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03/10/2016 | FRANCE | N°14/01252

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 03 octobre 2016, 14/01252


FG-VS
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 280 DU TROIS OCTOBRE DEUX MILLE SEIZE

AFFAIRE No : 14/ 01252
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 18 juin 2014- Section Commerce.
APPELANTES ET INTIMEES
SOCIETE EURO CRM CARAIBES, prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège Rue Ferdinand Forest 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS (Toque 8) substituée par Maître PRADEL, avocat au barreau de la GUADELOUPE

Madame France Y... Chez Mme Mar

ie-Noelle Z...... 97122 BAIE-MAHAULT Comparante en personne Assistée de Maître Marie-Pier...

FG-VS
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 280 DU TROIS OCTOBRE DEUX MILLE SEIZE

AFFAIRE No : 14/ 01252
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 18 juin 2014- Section Commerce.
APPELANTES ET INTIMEES
SOCIETE EURO CRM CARAIBES, prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège Rue Ferdinand Forest 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS (Toque 8) substituée par Maître PRADEL, avocat au barreau de la GUADELOUPE

Madame France Y... Chez Mme Marie-Noelle Z...... 97122 BAIE-MAHAULT Comparante en personne Assistée de Maître Marie-Pierre SAGETJOLIVIERE (Toque 94), avocat au barreau de la GUADELOUPE

INTIMÉE
SAS EURO CRM FRANCE 27 rue Gabriel Péri 92300 LEVALLOIS-PERRET Représentée par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS (Toque 8) substituée par Maître PRADEL, avocat au barreau de la GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 5 septembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller, Mme Françoise Gaudin, conseiller, qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 3 octobre 2016.
GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Madame France Y... a été engagée par la société CALL CENTER ALLIANZ WEST (CCA WEST), prestataire de téléphonie et centre d'appels téléphoniques, dont la nouvelle dénomination est EURO CRM CARAIBES, à compter du 17 octobre 2001, selon contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de chargée de clientèle.
Ses missions étaient : la réception d'appels téléphoniques, l'émission d'appels téléphoniques, l'administratif.

Madame Y... s'est trouvée en arrêt de travail continu du 16 juillet 2007 au 19 octobre 2009 pour des problèmes auditifs.

Le 27 octobre 2009, Madame France Y... passait la visite médicale de reprise après maladie et le Médecin du Travail rendait un avis en ces termes : « Peut reprendre un poste de travail contre-indiquant le port d'écouteurs et avec horaires de 7h à 15h. Doit revoir le Dr C... le 4/ 11/ 2009 ».

Selon 1ère visite au titre de l'article R 4624-1 du code du travail le 4 novembre 2009, le médecin du travail déclarait Madame Y... « inapte au poste, aménagement d'horaires de 7h à 18h sans écouteurs, apte à un poste de commercial ou d'administratif ou des tâches bureautiques. A revoir dans 15 jours » Le 23 novembre 2009, Madame Y... est déclaré « inapte au poste de travail, serait apte à un poste de commercial ou pour des tâches administratives » selon un deuxième avis de la médecine du travail.

Madame Y... se voyait notifier son licenciement par courrier recommandé du 21 décembre 2009, pour inaptitude au poste et impossibilité de reclassement.
Madame Y... a saisi le 19 avril 2012, le conseil des prud'hommes de POINTE A PITRE aux fins de s'entendre désigner un médecin expert avec allocation d'une provision de 100. 000 € à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices, subsidiairement en paiement d'une même somme en réparation de ses préjudices physique moral et psychologique subis et d'une demande indemnitaire pour défaut de reclassement sur le fondement de l'article L. 1226-10 du code du travail.
Par jugement en date du 18 juin 2014, le conseil a condamné solidairement la société EURO CRM CARAIBES et la société EURO CRM France à payer à Madame Y... les sommes de : 8. 355 € au titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis, 1. 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant Madame Y... du surplus de ses demandes et mettant les dépens à la charge des deux sociétés susmentionnées.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, en date du 24 juillet 2014, la société EURO CRM CARAIBES a relevé appel de ladite décision qui lui a été notifiée le 1er juillet 2014.
Par déclaration reçue au greffe de la cour, en date du 24 juillet 2014, Madame Y... a également formé appel dudit jugement qui lui a été notifié le 18 juillet 2014.

Les deux affaires ont fait l'objet d'une jonction.

La société EURO CRM CARAIBES sollicite l'infirmation du jugement, le débouté des demandes de Mme Y... pour rupture abusive et manquement à l'obligation de reclassement, et de dire n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient essentiellement que des recherches de reclassement ont été entreprises au niveau de l'entreprise et du groupe mais sont demeurées vaines, aucun poste commercial ou administratif n'étant disponible au moment du licenciement, dans les sociétés du groupe.
Madame Y... demande à la cour de rectifier l'erreur matérielle affectant le jugement déféré concernant le montant de l'indemnité de procédure qui lui a été allouée (chiffrée à 2. 500 € dans les motifs du jugement et à 1. 200 € dans le dispositif), de réformer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté sa demande avant dire droit d'expertise médicale, d'allocation de provision, ses prétentions présentées à hauteur de 100. 000 € au titre du préjudice subi du fait de la faute inexcusable de l'employeur, et celles au titre du défaut de reclassement et du préjudice moral à hauteur de 25. 000 €, de statuer à nouveau, et commettre tel médecin expert aux fins de : de prendre connaissance de la nomenclature Dintilhac, le cas échéant, se faire communiquer le dossier médical complet de la victime, avec l'accord de celle-ci ou de ses ayants droits et en tant que de besoin, se faire communiquer par tout tiers détenteur les pièces médicales nécessaires à l'expertise avec l'accord susvisé, déterminer l'état de France Y... avant la survenance des symptômes en causes (anomalie, maladie, séquelles d'accident antérieur), mais aussi le degré d'autonomie fonctionnelle et intellectuelle par rapport aux actes élémentaires élaborés de la vie quotidienne, ses conditions d'exercice des activités professionnelles, son lieu habituel de vie... Relatez les constatations médicales précédemment faites par les médecins, ainsi que l'ensemble des intentions et soins y compris la rééducation, Noter les doléances de la victime, examiner la victime et décrire les constatations ainsi faites (y compris taille, poids), indiquer le délai normal d'arrêt ou de ralentissement de l'activité compte tenu de l'état de la victime, ainsi que des lésions initiales et de leur évolution, et proposer la date de consolidation de ses lésions, procéder à l'examen clinique détaillé de la victime, déterminer tous les dommages corporels, y compris ceux présentant un caractère personnel, subis à la suite de l'inaptitude engendrée par les conditions de travail par référence au dernier barème d'évaluation médico-légale de la société de médecine légale et de criminologie et de l'association des médecins experts en dommages corporels ; Décrire les déficits neuraux-moteurs, sensoriel, orthopédiques et leurs répercussions sur les actes et gestes de la vie quotidienne, Procéder à l'évaluation du déficit séquellaire psychique pouvant découler du syndrome psycho traumatique résultant des faits de violence, Se prononcer sur le déficit fonctionnel séquellaire psychique temporaire ainsi que sur le déficit fonctionnel psychique définitif, Décrire les symptômes propres aux conséquences psychiques altérant le fonctionnement social, notamment des perturbations dans les relations familiales et sociales, ainsi que toute autre conséquence, Dire si des soins particuliers sont nécessaires, dans l'affirmative, les décrire et préciser la durée probable, Préciser en définissant leur nature et leur importance, les éléments du déficit fonctionnel permanent (DFP) avant consolidation de la victime, Dans l'hypothèse d'un état antérieur, préciser si cet état :- était révélé et traité avant l'accident (dans ce cas préciser les périodes, la nature et l'importance des traitements antérieurs et s'ils entraînaient un déficit fonctionnel avant l'accident),- a été aggravé ou a été révélé ou décompensé par lui, Préciser en définissant leur nature et leur importance les éléments du déficit fonctionnel permanent (après consolidation), en chiffrer le taux, Evaluer les séquelles présentées par la victime aux fins de :- fixer les durées pendant lesquelles pour des raisons médicales en relation certaine, directe et exclusive avec les faits, la victime a dû : Interrompre totalement ses activités professionnelles ou habituelles, subir avant consolidation une incapacité totale ou partielle (en indiquant le taux, les éléments, la durée) dans sa sphère personnelle, générant un déficit fonctionnel temporaire,- Fixer la date de consolidation en établissant que les différents bilans et examens pratiqués prouvent la stagnation de la répercussion des séquelles, Décrire les actes, gestes et mouvements rendus difficiles partiellement ou entièrement impossibles en raison des conditions de travail, expliquer, le cas échéant en quoi l'activité professionnelle et privée exige des efforts accrus en donnant un avis détaillé sur la difficulté ou non possibilité pour la victime de : Poursuivre dans les mêmes conditions son activité professionnelle antérieure à l'accident, Poursuivre son activité professionnelle antérieure à l'accident avec d'éventuelles restrictions ou contre-indications et dans ce cas, préciser lesquelles, Dans la négative, préciser si elle est ou sera capable d'opérer une reconversion, un changement d'orientation pour exercer une autre activité professionnelle et dans ce cas, préciser les conditions d'exercice et les éventuelles restrictions ou contre-indications,

Evaluer le préjudice d'agrément corrélatif au déficit fonctionnel séquellaire et traduit par l'ensemble des troubles dans les conditions d'existence causées par le handicap dans les actes essentiels de la vie courante, dans les activités affectives amicales et dans les activités de loisirs, Décrire, les souffrances physiques, psychiques ou morales endurées du fait des conditions de travail en y incluant les éventuels troubles aux douleurs postérieures à la consolidation, dans la mesure où ils n'entraînent pas de déficit fonctionnel proprement dit ; les évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés, Si la victime conserve après consolidation un déficit fonctionnel permanent, évaluer l'altération permanente d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensoriels, orthopédiques, motrices, en en évaluant le taux et les éléments, dire si des douleurs permanentes existent et si elles ont été prises en compte dans le taux retenu, à défaut, majorer ce taux en considération de l'impact de ces douleurs sur les fonctions physiologiques, sensorielles, mentales ou psychiques de la victime,

S'il existe, décrire la nature et l'importance du préjudice esthétique en appréciant suivant que l'on se situe avant et après la consolidation : avant la consolidation : décrire l'aspect de la victime et renseigner sur tous les appareillages dont il était porteur, altérant son aspect physique,

après la consolidation : évaluer sur l'échelle de 7o, des éléments altérant l'apparence de la victime tant physiquement que psychologiquement, Si nécessaire, se prononcer, par référence à l'outil « Handi-aide » publiée dans l'article « méthodologie de l'estimation du besoin en tierce personne en pratiques médicaux-légales par la Gazette du Palais des 12-13 juillet 2006, sur la nécessité pour la victime d'être assisté par une tierce personne (cette assistance ne devant pas être réduit en cas d'assistance familiale) nécessaire pour pallier l'impossibilité ou la difficulté d'effectuer les actes élémentaires mais aussi les actes élaborés de la vie quotidienne, Dans l'affirmative : Préciser, en distinguant selon qu'on se situe avant et après la consolidation, le besoin d'assistance en tierce personne de la victime, et notamment, si cette tierce personne doit ou non être spécialisée, ces attributions exactes ainsi que les durées respectives d'intervention de l'assistant spécialisé et de l'assistant non spécialisé, Donner à cet égard, toutes précisions utiles en se prononçant, le cas échéant sur les modalités des aides techniques, Indiquer s'il existe un préjudice d'établissement défini comme la perte d'espoir, de chance ou de toute possibilité de réaliser un projet de vie familiale « normale » en raison de la gravité du handicap permanent, dont reste atteinte la victime après sa consolidation : perte d'une chance de se marier, de fonder une famille, d'élever les enfants et plus généralement des bouleversements dans des projets de vie de la victime qui l'oblige à effectuer certaines renonciations sur le plan familial,

Indiquer s'il existe un préjudice sexuel en argumentant selon les trois types de préjudice de nature sexuelle reconnue, à savoir : le préjudice morphologique est lié à l'atteinte des organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi, le préjudice lié, à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel (perte de l'envie ou de la libido, perte de capacité physique de réaliser l'acte, perte de la capacité à accéder au plaisir), le préjudice lié à une impossibilité où une difficulté à procréer, Décrire en précisant leurs natures et leurs coûts, les dépenses de santé futures que nécessitera l'état de santé de la victime après consolidation,

Dire si les frais médicaux, pharmaceutiques, paramédicaux, d'hospitalisation, d'appareillage et de transport antérieurs et postérieurs à la consolidation et directement imputables aux conditions de travail, sont actuellement prévisibles. Dans l'affirmative, préciser lesquelles, et préciser pour chacun le caractère occasionnel ou viager, la nature, la quantité et la durée prévisible. En préciser les coûts,

Dire si l'état de la victime est susceptible d'aggravation ou d'amélioration, et donner toutes les précisions utiles sur cette évolution ; au cas où un nouvel examen serait nécessaire, indiquer dans quel délai il devra y être procédé,
Se prononcer sur la nécessité d'une opération chirurgicale à hauts risques relatifs à la vie ostéosynthèse lombaire, et qualifier le risque qui pourrait résulter de cette intervention,
Décrire tous les préjudices subis par la victime, à savoir ceux économiques et ce non économique.
Dire que dans les deux mois de sa saisine, et l'Expert indiquera le montant de sa rémunération définitive prévisible afin que soit éventuellement ordonnée une provision complémentaire dans les conditions de l'article 280 du code de procédure civile et qu'à défaut d'une telle indication, le montant de la provision initiale constituera la rémunération définitive de l'expert,
Dire que le montant indiqué par l'expert à titre de provision sera avancé par les sociétés EURO CRM CARAÏBES et EURO CRM FRANCE ; Dire que l'expert établira un pré-rapport avant son rapport définitif et laissera un délai d'un mois aux parties pour faire leurs éventuelles observations, Dire que l'expert répondra dans le rapport définitif aux éventuelles observations écrites des parties,

Dire que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu'il déposera son rapport au greffe dans les deux mois du jour où il aurait été saisi de sa mission.

condamner solidairement les sociétés EURO CRM CARAÏBES et EURO CRM FRANCE à verser à Madame France Y... une somme de 100. 000, 00 € à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices ; Subsidiairement,- condamner solidairement les sociétés EURO CRM CARAÏBES et EURO CRM FRANCE à verser à Madame France Y... une somme de 100. 000, 00 € en réparation des préjudices physique, moral et psychologique subis, En tout état de cause,- condamner solidairement les sociétés EURO CRM CARAÏBES et EURO CRM FRANCE à verser à Madame France Y... une somme de 25. 000 € sur le fondement des dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail,- condamner solidairement les sociétés EURO CRM CARAÏBES et EURO CRM FRANCE à verser à Madame France Y... une somme de 2. 500 € au titre de ses frais irrépétibles.

Elle fait valoir que :
l'employeur n'a pas procédé à une réelle tentative de reclassement, compte tenu de la taille de l'entreprise, notamment dans les structures du groupe en métropole et à l'étranger ; l'employeur n'a pas tenu et mis à jour le document unique d'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs prévu par l'article L. 4121-3 du code du travail, l'employeur a manqué à son obligation de sécurité et de résultat prévue par l'article L. 4121-1 du code du travail et a commis des fautes inexcusables, elle a été victime de problèmes de santé sévères, phénomènes allergiques, crises d'asthme, migraines invalidantes déclenchées par le bruit et la climatisation défectueuse, elle a subi du harcèlement moral alors qu'elle était déléguée du personnel ;

MOTIFS

Sur le bien-fondé du licenciement
Attendu que la salariée réclame le bénéfice des dispositions légales protégeant les salariés déclarés inaptes par la médecine du travail à la suite d'un accident du travail ; Attendu que la lettre de licenciement est ainsi libellée :

« Mademoiselle,

Nous vous avons reçu le 17/ 12/ 09, en présence de Mr Rudy D... (Représentant Syndical), lors de l'entretien préalable au licenciement pour lequel vous avez été convoqué.
L'incapacité de travail qui vous frappe et qui a été constatée par le médecin du travail au cours de deux visites médicales, ne nous permet pas de maintenir le contrat de travail qui nous lie.
En effet, vous avez eu à nous faire part des difficultés que vous aviez à occuper votre fonction, compte tenu de vos problèmes de santé (problèmes auditifs et expliquant les arrêts maladies successifs que vous avez connus).
Suite à une longue période d'arrêt maladie (du 16/ 07/ 07 au 19/ 10/ 09) un rendez-vous a été pris avec la médecine du travail en date du 27/ 10/ 09 (en l'absence du Dr C..., le Dr E... vous a reçu), dans le cadre d'une visite de reprise.
Celui-ci vous a préconisé une reprise de travail et pour reprendre ses termes, en : « contre-indiquant le port d'écouteurs et avec des horaires de 7h à 15h ». L'ensemble des dispositions a été pris en interne pour permettre la mise en application de l'aménagement temporaire de vos conditions de travail dans notre salle de réunion et ce, en attendant votre rendez-vous avec le Dr C... (Médecin auquel est rattaché notre société), comme prescrit par le Dr E....
Lors de votre visite médicale en date du 04/ 11/ 09, le médecin du travail a conclu que vous étiez inapte à occuper votre poste et a recommandé un aménagement d'horaire de 7h à 18h, ainsi que votre mutation vers un poste de Commercial ou Administratif.
A l'issue de cette visite, le Médecin du travail a pu constater votre situation de travail, lors de son passage sur notre site, le 05/ 11/ 09.
En date du 23/ 11/ 09 le médecin du travail vous a rencontré lors d'une seconde visite, à l'issue de laquelle il vous a déclaré définitivement « inapte au poste de travail ». (Cf. Bon de visite de la CIST que nous avons reçu te 24/ 11/ 09). Compte tenu des dispositions de l'article R 4624-1 du code du travail et ainsi que nous avons eu à vous le préciser, nous avons procédé à des recherches auprès de nos services internes, en vue de vous proposer une solution de reclassement. Mais aucun poste n'est à pourvoir actuellement. De plus, notre entreprise étant en procédure de sauvegarde et les difficultés économiques que nous connaissons, ne nous permettent pas d'envisager la création d'aucun poste supplémentaire. Egalement, des recherches ont été effectuées au sein du Groupe EURO CRM et aucun des postes, préconisés par le médecin du travail, n'étaient disponibles. Nous vous confirmons donc que nous sommes dans l'incapacité de vous proposer un autre poste. Par conséquent, nous considérons que cette situation rend impossible le maintien de votre contrat de travail et constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement. Aussi, dans la mesure où vous êtes dans l'incapacité d'exécuter normalement votre travail pendant la durée de votre préavis de deux mois prévu par la convention collective, aucun salaire ne vous sera versé à ce titre. Votre licenciement sera effectif dès la première présentation de cette notification et vous ne ferez plus partie de nos effectifs … »

Qu'il ressort des éléments du dossier que Madame Y... s'est trouvée en arrêt maladie du 16 juillet 2007 au 19 octobre 2009 pour des problèmes auditifs.

Attendu qu'il est constant que l'inaptitude définitive de Mme Y... à reprendre son poste de travail dans l'entreprise a été prononcée par le Médecin du travail, conformément aux exigences du double examen médical prévu à l'article R 4624-31 du code du travail.

Que les avis établis par le médecin du travail en date des 4 et 23 novembre 2009 mentionnent « visites supplémentaires » et non reprise après accident du travail.
Que la salariée était en longue maladie depuis juillet 2007, a perçu des indemnités journalières pour cause de maladie (cf bulletins de salaire), a bénéficié du maintien de son salaire à 100 % pour cause de maladie et non les avantages prévus par la législation relative aux risques professionnels, durant son arrêt de travail.
Que les bulletins de salaire de Mme Y... mentionnent tous absence pour maladie et non absence pour accident du travail. Attendu que la salariée le reconnait elle-même dans une lettre du 21 octobre 2009 adressée à Mesdames F... et A..., leur annonçant sa reprise après un arrêt de travail pour cause de maladie ;

Attendu que dès lors, seules les règles de la procédure d'inaptitude consécutive à une maladie non professionnelle doivent trouver à s'appliquer et non les articles L. 1226-10 et suivants du code du travail invoqués dans les écritures de Madame Y... ; Que l'employeur n'avait donc pas à prendre en compte l'avis des délégués du personnel préalablement à l'ouverture de la procédure de licenciement et après la deuxième visite du médecin du travail.

Que Mme Y... ne peut dès lors, invoquer la carence de l'employeur en matière de consultation obligatoire des délégués du personnel et ne peut prétendre à l'indemnité prévue à l'article L. 1226-15 du code du travail.
Attendu que le salarié inapte en conséquence d'une maladie non professionnelle bénéficie d'un droit à reclassement prévu à l'article l. 1226-2 du code du travail et l'employeur ne peut prononcer le licenciement que s'il justifie soit de l'impossibilité du reclassement, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé.
Attendu que l'avis d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de rechercher une possibilité de reclassement du salarié, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail.
Qu'en l'espèce, Madame Y... était inapte à son poste de chargé de clientèle mais pouvait occuper un poste de commercial ou d'administratif ;
Qu'en l'espèce, la société EURO CRM CARAIBES justifie avoir recherché après la deuxième visite de la médecine du travail, soit par lettre recommandée du 23 novembre 2009 adressée à la société EURO CRM France, une recherche de poste pour Madame Y... et s'être vue opposer un refus pour absence de poste disponible correspondant à sa qualification et son état de santé notamment par mails du 27 novembre 2009 et par lettres de la société EURO CRM France du 27 novembre 2009 et du 1er décembre 2009 ;
Attendu que l'employeur justifie de l'impossibilité de reclassement également par son activité à savoir un centre d'appels téléphoniques ou call center, constitué essentiellement de postes de travail téléphoniques et de télé-opérateurs destiné à des opérations de télé-marketing ;
Que l'impossibilité de reclassement parmi les emplois disponibles est avérée nonobstant la recherche effective de l'employeur et l'employeur, en sauvegarde de justice, ne pouvait en outre créer un poste pour Madame Y... ou imposer à un autre salarié une modification de son contrat de travail pour le proposer en reclassement à cette dernière ;
Qu'en conséquence, il y a donc lieu, confirmant la décision entreprise, de débouter Madame Y... de toutes ses demandes indemnitaires liées à un défaut de reclassement ;
Sur l'obligation de sécurité
Attendu qu'il est constant que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité ; Qu'en l'espèce, Madame Y... reproche à son employeur d'avoir failli à son obligation de sécurité en ayant exposé ses salariés, dont elle faisait partie, à des conditions de travail hautement dangereuses pour leur santé, notamment en les exposant à la poussière, aux scories à cause d'un système de climatisation et d'aération défectueux, en les exposant au bruit ambiant et à un niveau sonore des casques trop important, et sans mettre en place le document unique d'évaluation des risques, pourtant obligatoire ; Attendu qu'elle ajoute qu'elle a été empêchée d'exercer son droit de retrait en contravention avec les dispositions de l'article L. 4131-1 du code du travail ;

Attendu cependant que Madame Y... invoque à tort la faute inexcusable de l'employeur à l'origine de sa maladie alors que celle-ci n'ayant pas le caractère de maladie professionnelle, la salariée ne peut exercer une action en réparation sur ce fondement, le contentieux de la faute inexcusable relevant exclusivement de la juridiction de sécurité sociale ;
Attendu qu'en revanche, le salarié dont l'affection n'est pas prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail ou les maladies professionnelles, peut engager une action contre son employeur sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile contractuelle ; Attendu que l'employeur sans s'expliquer sur ces griefs, conteste avoir manqué à ses obligations en matière de prévention des risques, faisant valoir qu'il a notamment fait réaliser des expertises sur la qualité de l'air dans les locaux de l'entreprise ; Qu'un rapport de M. Joël G..., expert judiciaire, en date du 30 août 2005, est versé au dossier, cet expert ayant été chargé d'établir un diagnostic du système de climatisation, et ce dernier conclut qu'il existe dans les locaux de la société CCA WEST, une surcharge de particules qui peut avoir provoqué des réactions au niveau des voies respiratoires et des yeux, lesquelles sont concentrées par l'intermédiaire du système de climatisation mal entretenu et que des accumulations de poussière sont observables à l'œil nu sur les bouches de ventilation de la climatisation ; Attendu que l'expert a préconisé des mesures pour permettre une meilleure circulation de l'air dans les locaux mais a ajouté qu'il existait d'autres facteurs externes ayant entraîné les problèmes de santé du personnel ; Que de même, le médecin du travail dans une lettre du 11 mai 2006 adressée aux membres du CHSCT et du Comité d'entreprise de la société CCA WEST, insistait sur les mises aux normes nécessaires en matière d'éclairage, d'installations sanitaires, de système de climatisation performant et fustigeait un problème d'exiguïté des locaux ; Attendu qu'une demande de droit de retrait en date du 10 septembre 2005 formulée par la salariée a été refusée par sa hiérarchie le jour même ; Attendu que Madame Y... a alerté l'employeur à de multiples reprises sur les conditions de travail dangereuses du personnel et la responsable du personnel a reconnu notamment le 19 mai 2006 le mauvais fonctionnement de la climatisation des locaux ; Attendu que Madame Y... fait valoir que ses troubles auditifs, maux de tête, troubles du sommeil, troubles dépressifs et autres trouvent leur origine dans l'organisation et les conditions de travail dans le centre d'appel ; Qu'elle verse au dossier des certificats médicaux qui lui ont été délivrés durant l'exécution du contrat de travail : Dr H... 29/ 11/ 2003 : allergie, douleurs oculaires, Dr I... 11/ 12/ 2004 : cervicalgies, Dr J... 6/ 07/ 2005 : céphalées, cervicalgies, troubles du sommeil, névralgies d'Arnold, Dr H... 2/ 12/ 2005 : allergies, Dr K... 18/ 01/ 2006 : migraines très invalidantes déclenchées par le bruit et les stimulations lumineuses ;

Qu'en effet, le bruit (casques et environnement), l'exigüité des espaces de travail, le travail statique (luminosité, postures), température et hygrométrie ambiantes inadéquates constituaient des conditions de travail difficiles ;
Que l'employeur doit s'inscrire dans une démarche de prévention en évaluant les risques professionnels lui permettant d'identifier les facteurs de risques à traiter en priorité par l'entreprise et la retranscription de cet état des lieux dans le document unique doit lui permettre d'élaborer un plan de prévention approprié aux risques identifiés, y compris les aspects psychosociaux ; Attendu qu'en l'espèce, l'employeur ne justifie pas avoir retranscrit lesdits risques, ni pris des mesures de prévention en découlant alors que des signaux d'alarme lui ont été donnés tant par l'ensemble du personnel que par le CHSCT et le médecin du travail ;

Qu'il a ainsi violé les dispositions de l'article L. 4121-3 du code du travail, alors que cette obligation légale est punissable d'une amende ;
Que la carence de l'employeur dans l'établissement du document unique d'évaluation des risques permet aux salariés d'obtenir devant les juridictions des dommages et intérêts ;
Qu'il résulte de l'ensemble des éléments susmentionnés que l'employeur a engagé sa responsabilité civile de par ses manquements à son obligation de sécurité et violation de ses obligations légales en la matière et a causé nécessairement un préjudice à Madame Y... France, sa salariée ; Que cette dernière sollicite une expertise médicale pour déterminer l'étendue de ses préjudices mais ne produit aucun document médical faisant état de séquelles durables ou d'incapacité permanente à chiffrer ; Qu'il y a donc lieu de rejeter sa demande d'expertise et de provision y afférente ; Attendu qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Qu'aux termes de l'article susvisé et de l'article L 1154-1 du code du travail, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Attendu que Madame Y... invoque des faits de harcèlement à son encontre notamment dans le refus par l'employeur de lui permettre d'exercer son droit de retrait lorsqu'elle rencontrait des difficultés trop importantes pour exercer son travail, avec répercussions sur son état de santé ainsi qu'il a été dit ;

Attendu que l'employeur ne s'en explique pas et dès lors, la salariée en a nécessairement subi un préjudice moral ;
Que dès lors, ainsi que l'a relevé le premier juge, la cour dispose d'éléments suffisants d'appréciation du préjudice de Madame Y..., tant dans ses composantes physiques, psychologiques que morales ; Qu'il convient de chiffrer son préjudice global à la somme de 20. 000 € et de condamner la société EURO CRM CARAIBES, seul employeur de la salariée, au paiement de ladite somme, réformant le jugement de ce chef ;

Qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au seul profit de la salariée et rectifiant l'erreur matérielle contenue dans le jugement, de lui allouer de ce chef une somme de 2. 500 € à ce titre ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Réforme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Condamne la société SASU EURO CRM CARAÏBES à payer à Madame France Y... une somme de 20. 000 € à titre de dommages et intérêts et une somme de 2. 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Rejette toute autre demande.
Condamne la société SASU EURO CRM CARAÏBES aux entiers dépens de l'instance.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14/01252
Date de la décision : 03/10/2016
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2016-10-03;14.01252 ?
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