MJB-VS
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 335 DU VINGT HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE SEIZE
AFFAIRE No : 14/ 01964
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 7 octobre 2014- Section Industrie.
APPELANTE
SARL LE LEVIN, agissant poursuite et diligences de son représentant légal Rue victor Schoëlcher 97120 SAINT-CLAUDE Représentée par Maître Charles-Henri COPPET (Toque 14), avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART substitué par Maître GUILLARD
INTIMÉ
Monsieur Vital Z......... 97120 SAINT-CLAUDE Dispensé de comparaître en application des dispositions des articles 446-1 et 946 du Code de Procédure Civile
Ayant pour délégué syndical, M. Ernest A....
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 2 mai 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller, Mme Françoise Gaudin, conseiller, qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 4 juillet 2016, date à laquelle le prononcé de l'arrêt a été successivement prorogé au 7 novembre 2016 puis au 28 novembre 2016.
GREFFIER Lors des débats : Mme Yolande Modeste, greffier.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
M. Vital Z... a été embauché en qualité de boulanger par la sarl Boulangerie du Plateau en contrat à durée déterminée pour six mois, du 04 novembre 2002 au 30 avril 2003, ce contrat s'étant ensuite transformé en contrat de travail à durée indéterminée du fait de la poursuite de la relation de travail au-delà du terme initialement prévu.
Le 1er mars 2008, M. Albert Z... a créé une sarl dénommée LE LEVIN et pris en location gérance le fonds de commerce de la sarl la Boulangerie du Plateau. C'est ainsi que le contrat de travail de M. Vital Z... a été transféré à ce nouvel employeur.
M. Vital Z... était mis en congés à compter du 11 juin 2012 par son employeur jusqu'au 16 juillet 2012, congés prolongés sans précision de date de reprise.
Le 06 août 2012, la sarl LE LEVIN adressait une lettre au salarié en lui indiquant que par suite d'une baisse d'activité, l'entreprise est obligée d'anticiper les congés de 2012, ses vacances étant ainsi prolongées jusqu'au 24 août 2012 avec reprise du travail prévue le 27 août suivant.
M. Vital Z... se présenta à son poste de travail ledit jour et trouva porte close.
N'obtenant de son employeur aucune explication, M. Vital Z... a saisi le conseil de prud'hommes de Basse – Terre aux fins de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de celui-ci avec effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du jugement, et de voir condamner l'employeur au paiement de diverses sommes.
Par jugement du 07 octobre 2014, la juridiction prud'homale a déclaré recevable et régulière la requête de M. Vital Z..., prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la sarl LE LEVIN, condamné celle-ci au paiement des sommes suivantes :-42 771 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,-2 851, 40 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,-3 801, 86 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,-285, 14 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,-2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en ordonnant également la remise à M. Vital Z... d'un certificat de travail, de l'attestation Pôle Emploi et de divers bulletins de paye sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Le surplus des demandes a été rejeté et l'employeur a été condamné aux dépens.
Par déclaration enregistrée le 19 décembre 2014, la sarl LE LEVIN a relevé appel du jugement.
Par ordonnance du 09 mars 2015, le magistrat chargé d'instruire l'affaire a accordé à la société appelante un délai de trois mois pour notifier à l'intimé ses pièces et conclusions et à ce dernier, à l'issue de ce délai, un nouveau délai de quatre mois pour notifier en réponse ses pièces et conclusions.
LES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions no1 notifiées à l'intimé le 12 juin 2015 et auxquelles il a été fait référence à l'audience des plaidoiries du 02 mai 2016, la sarl LE LEVIN demande à la cour de :- la recevoir en son appel,- infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,- dire que le contrat n'a pas été rompu,- débouter en conséquence M. Vital Z... de l'intégralité de ses demandes,- ordonnée à M. Vital Z... de reprendre le travail sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, A titre subsidiaire dans le cas où la résiliation judiciaire serait prononcée,- constater que le salaire du mois d'août 2012 a été réglé au salarié,- dire en conséquence qu'il a été entièrement rempli de ses droits,- le débouter de sa demande en paiement de l'indemnité de congés payés,- constater qu'il ne s'est plus présenté à son poste de travail à compter du 11 juin 2012 mais a reçu le paiement de ses salaires jusqu'au mois de septembre 2012 inclus,- ordonner en conséquence compensation de ces sommes avec l'indemnité compensatrice de préavis,- constater que M. Vital Z... justifie d'une ancienneté de 10 ans dans l'entreprise,- le débouter en conséquence de sa demande de provision sur l'indemnité de licenciement et de lui allouer à ce titre la somme de 2 851, 40 euros,- constater qu'il ne justifie d'aucun préjudice qui résulterait de la simple rupture du contrat de travail,- débouter le salarié de ses demandes d'indemnités pour rupture abusive du contrat de travail et au titre de la perte de chance de voir liquider le DIF,- le débouter de sa demande de condamnation de l'employeur à lui remettre sous astreinte les documents résultant de la rupture du contrat de travail,- le condamner au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées à l'appelante le 17 juin 2015 et par lesquelles il a été formulé une demande de dispense de comparaître à l'audience des plaidoiries, M. Vital Z... demande de :- rejeter l'appel interjeté et de le déclarer non fondé,- confirmer le jugement querellé en ce qu'il a prononcé la résolution judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, et de condamner celui-ci au paiement des sommes suivantes : * 42 771 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, * 2 851, 14 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, * 285, 14 euros au titre des congés payés sur préavis, * 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et à lui remettre les pièces de fin contrat sous astreinte de 100 euros par jour de retard,- faire droit à son appel incident en lui accordant des dommages et intérêts pour perte de chance de faire liquider le DIF à concurrence de la somme de 1500 euros, et le paiement de son salaire du mois d'août 2012 pour 1425, 70 euros et d'une indemnité légale de licenciement de 9108, 64 euros,- faire droit à ses nouvelles demandes à savoir : * le reversement de la retenue des salaire de 12 639 euros opérée sur ceux de novembre 2009 à juillet 2012, * le paiement des salaires de 39 919, 60 euros correspondant à la période de septembre 2012 à décembre 2014,
* le paiement des congés payés sur ces salaires à hauteur de 3 991, 96 euros, * le paiement de dommages-intérêts de 5 000 euros pour non-remise de l'attestation pôle emploi,- condamner, en tout état de cause, la sarl LE LEVIN à lui payer la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
Au regard des dispositions de l'article 1184 du code civil, le salarié peut demander la résolution judiciaire du contrat de travail en cas de manquements suffisamment graves de l'employeur dans l'exécution de ses obligations empêchant la poursuite de la relation de travail.
Lorsque les manquements sont établis, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au jour où le juge la prononce, dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur.
Il ressort des pièces du dossier que par lettre du 06 août 2012, alors que M. Vital Z... était déjà en congé, l'employeur informait celui-ci de sa décision de prolonger ses congés jusqu'au 24 août 2012, en raison de la baisse d'activité de l'entreprise, sa reprise étant dorénavant fixée au 27 août 2012. La sarl LE LEVIN soutient que M. Vital Z... qui est un proche parent du mari de la gérante, ne s'est plus présenté de façon régulière à son poste de travail et entend profiter d'un différend familial pour obtenir la résiliation de son contrat de travail. M. Vital Z... rétorque qu'il s'est bien présenté le 27 août et a trouvé porte close. Reconnaissant avoir fermé un atelier de production, la sarl LE LEVIN ne peut soutenir de manière pertinente qu'elle disposait d'une autre atelier en activité à quelques encablures du premier où M. Vital Z... devait se présenter pour reprendre son travail. Il ne verse au débat aucune lettre ou autre document adressé à M. Vital Z... lui enjoignant de reprendre son travail à cet endroit. La sarl LE LEVIN ne démontre pas avoir pris utilement toute mesure pour faire cesser le prétendu comportement de son salarié.
Ces éléments conduisent la cour à considérer, comme les premiers juges, que M. Vital Z... n'est en aucune manière à l'origine de l ‘ interruption de la relation de travail.
C'est donc à bon droit que ceux-ci ont prononcé la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur.
Le jugement querellé est confirmé sur ce point.
Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Au regard des dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-5 du code du travail, si M. Vital Z... justifie d'une ancienneté de plus de deux ans ans au sein de l'entreprise, ayant été initialement embauché par contrat de travail du 04 novembre 2002, il n'est pas démontré par les parties que l'entreprise employait au moment de de la rupture plus de onze salariés. Dans ces conditions, ce salarié ne peut prétendre qu'à une indemnité correspondant au préjudice subi dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue.
Les documents du dossier de M. Vital Z... n'offrent à la cour aucune information sur sa situation depuis septembre 2012 et des difficultés financières provoquées par la perte de son emploi. Il convient de fixer, sur le seul critère de l'ancienneté, les dommages et intérêts à la somme de 14 257 euros (1425, 70 euros x 12 mois).
Le jugement est en conséquence réformé sur ce point.
Sur l'indemnité légale de licenciement
M. Vital Z..., remplissant la condition d'ancienneté prévue à l'article L. 1234-9 du code du travail, à savoir 11 ans et 11 mois de novembre 2002 à octobre 2014 (date du jugement), est éligible au bénéfice de l'indemnité légale de licenciement.
L'indemnité est ainsi calculée :
1 425, 70 euros : 5 x 10 ans = 2 851, 40 euros 1425, 70 : 2/ 15 x 1 an : 190, 10 euros Total = 3041, 50 euros
Le jugement est infirmé sur ce chef.
Sur l'indemnité compensatrice du préavis et des congés payés y afférents
L'article L. 1234-1 du code du travail dispose que lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit, s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté continue d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.
Le jugement entrepris de ces chefs est confirmé sur les indemnités subséquentes correctement calculées par les premiers juges.
Sur le paiement du salaire du mois d'août 2012
M. Vital Z... réclame le paiement du salaire du mois d'août 2012. la sarl LE LEVIN répond avoir payé ce salaire et croit en justifier par la production du bulletin de paye correspondant.
La délivrance par l'employeur du bulletin de paye n ‘ emporte pas présomption de paiement des sommes réclamées. Celui-ci est donc tenu de prouver le paiement des salaires notamment par la production de pièces comptables.
Cette preuve fait défaut en l'espèce, il convient en conséquence de condamner à ce titre la sarl LE LEVIN au paiement de la somme 1425, 70 euros.
Sur les retenues de salaire de novembre 2009 à juillet 2012
M. Vital Z... réclame le remboursement de plusieurs retenues de salaire à hauteur de 12 639 euros et pour en justifier le bien-fondé, il produit les bulletins de paye de mai, juin et juillet 2012 sans autres documents susceptibles de renseigner la cour sur le motif de cette retenue et de démontrer le bien – fondé de sa demande.
Il y a lieu de rejeter celle-ci.
Sur les salaires de septembre 2012 à décembre 2014, et les congés payés y afférents
La résiliation judiciaire produit effet au jour où le le juge la prononce, dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur. C'est donc dans ce cas à la date du jugement qu'il faut se placer pour déterminer les rappels.
M. Vital Z... est demeuré depuis son retour de congé en septembre 2012 au service de la sarl LE LEVIN, ayant trouvé porte close lorsqu'il s'est présenté à cette date à son poste de travail..
Les salaires restent donc dus pour la période courant de septembre 2012 au jugement du 07 octobre 2014 comme il suit :
- de septembre 2012 à décembre 2012 : 5 702, 80 euros-année 2013 : 17 108 euros-de janvier 2014 à septembre 2014 : 12 831, 30 euros
total : 35 642, 10 euros
la sarl LE LEVIN est en conséquence condamnée à payer à M. Vital Z... la somme de 35 642, 10 euros au titre des salaires de septembre 2012 à septembre 2014 ainsi que celle de 3 564, 21 euros au titre des congés payés y afférents.
Sur les dommages et intérêts pour non-remise de l'attestation pôle emploi
L'employeur doit délivrer au salarié, quel que soit le motif de son départ, une attestation destinée à faire valoir ses droits à l'assurance chômage.
Dès lors qu'elle est reconnue comme unique responsable de la rupture de la relation de travail, la sarl LE LEVIN est condamnée à payer à M. Vital Z... la somme de 200 euros en réparation du préjudice résultant du défaut de délivrance de l'attestation Pôle Emploi.
Sur les dommages et intérêts résultant de la perte de de chance de faire liquider le droit individuel à la formation
M. Vital Z... ne peut se prévaloir de l'article 6323-19 du code de travail puisqu'aucune lettre de licenciement n'a pu être établie en raison des circonstances de la rupture du contrat de travail, les premiers juges ayant été saisis d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.
Cependant, aux termes de l'article D. 1234-6 du code de travail dans sa version applicable à l'époque des faits, le certificat de travail, devant être délivré, doit comporter obligatoirement quel que soit le motif de la rupture, le solde du nombre d'heures acquises au titre du DIF non utilisées, la somme correspondant à ce solde ainsi que le nom et les coordonnées de l'organisme collecteur paritaire agrée dont dépend l'entreprise.
Un certificat de travail conforme à ces dispositions devait être remis au salarié ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Il ne sera fait droit à la demande qu'à hauteur de la somme de 500 euros. Le jugement déféré est réformé sur ce point. Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant, la sarl LE LEVIN est condamnée aux dépens de la présente instance ainsi qu'au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
confirme le jugement du 07 octobre 2014 sauf en ce qu'il a condamné la sarl LE LEVIN à payer à M. Vital Z... les sommes suivantes :
* 42 771 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, * 3801, 86 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, * 1500 euros au titre du droit individuel à la formation (DIF),
et fixé une astreinte de 100 euros par jour de retard pour la remise du certificat de travail, de l'attestation Pôle Emploi et des bulletins paye,
Le réforme sur ces chefs
Statuant à nouveau
Condamne la sarl LE LEVIN, en la personne de son représentant légal, à payer à M. Vital Z... les sommes suivantes : * 14 257 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, * 3041, 50 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, * 500 euros au titre du droit individuel à la formation (DIF)
Ordonne la remise du certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi sous astreinte de 25 euros par jour de retard,
Y ajoutant
Condamne la sarl LE LEVIN, en la personne de son représentant légal, à payer à M. Vital Z... les sommes suivantes :
* 35 642, 10 euros au titre des salaires de septembre 2012 à septembre 2014, * 3 564 euros au titre des congés y afférents, * 1425, 70 euros au titre du salaire du mois d'août 2012, * 200 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de délivrance de l'attestation Pôle Emploi,
Condamne la sarl LE LEVIN, en la personne de son représentant légal, à payer à M. Vital Z... la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la sarl LE LEVIN aux dépens ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;
La greffièreLe président,