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30/01/2017 | FRANCE | N°15/00904

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 30 janvier 2017, 15/00904


BR-VS

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 26 DU TRENTE JANVIER DEUX MILLE DIX SEPT

AFFAIRE No : 15/ 00904
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 12 mai 2015- section activités diverses.
APPELANTE
Madame Dina Y... ... 97115 SAINTE ROSE Représentée par Maître Daîna DESBONNES (toque 71), avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART

INTIMÉE
SARL FORMATRANS 48 Centre Commercial Le Pérou 97139 LES ABYMES Représentée par Maître Jean-Marc DERAINE (toque 23), substitué

par Maître MATRONE, avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :
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BR-VS

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 26 DU TRENTE JANVIER DEUX MILLE DIX SEPT

AFFAIRE No : 15/ 00904
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 12 mai 2015- section activités diverses.
APPELANTE
Madame Dina Y... ... 97115 SAINTE ROSE Représentée par Maître Daîna DESBONNES (toque 71), avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART

INTIMÉE
SARL FORMATRANS 48 Centre Commercial Le Pérou 97139 LES ABYMES Représentée par Maître Jean-Marc DERAINE (toque 23), substitué par Maître MATRONE, avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 5 décembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller, Mme Françoise Gaudin, conseiller, qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 30 janvier 2017.
GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie SOURIANT, greffier.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure
Il résulte des explications et pièces fournies par les parties, les éléments suivants.
Mme Dina Y... a été engagée le 1er février 2010 par la SARL FORMATRANS, en qualité de monitrice d'école de conduite, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée d'une durée de quatre mois. Par avenant signé par les parties le 31 mai 2010, ce contrat de travail a été renouvelé pour une durée indéterminée.
Sur demande de l'employeur, Mme Y... a suivi à la fin de l'année 2011 une formation afin de devenir monitrice de conduite poids lourds, fonction qu'elle a exercée jusqu'à son départ de l'entreprise.
Par courrier en date du 25 janvier 2013, Mme Y... était convoquée à un entretien préalable fixé au 5 février 2013.
Une lettre recommandée avec accusé de réception présentée par les services postaux le 9 février 2013 lui notifiait son licenciement.
Le 3 décembre 2012, Mme Y... saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre en vue d'obtenir l'annulation de l'organisation collective du temps de travail, ainsi que des précisions sur sa qualification. Dans le cadre de cette instance, elle contestait son licenciement et formait des demandes indemnitaires.
Le conseil de prud'hommes s'étant déclaré en partage de voix, une audience s'est tenue le 17 mars 2015, présidée par le juge départiteur et au cours de laquelle Mme Y... a formé les demandes suivantes :-37 201, 44 € au titre du préjudice subi pour rupture abusive-930, 36 € à titre d'indemnité légale de licenciement-2 123, 34 € au titre du remboursement des frais de formation ponctionnés à tort sur les congés payés-1 550, 06 € au titre de l'indemnité pour licenciement irrégulier-37 201, 44 € au titre de l'indemnisation du préjudice subi pour discrimination syndicale-20 000 € au titre du harcèlement moral subi-3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens-que soit ordonnée la modification du contrat de travail, sous astreinte de 50 €.

Par jugement du 17 mars 2015, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre disait le licenciement de Mme Y... fondé sur une cause réelle et sérieuse, la déboutait de l'ensemble de ses demandes, la condamnait aux dépens et disait n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 16 juin 2015, Mme Y... formait un appel motivé à l'encontre du jugement entrepris.

*****************

Par conclusions notifiées, le 18 février 2016, Mme Y... sollicite la condamnation de la SARL FORMATRANS au paiement des sommes suivantes :-37 201, 44 € au titre du préjudice subi pour rupture abusive-930, 036 € à titre d'indemnité légale de licenciement-2 123, 34 € au titre du remboursement des frais de formation ponctionnés à tort sur les congés payés-1 550, 06 € au titre de l'indemnité pour licenciement irrégulier-37 201, 44 € au titre de l'indemnisation du préjudice subi pour discrimination syndicale-20 000 € au titre du harcèlement moral subi-3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens. L'appelante entend que soit ordonnée la rectification du certificat de travail en ce qui concerne le décompte du droit acquis de formation, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir.

Mme Y... soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, les griefs invoqués et repris dans la lettre de licenciement étant infondés.
Ainsi le fait pour l'employeur de reprocher à Mme Y... d'une part d'être restée une heure inactive dans le véhicule lors de l'absence d'un élève, et d'autre part d'avoir quitté l'entreprise deux heures plus tôt les 14 et 15 janvier 2013 à l'occasion d'autres absences d'élèves, ne saurait démontrer un manquement de Mme Y... aux obligations liées à son contrat de travail dans la mesure où elle produit deux autorisations d'absence de l'employeur concernant des situations semblables, à l'occasion desquelles elle avait été autorisée à quitter son poste de façon anticipée. Mme Y... affirme avoir été présente sur son lieu de travail le 6 décembre 2012.

L'appelante dénonce la pratique de son employeur visant à décompter mensuellement une partie de ses droits à congés payés en vue de récupérer la somme de 5 000 € qui lui avait été remise lors de son départ en formation de monitrice conduite poids lourd en août 2011, alors même que cette somme couvrait le coût de la formation et les frais annexes.
Mme Y... soutient qu'il n'est pas établi objectivement qu'elle serait à l'origine d'une mésentente au sein de la société d'une telle gravité qu'elle rendrait impossible son maintien dans l'entreprise et justifierait son licenciement.
Concernant la dégradation du portail du centre d'examen, Mme Y... fait valoir qu'elle n'a pas désobéi à son employeur en délivrant un cours de conduite à l'élève responsable, d'une part car il s'agit là de l'essence même de son métier que de donner des leçons de conduite, d'autre part car la SARL FORMATRANS n'a pas refusé que soit donné ledit cours. Si un accident a bien eu lieu au cours de cette leçon, l'appelante relève que cela reste courant dans une société dont l'objet est la formation à la conduite.
L'appelante se défend du reproche qui lui est fait d'avoir dénigré l'entreprise en informant des tiers, notamment des élèves, des agissements de la SARL FORMATRANS qu'elle estimait injustes, à savoir le décompte d'heures de formation non effectuées. Elle soutient qu'il s'agissait uniquement de la délivrance d'un renseignement et que la véracité de cette information est établie par le versement du décompte d'heures tenu par l'une des élèves, lequel rend compte d'un décalage entre le planning versé par l'entreprise à l'organisme de formation et le planning réel.
Mme Y... soutient que l'ensemble de ces griefs ne lui a été reproché qu'à compter du jour où elle a saisi le conseil de prud'hommes en vue de faire reconnaître sa nouvelle qualification de monitrice de conduite poids lourd, soit deux mois avant son licenciement.
L'appelante entend voir reconnaître l'irrégularité de la procédure de licenciement, tenant en ce que la lettre de convocation à l'entretien préalable n'a pas été signée par l'employeur ou son représentant.
Mme Y... dénonce des faits relevant de discrimination syndicale. L'appelante est secrétaire générale de la CGTG pour le secteur auto-école, fonction qui apparaît publiquement pour la première fois dans le communiqué de presse de la CGTG en date du 20 juillet 2012. L'appelante évoque la réunion du 14 août 2012, intervenue moins d'un mois après la médiatisation de sa prise de responsabilités au sein d'un syndicat, et durant laquelle l'employeur a informé l'ensemble des salariés de la SARL FORMATRANS que les horaires de travail seraient modifiés, précisant que « pour les permis B, rien ne change », alors même que Mme Y... est la seule monitrice de conduite poids lourd, donc la seule salariée concernée par ce changement d'horaires en définitive.

Mme Y... soutient avoir subi des faits de harcèlement moral de la part de la SARL FORMATRANS. L'appelante invoque les éléments suivants :- le courrier de mise en garde adressé par son employeur, en date du 3 janvier 2013, et évoquant des faits remontant à plus de deux mois, courrier que la SARL FORMATRANS a ensuite qualifié de mesure disciplinaire au cours de l'instance ;- les trois avis dispensant Mme Y... de travailler, délivrés entre le 28 janvier et le 8 février 2013, alors même que cette pratique était implicite auparavant et que le jour de la première autorisation d'absence correspond au jour de la remise en main propre de la convocation à l'entretien préalable. L'appelante soutient que ce procédé avait pour unique but de permettre à l'employeur de reprocher à Mme Y... d'avoir quitté son poste de travail en l'absence d'élève ;- l'inégalité de traitement résidant en la modification de ses seuls horaires de travail, ce qui a dégradé ses conditions de travail ;- la pression continuelle subie par Mme Y... dans le cadre de son travail, et qui ressort des témoignages stéréotypés et standardisés rédigés par d'anciens élèves de la SARL FORMATRANS, versés par la partie adverse et tendant à encenser l'employeur face à la salariée.

L'appelante sollicite la remise d'un certificat de travail rectifié puisque la version initialement remise ne fait pas état des droits de formation acquis, l'empêchant ainsi de disposer de ses heures de formation.
*******************
Par conclusions remises le 19 juillet 2016, la SARL FORMATRANS sollicite que le licenciement soit dit fondé sur un ensemble de faits constituant une violation des obligations résultant de la relation de travail ou du contrat de travail, justifiant sa rupture. L'intimée entend que soit constatée l'inexistence d'un quelconque harcèlement moral ou d'une discrimination syndicale. L'intimée sollicite que Mme Y... soit déboutée de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions et condamnée à payer la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL FORMATRANS soutient l'existence d'un ensemble de faits imputables à Mme Y... constituant une violation des obligations résultant du contrat ou de la relation de travail et rendant impossible son maintien dans l'entreprise. L'intimée invoque le manquement aux obligations de loyauté et de discrétion, résidant en ce que Mme Y... n'avait de cesse d'affirmer aux clients de l'entreprise que celle-ci ne respectait pas les conventions, en faisant signer aux élèves des heures non effectuées. Ces propos, que la SARL FORMATRANS dénonce comme un dénigrement systématique, sont repris dans quatre attestations rédigées par des élèves.

La SARL FORMATRANS signale qu'une réforme du permis de conduire est officiellement intervenue le 19 janvier 2013, ce qui a préalablement généré une période compliquée en termes de gestion des heures de formation dans l'attente de la publication des textes, et nécessité des ajustements postérieurs, qui ont bien été effectués par l'entreprise. Plusieurs attestations d'élèves sont versées aux débats, témoignant de la programmation par le gréant de la société d'heures de cours supplémentaires en vue de préparer l'examen, sans que ces leçons ne soient facturées. A contrario, l'intimée soutient qu'en aucune manière des heures non effectuées ont été signées par la SARL FORMATRANS.

L'intimée verse plusieurs attestations de salariés relatant le refus systématique de Mme Y... de collaborer avec ses collègues, créant un climat conflictuel et perturbant le bon fonctionnement de l'entreprise.
La SARL FORMATRANS invoque un abandon de poste, en date du 6 décembre 2012 ainsi que deux jours durant lesquels Mme Y... n'a pas respecté les plannings, les 14 et 15 janvier 2013. L'intimée précise que tout formateur qui ne dispense pas de leçon de conduite, notamment en cas d'absence d'élève, doit effectuer d'autres tâches tels que dispenser des cours théoriques ou exécuter des tâches administratives. Seul un écrit dûment établi par l'employeur permet d'exonérer un moniteur d'effectuer ses heures de travail en l'absence d'élève, document qui n'a pas été établi concernant Mme Y... pour ces trois dates.

La société la SARL FORMATRANS évoque la mesure disciplinaire dont Mme Y... avait fait l'objet quelques semaines avant le début de la procédure de licenciement, à savoir une mise en garde faisant suite au stationnement sans carburant du poids lourd dont elle avait la charge, entraînant l'intervention du gérant et d'un salarié le lendemain en vue de réapprovisionner le véhicule afin que les leçons puissent être dispensées.
L'intimée se défend de tout harcèlement moral et soutient que la modification d'horaires invoquée, à savoir le fait que l'ensemble des salariés de l'entreprise soit désormais amené à travailler ponctuellement le samedi, est nécessaire au bon fonctionnement de la SARL FORMATRANS, puisque les concurrents du secteur sont tous en activité le samedi, afin que les clients exerçant une activité salariée en semaine puissent suivre les leçons. La SARL FORMATRANS souligne le fait que Mme Y... n'a en réalité jamais travaillé le samedi, M. B...assurant la totalité du service sur cette journée. L'intimée soutient que la sanction prononcée l'a été dans le cadre disciplinaire et fait suite à des agissements anormaux de Mme Y... dans le cadre de son travail, ce qui ne saurait donc s'apparenter à des faits de harcèlement moral. La SARL FORMATRANS précise que la formation de monitrice poids lourd a été entièrement financée par l'entreprise, avec un coût non négligeable et dans le but d'apporter à Mme Y... une nouvelle qualification, bien loin de vouloir lui nuire d'une quelconque façon.

Concernant la discrimination syndicale, la SARL FORMATRANS soutient que Mme Y... ne démontre aucune inégalité de traitement, pas même en ce qui concerne les horaires de travail tel que cela a précédemment été développé par l'intimée. La SARL FORMATRANS souligne le fait que l'inspection du travail, saisie par Mme Y... et la CGTG au sujet d'une discrimination syndicale, n'a donné aucune suite.

L'intimée réfute toute demande de remboursement des frais de formation et certifie que si les droits à congés payés de Mme Y... ont diminué au fil des mois durant l'année 2011, c'est bien parce que la salariée a posé des jours de congés payés.
La SARL FORMATRANS soutient que la procédure de licenciement a bien été respectée et fait référence à la copie de la convocation à l'entretien préalable, versée aux débats par Mme Y..., et sur laquelle la signature du gérant de l'entreprise apparaît bien.

Motifs de la décision :

Sur le harcèlement moral :

Il y a lieu de relever qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En outre, il apparaît aux termes de l'article susvisé et de l'article L 1153-1 du Code du travail que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il y a donc lieu d'étudier chacun des faits que Mme Y... estime constitutifs du harcèlement moral dont elle serait la victime.
Du changement d'horaires de travail
Il y a lieu de noter que l'aménagement d'horaire pratiqué par la direction relève bien du pouvoir de direction de l'employeur et ne nécessite pas l'accord des salariés en ce qu'il ne modifie pas le contrat de travail mais seulement les conditions de travail. Ce changement est intervenu pour l'ensemble des salariés de la société et non uniquement en ce qui concerne Mme Y.... L'intimée verse aux débats les plannings de Mme Y... depuis le mois d'octobre 2012 jusqu'à son licenciement, sur lesquels aucun samedi n'est travaillé alors même que le procès verbal de la réunion interne du 14 août 2012 prévoit que « chaque moniteur travaillera deux samedis dans le mois ».

Il apparaît donc que cette modification des horaires de travail est intervenue dans le cadre de l'exercice normal du pouvoir de direction de l'employeur, sans qu'il ne soit établi un préjudice particulier à l'encontre de Mme Y... ou une volonté de l'employeur de lui nuire.
De la mise en garde
Par courrier en date du 3 janvier 2013, M. C..., gérant de la SARL FORMATRANS reproche deux faits à Mme Y..., décrits comme tels :- « le vendredi 21 décembre 2012 (…) vous avez effectué deux heures de circulation avec un véhicule sur réserve de carburant. Cette négligence m'a contraint d'approvisionner le véhicule sur place »- « le jeudi 13 septembre 2012, vous avez endommagé le portail d'entrée du site d'examen (…). Cet incident considéré à mon sens comme une négligence ou un geste intentionnel, a entraîne des frais de réparation d'un montant de 350 euros ».

Cette mise en garde ne saurait s'analyser comme un avertissement puisque le délai de deux mois à compter de la commission du fait considéré comme fautif ou de sa connaissance par l'employeur, applicable à la procédure disciplinaire en vertu des dispositions de l'article L1332-4 du code du travail, était écoulé à la date du 3 janvier 2013.
M. B...atteste avoir accompagné M. C...pour remettre du carburant dans le véhicule école utilisé par Mme Y... et dont le réservoir était vide. Mme Y... indique dans un courrier de réponse en date du 8 janvier 2013 qu'elle n'a effectivement pas réapprovisionné le véhicule ce 21 décembre 2012 car le risque de voir le réservoir siphonné en période de vacances était grand, mais qu'elle a veillé à ce qu'il reste une quantité permettant d'aller jusqu'à la pompe à essence. Concernant l'accident entraînant la dégradation du portail, Mme Y... était alors en double commande à l'occasion d'une leçon de conduite, si elle reconnaît sa part de responsabilité, elle réfute le caractère intentionnel, lequel n'est pas démontré par la SARL FORMATRANS. L'appelante a immédiatement informé l'employeur de cet incident.

Si ce courrier de mise en garde, ainsi que la réponse formulée par écrit par Mme Y..., mettent en exergue les relations de travail dégradées et le manque de confiance réciproques des parties, ils ne sauraient démontrer l'existence d'un harcèlement moral.

Des autorisations d'absence

Mme Y... s'étonne de se voir reprocher des abandons de poste à plusieurs dates auxquelles des élèves étaient absents alors même que des autorisations d'absence écrites sont produites pour des dates ultérieures et des situations identiques. Elle soutient que ces autorisations écrites, auparavant implicites, poursuivaient l'unique but de lui reprocher à posteriori des absences précédentes à l'occasion de situations semblables. Un courrier de la direction de la SARL FORMATRANS, en date du 28 janvier 2013, indique à Mme Y... que malgré l'absence de plusieurs élèves les 31 janvier et 1er février 2013, elle est tenue de rester sur son lieu de travail. Cette lettre est signée par M. C..., gérant de la SARL FORMATRANS. Deux autres courriers, en date du 4 février et du 8 février 2013, non signés par le gérant et comportant uniquement un tampon de la société, autorisent Mme Y... à quitter son poste de travail ces deux après-midi suite à des désistements d'élèves.

Mme Y... ne réfute pas avoir quitté son poste de travail de manière anticipée les 14 et 15 janvier 2013 pour cause d'absence d'élève, sans toutefois produire d'autorisation d'absence pour ces dates ni justifier d'une autorisation quelconque de l'employeur. Le procès verbal de la réunion interne du 14 août 2012 précise qu'« en aucun cas les moniteurs ne peuvent faire abstraction et modifier les plannings, sous peine de sanction ».

Il apparaît que le fait de quitter son poste de travail en l'absence d'élève doit être préalablement autorisé ou non par la SARL FORMATRANS, sans qu'il n'y ait lieu de retenir une intention malicieuse de l'employeur dans ce procédé.

De la pression subie par Mme Y...

Mme Y... soutient avoir été victime de brimades perpétuelles sans toutefois en apporter la preuve. Mme Y... indique que la pression subie ressort des attestations de ses anciens élèves versées aux débats au soutien de la cause de la SARL FORMATRANS, qu'elle qualifie de stéréotypées et de standardisés.

Chacune des attestations est rédigée d'une écriture différente et les témoignages sont distincts. Il n'y a pas lieu de remettre en cause ces témoignages, qui sont en outre intervenus au cours de l'instance soit après le licenciement de Mme Y....
Ainsi, l'ensemble des éléments présentés par Mme Y... comme des faits fautifs de l'employeur, dans l'objectif de lui nuire, ne permettent pas, par leur réalité ou leur gravité, de mettre en exergue une situation de harcèlement moral dont l'appelante aurait été la victime.

Sur la rupture du contrat de travail

La convocation à l'entretien préalable délivrée à Mme Y... est signée par le représentant de l'employeur, M. C..., en sa qualité de gérant de la SARL FORMATRANS, tel que l'atteste la copie de la lettre versée aux débats par l'appelante. Il y a lieu de débouter Mme Y... de sa demande au titre d'un licenciement irrégulier.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, liste les faits suivants au soutien du licenciement de Mme Y... :
« Le non respect des directives par l'insubordination en matière d'horaire de travail, d'organisation du travail et de discipline :
Non respect des plannings : Aux dates du 19, 22 et 23 novembre 2012, votre horaire de fin d'activité était prévue pour 18h, suite à l'absence de votre élève, planifié pour un cours de conduite entre 17h- 18h, vous êtes restée dans votre véhicule et n'avez pas fait le suivi du dossier. Aux dates du 14 et 15 janvier 2013, votre horaire de fin d'activité était prévu pur 16h, suite à l'absence de votre élève, planifié pour un cours de conduite de 14h 16h, vous avez quitté votre poste à 16h sans autorisation préalable.

Vous restez hermétiques à la coordination et au fonctionnement de l'entreprise. Vous instaurez un climat d'antipathie par votre manque de sociabilité avec vos collègues et la Direction. Votre prise d'initiative est contraire aux demandes de la direction, preuve en est d'accorder une conduite à Monsieur D...le 13 septembre 2012, alors qu'il n'était pas programmé, initiative risquée, d'autant que Monsieur D...n'a jamais conduit en auto école, ce qui a eu pour conséquence d'occasionner des dégâts par le véhicule école sur le site d'examen (cf courrier du 03 janvier 2013). Vous ne respectez pas votre outil de travail par le manque d'approvisionnement carburant des véhicules (cf courrier du 03 janvier 2013).
Un manquement aux obligations découlant de votre contrat de travail datant du 01 février 2010 :- Par le non respect des obligations de loyauté et de discrétion prévu dans le dit contrat : Vous avez informé délibérément mon avocat, les représentants syndicaux ainsi que les élèves, qui ne sont pas concernés par les affaires internes de l'entreprise que celle-ci ne respecte pas les conventions (nombre d'heures de formation). Ce qui entraîne un climat nuisible à la pérennité de l'entreprise, entre les élèves et la Direction.- Par le non respect de ses obligations dû à votre fonction : Vous avez quitté votre poste le 6 décembre 2012 et n'avez pas tenu votre engagement qui était de prévenir ou au moins de justifier ce départ et d'assurer les missions planifiées par l'entreprise.

Nous nous voyons contraints, suite à l'accumulation de tous ces faits, allant à l'encontre de la bonne marche de l'entreprise, de prononcer votre licenciement ».
Il convient d'analyser les motifs invoqués au soutien du licenciement de Mme Y... afin de déterminer s'il est fondé ou non.
Concernant le non respect des plannings, Mme Y... reconnaît être restée dans le véhicule école en l'absence d'élève et ne réfute pas avoir quitté son poste de manière anticipée les 14 et 15 janvier 2013. Tel que précédemment exposé, il apparaît que le fait pour un moniteur de quitter son poste de travail en l'absence d'élève doit être préalablement autorisé par la SARL FORMATRANS, ce qui n'était pas le cas les 14 et 15 janvier 2012 concernant Mme Y....

Relativement au climat régnant au sein de l'entreprise, plusieurs attestations de salariés de la SARL FORMATRANS relatent un changement négatif du comportement de Mme Y... au cours de l'année 2012, et une dégradation concomitante de l'ambiance de travail :- M. E...indique que « Mme Y... évitait de me parler, et quand cela arrivait, ce n'était pas des échanges professionnels, hélas, mais des plaintes concernant M. C.... (…) L'ambiance était devenue lourde (…). Depuis que Mme Y... est partie nous avons retrouvé une ambiance de travail sereine et productive » ;- M. B...écrit de Mme Y... qu'« elle ne nous adressait plus la parole » ;- Mme F...indique que c'est Mme Y... qui lui a permis d'être embauchée par la SARL FORMATRANS en lui présentant M. C...lorsque celui-ci cherchait une secrétaire. Elle écrit malgré cela au sujet de Mme Y... qu'elle a « remarqué une légère dégradation des relations au sein de Formatrans mais il s'agissait surtout de Mme Y... (…). Elle était froide envers ses collègues (…) elle ne nous disait plus bonjour (…). Depuis son départ en février, nous avons retrouvé le goût au travail, l'ambiance est redevenue plus sereine ». Ces témoignages sont concordants quant au comportement hostile de Mme Y..., responsable d'une mauvaise ambiance au sein de l'entreprise.

Au sujet de l'accident du 13 septembre 2012, Mme Y... déclare assumer sa part de responsabilité, en ce qu'elle dispensait la leçon de conduite. Il n'est cependant pas démontré qu'elle ait de son propre chef programmé un cours pour l'élève responsable de l'accident, au mépris des directives de l'employeur.

Concernant le manquement à l'entretien du véhicule dont Mme Y... avait la responsabilité, M. B...atteste avoir accompagné M. C...le 21 décembre 2012 afin de dépanner le véhicule utilisé par Mme Y..., dont le réservoir était vide.

Mme Y... indique que le fait de laisser les réservoirs vides constituait un usage, afin d'éviter le siphonnage, mais aucun élément ne vient étayer ses déclarations.

Mme Y... soutient que des décomptes d'heures non effectuées étaient signés par les élèves à la demande de la direction. Elle verse aux débats quatre attestations d'élèves relatant ces éléments. La SARL FORMATRANS admet avoir subi une période de flottement dans la délivrance des heures, due à une réforme du permis en cours. L'intimée verse autant d'attestations indiquant que des heures supplémentaires gratuites ont été dispensées une fois les nouvelles modalités d'examen connues. M. G...atteste le 14 mars 2013 que les élèves étaient parfois libérés une heure avant l'horaire prévu et que ces heures non effectuées était décomptées. Le 22 novembre 2013, M. G...rédige une nouvelle attestation dans les termes suivants : « Je soussigné M. G...Jonathan avoir écrit à la demande de notre ancienne monitrice Mme Y...DINA une attestation à l'encontre de M. C...Cédric, gérant de l'auto école Formatrans, me fesant croire que son poste était en jeux pour cause abus et nous fesant croire que des heures nous étaients volées ». La pratique frauduleuse dénoncée par Mme Y... n'est pas établie.

En tout état de cause, Mme Y... reconnaît dans ses écritures « ne pas avoir gardé le silence sur les dysfonctionnements internes ». L'article L1222-1 du code du travail dispose que « le contrat de travail est exécuté de bonne foi », bonne foi dont découle une obligation de loyauté. En outre, le contrat de travail signé par Mme Y... contient la clause suivante : « Discrétion : Mademoiselle Y... Dina Marie s'engage à faire preuve de la discrétion la plus absolue sur l'ensemble des renseignements qu'il pourra recueillir à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou du fait de sa présence dans la Société ». Le fait que Mme Y... soutienne auprès de ses élèves que la SARL FORMATRANS leur volaient des heures de formation relève du dénigrement et constitue un manquement à ses obligations de loyauté et de discrétion.

Enfin, Mme F..., secrétaire, atteste du départ de Mme Y... le 6 décembre 2012 à 11h sans remise de justificatif. Mme Y... soutient avoir été présente à cette date, contrairement au 5 décembre 2012, date où elle fut absente pour raisons médicales telle que l'atteste un certificat médical daté du 14 février 2013 indiquant que « Son état de santé nécessitait le 05 décembre une consultation médicale. Il justifie son absence du lieu de son travail ce jour ». Le contrat de travail signé par Mme Y... contient une clause intitulée « Absences » qui précise que « la salariée est tenue de prévenir immédiatement la société SARL FORMATRANS de toute absence pour maladie ou accident. Il devra fournir un certificat médical justifiant son absence dans les 48 heures ». Ainsi, dans l'hypothèse avancée par l'appelante selon laquelle l'employeur aurait confondu les deux dates, la salariée aurait manqué son obligation de fournir un certificat médical dans les délais prévus au contrat, rendant cette absence injustifiée.

Il apparaît que les motifs du licenciement invoqués dans la lettre de licenciement sont réels et sérieux et que le licenciement est donc fondé.

Sur la discrimination syndicale

Mme Y... soutient que c'est suite à sa prise de responsabilité syndicale, rendue publique le 20 juillet 2012 par la diffusion d'un communiqué de presse de la CGTG, que ses relations avec son employeur se sont dégradées, allant jusqu'à une inégalité de traitement résidant dans le changement de ses horaires de travail.
Le procès verbal de la réunion interne du 14 août 2012 fait état de changements dans les plannings, s'appliquant aux salariés, notamment le fait que chaque moniteur travaillera désormais deux samedis dans le mois. Cette modification relève du pouvoir de l'employeur comme précédemment exposé, et est justifiée par des aspects concurrentiels. En sus, Mme Y... n'apporte aucunement la preuve d'une inégalité de traitement. A contrario, M. B..., qui ne fait pas état d'un engagement syndical, travaille les samedis, contrairement à Mme Y..., tels que cela apparaît sur leurs plannings respectifs versés aux débats.

Il n'y a pas lieu de relever l'existence d'une discrimination syndicale.

Sur les congés payés indûment décomptés

Mme Y... soutient que la SARL FORMATRANS lui a décompté des congés payés non pris afin de rembourser les frais liés à la formation de monitrice de conduite poids lourd qu'elle a suivi en 2011 sans en apporter la preuve. Par ailleurs, elle ne donne aucune précision sur les droits de congés payés décomptés par l'employeur qu'elle n'aurait pas pris.
Il convient de la débouter de ce chef de demande.

Sur le certificat de travail

Mme Y... soutient que le certificat de travail remis par la SARL FORMATRANS ne lui permet pas de disposer des heures de formation acquises dans le cadre de son droit individuel à la formation. Toutefois, Mme Y... n'apporte pas de précision sur la nature des rectifications à apporter au certificat de travail délivré, et ne permet pas à la Cour d'apporter une quelconque appréciation sur d'éventuelles rectifications, s'abstenant de produire aux débats le dit certificat de travail.
Il convient de la débouter de ce chef de demande.
Sur les demandes annexes
Mme Y..., succombant en ses prétentions, supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.
De même, il convient de condamner l'appelante à payer à l'intimée une somme de 1000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Et y ajoutant,
Condamne Mme Dina Y... aux entiers dépens d'appel,
Condamne Mme Dina Y... au paiement de la somme de 1 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15/00904
Date de la décision : 30/01/2017
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2017-01-30;15.00904 ?
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