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07/11/2016 | FRANCE | N°13/01639

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 07 novembre 2016, 13/01639


VS-BR

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 302 DU SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE SEIZE

AFFAIRE No : 13/ 01639
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de Basse-Terre du 15 octobre 2013- Section Activités Diverses.
APPELANTES
SARL LE DOMAINE DE CHOISY ANCIENNEMENT CENTRE MEDICAL RENEE LACROSSE-LE GAI FOYER Route de Montauban 97190 LE GOSIER

SARL CLINIQUE DE CHOISY Route de Montauban 97190 LE GOSIER

Représentées par Maître Ernest DANINTHE (Toque 45), avocat postulant inscrit au barreau de la GUADELOUPE

substituant Maître Laurent SEYTE, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉ
Monsieur Jean-Luc Y......

VS-BR

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 302 DU SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE SEIZE

AFFAIRE No : 13/ 01639
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de Basse-Terre du 15 octobre 2013- Section Activités Diverses.
APPELANTES
SARL LE DOMAINE DE CHOISY ANCIENNEMENT CENTRE MEDICAL RENEE LACROSSE-LE GAI FOYER Route de Montauban 97190 LE GOSIER

SARL CLINIQUE DE CHOISY Route de Montauban 97190 LE GOSIER

Représentées par Maître Ernest DANINTHE (Toque 45), avocat postulant inscrit au barreau de la GUADELOUPE substituant Maître Laurent SEYTE, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉ
Monsieur Jean-Luc Y... ...97116 POINTE-NOIRE Comparant en personne Assisté de Maître Roland EZELIN de la SCP EZELIN-DIONE (Toque 96), avocat au barreau de la GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 septembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard Rousseau, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller, Mme Françoise Gaudin, conseiller,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 7 novembre 2016
GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

******

Faits et procédure :
Il résulte des pièces versées au débat et des explications fournies par les parties, les éléments suivants.
M. Y... a été engagé en qualité de manoeuvre à compter du 24 novembre 1981, par M. Roland B...pour travailler sur le site de la Clinique de Choisy que ce dernier dirigeait à Saint Claude, route de Choisy.
A compter du 1er août 1986, M. Y... travaillait, toujours en qualité de manoeuvre, mais à la maison de moyen et long séjour pour personnes âgées " Centre Renée LACROSSE ", située également Route de Choizy à Saint Claude, et exploitée par la Société Le Gai Foyer Choisy ", devenue à compter du 11 décembre 2012, la Société Domaine de Choisy, gérée initialement par M. Roland B..., puis par son fils, M. Philippe B....
Par avenant au contrat de travail en date du 30 novembre 1993, il était stipulé que M. Y... exercerait son activité en cuisine en qualité de plongeur, toujours à la maison de moyen et long séjour pour personnes âgées " Centre Renée LACROSSE ", qui devait prendre par la suite le statut d'Etablissement d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes " EHPAD ".
Par avenant du 22 mai 2002, M. Y... était promu à l'emploi de cuisinier diplômé, tout en continuant à être affecté partiellement aux tâches de plonge.
A compter du 28 octobre 2004, M. Y... subissait un arrêt maladie pour des douleurs lombo-sciatiques.
Le 24 avril 2008, il était victime d'un accident du travail, subissant une brûlure à la main droite.
A compter du 24 avril 2010 jusqu'en juillet 2010, M. Y... faisait l'objet d'arrêts de travail pour maladie, en raison de lombalgies persistantes.
Le 7 juillet 2010, M. Y... adressait à la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe, ci-après désignée CGSS, une déclaration de maladie professionnelle. Il complétait par la suite son dossier en joignant un certificat médical de son médecin traitant.
Le 3 août 2010, une première fiche d'aptitude était établie par le médecin du travail, selon laquelle M. Y... était déclaré " apte à la reprise du travail en évitant si possible les postures de flexion du buste et les efforts de soulèvement ". Cette fiche était suivie d'une deuxième qui reprenait les mêmes restrictions, tout en prévoyant une étude de poste fixée au 15 novembre 2010.
Dans une fiche du 16 novembre 2010, le médecin du travail, déclarait M. Y..., inapte au poste de cuisinier et apte à un poste sans manutention de charges de plus de 10 kg et sans mouvements répétés d'anteflexion du tronc.
M. Y... subissait un nouvel arrêt de travail pour maladie du 17 novembre au 2 décembre 2010.
La fiche d'aptitude du 16 novembre était confirmée par une nouvelle fiche en date du 3 décembre 2010, dans laquelle il était précisé que M. Y... pouvait exercer des tâches telles que : " accueil, standard, classement courrier, accompagnement et animation auprès des usagers de l'EHPAD, confection de pâtisserie sous réserve d'installation ergonomique personnalisée (plan de travail à hauteur adaptée, évier surélevé, four en hauteur, lave-vaisselle en hauteur) ".
Le 3 janvier 2011, le directeur de l'EHPAD " Gay Foyer de Choisy ", adressait à M. Y... un courrier dans lequel il évoquait les fiches établies par le médecin du travail, concluant à une inaptitude au poste de cuisinier et suggérant des tâches compatibles avec l'état de santé du salarié, et faisait savoir que malgré l'engagement de recherches de possibilités de reclassement au sein de l'entreprise ainsi qu'auprès d'autres entreprises, il n'y avait aucune possibilité de reclassement en interne, ni en externe, et qu'en conséquence une procédure de licenciement allait être engagée.
A la suite d'un entretien préalable en date du 13 janvier 2011, M. Y... adressait au directeur de l'EHPAD un courrier en date du 17 janvier 2011, pour lui faire savoir qu'il s'opposait à la mesure de licenciement et qu'il proposait les postes suivants pour son reclassement : chauffeur, pâtisserie précédé d'une formation adéquate.
Le 1er février 2011, une convention tripartite était conclue entre M. Y..., le Centre médical Renée B...et le Centre Caraïbéen de Développement des Compétences, pour la réalisation d'un bilan de compétences pris en charge par l'employeur.
Par courrier du 4 février 2011, le directeur de l'EHPAD notifiait à M. Y... son licenciement, pour inaptitude au poste de cuisinier et plus généralement à tous postes au sein de l'entreprise et ce en raison de l'impossibilité de le reclasser.
Le 12 avril 2011, une fiche d'aptitude établie par le médecin du travail, reconnaissait M. Y... comme étant apte au poste d'agent hospitalier (en poste aménagé) ne pouvant porter de charges de plus de 12 kg, l'intéressé devant être réexaminé à l'issue d'une période de 3 mois. Le même jour un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, à effet du 2 mai 2011, était conclu entre la Société Clinique de Choisy et M. Y..., pour un emploi d'agent des services hospitaliers, avec une période d'essai de 2 mois.
Par courrier du 26 mai 2011, le directeur de la Clinique de Choisy, faisait savoir à M. Y... qu'il mettait fin à la période d'essai.

Le 4 novembre 2011, le service " Risques professionnels " de la CGSS notifiait à M. Y... la décision de rejet de sa demande de reconnaissance du caractère professionnelle de sa maladie.

Le 11 juillet 2012, M. Y... saisissait le conseil de prud'hommes de Basse-Terre aux fins de voir déclarer nuls les deux licenciements dont il a fait l'objet et voir ordonner sa réintégration sous astreinte, en demandant le paiement de ses salaires jusqu'à sa réintégration, ainsi que diverses indemnités.
Par jugement du 15 octobre 2013, la juridiction prud'homale déclarait nuls les deux licenciements prononcés et proposait la réintégration de M. Y... sous astreinte de 500 euros par jour de retard et dit que la Sarl Centre Médical Renée Lacrosse Le Gai Foyer et la Sarl Clinique de Choisy étaient tenues in solidum de payer les salaires dus à M. Jean-Luc Y... depuis sa période de suspension jusqu'à sa réintégration.
Par le même jugement, les deux sociétés ont été condamnées in solidum au paiement des sommes suivantes :-13 982, 72 euros à titre de rappels de salaires,-1398, 27 euros à titre d'indemnité de congés payés afférente à ce rappel,-4404, 76 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,-440, 47 euros à titre d'indemnité de congés payés afférente au préavis,-44 922, 46 euros au titre du double de l'indemnité de licenciement,-185 319, 36 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement pour inaptitude,-30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédés abusifs et vexatoires, et manoeuvres dolosives.

L'exécution provisoire de cette décision était ordonnée.
Par déclarations du 14 novembre 2013, la Sarl Centre Médical Renée Lacrosse Le Gai Foyer (EHPAD), et la Sarl Clinique de Choisy interjetaient appels de cette décision.
****
Par conclusions communiquées le 23 avril 2015, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la Société Domaine de Choisy sollicite la réformation du jugement déféré et le rejet de l'ensemble des demandes de M. Y....
A l'appui de son appel, cette société expose que M. Y... a travaillé successivement pour deux employeurs distincts, à savoir d'une part le Domaine de Choisy et d'autre par la Clinique de Choisy et qu'il ne peut y avoir de solidarité entre ces deux sociétés.
La Société Domaine de Choisy conteste les prétentions de M. Y... au sujet d'une ancienneté qui remonterait à l'année 1981. Elle fait valoir par ailleurs que l'inaptitude de M. Y... n'est pas d'origine professionnelle et que la procédure de licenciement est fondée et régulière. Elle ajoute que les recherches de reclassement ont été sérieuses mais n'ont pas abouti.
Elle fait état d'un courrier en date du 29 mars 2011 (pièce 34 de l'appelante), dans lequel M. Y... acceptait son licenciement au poste de cuisinier pour inaptitude et une réembauche au poste d'ASH (agent des services hospitaliers).
Subsidiairement la Société Domaine de Choisy demande que les prétentions financières formulées par M. Y... soient réduites de façon significative. Elle réclame en tout état de cause paiement de la somme de 7000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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Par conclusions communiquées le 10 février 2014, La Société Clinique de Choisy sollicite également la réformation du jugement déféré et le rejet de l'intégralité des demandes de M. Y.... Elle réclame paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de son appel, la Société Clinique de Choisy rappelle qu'elle a embauché M. Y... par contrat de travail du 12 avril 2011, prenant effet au 2 mai 2011 pour un poste d'Agent des services hospitaliers, que la rupture de la période d'essai prévue à ce contrat est fondée et régulière et qu'elle-même n'est pas concernée par le licenciement intervenu le 4 février 2011 et tout ce qui est intervenu avant, M. Y... ayant eu deux employeurs successifs lesquels ne peuvent être tenus solidairement à l'égard du salarié.
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Par conclusions communiquées aux parties adverses le 2 septembre 2015, selon récépissé du réseau virtuel (RPVA), auxquelles il a été fait référence à l'audience des débats, M. Y... sollicite la confirmation du jugement attaqué, sauf à réformer les quantums des indemnités qui lui ont été allouées, à savoir :-6607, 14 euros pour l'indemnité compensatrice de préavis,-660, 71 euros pour l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,-45 054, 56 euros nets d'indemnité complémentaire de licenciement.

M. Y... sollicite en outre paiement, par chacune des sociétés appelantes, de la somme de 3500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. Y... soutient que son ancienneté au sein du Centre médical Renée Lacrosse Gai Foyer remonte au 24 novembre 1981, date à laquelle le Docteur Roland B...l'a engagé en qualité de manoeuvre, ce dernier ayant le 1er août 1986, en qualité de gérant du Centre Médical Renée Lacrosse Gai Foyer (devenu Domaine de Choisy), déclaré son contrat de travail au sein dudit centre toujours en qualité de manoeuvre.
M. Y... explique que la condamnation in solidum du Centre Médical Renée Lacrosse et de la Société Clinique de Choisy est fondée sur le fait qu'elles forment toutes deux une entité sociale unique et que la gestion de son dossier s'est opéré de " connivence " entre ces deux entités, lesquelles ne sont distinctes que sur le papier. Il indique à ce titre qu'elles étaient gérées en 2010 par le Docteur Philippe B..., et que Mme Hélène C...était leur Responsable des Ressources Humaines.
Par ailleurs M. Y... expose que l'employeur aurait dû respecter la procédure d'inaptitude d'origine professionnelle, dans la mesure où celui-ci avait connaissance, au moment du licenciement, de l'origine professionnelle de sa maladie.
Il reproche ainsi à l'employeur de ne pas avoir consulté les délégués du personnel comme le prévoit l'article L. 1226-10 du code du travail, et fait valoir que les recherches de reclassement n'étaient ni réelles, ni sérieuses.
Pour M. Y..., le contrat de travail conclu par La Société Clinique de Choisy, doit s'analyser comme une annulation, par accord des parties, de la mesure de licenciement pour inaptitude physique et consécutivement en une mesure de reclassement dans le périmètre interne. Il indique que compte tenu de son ancienneté, il ne pouvait lui être imposé une période d'essai.

Motifs de la décision :

Sur l'ancienneté de M. Y... :
Lors des débats, M. Y... a expliqué qu'il avait été embauché en qualité de manoeuvre en 1981 par M. Roland B...pour travailler sur le site de la Société Clinique de Choisy, et qu'à compter de 1986 il avait été affecté, toujours en qualité de manoeuvre, sur le site du Centre Médical Renée Lacrosse. Au demeurant aucun nouveau contrat de travail n'était signé le 1er août 1986, date de la nouvelle affectation de M. Y... auprès du centre médical.
Ces constatations montrent que c'est le même contrat de travail qui s'est poursuivi, et que le 1er août 1986 correspond à un simple transfert du salarié sur le site du centre médical, lequel était d'ailleurs situé en face de la Clinique de Choisy.
Il ne peut être valablement soutenu par les sociétés appelantes que M. Y... ait été embauché par M. Roland B...pour son service personnel, puisque l'intéressé n'a pas été embauché comme employé de maison mais comme manoeuvre comme mentionné dans l'attestation délivrée le 26 janvier 1987 par Roland B..., et que M. Y... travaillait sur le site de la Société Clinique de Choisy, route de Choisy à Saint Claude, le cachet de l'employeur apposé sur ses bulletins de salaires datant de 1983 mentionnant Saint Claude, alors que Roland B...demeurait alors à Trois-Rivières, selon mention figurant sur l'attestation sus-citée.
Il y a lieu de constater qu'il y avait une unité de gestion de la Société Clinique de Choisy exploitée par Roland B..., et le Centre Médical Renée Lacrosse-le Gai Foyer de Choisy dont le gérant était également Roland B..., son fils Philippe ayant pris par la suite la succession de son père. Par ailleurs une même personne a assuré les fonctions de responsable pour la gestion du personnel dans les deux sociétés, en la personne de Mme C....
Compte tenu de cette unité de direction des deux entités, même si des directeurs administratifs différents ont pu par la suite être nommés, de l'unité de gestion du personnel des deux établissement par un seul responsable, de la complémentarité des activités des deux établissements, la Société Clinique de Choisy relevant purement et simplement du secteur médical et le Centre Médical Renée Lacrosse se définissant lui-même dans son intitulé comme assurant des " Soins de Suite Gériatriques ", les deux établissements situés à proximité l'un de l'autre, Route de Choisy à Saint Claude, puis après leur transfert, réunis à Montauban, commune du Gosier, présentent les caractéristiques d'une unité économique et sociale, au sein de laquelle l'affectation de M. Y... a pu être modifiée pour passer d'un établissement à l'autre, sans conclusion d'un nouveau contrat de travail.
M. Y... a d'ailleurs soutenu dans ses écritures l'existence d'un registre du personnel indifférencié pour les deux établissements, ce qui n'a pas été contredit par les appelantes.
En conséquence l'ancienneté de M. Y... dans ces deux établissements qui se sont comportés comme co-employeurs à son égard, doit être fixée comme remontant à son embauche initiale le 24 novembre 1981.

Sur la rupture du contrat de travail :

M. Y... entend se prévaloir de la législation relative à l'inaptitude pour maladie professionnelle. Toutefois la CGSS, dans sa notification du 4 novembre 2011 a refusé de reconnaître le caractère professionnel de l'affection dont souffre M. Y....

Si la position qu'a dû adopter M. Y... pour l'exercice de ses fonctions de plongeur puis de cuisinier, à savoir la position debout, penché sur un plan de travail ou au dessus d'un évier, a pu révéler des douleurs au niveau lombaire, il n'est pas établi que cette position soit à l'origine de son affection.
Les principales causes des hernies discales sont la dégénérescence des disques intervertébraux, le port de charges lourdes, le sur-poids ou une prédisposition héréditaire.
Dans les fiches de visites établies par le médecin du travail, il est prescrit l'interdiction de porter des charges de plus de 10 kg, or il n'est nullement démontré que dans ses fonctions de cuisinier M. Y... ait eu à porter des charges de plus de 10 kg, ni qu'il ait eu à soulever des charges particulièrement lourdes.
En conséquence la rupture du contrat de travail pour inaptitude ne devait répondre qu'aux exigences des dispositions des articles L. 1226-2 à L. 1226-4 du code du travail relatives à l'inaptitude consécutive à une maladie ou un accident non professionnel.
La dernière fiche établie par le médecin du travail, en date du 24 janvier 2011, comporte les conclusions suivantes :
" Pas d'avis favorable au poste proposé comme cuisinier à la SODEXO (sous-traitant des repas de La Société Clinique de Choisy auprès duquel un emploi était envisagé pour M. Y...), mais apte à un poste sans port de charges lourdes supérieures à 10 kg. Pas de travail en position semi-penchée en avant. Pas d'effort violent. Reclassement avec formation conseillée vers " postes administratifs " en restauration ou hors restauration ".

L'association SAMETH 971, association pour l'insertion des travailleurs handicapés, qui avait reçu un signalement concernant M. Y..., de la part de la médecine du travail, écrivait à la responsable des ressources humaines du centre médical, Mme C..., un courrier en date du 2 décembre 2010 duquel il résultait que tant cette association que le médecin du travail, avaient visité les postes de travail du centre médical et de la Société Clinique de Choisy et que le reclassement de M. Y... sur l'un des postes de ces deux établissements s'avérait alors impossible.

En effet il était relevé pour le Centre Médical Renée Lacrosse :- Secteur administratif : tous les postes sont pourvus-Secteur médical : le salarié n'a pas les diplômes et les compétences exigés-Jardinier : pas de poste à pourvoir-Ouvrier d'entretien : tous les postes sont pourvus

Pour la Société Clinique de Choisy il était mentionné :- Secteur administratif : tous les postes sont pourvus-Secteur médical : le salarié n'a pas les diplômes et les compétences exigées-Jardinier : service dispensé par un prestataire (AGIPSAH)

Certes ces constatations ont été faites par une association spécialisée dans l'insertion des travailleurs handicapés, mais il n'en demeure pas mois que la recherche de reclassement de M. Y..., n'a pas été menée par les deux employeurs de façon sérieuse et complète.

En effet, alors que la procédure de licenciement pour inaptitude qui avait été engagée le 4 janvier 2011 par la convocation de M. Y... à un entretien préalable fixé au 13 janvier 2011, était en cours, mais non parvenue à son terme, une convention pour la réalisation d'un bilan de compétences pris en charge par l'employeur, telle que prévue par les articles R. 900-1 et suivants anciens du code du travail (devenus R. 6322-32 et suivants) était conclue le 1er février 2011, entre M. Y... qui en était bénéficiaire, le Centre Médical Renée Lacrosse et le Centre Caraïbéen de Développement des Compétences.
Comme les textes le prévoient ce bilan de compétence a notamment pour objet de déterminer les possibilités d'évolution professionnelle et de recenser les facteurs susceptibles de favoriser ou non la réalisation d'un projet professionnel, et le cas échéant, d'un projet de formation.
D'ailleurs dans une attestation du 2 février 2011, la psychologue du travail, responsable du centre de bilan, après avoir reçu en entretien M. Y... pendant une demi journée au cours de laquelle l'intéressé a bénéficié de tests d'orientation en vue d'une démarche de reclassement professionnel, indiquait que l'intéressé, compte tenu de sa demande de statut de travailleur handicapé en date du 10 octobre 2010, pouvait notamment bénéficier d'une formation en centre de reclassement professionnel en métropole.
Elle ajoutait qu'après sa formation il pourrait être reclassé dans les métiers suivants :- opérateur de télésurveillance (agent de sécurité)- agent de maintenance en bureautique-aide médico psychologique-aide comptable-animateur d'espaces résidentiels collectifs.

Elle précisait que ces pistes pourraient être validées par un bilan de compétences d'une durée de 24 heures, effectué à Baie-Mahault 97122.
Or ce bilan de compétence, auquel M. Y... avait droit puisqu'il avait une ancienneté supérieure à 5 ans, et qui présentait pour lui un intérêt évident pour son reclassement professionnel, n'a pas été mené à son terme, puisque dès le 4 février 2011, son licenciement lui était notifié.
Si peu après la fin de son préavis, M. Y... s'est vu proposer la conclusion, le 12 avril 2011, d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel pour exercer un emploi d'agent des services hospitaliers, avec une période d'essai de deux mois, force est de constater que la recherche de reclassement effectuée par les deux employeurs, n'a pas été menée de façon sérieuse et complète, puisque :- un poste à temps partiel d'agent des services hospitaliers était disponible au sein de la Société Clinique de Choisy,- alors que le délai d'un mois prévu à l'article L. 1226-4 du code du travail n'expirait que le 24 février 2011, le licenciement précipité M. Y..., l'a privé du bilan de compétence pour lequel la convention tripartite avait été signée dès le 1er février 2011, et l'a privé par là-même de la formation qui devait s'ensuivre, M. Y... ayant acquis un droit individuel à la formation à hauteur de 120 heures.

Ainsi M. Y... a été mis dans une situation dans laquelle, il lui était impossible de satisfaire à l'emploi d'agent des services hospitaliers qui était disponible au sein de la Société Clinique de Choisy, son contrat de travail du 12 avril 2012 ayant été rompu pendant la période d'essai, alors qu'il a été fait obstacle, par la mesure de licenciement du 4 février 2011, à l'acquisition de la formation nécessaire.
En conséquence, M. Y... est fondé à solliciter des dommages et intérêts, dans la mesure où son licenciement s'avère sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes pécuniaires de M. Y... :

Au titre du rappel de salaire, M. Y... qui a reçu son salaire du mois de janvier 2011 pour un montant de 2495, 94 euros, a droit au paiement des sommes qui lui ont été défalquées pendant son préavis, lequel a pris fin le 4 avril 2011, c'est-à-dire 1587, 71 euros en février 2011, 2150 euros en mars 2011 et 286, 67 euros en avril 2011, soit au total 4024, 38 euros.
A cette somme s'ajoute l'indemnité y afférente de congés payés.
Contrairement à ce que prétend M. Y..., la base de calcul de l'indemnité légale de licenciement n'atteint pas la somme de 3856, 02 euros, mais celle de 2752, 05 euros qui correspond à la moyenne des trois derniers mois entiers de salaire, laquelle est supérieure à la moyenne des 12 derniers mois.
Pour une ancienneté comprise entre le 24 novembre 1981 et le 4 avril 2011, date de la fin du préavis, l'indemnité légale de licenciement due à M. Y... doit être fixée à la somme de 23 238, 53 euros. Une somme de 21 140, 45 euros ayant été versée à ce titre, par le Centre Médical Renée Lacrosse en avril 2011, il reste dû au salarié la somme de 2 098, 08 euros.
Dans la mesure où l'inaptitude de M. Y... ne résulte pas d'une maladie professionnelle, il ne peut lui être alloué une indemnité double de licenciement telle que prévue par l'article L. 1226-14 du code du travail.
Par ailleurs il n'est fait aucun grief à la procédure de licenciement en la forme, ce qui ne permet pas d'allouer une somme quelconque, à ce titre.

Par contre M. Y... qui a obtenu du conseil de prud'hommes, l'octroi d'une somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre 30 000 euros à titre de dommages et intérêts notamment pour procédés abusifs, est en droit d'obtenir indemnisation des conséquences de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui a été mis en oeuvre suivant un procédé abusif en le privant d'un bilan de compétence et de formation, lesquels étaient de nature à permettre un reclassement durable au sein de l'une des deux entités, en l'occurrence la Société Clinique de Choisy. Cette indemnisation, compte tenu de l'âge du salarié, 45 ans au moment du licenciement, et de la difficulté de se réinsérer professionnellement, sera fixée à cinquante mille euros toutes causes de préjudices confondues, étant relevé qu'aucun caractère vexatoire n'est établi.

Comme il a été expliqué ci-avant, les deux sociétés appelantes qui étaient situées à proximité l'une de l'autre Route de Choisy, commune de Saint Claude, puis ont été réunies sur le même site à Montauban, commune du Gosier, avaient des activités complémentaires dans le secteur médical, avaient le même gérant M. Roland B..., puis son fils Philippe, avaient une responsable des ressources humaines commune, Mme C..., donc une unité de gestion de leur personnel, ce qui a permis notamment d'affecter en 1986, M. Y... d'un établissement à l'autre, pour une même fonction, sans nouveau contrat de travail, puis de réembaucher celui-ci en avril 2011 au sein de la Clinique, après un licenciement en février 2011 du centre médical, et ce en suivant les prescriptions du service de médecine du travail qui a déclaré le salarié apte au poste d'agent hospitalier, dans le cadre d'une procédure de reprise du travail initiée par le centre médical.

Compte tenu de la confusion de direction, de gestion du personnel et des interventions successives et complémentaires des deux sociétés appelantes dans la procédure de reclassement de M. Y... pour tenter de se conformer, du moins en apparence, aux textes applicables, lesdites sociétés seront tenues in solidum au paiement des sommes octroyées à ce dernier.
Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. Y... les frais irrépétibles qu'il a exposés tant en première instance qu'en cause d'appel, il lui sera alloué la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Réforme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de M. Y..., en date du 4 février 2011 est sans cause réelle et sérieuse,
Condamne in solidum la Sarl Domaine de Choisy et la Sarl Clinique de Choisy, à payer à M. Y..., les sommes suivantes :

-4024, 38 euros de rappel de salaire, correspondant à la période préavis,

-402, 44 euros d'indemnité de congés payés sur rappel de salaire,
-50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et procédés abusifs,
-2098, 08 euros à titre de solde d'indemnité de licenciement,-6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que la somme de 15 660, 47 euros versée dans le cadre de l'exécution provisoire ordonnée par les premiers juges, sera déduite des sommes mises à la charge des sociétés appelantes par le présent arrêt,
Dit que la Société Domaine de Choisy et la Société Clinique de Choisy sont condamnés in solidum aux entiers dépens,
Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires.
le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/01639
Date de la décision : 07/11/2016
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2016-11-07;13.01639 ?
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