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04/09/2017 | FRANCE | N°14/01978

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 04 septembre 2017, 14/01978


VS-FG

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE ARRET No 310 DU QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT

AFFAIRE No : 14/ 01978
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 16 décembre 2014- Section Encadrement.
APPELANTE
Madame Aurélia X......Représentée par Maître Jérôme NIBERON de la SCP MORTON et ASSOCIES (Toque 104), avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART

INTIMÉE
SOCIÉTÉ RESSOURCETHICA venant aux droits de la société PROPHARMED FRANCE 16 rue Edouard Nieuport-92150 SURESNES R

eprésentée par Maître Jean-Charles BEDDOUK, avocat au barreau de PARIS substitué par Maître LAHAUT, ...

VS-FG

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE ARRET No 310 DU QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT

AFFAIRE No : 14/ 01978
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 16 décembre 2014- Section Encadrement.
APPELANTE
Madame Aurélia X......Représentée par Maître Jérôme NIBERON de la SCP MORTON et ASSOCIES (Toque 104), avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART

INTIMÉE
SOCIÉTÉ RESSOURCETHICA venant aux droits de la société PROPHARMED FRANCE 16 rue Edouard Nieuport-92150 SURESNES Représentée par Maître Jean-Charles BEDDOUK, avocat au barreau de PARIS substitué par Maître LAHAUT, avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 juin 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Françoise Gaudin, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller, Mme Françoise Gaudin, conseiller,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 4 septembre 2017.
GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier.

ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure : Il résulte des explications et pièces fournies par les parties, les éléments suivants.

Mme Aurélia X...a été embauchée par la société DEPHI en qualité de déléguée commerciale, par contrat à durée indéterminée prenant effet le 10 septembre 2007. Le 1er janvier 2008, ce contrat de travail a été transféré, avec l'accord de Mme X..., à la société ANTILLES PHARM, son statut, sa rémunération et son positionnement hiérarchique restant inchangés.

Par courrier daté du 31 mars 2011, Mme X...se voyait convoquer à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 18 avril 2011.
Par courrier daté du 12 mai 2011, Mme X...se voyait notifier son licenciement.
Mme X...saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 18 mai 2012, en vue de faire constater qu'elle a été victime de faits de harcèlement moral commis par son employeur, que le licenciement soit dit nul et dépourvu de cause réelle et sérieuse, et que la SARL ANTILLES PHARM soit condamnée au paiement des sommes suivantes :-3 862 € à titre d'indemnité de licenciement-2 758, 77 € à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement-33 105 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive-33 105 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral-33 105 € à titre de dommages et intérêts pour nullité de la rupture consécutive à la dénonciation de faits de harcèlement moral.
Par jugement du 16 décembre 2014, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a constaté que le licenciement de Mme X...reposait sur une cause réelle et sérieuse et condamné la société PROPHARMED France, venant aux droits de la SARL ANTILLES PHARM, au paiement des sommes suivantes :-2 758, 77 € au titre du non respect de la procédure de licenciement-2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile-les entiers dépens.

Mme X...interjetait régulièrement appel du jugement le 23 décembre 2014.
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Par conclusions notifiées à la partie adverse le 29 décembre 2016, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé exhaustif des moyens de Mme X..., celle-ci sollicite que le jugement entrepris soit confirmé en ce qu'il a condamné la société PROPHARMED France, venant aux droits de la SARL ANTILLES PHARM, au paiement des sommes de 2 758, 77 € au titre du non respect de la procédure de licenciement, et de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'il soit infirmé pour le surplus, et statuant à nouveau, que le licenciement soit dit irrégulier et abusif, et que la société PROPHARMED France, venant aux droits de la SARL ANTILLES PHARM, soit condamnée au paiement des sommes de 33 105 € à titre d'indemnité pour rupture abusive, de 33 105 € à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive, de 33 105 € à titre d'indemnité pour nullité de la rupture consécutive à la dénonciation de faits de harcèlement moral, et de 3 000 au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées à la partie adverse le 13 juin 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé exhaustif des moyens de Mme X..., la société RESSOURCETHICA (venant aux droits de la société PROPHARMED, elle-même aux droits de la SAS ANTILLES PHARM), celle-ci sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 2 758, 77 € au titre du non respect de la procédure de licenciement, confirmé en ce qu'il a débouté Mme X...de ses autres demandes, et statuant à nouveau, que Mme X...soit déboutée de sa demande d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement et condamnée aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
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Motifs de la décision
Sur l'irrégularité de forme du licenciement
Mme X...expose avoir été convoquée à un entretien préalable se tenant hors de l'entreprise, dans un hôtel fréquenté par de nombreux touristes. Elle fait valoir que les mentions de sa lettre de licenciement concernant sa possibilité d'assistance étaient erronées, indiquant notamment qu'elle peut se faire assister par une personne inscrite sur la liste départementale de la Martinique, alors même que cette dernière vit et travaille en Guadeloupe. Elle expose en outre que l'adresse de l'inspection du travail est celle de Basse-Terre, alors même que la section compétente territorialement en l'espèce est celle de Jarry.
L'article R1232-5 du code du travail dispose : « la lettre de convocation prévue à l'article L. 1232-2 indique l'objet de l'entretien entre le salarié et l'employeur. Elle précise la date, l'heure et le lieu de cet entretien. Elle rappelle que le salarié peut se faire assister pour cet entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, en l'absence d'institutions représentatives dans l'entreprise, par un conseiller du salarié. » L'article D1232-5 du code du travail précise que la liste des conseillers du salarié est arrêtée dans chaque département. L'entretien préalable se tient en principe au siège social de l'entreprise ou sur le lieu de travail du salarié. L'employeur qui déroge à cette règle doit justifier d'une raison rendant impossible son respect, au risque que cela constitue une irrégularité de procédure. En l'espèce la société RESSOURCETHICA ne s'explique pas sur la raison de la délocalisation de l'entretien préalable.

La mention erronée de la liste départementale des conseillers du salarié, ainsi que la tenue de l'entretien préalable au sein d'un hôtel entachent d'irrégularité la procédure de licenciement, c'est donc à bon droit que le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a condamné l'employeur au paiement d'une somme de 2 758, 77 €, présentée comme correspondant à un mois de salaire, ce qui n'est pas contesté par les parties.
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L. 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En outre, il apparaît aux termes de l'article susvisé et de l'article L 1153-1 du Code du travail que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Il y a donc lieu d'étudier l'ensemble des faits que Mme X...estime constitutifs du harcèlement moral dont elle serait la victime. De son refus de signer un avenant à son contrat de travail

Mme X...soutient que l'origine des faits de harcèlement moral commis à son encontre réside dans son refus de signer un avenant à son contrat de travail en 2009. Elle a refusé car considérant que la nouvelle méthode de rémunération était moins avantageuse pour elle.
La société RESSOURCETHICA expose que cet avenant venait au contraire améliorer le statut de la salariée, la faisant passer à compter du 1er juillet 2009, du niveau 7 au niveau 7B de la convention collective, mais encore augmentant sa rémunération mensuelle fixe à hauteur de 2 000 €, contre 1 800, 50 € précédemment, tout en gardant une rémunération variable très intéressante.
Les échanges de courriels versés aux débats ne permettent pas de constater que l'avenant proposé était défavorable à la salariée, ni que le comportement de l'employeur a changé à son égard suite à son refus de signer ledit avenant.
Des conditions de son retour de congé maternité
Mme X...soutient que c'est à l'occasion de son retour dans l'entreprise, suite à son congé maternité, que sa situation professionnelle s'est dégradée. Elle expose qu'elle ne disposait plus des outils nécessaires lorsqu'elle a repris ses fonctions, le 13 octobre 2010, mais encore que ses affectations avaient été modifiées. Elle produit le courrier recommandé avec accusé de réception distribué à son employeur le 3 décembre 2010, dans lequel elle écrit notamment : « Aucun des outils nécessaires à l'exercice de mon activité n'a pu m'être remis ce jour-là : pas de véhicule, pas de téléphone, pas d'ordinateur, pas d'imprimante, pas de coordonnées professionnelles et aucun document relatif à mes nouvelles attributions (…). J'avais pris la peine de vous reconfirmer par écrit mon retour, notamment le 28 septembre 2010. Le 3 novembre 2010, j'ai reçu un courrier électronique m'informant de ma nouvelle affectation, des modifications de mon contrat de travail, et de mes nouveaux objectifs pour les mois de novembre et décembre 2010. Vous m'avez retiré toutes les affectations que j'avais avant mon départ en congé maternité. Vous les avez attribuées à un autre salarié embauché spécialement en contrat à durée déterminée. Ce salarié m'a donc purement et définitivement remplacée dans mes anciennes attributions ». Mme X...soutient avoir du attendre le 3 novembre 2010 afin de recevoir ses nouvelles affectations.

La société RESSOURCETHICA produit un courriel adressé à Mme X...le 14 octobre 2010, dans lequel il est précisé à la salariée les éléments suivants : « ton système de rémunération (fixe + variable), ainsi que les moyens (véhicule, téléphone, forfait repas, …) qui te sont octroyés par la société ANTILLES PHARM dans le cadre de ta mission demeurent inchangés par rapport à ceux qui étaient les tiens avant ton congé. En revanche, à compter de ce jour et jusqu'à nouvel ordre, tu assureras pour le compte de la société ANTILLES PHARM la promotion pour le territoire de la Guadeloupe des gammes Kibio, Puressentiel, Lohmann, et Novartis Santé Familiale. Afin de te permettre d'assurer ta nouvelle mission dans les meilleures conditions, le 14 octobre 2010 tu pourras récupérer ton véhicule de fonction ».

Les pièces versées aux débats ne permettent pas d'établir que Mme X...ait manqué des outils nécessaires à l'exercice de ses fonctions entre le 14 octobre et le 3 décembre 2010, comme elle le soutient. En outre, le changement des marques dont Mme X...est chargée de faire la promotion ne constitue pas une modification de son contrat de travail, mais d'une simple modification de ses conditions de travail, relevant des prérogatives de l'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction.

Du changement du mode de calcul de sa rémunération
Mme X...expose que l'employeur lui a imposé un nouveau mode de calcul de sa rémunération alors même qu'elle avait refusé de signer l'avenant à son contrat de travail, comme elle le rappelait dans son courrier adressé à ANTILLES PHARM le 5 novembre 2009.

ANTILLES PHARM répondait par courrier du 3 décembre 2009 que le nouveau système de prime s'appliquait depuis le 1er juillet 2009 à l'ensemble des collaborateurs. La société RESSOURCETHICA soutient que ce mode de rémunération était plus avantageux pour la salariée, et s'étonne du fait que Mme X...ne sollicite aucun rappel de salaires, alors même qu'elle aurait été lésée par ce nouveau calcul de primes.
Du ton employé par sa supérieure
Mme X...soutient avoir subi, à compter de son retour de congé maternité, l'agacement de sa supérieure. La société RESSOURCETHICA affirme que la relation de travail a commencé à se dégrader avant le départ en congé maternité, et que Mme X...a changé de comportement dès son retour, envoyant plus de 160 courriels à sa supérieure en quelques mois (contre une trentaine envoyés par ses collègues sur la même période), et refusant de commercialiser les nouvelles gammes de produits confiées par son employeur, les estimant peu prestigieuses.

De nombreux échanges de courriels sont versés aux débats, dont la forme est parfois surprenante dans le cadre d'une relation de travail, mais ce constat est autant vrai concernant la supérieure que la subordonnée.
Du refus des congés payés
Mme X...verse un courriel émanant de sa supérieure hiérarchique et dont elle a été destinataire par erreur, concernant sa demande de pose de congés payés pour le mois de mars 2011. Dans ce courriel, Mme Y..., écrit à une personne prénommée Sara : « je reviens vers toi concernant la demande de CP DE X.... Je ne souhaite pas valider cette demande, quel motif puis-je avancer ? ». Mme X...soutient que cela démontrer l'acharnement dont sa supérieure a fait preuve à son égard.
La société RESSOURCETHICA verse la réponse adressée par Mme Y...à Mme X...concernant cette demande de congés payés, rédigée comme suit : « je ne validerai pas ta demande de CP du mois de mars (11 jours). Le premier trimestre de l'année étant une période charnière aux Antilles. Selon tes informations, ta dernière commande validée de la Sopharma pour PURESSENTIEL doit arriver à cette période, fin février, début mars 2011. Si tu souhaites décaler ta demande de CP au mois d'avril, cela sera possible ». Concernant le courriel adressé à Sara Z..., directrice des ressources humaines, transmis à tort à Mme X..., l'employeur explique qu'au vu de la masse de courriels échangés avec Mme X...depuis son retour de congé maternité et des tensions existantes, Mme Y...ne souhaitait prendre aucun risque en termes de formulation du refus, afin de ne pas empirer la situation, raison pour laquelle elle a sollicité l'avis de Mme Z.... L'employeur produit un courriel adressé à une autre salariée, refusant des congés payés au mois de février 2012, dans les termes suivants : « ce ne sera pas possible à ces dates, le mois de février étant un mois déjà amputé avec le carnaval ». La société RESSOURCETHICA entend faire valoir l'absence de tout traitement différent concernant Mme X..., soutenant que seuls les intérêts de l'entreprise justifient les refus de dates de congés payés.

S'il apparait que les relations de travail se sont dégradées de part et d'autre au fil du temps, l'étude de l'ensemble des éléments présentés par Mme X...comme des faits fautifs de l'employeur, dans l'objectif de lui nuire en dégradant ses conditions de travail, ne permettent pas, pas leur réalité ou leur gravité, de mettre en exergue une situation de harcèlement moral dont l'appelante aurait été la victime.

Sur le licenciement
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée : « Nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour les motifs suivants : Vous avez été embauchée par notre société en qualité de déléguée commerciale à compter du 1er janvier 2008, avec une reprise d'ancienneté au 19 septembre 2007. Vous étiez à ce titre chargée d'assurer la représentation de produits de laboratoires pharmaceutiques. Vous avez bénéficié d'un congé maternité, puis d'un congé parental d'une durée totale de 8 mois et demi. A votre retour dans l'entreprise, en respectant les dispositions de l'article L1225-55 du code du travail, nous vous avons demandé d'assurer la représentation des produits d'autres laboratoires que ceux du laboratoire BIOGARAN, qui vous étaient précédemment affectés. Alors même que vous étiez parfaitement informée des raisons qui nous avaient contraints à confier la représentation des produits du laboratoire BIOGARAN à une autre salariée, vous avez alors décidé d'adopter une attitude d'opposition systématique en n'hésitant pas, de surcroit, à nous accuser de discrimination. Depuis, vous n'avez de cesse de réclamer la représentation des produits BIOGARAN. Malgré nos explications, confirmées par notre lettre recommandée avec accusé de réception du 5 novembre 2010, vous ne cessez de perturber le bon fonctionnement du service, pour tenter, par ce moyen de pression, d'obtenir gain de cause, ce que nous ne pouvons accepter. Nous avons été contraints, dans ces conditions, de vous notifier un premier avertissement le 23 novembre 2010, en vous reprochant notamment d'être passée outre les consignes qui vous avaient été données et d'accuser votre responsable hiérarchique « d'essayer de vous dégoûter de votre travail ». Nous espérions que ce rappel à l'ordre formel vous conduirait à adopter le changement radical de comportement qui s'imposait ; il n'en a rien été, puisque vous avez de nouveau, par courrier du 8 décembre, accusé la société de vous faire subir des pressions et de vouloir rompre votre contrat de travail. Vous avez réitéré par la suite à plusieurs reprises ces accusations, malgré nos explications et dénégations, ce qui n'est pas acceptable. Parallèlement, vous avez fait preuve d'une passivité croissante, ne cessant de solliciter par mail votre supérieur hiérarchique pour des demandes anodines, ou pour des questions qui relèvent de votre seule responsabilité. A titre d'exemple, vous vous êtes contentée, en janvier et février 2011, de vous plaindre de prétendus problèmes d'approvisionnement de vos gammes en les imputant aux laboratoires PURESSENTIEL et LOHMANN, ou en prétendant que le laboratoire KIBIO ne vous offrait qu'une gamme « amputée ». Or, vous ne pouviez ignorer, en particulier puisque vous revendiquez trois années d'expérience à votre poste, qu'il vous appartient en qualité de déléguée commerciale, d'évaluer les quantités à commander aux grossistes et de vous assurer que les commandes sont effectuées régulièrement. Il vous incombe également, en tout état de cause, de trouver et de proposer des solutions pour vous permettre de remplir vos objectifs. Or, vous n'en avez rien fait, vous contentant de répercuter une succession d'informations à votre supérieur hiérarchique. Vous avez persisté de la sorte en mars et en avril. Vous avez également tenté de créer de toutes pièces une polémique relative à un prétendu refus injustifié de faire droit à votre demande de congés, alors que vous saviez que la période à laquelle vous avez sollicité la prise de ceux-ci était une période charnière pour notre activité, aucune demande de congé n'ayant été accepte en mars et ce pour tous les délégués commerciaux. Vos contestations incessantes et injustifiées ont aussi porté sur d'autres sujets tels que remboursement de frais, primes, objectifs, etc … Au final, et depuis votre retour à votre poste le 13 octobre 2010, vous nous avez envoyé quatre lettres recommandées, vos plaintes se suivent et se ressemblent (vous persistez à nous accuser de vouloir vous évincer, alors qu'au contraire, nous mettons tout en œuvre pour essayer de vous permettre de remplir au mieux vos missions), et vous empêchez à ce jour votre supérieur hiérarchique d'effectuer convenablement ses missions en multipliant les mails pour des sujets relevant de vos compétences et responsabilités. Ainsi, vous avez envoyé plus de 150 mails à votre supérieur hiérarchique sur une période de six mois (19 octobre 2010/ 22 avril 2011) alors que par comparaison, votre collègue, recruté le 3 mai 2010, et qui a donc potentiellement un besoin plus grand de conseils et d'assistance ne lui a envoyé, sur une période d'un an, que 70 mails (3 mai 2010/ 20 avril 2011). En outre, votre mauvais état d'esprit et votre manque d'implication vous empêchant d'atteindre vos objectifs, vos résultats sont très en-deçà de nos attentes. Votre attitude lors de l'entretien préalable, auquel vous êtes arrivée avec une heure de retard, ne nous permet pas d'espérer un changement de votre comportement, puisque vous nous avez de nouveau indiqué que sauf à ce que nous vous restituions la représentation des produits BIOGARAN, vous n'entendiez pas modifier votre attitude et ainsi « poursuivre vos actions à l'encontre de la société ». Dès lors que votre stratégie est, de votre propre aveu, délibérée, qu'elle perturbe le travail de votre supérieure hiérarchique, qu'elle a des conséquences sur vos résultats, et de façon plus générale sur la bonne marche du service, nous ne pouvons envisager la poursuite de votre contrat de travail. Nous vous notifions par la présente votre licenciement. Votre préavis, que nous vous dispensons d'effectuer, débutera à la date de la première présentation de la présente ».
Du comportement de Mme X...

La société RESSOURCETHICA soutient que Mme X...a, dès son retour de congé parental, fait savoir à ses collègues qu'elle souhaitait quitter l'entreprise afin de créer sa propre structure, ou pour s'occuper de ses enfants, raison pour laquelle son comportement s'est dégradé, comme ses résultats professionnels. Sont produites des déclarations de revenus sur les années 2012 à 2014, sur lesquelles apparaissent des revenus industriels et commerciaux professionnels, attestant d'une activité professionnelle développée par Mme X.... L'intimée soutient que la décision de retirer le laboratoire BIOGARAN du portefeuille clients de Mme X...a été prise à la demande du laboratoire, lequel ne voulait pas travailler avec un salarié en simple contrat à durée déterminée de remplacement. Elle expose qu'en aucune manière les clients confiés à Mme X...à son retour étaient « sinistrés » comme le soutient l'appelante. Afin de contredire cette vision qu'avait Mme X..., l'employeur a demandé à ses collègues de la former sur les nouveaux produits. Cela est attesté par M. A..., collègue de travail.

La société RESSOURCETHICA soutient que Mme X...est entrée dans une logique d'opposition, visible à travers les nombreux courriels échangés, versés aux débats. Elle soutient que Mme X...se plaignait de ne pas avoir de stocks alors même que cela relevait de ses fonctions que de passer les commandes, mais encore qu'elle adressait sans cesse des courriels à sa supérieure hiérarchique alors même que les instructions et missions confiées relevaient parfaitement de ses fonctions. Dans un courriel adressé à Mme X...le 7 janvier 2011, Mme Y...écrivait : « il faudrait repasser une commande dès que celle de janvier arrivera, sans attendre la commande prévue en février pour recommander, afin de briser ce cycle infernal des ruptures. Il faudrait aussi passer des commandes pour deux ou trois mois de stock, et non pour même pas une journée de stock ».

Mme X...fait valoir que le laboratoire PURESSENTIEL était lui-même en rupture de stock, raison pour laquelle elle ne pouvait gérer son propre stock, tel qu'elle l'indiquait à sa supérieure dans un courriel daté du 15 novembre 2010, versé aux débats. Mme X...expose que la prise en charge de nouveaux marchés, avec de nouvelles marques, rendait nécessaire de modifier tout son travail, ce qui impliquait de nombreuses sollicitations de sa supérieure hiérarchique, dans une recherche de résultats performants. Elle verse un courriel adressé à Mme Y...le 17 novembre 2010, dans lequel elle écrit : « Valérie, tu connais ma capacité d'autonomie, puisque lorsque je représentais BIOGARAN, tu avais rarement des demandes de ma part. Je trouvais toujours les solutions seule. Aujourd'hui les choses ont changé. Je ne maitrise pas encore mon nouveau domaine d'activité, ni les labos d'ailleurs, puisque cette situation est récente. Pour cette raison je fais appel à toi. Est-ce que cette démarche te semble incorrecte ? Dans tes réponses, tu refuses systématiquement de m'aider, dans quel but ? ». Elle soutient que ce changement radical de sa gamme de représentation, pour des secteurs qu'elle qualifie de « sinistrés », avait pour seul objectif de faire baisser ses résultats, afin de pouvoir le lui reprocher.

La société RESSOURCETHICA expose que ce changement était induit par la demande du client BIOGARAN, lequel souhaitait former un salarié durant la période d'absence de Mme X...et a donc exigé que ce salarié soit en contrat à durée indéterminée, raison pour laquelle le client n'est pas resté dans le portefeuille du remplaçant de Mme X..., et que cette dernière ne l'a donc pas retrouvé à son retour dans l'entreprise. L'intimée expose que ses missions restaient les mêmes, qu'il s'agissait d'une simple modification des conditions de travail, courante dans le cadre d'un métier commercial, correspondant pleinement à ses fonctions et qualifications, et n'entrainant pas de baisse conséquente de sa rémunération, notamment car la gamme PURESSENTIEL souhaitait se développer sur la Guadeloupe, ce qui fût le cas, devenant l'un des plus gros clients de l'entreprise. L'employeur fait valoir que Mme X...a mis énormément de mauvaise volonté dans son travail, que plus encore elle a été déloyale envers son employeur, en dénigrant l'entreprise, tel que l'atteste M. A...: « dès le premier jour, Aurélia m'a clairement dit qu'elle n'était pas une simple commerciale d'épicerie à vendre des gels douche, mais une déléguée pharmaceutique qui vend des médicaments. J'ai trouvé cela insultant. Aurélia passait son temps à critiquer la société ANTILLES PHARM et ses conditions de travail, rien ne lui convenait, elle m'a plusieurs fois sollicité par mail ou téléphone pour des questions qu'elle aurait dû régler par elle-même. Malgré mes réponses, elle n'était jamais satisfaite, je devais lui mâcher le travail, faire le travail à sa place, elle ne fournissait aucun effort. Lors des visites pharmacies réalisées ensemble avec Aurélia, elle faisait preuve d'une grande désinvolture et ne se sentait pas concernée, ni motivée à accomplir ses missions. De plus, Aurélia m'a ouvertement dit qu'elle partirait avec un pactole et qu'elle ferait payer à ANTILLES PHARM les désagréments et le harcèlement psychologique qu'elle aurait connu. J'ai été désagréablement surpris qu'elle accuse la société de harcèlement. Aurélia répandait auprès des pharmaciens ses états d'âmes en leur disant qu'on l'avait mise dans une voie de garage en attendant de la licencier. M. B... PH (pharmacie BERTHELOT) m'a fait part de ses remontrances ». L'intimée soutient que Mme X...faisait exprès de poser de nombreuses questions, contrairement à la période durant laquelle elle s'occupait de la marque BIOGARAN, dans le but de se voir de nouveau confier ce marché.

A la lecture des nombreux courriels versés aux débats, il apparait que Mme X...a multiplié les sollicitations de sa supérieure hiérarchique, y compris sur des sujets qui relevaient pleinement de ses qualifications et de son expérience, et dont le traitement ne pouvait différer malgré les modifications opérées dans son portefeuille clients.
Des objectifs de Mme X...
La société RESSOURCETHICA soutient que Mme C..., qui a repris le laboratoire PURESSENTIEL suite au départ de Mme X..., a obtenu une forte progression. Cependant, les tableaux fournis ne permettent pas d'établir clairement la part de chacune des deux salariées dans l'atteinte de ce résultat annuel, et ce document ne constitue pas une comparaison puisque la période est nécessairement différente, Mme C...ayant remplacé Mme X....

Mme X...soutient que les quatre laboratoires qui lui ont été confiés comme clients étaient en perdition et ne lui permettaient pas d'atteindre les objectifs fixés, ce qui diminuerait nécessairement sa rémunération variable.
Concernant les laboratoires KIBIO et LOHMANN, la société RESSOURCETHICA expose avoir tenu compte de la nouveauté qu'ils représentaient pour Mme X..., en ce que Mme Y...l'a accompagnée en répondant à ses courriels, en lui suggérant des tâches à effectuer, et en sollicitant des éléments afin d'effectuer un suivi. L'intimée fait valoir que le laboratoire LOHMANN constituait le deuxième client en termes de chiffre d'affaire en Martinique, et qu'il eut été étrange qu'il ne devienne pas un gros client en Guadeloupe. En outre, l'employeur produit un courriel informant Mme X...que ses objectifs pour les mois de novembre et décembre 2010 concernant ces deux laboratoires ne seraient que de 1000 € par mois, ce afin de l'accompagner dans la transition de son portefeuille clients.
Concernant la marque Novartis Santé familiale, aucun objectif n'a été fixé à Mme X..., tel que cela apparait sur le tableau d'objectifs personnalisés versé aux débats, elle ne saurait donc se prévaloir d'objectifs irréalisables.

Mme X...verse ses avis d'impôt afin de démontrer que ses revenus salariaux ont diminué, passant de 35 840 € pour l'année 2009, à 22 479 € en 2010, et 22 676 en 2011, ce qui serait dû à sa rémunération variable, diminuée suite aux changements opérés dans son portefeuille client. La société RESSOURCETHICA relève encore que Mme X...ne formule pourtant aucune demande de rappels de salaire. Il convient de constater que Mme X...a été licenciée au mois de mai 2011, de telle sorte qu'il est compréhensible que ses revenus aient baissé en 2011. Concernant l'année 2010, son congé maternité a été suivi d'un congé parental, lequel n'est pas rémunéré par l'employeur, ce qui explique également la baisse de revenus salariaux.

Au vu des éléments produits aux débats par les parties, il apparait que la dégradation du comportement professionnel de Mme X..., et sa contestation systématique des objectifs fixés, pourtant raisonnables, justifiaient son licenciement, lequel est dès lors pourvu d'une cause réelle et sérieuse.

Sur les autres demandes

Mme X...succombant principalement en ses prétentions, il convient de la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Et y ajoutant, Condamne Mme Aurélia X...au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel, Déboute les parties de toutes prétentions plus amples ou contraires. Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14/01978
Date de la décision : 04/09/2017
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2017-09-04;14.01978 ?
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