COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 1 DU NEUF JANVIER DEUX MILLE DIX SEPT
AFFAIRE No : 15/ 00929
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 21 mai 2015- Section Commerce.
APPELANTE
Madame Marie-Hélène X... ...97115 SAINTE-ROSE Représentée par Maître Evelyne DEMOCRITE (Toque 47) substituée par Maître Muriel RODES, avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART
INTIMÉE
SOCIETE PAIN AW Le Boyer Bourg 97115 SAINTE-ROSE
Dispensée de comparaître en application des dispositions des articles 446-1 et 946 du Code de Procédure Civile
Ayant pour conseil, Maître Betty NAEJUS (Toque 108), avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 novembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard Rousseau, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller, Mme Françoise Gaudin, conseiller,
Les parties présentes à l'audience ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 9 janvier 2017.
GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Faits et procédure
Madame Marie-Hélène X... a saisi le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 2 décembre 2013 en vu de faire reconnaître sa qualité de salariée de la société PAIN AW depuis le 1er mars 2009 et jusqu'en octobre 2013. En conséquence de la reconnaissance de son statut de salariée, elle sollicite le paiement des sommes suivantes :-2 850 € au titre du rappel de la prime BINO,-4 290, 75 € à titre d'indemnité de préavis et 429, 07 € au titre des congés payés afférents,-1 444, 55 € à titre d'indemnité légale de licenciement,-1 430, 25 € à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,-8 581, 50 € au titre du licenciement abusif,-8 581, 50 € au titre du travail dissimulé,-35 € au titre du remboursement du timbre fiscal,-5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 21 mai 2015, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre se déclarait incompétent, renvoyait les parties à mieux se pourvoir et condamnait Mme X... aux entiers dépens.
Le 5 juin 2015, les greffes enregistraient un contredit formé par Mme X....
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Par contredit enregistré aux greffes le 5 juin 2015, Mme X... sollicite que soit constaté son statut de salariée de la société PAIN AW, qu'il soit dit et jugé que le conseil de prud'hommes était compétent et que la société PAIN AW soit condamnée à lui payer les sommes suivantes :-1 444, 55 € à titre d'indemnité légale de licenciement,-4 290, 75 € à titre et 429, 07 € au titre des congés payés afférents,-1 430, 25 € à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,-8 581, 50 € à titre d'indemnité pour rupture abusive,-8 481, 50 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,-2 850 à titre de rappel de prime BINO,-6 320 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,-1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,-35 au titre du remboursement du timbre fiscal,-5 000 € au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle sollicite également la remise des documents suivants :- lettre de licenciement,- certificat de travail,- fiches de paie rectifiées du 1er mars 2009 au 18 janvier 2014,- attestation destinée à Pôle Emploi, la remise de ces documents devant être ordonné sous astreinte de 300 € par jour de retard.
Mme X... soutient que la livraison de pain qu'elle effctuait pour le compte de la société PAIN AW ne relevait pas d'une prestation de services mais bien d'une activité salariale. Elle fait valoir que rien n'interdit le cumul d'une activité indépendante et d'une activité salariée, mais qu'elle a volontairement mis en sommeil son activité à compter du jour où elle est devenue salariée de la société PAIN AW, à savoir le 1er mars 2009, date de son embauche en qualité de vendeuse.
Mme X... soutient qu'elle n'a eu de cesse de réclamer verbalement la conclusion d'un contrat de travail, jusqu'à adresser un courrier recommandé avec accusé de réception à l'attention de son employeur le 6 août 2013. Elle a également envoyé un courrier à l'inspection du travail le 22 juillet 2013 afin de dénoncer sa situation de travail dissimulé.
Afin d'attester de son statut de salariée, Mme X... fait état des éléments suivants :- les horaires et le circuit de la tournée de livraison de pain dont elle avait la charge étaient décidés par la société PAIN AW, tout comme la quantité de pain à vendre, sans que Mme X... n'ait aucune liberté concernant ces aspects,- elle utilisait un véhicule appartenant à la société PAIN AW pour effectuer les livraisons de pain, tel qu'attesté par trois clients,- elle avait la charge de remettre les factures adressées par la société PAIN AW aux clients auxquels elle livrait le pain, tel que l'attestent les pièces versées aux débats,- la société PAIN AW la rémunérait mensuellement,- aucun contrat de prestation de service précis n'a été établi.
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Par conclusions notifiées le 25 novembre 2015, la société Pain AW sollicite la confirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris, ainsi que la condamnation de Mme X... aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP NAEJUS-HILDEBERT, et au paiement de la somme de 1 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société PAIN AW soutient que Mme X... était une travailleuse indépendante, inscrite au registre du commerce et des sociétés, qui fournissait une prestation de services consistant en la distribution de pain aux clients de l'entreprise, ce jusqu'au mois d'octobre 2013, date d'arrêt de leur collaboration. La société PAIN AW précise que Mme X... n'était aucunement sous l'autorité de la société, qu'elle disposait d'une parfaite autonomie dans la réalisation de la prestation et qu'elle n'utilisait pas le véhicule de l'entreprise pour effectuer la tournée.
La société PAIN AW réfute toute relation salariale avec Mme X... et verse trois contrats de travail concernant trois salariés de l'entreprise, ainsi qu'un contrat conclu dans le cadre d'un apprentissage, tandis qu'aucun contrat de travail n'existe concernant Mme X.... La société PAIN AW s'étonne du fait que Mme X... n'ait entamé de démarches visant à faire reconnaître un statut de salariée qu'à compter du mois d'août 2013 alors même que la collaboration a débuté en 2009 et qu'elle allait prendre fin en octobre 2013.
La société PAIN AW fait valoir qu'elle émettait des factures à l'adresse de ses clients concernant les produits livrés par Mme X..., et que Mme X... émettait quant à elle chaque mois une facture à l'adresse de la société PAIN AW en vue de se faire payer la prestation de service effectuée, ceci excluant toute relation salariale.
****************************** Motifs de la décision
Sur le statut de salariée
L'article L8221-6 du code du travail dispose :
« I.- Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription : 1o Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales ; 2o Les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire prévu par l'article L. 213-11 du code de l'éducation ou de transport à la demande conformément à l'article 29 de la loi no 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ; 3o Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ; 4o Les personnes physiques relevant de l'article L. 123-1-1 du code de commerce ou du V de l'article 19 de la loi no 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat. II.- L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci. Dans ce cas, il n'y a dissimulation d'emploi salarié que s'il est établi que le donneur d'ordre s'est soustrait intentionnellement à l'accomplissement de l'une des formalités prévues aux articles L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche et L. 3243-2, relatif à la délivrance du bulletin de paie ».
Mme X... était inscrite au registre du commerce et des sociétés depuis le 2 septembre 2002 pour une activité déclarée de « vente de boissons non alcoolisées, sandwiches ». La radiation du registre du commerce et des sociétés n'est intervenue que le 23 mai 2014, avec effet à compter du 1er janvier 2011, or Mme X... soutient être salariée de la société PAIN AW depuis le 1er mars 2009. La présomption simple de non salariat prévue à l'article L8221-6 du code du travail s'applique donc en l'espèce, et appartient dès lors à Mme X... de la renverser, en établissant l'existence d'un lien de subordination juridique permanente à l'égard de la société PAIN AW.
Mme X... fait valoir que la société PAIN AW lui transmettait le circuit de la tournée de livraison de pain, le planning à respecter, ainsi que des objectifs quantitatifs de vente de pain, la maintenant nécessairement dans une situation de subordination. Aucune pièce versée aux débats ne permet cependant de vérifier ces déclarations.
Mme X... soutient qu'elle utilisait un véhicule appartenant à la société PAIN AW et verse deux attestations dûment établies relatant l'utilisation de plusieurs véhicules de marque citroën, modèle Berlingo, sans que soit précisée leur appartenance à la société PAIN AW. La société PAIN AW réfute toute utilisation d'un véhicule de l'entreprise. L'utilisation d'un véhicule appartenant à la société PAIN AW n'est pas démontrée.
Enfin, Mme X... fait valoir que la société PAIN AW la rémunérait chaque mois, cependant elle verse aux débats des factures émises mensuellement à destination de la société PAIN AW selon ses conclusions. Un salarié ne saurait émettre de factures à destination de son employeur puisque la rémunération est un élément déterminant du contrat de travail, qui intervient en contrepartie de la fourniture d'un travail.
Si aucun contrat de prestation de service n'est versé aux débats, Mme X... ne fournit pas d'élément attestant de l'existence d'un lien de subordination juridique permanente à l'égard de la société PAIN AW. La présomption de non-salariat prévue à l'article L8221-6 du code du travail et visant les personnes physiques immatriculées au RCS n'est donc pas renversée.
Il n'y pas lieu de constater la qualité de salariée de Mme X... et c'est ainsi à bon droit que le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre s'est déclaré incompétent.
Sur les autres demandes
Mme X..., succombant en ses demandes, supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.
Il ne paraît pas équitable de laisser à la charge de la société PAIN AW les frais irrépétibles qu'elle a exposés, il lui sera en conséquence alloué la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Et y ajoutant,
Condamne Mme Marie-Hélène X... à payer à la société PAIN AW la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme Marie-Hélène X... aux entiers dépens,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, Le Président,