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30/01/2017 | FRANCE | N°15/00936

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 30 janvier 2017, 15/00936


VS-BR
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 28 DU TRENTE JANVIER DEUX MILLE DIX SEPT

AFFAIRE No : 15/ 00936
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 6 mai 2015- Section Commerce

APPELANT
Monsieur GUY X... ...97139 LES ABYMES Représenté par Maître Dominique TAVERNIER (toque 34), substituée par Maître Nicolas FLORO, avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART

INTIMÉE
SARL VOYAGEURS Rue des balisiers Petit-Pérou 97139 LES ABYMES Représentée par Maître Karine LINON (toque

70), substituée par Maître PRADEL, avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART

COMPOSI...

VS-BR
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 28 DU TRENTE JANVIER DEUX MILLE DIX SEPT

AFFAIRE No : 15/ 00936
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 6 mai 2015- Section Commerce

APPELANT
Monsieur GUY X... ...97139 LES ABYMES Représenté par Maître Dominique TAVERNIER (toque 34), substituée par Maître Nicolas FLORO, avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART

INTIMÉE
SARL VOYAGEURS Rue des balisiers Petit-Pérou 97139 LES ABYMES Représentée par Maître Karine LINON (toque 70), substituée par Maître PRADEL, avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 novembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard Rousseau, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller, Mme Françoise Gaudin, conseiller.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 30 janvier 2017.
GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie SOURIANT, greffier.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :

Le 1er juin 1997, M. X... a été engagé par la Société VOYAGEURS en qualité de conducteur.
Par lettre du 4 avril 2013, il était convoqué à une entretien préalable fixé au 16 avril 2013, en vue d'un licenciement.
Par lettre du 26 avril 2013, M. X... se voyait notifier son licenciement pour faute grave.
Le 28 mai 2013 M. X... saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe à Pitre aux fins de contester son licenciement, et obtenir paiement d'un rappel de salaire, de dommages et intérêts pour rupture abusive et pour harcèlement moral.
Par jugement du 6 mai 2015, la juridiction prud'homale déboutait M. X... de l'ensemble de ses demandes.
Par déclaration du 19 juin 2015, M. X... interjetait appel de cette décision.
****
Par conclusions notifiées le 13 février 2016, auxquelles il était fait référence lors de l'audience des débats, M. X... sollicite l'infirmation du jugement entrepris, et faisant valoir qu'il a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur, il demande paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Soutenant que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, M. X... entend voir la Société VOYAGEURS condamnée à lui payer les sommes suivantes :-3178 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,-6684 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,-17 448 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive.

Il réclame en outre le versement d'un indemnité de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
****
Par conclusions communiquées le 25 avril 2016, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la Société VOYAGEURS sollicite la confirmation du jugement entrepris et le rejet des demandes de M. X.... Elle réclame paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Société VOYAGEURS fait valoir qu'en dépit de nombreux avertissements reçus, M. X... n'a jamais cru devoir améliorer son comportement au sein de l'entrepris. Elle fait état du refus du salarié de répondre aux appels téléphoniques de son employeur, lui reprochant également la non-remise des disques chronotachygraphes et son insubordination. Elle conteste en outre tout fait de harcèlement moral.

****

Motifs de la décision :

Sur le harcèlement moral invoqué par M. X... :
A l'appui de sa demande d'indemnisation pour harcèlement moral, M. X... fait état de pratiques punitives qui visaient à le placer dans une situation de stress quotidien. A ce titre il évoque les nombreuses sanctions qui lui ont été infligées, caractérisant une forte animosité de la part de l'employeur à son égard, celui-ci le discréditant et le méprisant dans ses lettres d'avertissement.
Il est produit au débat une lettre du 14 mars 2012 portant notification d'une mise à pied disciplinaire à l'encontre de M. X.... Il est reproché à celui-ci son absence le 18 décembre 2011 sans production de justificatif, le motif invoqué par le salarié, seulement lors de l'entretien préalable au prononcé de la sanction, n'étant par fondé, dans la mesure où M. X... ne pouvait se prévaloir du non-respect de son temps de repos journalier, puisqu'il avait disposé, depuis la fin de son service du 17décembre 2011, d'un temps de repos suffisant de 9h15.
Cette mise à pied disciplinaire était également motivée par la non-remise persistante des disques de chronotachygraphe, et leur manipulation abusive, faisant apparaître un temps de travail effectif erroné.
Par lettre 26 novembre 2012, une nouvelle mise à pied disciplinaire était notifiée à M. X..., pour avoir, le mardi 2 octobre 2012, contrairement à son ordre de mission, refusé de récupérer des clients à l'aéroport au niveau du panneau de l'agence TUI (Groupe Nouvelles Frontières) et de mettre sur son tableau de bord le panneau du client. En outre il est relevé que M. X... a invoqué comme prétexte à l'égard du responsable de TUI, qu'il ne travaillait pas pour Nouvelles Frontières. Cette attitude était qualifiée d'irrespectueuse par l'employeur, et de nature à mettre en péril les relations commerciales avec un des plus importants clients de la société.
Si dans son courrier l'employeur se permet de qualifier le prétexte invoqué par M. X..., " digne d'une réponse qui pourrait être faite par un enfant de cinq ans ", c'est qu'effectivement l'obstruction opposée par M. X... à l'exécution de son ordre de mission, consistant à répondre qu'il n'a pas à conduire les passagers de Nouvelles Frontières, du panneau de l'agence jusqu'à son bus, relève d'une conception pour le moins simpliste de sa mission, laquelle révèle en fait une mauvaise foi évidente de la part du salarié qui entend se cantonner à une exécution très parcellaire de son service, sans aucun souci du bon fonctionnement de l'entreprise pour laquelle il travaille.
Il a fallu d'ailleurs qu'un autre conducteur de la Société VOYAGEURS, M. A..., comme celui-ci l'atteste, se charge de récupérer les clients à l'aéroport et de les diriger vers le bus de M. X.... Mme B..., assistante d'exploitation transport, a elle aussi, selon l'attestation qu'elle a rédigée, eu à conduire à maintes reprises les passagers vers le véhicule de M. X... qui restait assis à l'intérieur.
Pour justifier la même sanction, l'employeur reproche également à M. X... de s'être abstenu, le jeudi 20 septembre 2012, de récupérer à 14h30 des élèves à Sainte-Rose, obligeant l'employeur à lui trouver de toute urgence un remplaçant qui n'a pu arriver qu'avec une heure de retard. M. X..., qui n'a d'ailleurs pas répondu aux appels téléphoniques de l'entreprise, ne peut se borner à prétexter qu'habituellement l'horaire était fixé à 16h30, puisqu'un ordre de mission, qu'il n'a manifestement pas pris la peine de lire, lui précisait l'heure de récupération des élèves. Il n'a d'ailleurs appelé par téléphone l'entreprise qu'à 15h35, alors qu'il avait déjà été remplacé.

M. X... verse lui-même un certain nombre d'avertissements dont il a fait l'objet, à savoir :- un avertissement du 23/ 02/ 2005 par lequel il lui est reproché d'avoir omis de récupérer deux clients à l'hôtel Anse des Rochers, malgré l'ordre de mission qui lui avait été remis,- un avertissement du 23/ 05/ 2008 par lequel il lui est reproché, dans le cadre d'un service de ramassage scolaire, de ne pas avoir transporté des élèves à la citée scolaire de Baimbridge pour ne pas avoir respecté son ordre de mission, les élèves ayant dû être transportés par un deuxième autocar,- un avertissement du 10/ 10/ 2008 par lequel il lui est reproché plus de 40 mn de retard sur une excursion programmée avec un des plus gros clients de la Société VOYAGEURS, l'employeur expliquant la procédure à suivre en cas de perte de la carte conducteur, à savoir utiliser un disque chronotachygraphe ou un ticket vierge dans le chrono numérique, ou prendre une feuille vierge et d'y inscrire au dos du disque ou du ticket, son nom, prénom, date, numéro d'immatriculation du véhicule, lieu de départ, historique de la journée et tous les arrêts de la journée, l'objectif étant de permettre aux autorités de contrôler les temps de conduite.- un avertissement du 23/ 03/ 2011 par lequel il est reproché :- de ne pas avoir respecté son ordre de mission pour la récupération d'un guide touristique à Sainte-Anne à 7h du matin,- de ne pas avoir respecté son ordre de mission pour la récupération d'élèves au stade des Abymes, alors que l'intéressé faisait valoir qu'il s'était présenté devant la salle des fêtes des Abymes et n'avait pas trouvé d'élèves.

La Cour constate que toutes ces sanctions sont motivées par des éléments précis et détaillés, et n'ont pas été contestées en leur temps par M. X..., hormis la mise à pied disciplinaire ayant pris effet du 06/ 12/ 2012 au 15/ 12/ 2012, M. X... expliquant, comme il a été évoqué ci-avant, qu'il n'avait pas reçu l'ordre d'attendre les clients près du panneau TUI à l'aéroport et de les conduire à son bus.
Dans ce courrier il fait valoir que ce n'est pas son comportement qui porte atteinte à la qualité du service, mais c'est l'entreprise qui dysfonctionnerait en raison de l'absence de communication entre la direction et les employés, ajoutant que c'était " l'injure qui tient lieu de dialogue ". Or il ne ressort d'aucun élément de l'espèce, et en tout cas d'aucun courrier portant avertissement, que l'employeur se soit montré de quelque façon que ce soit, injurieux à l'égard du salarié.
Au demeurant les moyens de défenses de M. X... sont tout à fait spécieux, puisqu'à plusieurs reprises ses collègues ont été obligés de le suppléer pour conduire les clients à son bus, comme il a été expliqué ci-avant ; dans un courriel de l'entreprise cliente, le " responsable réceptif " de celle-ci relate qu'en se rendant sur le parking des bus il a vu le chauffeur et lui a demandé " qui faisait l'arrivée ", ce à quoi ce dernier lui a répondu en créole, qu'il ne travaillait pas pour Nouvelles Frontières. Ce responsable de la Société VOYAGEURS cliente ajoutait que par le passé il avait déjà demandé de ne pas affecter cette personne à leurs missions.
L'examen des pièces du dossier faisant ressortir le comportement de M. X... dans l'exercice de ses fonctions et les relations entretenues avec l'employeur, tels que décrits ci-avant, interdit de suivre le salarié dans ses allégations tendant à affirmer qu'il est " victime d'un harcèlement permanent qui va jusqu'à la menace physique ", ou qu'il est victime d'une " pratique d'ordres contradictoires visant à le déstabiliser ".
Par ailleurs si M. X... assimile " le paiement chaotique et fractionné " de son salaire, à des pratiques de harcèlement. En fait l'employeur explique ces problèmes de paiement par les difficultés financières que connaît l'entreprise. D'ailleurs parmi les chèques dont M. X... verse la copie aux débats pour prouver le fractionnement des paiements, figurent des chèques émis par un tiers, ce qui montre que la trésorerie de l'entreprise était en grande difficulté.
Enfin l'examen des ordres de mission versés au débat par M. X... afin de démontrer qu'il était soumis à un " rythme effréné de travail ", montre que, contrairement à ce qu'il soutient, il n'a jamais travaillé de 5 heures du matin à 22 heures, en effet la plus grande amplitude journalière de travail s'est étendue de 5h45 à 18h25, mais avec une plage de repos de 7h55 à 15h30.
Les faits de harcèlement moral allégués par M. X... n'étant pas établis, celui-ci sera débouté de sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre.

Sur le licenciement pour faute grave :

Dans sa lettre de licenciement du 26 avril 2013, l'employeur reproche à M. X... de :
- de ne répondre ni aux appels téléphoniques de la gérante de la Société VOYAGEURS, ni de son directeur M. C...,- de ne pas remettre ses disques chronotachygraphes ainsi que les feuillets du livret individuel de contrôle en dépit de nombreuses relances,- refus de récupérer des clients au point de rendez-vous et de les diriger vers son véhicule,- non-respect de l'heure de prise de service,- la non présentation à une visite de la médecine du travail.

Hormis le dernier grief, les autres types de manquements reprochés à M. X... avaient déjà fait l'objet d'avertissements par le passé, l'employeur précisant dans sa lettre de licenciement les dates précises des derniers manquements de M. X..., s'étendant du mois de février au mois d'avril 2013, ce qui montre que le salarié n'entend pas changer de comportement, et continue à adopter une attitude assimilable à de l'obstruction au fonctionnement de l'entreprise, notamment à titre d'exemple il peut être cité le refus de récupérer des clients au point de rendez-vous, le non-respect des ordres de missions, en particulier des heures de prise de service, ne pas remettre les disques chronotachygraphes, ce qui expose l'employeur à des sanctions pénales.
L'obstruction opposée par M. X... est particulièrement caractérisée par le refus de répondre aux appels téléphoniques émanant de sa direction, alors qu'il est équipé d'un téléphone professionnel. Ce comportement est mis en évidence non seulement par les déclarations de collègues de travail, auxquels l'employeur est contraint de s'adresser pour obtenir un contact avec M. X..., mais aussi par le procès-verbal de constat d'huissier établi le 3 avril 2013, démontrant l'impossibilité pour le directeur de la Société VOYAGEURS de contacter téléphoniquement M. X..., qui ne répond à aucun de ses appels, mais qui par contre répond aux appels de ses collègues qui le contactent à la demande du directeur. Au demeurant l'huissier instrumentaire a pu constater que sur un appel de Mlle B..., employée de la Société VOYAGEURS, qui interpellait par téléphone M. X... de la façon suivante : " Monsieur X..., le patron m'a dit qu'il t'a appelé, tu n'as pas répondu ", l'intéressé répondait : " je ne répondrai jamais, je ne lui parle pas ".
Dans ces conditions, étant donné l'opposition affichée par M. X... à l'égard de son employeur, caractérisant une insubordination affirmée, l'exécution du contrat de travail ne peut se poursuivre, l'entreprise ne pouvant se permettre de supporter plus avant un tel comportement qui met en péril l'exécution par l'entreprise de ses prestations à l'égard des clients, et par là même son fonctionnement et sa survie, le licenciement pour faute grave étant dès lors justifié.
En conséquence M. X... sera débouté de l'ensemble de ses demandes.
Eu égard au comportement de M. X..., il paraît inéquitable de laisser à la charge de la Société VOYAGEURS les frais irrépétibles qu'elle a exposés tant en première instance qu'en cause d'appel ; il lui sera alloué la somme de 1000 euros en sus de celle déjà allouée par les premiers juges.

Par ces motifs,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Déclare l'appel recevable ;
Au fond,
Confirme le jugement du 6 mai 2015,
Y ajoutant,
Condamne M. X... à payer à la Société VOYAGEURS la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les entiers dépens sont à la charge de M. X...,
Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires.

le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15/00936
Date de la décision : 30/01/2017
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2017-01-30;15.00936 ?
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