VS-BR
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 321 DU VINGT ET UN NOVEMBRE DEUX MILLE SEIZE
AFFAIRE No : 15/ 00674
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 26 mars 2015- Section Commerce.
APPELANTE
Madame Roseline X... ...97131 PETIT CANAL Comparante en personne assistée de M. Y...(Délégué syndical ouvrier)
INTIMÉS
SCI BALIN REPRESENTEE PAR MR Z...ALAIN ...97131 PETIT CANAL
Monsieur Alain Z......97131 PETIT CANAL
Représentés par Maître Christiane ROMIL (Toque 119), avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 3 octobre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller, Mme Françoise Gaudin, conseiller,
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 21 novembre 2016.
GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure :
Il ressort des pièces produites au débat, et plus précisément de la déclaration d'embauche et des volets sociaux tels que visés par l'article R. 1522-1 du code du travail, que Mme X... a travaillé en qualité de comptable pour le compte de la SCI BALIN à compter du 1er décembre 2006.
Ce contrat de travail était conclu sous le régime du titre de travail simplifié.
Toutefois en février et mars 2007, la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe, ci-après désignée CGSS, était contrainte de réclamer à la SCI BALIN une demande d'adhésion telle que prévue par l'article R. 1522-3 du code du travail, ainsi qu'un relevé d'identité bancaire afin de permettre le prélèvement bancaire prévu au même article.
Selon courrier daté du 15 février 2014, Mme X... faisait savoir à la SCI BALIN que depuis le 2 janvier 2014, celle-ci l'avait placée dans l'impossibilité d'accéder à son poste de travail car les serrures avaient été changées. Arguant que cette mesure n'avait toujours pas été justifiée, elle présentait sa démission.
La SCI BALIN, par courrier du 11 avril 2014, indiquant à Mme X... qu'elle ne s'était plus présentée à son poste de travail depuis le mois de janvier, faisait savoir à celle-ci qu'il y avait un manquement à ses obligations contractuelles, et qu'elle n'avait reçu aucune information, ni aucun justificatif au sujet de cette absence. Mme X... était mise en demeure de justifier son absence.
Dès le 4 avril 2014, Mme X... avait saisi le conseil de prud'hommes de Pointe à Pitre aux fins de voir requalifier son contrat de travail en contrat à durée indéterminée et voir requalifier sa démission en licenciement abusif, réclamant par ailleurs paiement de rappels de rémunération, d'indemnité de fin de contrat et des dommages et intérêts pour rupture abusive.
Par jugement du 26 mars 2015, la juridiction prud'homale déboutait Mme X... de l'ensemble de ses demandes.
Par déclaration adressée le 21 avril 2015 au greffe de la Cour, Mme X... interjetait appel de cette décision.
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Par conclusions notifiées à la partie adverse le 14 septembre 2015, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Mme X... sollicite l'infirmation du jugement déféré et entend voir requalifier son contrat de travail en contrat à durée indéterminée. Faisant valoir que la rupture du contrat de travail était imputable à son employeur, la SCI BALIN, elle réclamait paiement des sommes suivantes :-348, 90 euros au titre de la requalification du contrat de travail,-267, 90 euros au titre des salaires du 1er janvier 2014 au 15 février 2014,-3065, 77 euros à titre de rappel de salaires liés aux charges sociales 2006 à 2013,-600 euros au titre de l'accord interprofessionnel régional, dit accord " Bino ",-348, 90 euros d'indemnité compensatrice de préavis,-34, 89 euros d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,-197, 66 euros d'indemnité compensatrice de congés payés,-248, 90 euros d'indemnité légale de licenciement,-174, 45 euros d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,-1046, 70 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive,-1500 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de sa demande de requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée, Mme X... fait valoir que l'employeur n'a pas respecté les formalités pour bénéficier du régime du titre de travail simplifié.
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Par conclusions communiquées à la partie adverse le 29 janvier 2016, auxquelles il a été fait référence à l'audience des débats, la SCI BALIN sollicite la confirmation du jugement entrepris et réclame paiement de la somme de 4000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif, et d'une somme de même montant au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de sa demande la SCI BALIN expose que, contrairement à ce que soutient Mme X..., l'entreprise était ouverte le 2 janvier 2014, car elle était en activité, et que la salariée ne rapporte pas la preuve d'un changement de serrures et encore moins que l'entreprise ait été fermée.
La SCI BALIN en conclut qu'en l'absence de justificatif de l'existence de fautes suffisamment graves pour attribuer à la prise d'acte de rupture les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la rupture du contrat de travail de Mme X... s'analyse en une démission.
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Motifs de la décision :
Sur la qualification du contrat de travail :
Il résulte des dispositions de l'article L. 1522-8 du code du travail, que l'employeur et le salarié qui utilisent le titre de travail simplifié sont réputés satisfaire aux obligations mises à la charge de l'un ou l'autre par les articles L. 1242-12 et L. 1242-13 relatifs au contrat de travail à durée déterminée.
En l'espèce il ressort tant des rappels effectués par la CGSS à l'employeur, par ses courriers sus-cités en février et mars 2007, que de l'attestation du 12 janvier 2015 émanant de la même CGSS, que la SCI BALIN n'a jamais accompli les obligations mises à sa charge par l'article R. 1522-3 du code du travail relatif à la demande d'adhésion à l'un des établissements, organismes ou services mentionnés à l'article L. 1522-9 du code du travail, et à l'autorisation de prélèvement automatique sur un numéro de compte bancaire, ladite SCI BALIN n'ayant jamais été inscrite auprès de la CGSS.
En conséquence le contrat de travail de Mme X... ne satisfait pas aux dispositions prévues pour le titre de travail simplifié, et est soumis au droit commun du contrat à durée indéterminée.
Il sera alloué, en conséquence à Mme X... l'indemnité demandée à hauteur de 348, 90 euros à titre de requalification du contrat de travail, sur le fondement de l'article L. 1245-2 du code du travail.
Sur la rupture du contrat de travail :
Mme X... allègue dans son courrier du 15 février 2014, pour justifier la rupture de son contrat de travail, que depuis le 2 janvier 2014, elle aurait été placée dans l'impossibilité d'accéder à son poste de travail en raison du changement, par l'employeur, de serrures.
Dans ses conclusions elle soutient que jusqu'au 14 février 2014, elle a continué à se présenter chaque jour, à l'heure de l'embauche, à l'entrée de son poste de travail, et qu'elle a pris l'attache de 3 personnes qui lui auraient délivré une attestation de témoignages, dans laquelle elles auraient certifié qu'elle s'était présentée et qu'elle aurait trouvé porte clause.
Or Mme X... ne produit pas de telles attestations devant la Cour, ni aucun élément de preuve, hormis ses propres allégations laissant à penser que l'employeur aurait fait obstacle à la prise de possession de son poste de travail à compter du 2 janvier 2014.
Au surplus Mme X... explique que le 20 février 2014, la SCI BALIN aurait reçu l'avis de passage du courrier recommandé qu'elle aurait adressé le 15 février 2014 à son employeur, lequel l'aurait refusé, mais elle ne produit ni récépissé de dépôt d'une telle lettre recommandée, ni la lettre recommandée qui aurait dû lui être retournée, ce qui ôte toute crédibilité à ses allégations.
Par contre la SCI BALIN produit une attestation régulièrement établie par M. A..., retraité, selon laquelle l'entreprise de M. Z...était bien ouverte le 2 janvier 2014.
En l'état de ces éléments, il y a lieu de constater que Mme X... ne rapporte pas la preuve de l'obstruction de l'employeur à l'exercice de son emploi salarié à compter du 2 janvier 2014.
En conséquence la lettre du 15 février 2014 de Mme X..., portant rupture du contrat de travail, s'analyse en une démission.
Mme X... dans ses conclusions, invoque le non-respect, par l'employeur, de ses obligations dans la mise en oeuvre du titre de travail simplifié.
Si la rupture du contrat de travail peut être considérée comme fondée non seulement sur les griefs contenus dans la lettre de prise d'acte que le salarié a adressé à l'employeur, mais aussi sur les griefs invoqués par le salarié en cours d'instance, encore faut-il que ledit salarié ait eu connaissance des griefs, qu'il invoque en cours d'instance, antérieurement à la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, comme le rappelle la Cour de Cassation dans un arrêt du 9 octobre 2013.
Mme X... n'a eu connaissance des manquements de son employeur en matière de titre de travail simplifié que lorsqu'elle a procédé à une enquête le 27 novembre 2014, comme elle le précise dans ses conclusions, ce qui lui a permis de recevoir le courrier du 5 janvier 2015 par lequel la CGSS lui fait savoir que l'employeur n'a pas satisfait à la demande d'adhésion à un organisme agréé.
Dans ces circonstances, les manquements de l'employeur en matière de titre de travail simplifié ne peuvent justifier la prise d'acte de rupture du contrat de travail.
Sur la demande de paiement de salaire lié aux charges sociales non versées :
Mme X... ne peut prétendre percevoir un rappel de salaire liés aux charges sociales pour la période 2006 à 2013, puisque s'agissant d'un contrat de travail de droit commun, il appartient à la CGSS de réclamer à la SCI BALIN le complément de charges sociales qui sont dues au titre de ce contrat de travail.
Sur la demande de paiement de la prime résultant de l'accord interprofessionnel régional, dite " prime BINO " :
Mme X... sollicite le paiement de la somme de 600 euros représentant le montant de la prime " BINO " pour la période du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2012. L'employeur n'oppose pas de contestation à cette demande et ne justifie pas en tout cas avoir réglé ladite prime.
Toutefois la clause de convertibilité prévue à l'article V de l'accord interprofessionnel régional du 26 février 2009, transférant, à la charge de l'employeur, la participation de l'Etat et des collectivités territoriales au paiement de cette prime, a été exclue de l'extension dudit accord par l'arrêté ministériel du 3 avril 2009. En, conséquence la SCI BALIN ne sera tenue au paiement de ladite prime qu'à raison de 50 euros par mois, soit 300 euros pour la période concernée par la demande de Mme X....
Sur la demande de paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés :
Il résulte des dispositions de l'article L. 1522-6 du code du travail que l'indemnité de congés payés est incluse dans la rémunération versée dans le cadre du titre de travail simplifié.
Mme X... ne justifie pas qu'un solde de congés payés lui reste dû. Elle sera déboutée de ce chef de demande.
Sur la demande de remise de documents de fin de contrat :
L'employeur est tenu, même s'il s'agit d'une démission, de remettre à la salariée un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi.
Par ailleurs un complément de rémunération étant mis à la charge de l'employeur par le présent arrêt au titre de la prime BINO, il ne peut être ordonné la remise sous astreinte d'un solde de tout compte, le compte entre les parties devant être apuré lors de l'exécution de la présente décision.
Comme il ne paraît pas équitable de laisser à la charge de Mme X... les frais irrépétibles qu'elle a exposés, il lui sera alloué la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que Mme X... avait démissionné de son poste de travail et en ce qu'il a débouté celle-ci de ses demandes d'indemnités de rupture du contrat de travail,
Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,
Condamne la SCI BALIN à payer à Mme X... les sommes suivantes :
-348, 90 euros à titre d'indemnité de requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée de droit commun,
-300 euros à titre de rappel de prime dite " BINO " pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2012,
-600 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens sont à la charge de la SCI BALIN,
Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires.
le Greffier, Le Président,