ces motifs,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,
Prononce la nullité du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 17 novembre,
La Cour évoquant l'affaire,
Et statuant à nouveau,
Dit que le licenciement prononcé à l'encontre de Mme Charlotte X...a une cause réelle et sérieuse,
Requalifie le licenciement pour fautes graves prononcé à l'encontre de Mme Charlotte X...en licenciement pour fautes simples,
Condamne l'association Cercle des Nageurs de la Région de Basse-Terre à payer à Mme Charlotte X...aux sommes de 1 919, 48 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 191, 45 € au titre des congés payés afférents,
Condamne l'association Cercle des Nageurs de la Région de Basse-Terre à payer à Mme Charlotte X...la somme de 1 279, 65 € à titre de rappels de salaire sur la période de mise à pied conservatoire,
Condamne l'association Cercle des Nageurs de la Région de Basse-Terre au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel,
Déboute les parties de toutes prétentions plus amples ou contraires.
Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16/00375
Date de la décision : 04/09/2017
Sens de l'arrêt : Annule la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2017-09-04;16.00375 ?
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