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17/10/2016 | FRANCE | N°15/00389

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 17 octobre 2016, 15/00389


VS-MJB
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 295 DU DIX SEPT OCTOBRE DEUX MILLE SEIZE

AFFAIRE No : 15/ 00389
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 5 février 2015- Section Commerce.
APPELANT
Monsieur Mario X...... 97129 LAMENTIN Représenté par Maître Alain ROTH (Toque 124), avocat au barreau de la GUADELOUPE

INTIMÉE
SAS SOGUAVA Voie Principale ZI de Jarry 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Maître Isabelle OLLIVIER de la SELARL AGORALEX substituée par Maître APIOU, avocat au barr

eau de FORT DE FRANCE

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'articl...

VS-MJB
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 295 DU DIX SEPT OCTOBRE DEUX MILLE SEIZE

AFFAIRE No : 15/ 00389
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 5 février 2015- Section Commerce.
APPELANT
Monsieur Mario X...... 97129 LAMENTIN Représenté par Maître Alain ROTH (Toque 124), avocat au barreau de la GUADELOUPE

INTIMÉE
SAS SOGUAVA Voie Principale ZI de Jarry 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Maître Isabelle OLLIVIER de la SELARL AGORALEX substituée par Maître APIOU, avocat au barreau de FORT DE FRANCE

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 4 avril 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mesdames Marie-Josée Bolnet et Françoise Gaudin, conseillers.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller, Mme Françoise Gaudin, conseiller,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 6 juin 2016, date à laquelle le prononcé de l'arrêt a été successivement prorogé au 17 octobre 2016.
GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE
Par contrat à durée indéterminée, M. Mario X... a été embauché en qualité de mécanicien par la SAS SOGUAVA avec prise d'effet le 16 juin 2003.
Son salaire brut mensuel a été fixé à 1 524, 49 euros.
Le 5 septembre 2006, M. Mario X... recevait de son employeur une lettre recommandée avec avis de réception, le convoquant à un entretien préalable à une mesure disciplinaire.
Le 22 septembre 2006, M. Mario X... était licencié pour faute grave.
Contestant cette mesure, il a saisi le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins de constater qu'il n'a commis aucune faute grave et voir condamner son employeur au paiement de diverses sommes.
Par jugement du 05 février 2015, la juridiction prud'homale a :- déclaré recevable la demande,- dit et jugé que le licenciement de M. X... repose sur une cause réelle et sérieuse,- condamné la SAS SOGUAVA, en la personne de son représentant légal, à payer à M. X... les sommes suivantes : * 1236 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, * 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- débouté M. X... du surplus de ses demandes,- débouté la SAS SOGUAVA de ses prétentions,- condamné cette dernière aux éventuels dépens.

Par déclaration reçue le 11 mars 2015, M. X... a relevé appel de cette décision.
Par ordonnance du 08 juin 2015, le magistrat chargé d'instruire l'affaire a accordé à la partie intimée un délai de quatre mois pour notifier ses pièces et conclusions à la partie appelante afin de parfaire l'échange des pièces et conclusions entre les parties dans le respect du contradictoire.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions notifiées à l'intimée le 09 juin 2015 et auxquelles il a été fait référence à l'audience des plaidoiries, M. X... demande de :- déclarer son appel recevable,- dire et juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement au visa de l'article L. 1235-3 du code du travail,- condamner en conséquence la SAS SOGUAVA à lui payer la somme de 24 678 euros,- condamner la même à lui payer la somme de 6192 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, au visa de l'article L. 1234-5,- confirmer le jugement entrepris sur l ‘ indemnité légale de licenciement,- l'infirmer sur les conditions vexatoires du licenciement en condamnant la SAS SOGUAVA au paiement de la somme de 10 000 euros,- condamner la même à la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

M. X... soutient en substance qu'à aucun moment il n'a sorti le démarreur litigieux de l'atelier de travail et conteste les motifs retenus par la juridiction de première instance pour caractériser la cause réelle et sérieuse du licenciement.
Par conclusions notifiées à l'appelant le 26 août 2015 et auxquelles il a été fait référence à la dite audience, la SAS SOGUAVA demande de :- dire et juger l'appel mal fondé et de le rejeter,- dire et juger l'appel incident bien fondé et y faire droit, A titre principal :- constater que M. X... n'a pas demandé, dans un délai de 15 jours conformément à l'article 468 du code de procédure civile, à être relevé de la caducité prononcée par la juridiction prud'homale le 03 juin 2010,- déclaré M. X... irrecevable dans ses demandes, A titre subsidiaire :- dire le licenciement parfaitement fondé sur la faute grave,- débouter purement et simplement M. X... de l'intégralité de ses demandes, A titre encore plus subsidiaire :- confirmer purement et simplement le jugement dont appel En tout état de cause :- juger prescrite la demande au titre du préavis,- condamner M. X... à lui payer la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la SAS SOGUAVA se prévaut d'abord tant de la règle de l'unicité d'instance prévue à l'article R. 1452-6 du code du travail, que de la caducité de la demande prévue à l'article 468 du code de procédure civile.
Elle relate ensuite que le 31 août 2006, le véhicule de M. A..., toujours sous garantie constructeur, a été remorqué à l'atelier SOGUAVA ; qu'aussitôt un ordre de réparation a été ouvert pour ce véhicule et la réparation a été confiée à M. X... pour diagnostic ; que celui-ci convenait de procéder au remplacement de la batterie et du démarreur et faisait sortir du magasin une batterie et un démarreur neufs à cette fin ; que le processus de suivi OR révélait que M. X... a clôturé son intervention à 13 h 37 ; que le chef atelier, procédant au contrôle de cette opération, vérifia la corrélation entre celle-ci et la sortie des pièces du magasin et s'aperçut que la démarreur posé n'était pas neuf ; que M. X..., interrogé et confondu, a reconnu ne pas avoir monté ladite pièce sur le véhicule, laquelle a été retrouvée, en sa présence. dans son établi personnel.
Elle dit s'appuyer sur les attestations parfaitement valables du chef d'atelier et du directeur SAV devant lesquels M. X... a d'abord reconnu le fait en leur demandant d'être discrets sur cet incident vis à vis des autres salariés, pour ensuite se rétracter. La faute grave étant constituée, elle s'oppose à toutes les demandes financières de M. X....
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR LA CADUCITÉ DE LA DEMANDE DE DÉCEMBRE 2009 ET L'UNICITÉ D'INSTANCE
Le défaut de comparution devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes est expressément sanctionné par la caducité de la citation prévue par l'article R. 1454-21 du code du travail qui renvoie aux dispositions de l'article 468 du code de procédure civile. Par ce renvoi, la caducité est soumises aux mêmes exigences que devant les autres juridictions. En conséquence, si le demandeur conteste les conditions du prononcé de la caducité, il doit en effet demander au juge de reporter sa décision et ne pourra faire appel que contre la décision qui refuse cette rétraction. Cependant, la demande peut être renouvelée une fois devant la juridiction prud'homale et ne peut être portée que directement devant le bureau de jugement.
En l'espèce, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a rendu, à l'audience du 03 juin 2010, un jugement de caducité de la demande de M. X... datée du 09 décembre 2009, sur le fondement de l'article 468 du code de procédure civile, au motif que ce dernier n'a pas justifié en temps utile d'un motif légitime à sa non comparution.
Il ressort des pièces de M. X... que son conseil avait informé le 25 mai 2010 le président du conseil de prud'homme de son absence du département à la date de l'audience du 03 juin 2010 et avait sollicité le renvoi de l'affaire à date utile. Une demande de renvoi était également présentée le 1er juin 2010 par le conseil de la société SOGUAVA pour autre motif.
En marge de toute demande de rétraction et de tout appel, M. X... a saisi, le 13 mars 2013, le conseil de prud'hommes de Pointe à Pitre des mêmes demandes de 2009. Le jugement du 05 février 2015 fait apparaître que cette seconde requête a d'abord été soumise au bureau de conciliation.
Au vu de ces éléments, Il ne saurait être retenu la sanction de l'irrecevabilité de cette seconde requête sur le fondement de la caducité de la première, surtout que l'article R. 1454-21 précité ne prévoit aucune disposition en ce sens, même lorsque la seconde demande est évoquée devant le bureau de conciliation. Le moyen de l'unicité d'instance ne saurait davantage prospérer car cette règle impose que le précédent jugement ait statué sur le fond, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Les moyens tirés de la caducité de la demande de 2009 et de la règle de l'unicité d'instance, inopérants, sont en conséquence rejetés.
SUR LE LICENCIEMENT POUR FAUTE GRAVE
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Les termes de la lettre de licenciement fixent les limites du litige et en l'espèce, la cour relève qu'il est reproché à M. X... les faits ainsi notifiés le 27 septembre 2006 : " nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d'une faute grave. En effet, le jeudi 31 août 2006 vous avez détourné de la marchandise, en l'occurrence un démarreur pour une opel Astra modèle 2005 d'une valeur marchande de 1375 euros. Le jeudi 31 août 2006, dans la matinée, vous avez été sollicité pour une intervention sur une opel Astra modèle 2005, intervention prévue par la garantie de ce véhicule. Vous avez établi le diagnostic du véhicule personnellement. Vous avez, suite à ce diagnostic, passé commande au magasin, en deux fois des pièces jugées nécessaires à la réparation. Votre première intervention étant le remplacement du démarreur, la seconde le remplacement de la batterie selon votre version des faits. La batterie a bien été remplacée sur le véhicule. Après vérification de votre travail, comme à l'accoutumée, par votre chef d'atelier M. D..., il s'est rendu compte que le démarreur n'avait pas été changé compte tenu de l'état d'usure de la pièce du démarreur présent sur le véhicule. Monsieur D... nous a alertés sur ce dysfonctionnement, en sa présence, M. E..., responsable du service après-vente, vous a demandé des informations précises concernant votre intervention. Vous vous êtes insurgé en arguant que vous ne compreniez pas pourquoi l'on mettait en doute votre travail. Nous vous avons proposé de faire rentrer le véhicule dans l'atelier afin de procéder à une vérification. C ‘ est à ce moment que vous avez avoué que vous n'aviez pas monté le démarreur sur l'Opel Astra et qu'il se trouvait dans votre établi. Vous nous avez demandé d'être discret sur cette affaire afin que vos collègues ne soient pas au courant, chose que nous avons respectée. Vous nous avez, alors, demandé de nous rendre à votre établi où vous aviez dissimulé le démarreur. Cette conduite met en cause la bonne marche du service. Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 15 septembre 2006 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet ; nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute. Compte tenu de la gravité de celle-ci, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible ; le licenciement prend donc effet immédiatement à la date du 26 septembre 2006. Vous pourrez vous présenter le même jour au service du personnel pour percevoir les sommes vous restant dues au titre de salaire et d'indemnité de congés payés et retirer votre certificat de travail et votre attestation ASSEDIC.

Veuillez agréer, M. X..., l'expression de nos sentiments distingués.
Le Directeur Ph. B... "

Il ressort des pièces du dossier que la réparation du véhicule OPEL Astra immatriculé 607 AXB, a été assurée par M. X..., nécessitant une facturation particulière dans le cadre du régime de la garantie constructeur et ayant conduit le chef d'atelier, M. D..., à procéder au double contrôle des deux interventions du salarié, la première portant sur la pose de la batterie, la seconde sur la pose du démarreur. Les deux pièces neuves sorties du magasin l'ont été sous l'enregistrement du dossier de l'opel Astra 607 AXB ; une seule des pièces, à savoir la batterie a été effectivement posée sur le véhicule. Le comportement de M. X... ne pouvait être révélé que dans le cadre de ce contrôle. Les déclarations par attestation de M. D..., chef d'atelier, sont capitales et probantes car elles relatent avec détails les conditions dans lesquelles il a été amené à découvrir que le démarreur neuf n ‘ a pas été posé et a été conservé par M. X....
M. X... se garde bien de mettre en avant une autre version des faits. Les seuls moyens évoqués sont l'irrecevabilité des deux attestations versées au débat par l'employeur au motif qu'elles émanent de l'entreprise SOGUAVA, et l'absence de vol caractérisé en l'absence de dépôt de plainte. Ces arguments ne résistent pas à l'examen des pièces du dossier qui concourent toutes à prouver la conduite particulièrement grave du salarié. L'employeur ne peut pas se permettre de maintenir un tel salarié au sein de son entreprise, sans mettre en difficulté la bonne marche de celle-ci ainsi que le contrôle interne indispensable à la sécurité des manoeuvres qui y sont opérées par ses salariés.
Au vu de ces éléments, Il est établi que M. X... a commis une faute grave d'une part par simulation d'une réparation du véhicule OPEL Astra nécessitant la pose d'un démarreur neuf, trompant ainsi la confiance de l'employeur et celle du client, et d'autre part par dissimulation de cette pièce à son profit.
Dès lors, il convient d'infirmer le jugement entrepris sur la cause réelle et sérieuse ainsi que sur l'indemnité légale de licenciement qu'exclut nécessairement la faute grave.
SUR L'INDEMNITÉ COMPENSATRICE DE PRÉAVIS
L'indemnité compensatrice de préavis à l'article L. 1234-5 du code du travail ne peut être allouée lorsque le salarié a commis une faute grave.
Tel est le cas en l'espèce, M. X... est débouté de sa demande.
SUR LES FRAIS IRREPETIBLES ET LES DEPENS
Succombant, M. Mario X... est condamné aux dépens. L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SAS SOGUAVA.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Déclare l'appel recevable ;
Infirme le jugement du 05 février 2015 ;
Statuant à nouveau
Rejette les moyens tirés de la caducité de la demande de 2009 et de la règle de l'unicité d ‘ instance ;
Dit que le licenciement de M. Mario X... repose sur une faute grave ;
Déboute en conséquence M. Mario X... de l'intégralité de ses demandes ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. Mario X... aux dépens ;
La greffièreLe président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15/00389
Date de la décision : 17/10/2016
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2016-10-17;15.00389 ?
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